Ce sont enfin les vacances, ce qui signifie à nouveau 120 copies à corriger. C'est donc le parfait moment pour procrastiner en survolant les derniers achats de comics US.
Le défi serait de réussir à écrire ces brève recensions sans revenir encore une fois sur la temporalité en boucle figée des comics. Il faudrait éviter tout ce ton geignard et réactionnaire qui fantasme un passé glorieux des comics qui n'a en fait jamais existé.
Autant détruire le suspense tout de suite : c'était de la prétérition, je ne vais même pas tenter d'échapper à cette vieille rengaine.
- Adventure Comics #513
Normalement, le vrai intérêt de cette série devrait être la Légion des Superhéros mais à présent le titre est complètement absorbé par un cross-over entre les comics de Superman et Superboy intitulée "New Krypton". Je n'ai rien suivi de tout cela, et je n'ai donc strictement rien compris. Cela ne me donne pas vraiment envie de combler mes lacunes. En gros, les survivants de Kandor ont dû retrouver leur taille normale et arrivent sur Terre. Toute la famille Superman (ainsi qu'une partie de la Légion) doit lutter contre Brainiac I et des criminels Kryptoniens de la Zone Fantôme. Le père de Lois Lane est le pire beau-père du monde, un abruti fascisant qui veut tuer des Kryptoniens. Ces Kryptoniens ressemblent à nouveau un peu à la version dystopique de John Byrne (avec des castes génétiques rigides) et plus à la version plus Silver Age qu'on avait vu récemment dans Superman: Birthright de Mark Waid.
On remarquera les oscillations contradictoires habituelles de DC : ils insistent pendant des années sur le dogme sacro-saint que Superman doit toujours rester le seul survivant de Krypton et ils acceptent soudain des centaines de milliers de Kryptoniens supplémentaires. Jamais de demi-mesures dans l'incohérence. DC est la narration à la Pénélope : ils défont chaque jour ce qu'ils ont établi la veille.
- Blackest Night #8/8
La conclusion du cross-over à travers l'univers DC. Certaines scènes sont horriblement mauvaises, comme celle où Hal Jordan enrôle tous ses amis dans le Corps des Lanternes Blanches. On croirait presque une parodie infantile du Genre avec le Gentil en Blanc et le Méchant en Noir.
Nekron est donc vaincu et l'Anti-Monitor ressuscité pour être envoyé vers un cross-over futur.
L'histoire se termine avec 12 résurrections qui paraissent complètement arbitraires : Aquaman (tué pour la énième fois dans Aquaman: Sword of Atlantis #50, 2007), Captain Boomerang (tué par le père de Robin III dans Identity Crisis #5, 2004), Deadman (mort depuis sa première apparition dans Strange Adventures #205, 1967), Firestorm (Ronnie Raymond avait été tué dans Identity Crisis #5, comme Captain Boomerang), Hawk (tué par Atom-Smasher dans JSA #15, 2000), Hawkman & Hawkgirl (qui venaient d'être assassinés par des zombies dans Blackest Night #1, 2009), Jade (tuée pendant Rann-Thanagar War Infinite Crisis Special, 2006), Martian Manhunter (tué dans Final Crisis #1, 2006), Maxwell Lord (tué dans Wonder Woman vol. 2, #219, 2006), Osiris (assassiné par Sobek dans 52 #43, 2007) et Professor Zoom (tué par Barry Allen une première fois dans Flash (vol.1) #324, 1983).
Comme on le remarque, la majorité de ces personnages ont eu à peine le temps d'exhaler leur dernier souffle depuis les derniers cross-overs de 2006 à 2009. On ne laisse même plus le temps à leur tombe de fleurir un peu (surtout que Geoff Johns vient d'envoyer le signe que plus personne n'aurait droit droit à une mort digne avec le retour de Barry "Tout le Monde Reviendra Sauf Moi" Allen). Même une relative obscurité (Captain... Boomerang ???) n'est plus un critère suffisant pour être épargné de la Grande Porte Tournante de l'Hadès.
Comme je l'avais dit lors des dernières reviews, cela occasionne une sorte d'ironie involontaire dès que quelqu'un porte le deuil dans l'Univers DC : on se dit que les habitants de cet univers ne savent pas faire d'inductions s'ils regrettent un décès qui ne va durer que quelques épisodes.
Oh, ça y est, mes plaintes deviennent aussi récurrentes que ces vies clignotantes. - Brightest Day #0
La suite immédiate de Blackest Night tente de trouver une justification à ces 12 résurrections arbitraires. C'est ce type de scénario qui insiste sur une incohérence en semblant croire que cette lucidité va finir par l'atténuer. Cette histoire est un symptôme d'un passage à vide dans les récits de DC Comics.
