§3 Il faut qu'elle abolisse cet être-autre qui est le sien ; ce qui est l'abolition du premier double sens, et donc soi-même un second double sens :
1) elle doit aller abolir l'autre essence autonome pour parvenir à la certitude de soi comme étant l'essence
2) elle va ainsi s'abolir elle-même puisque cet autre, c'est elle-même.
La progression entre le §2 et le §3 dans ce jeu de négation et de "dépassements" n'apparaît peut-être pas très clairement
Le premier double sens séparait deux contradictions :
(1) La Conscience de soi a nié son soi en s'affirmant dans l'autre essence,
(2) elle a aboli l'autre en ne voyant en elle que soi-même.
Le second double sens réunit ce mouvement de "l'abolition" ou suppression dialectique :
(1') La Conscience de soi a aboli l'autre essence pour affirmer son soi ;
(2') elle s'est abolie elle-même.
J'ai du mal à comprendre en quoi il y a un mouvement si ce n'est dans une sorte de balancement. (1) n'est-il pas équivalent à (2') et (2) à (1') ? Ou si l'on préfère (1) conduit à (1') via (2), et symétriquement (2) conduit à (2') via (1) ?
L'idée en tout cas parvient au même point qui est que le progrès vers une autre Conscience n'est pas encore accompli. La Conscience ne reconnaît pas encore l'Autre dans son autonomie et dans son altérité. Elle ne projette en l'autre qu'un contradictoire "être-autre qui est le sien".
Elle cherche encore les traces d'une autre perspective que la sienne mais elle la réduit immédiatement à la sienne et n'a donc pu ni conserver vraiment son autonomie ni encore admettre celle d'un autre point de vue. Ce moment semble donc complètement négatif comme auto-suppression et suppression aussi de l'autre.
Ce début du mouvement est donc assez long avant de réussir à sortir de soi et parvenir à une rencontre d'un autre sujet. Pour l'instant, la Conscience de soi semble encore être dans une galerie de miroirs et d'illusions, où elle pourchasse sa propre ombre. Elle veut être reconnue mais sans encore reconnaître vraiment l'autre en tant qu'autre.
Illustration dans Superman III, où le surhumain Kal-El rejette si violemment son masque de Clark Kent, qui est à la fois son "sur-moi" humain et son désir de normalité, qu'ils se dédoublent pour chercher à se battre l'un contre l'autre.
Merci pour cette série en tous cas (heureusement qu'il y a la traduction et les illustrations, parce que le Hegel tout seul a l'air bien aride, ça ne fait pas envie...).
RépondreSupprimerMerci. Je crains de ne pas toujours rendre raison du détail de la dialectique mais cela va devenir un peu plus amusant à partir du §11-§12 quand arrive vraiment la lutte à mort entre le Seigneur et le Serviteur. Là la figure abstraite Sujet-Objet peut un peu s'incarner dans une sorte de "drame" qui est devenu célèbre parce qu'il est si facile à appliquer sur des interactions quotidiennes ou sur des oppositions historiques.
RépondreSupprimerHegel est quasiment, je trouve, ce qu'il y a de plus difficile (en dehors des difficultés plus "objectives", en sciences) parce qu'il a créé une nouvelle langue et parce que fondamentalement, sa thèse que la réalité est intrinsèquement contradictoire a quelque chose d'inadmissible et d'incompréhensible.
Toute la philosophie explique et surmonte les contradictions par de nouvelles distinctions à faire (par exemple Aristote explique les contradictions du devenir par la distinction de la substance et de l'accident, Kant explique les antinomies par une distinction entre apparence et chose en soi) alors que Hegel place le contradictoire au sein même de l'absolu.