Non, soyons positif. Deadman vivant, c'est un oxymore qui dénonce bien sa propre absurdité. Peut-être pas assez pour justifier qu'il soit le narrateur.
- Flash (vol. 3) #1
Geoff Johns essaye à nouveau la même formule qui a fonctionné avec Green Lantern : relancer une série vieillissante en revenant vers la version de l'Âge d'Argent des années 60. Hormis le dessin légèrement mangaoïde de Francis Manapul, il y a pour l'instant peu de choses qui distingueraient vraiment ce numéro d'une histoire classique de Cary Bates et Carmine Infantino dans les années 60, avec la relation avec son épouse Iris et les Rogues de Central City. La recréation de Green Lantern avait beaucoup plagié Top Gun, cette fois, Johns peut parasiter une source plus à la mode, CSI comme Barry Allen travaille pour la Police scientifique. Tant que Barry Allen ne devient pas un tueur en série comme Dexter...
- Great Ten #6/10
Cette mini-série sur les superhéros chinois est plutôt une bonne surprise. L'histoire de Tony Bedard (où les pseudo-Dieux extraterrestres se retrouvent liés à la pègre taiwanaise) a des faiblesses, les dessins de McDaniel sont supehyperrmoches, mais les personnages (créés par Grant Morrison) donnent envie d'en savoir plus sur eux (la série n'étant en réalité qu'une longue publicité pour les présenter).
Ici, Ghost Fox Killer est une imitation chinoise du Spectre ou de personnages des Pulps mais elle lie les fantômes des gangsters qu'elle exécute pour protéger une Cité de jade extra-dimensionnelle. Cela fait beaucoup d'idées (même si on sait qu'on ne reverra quasiment plus jamais ces personnages).
- Wonder Woman (vol.3) #42
Green Lantern doit faire vendre en ce moment, à en croire la couverture légèrement trompeuse (les Lanternes ne font que passer).
Wonder Woman affronte une invasion d'amazones extra-terrestres génocidaires qui ont absorbé la technologie Oanne (et qui semblent moins intéressantes que les Amazones vues récemment dans Hercules).
Cela fait maintenant 28 numéros écrits par Gail Simone et je ne me souviens pas d'une histoire digne d'être relue. Cela donne assez de recul pour émettre l'hypothèse que la scénariste ne laissera pas beaucoup de traces dans la mythologie WW. J. Michael Straczynski arrive pour reprendre le titre et il a déjà annoncé qu'il allait "revenir aux fondamentaux" (ce qui laisse craindre simplement qu'il va à nouveau comme chaque scénariste effacer tout le travail précédent). La série va reprendre la numérotation originale en Mai avec le #600 (en même temps que Superman #700 et Batman #700).
- Project Superpowers, Chapter II
Le chapitre I de la série d'Alex Ross & Jim Krueger avait réuni des douzaines de personnages des années 40 tombés dans le domaine public. [Contrairement à ce que je pensais, cela n'arrivera probablement jamais aux héros qui continuent d'être publiés (cf. cette explication).] La première partie avait donné une origine commune métaphorique aux héros : la Boîte de Pandore ouverte par Hitler avait laissé l'Espérance en même temps que les calamités entrer dans le monde et tous ces héros en devenaient des Avatars. Ils revenaient 60 ans après dans un monde devenu despotique en leur absence. Le second chapitre a un peu surmonté ce manichéisme en ajoutant un nouvel ennemi, Captain Future, alias le Dieu Zeus, bien décidé à reprendre le "Feu Céleste" prométhéen qui a alimenté leurs pouvoirs. Cela contraint les héros à pactiser avec leurs ennemis contre l'Olympien. En revanche, la vision de Zeus en obsédé sexuel primaire me paraît un peu simplificatrice. Zeus a certes une libido hors du commun mais peut-être pas quand même au point que cela puisse lui faire perdre sa concentration lorsqu'il est en danger.
- Supergod #3
Ecrit par le très surévalué Warren Ellis. L'Humanité a créé des Dieux synthétiques, qui font des sermons plagiés de Richard Dawkins sur l'origine cognitive du divin, et les Dieux se mettent à massacrer toute l'Humanité. Le discours pseudo-anthopologique n'est donc qu'un prétexte de plus pour une violence gratuite de Gore SF. On a aussi droit à quelques passages qui se veulent profonds sur l'évolution de la politique russe mais qui ne s'élèvent pas au-dessus des clichés habituels tout en prétendant être subversifs.
Le simple fait de savoir qu'aucune loi au monde ne me contraint à lire du Warren Ellis est une sorte de cadeau merveilleux de cette vie. S'infliger du Ellis c'est un peu comme être à une de ces soirées cauchemardesques où un jeune chébran insupportable vous explique à quel point il adoooore Gilles Deleuze en l'ayant seulement feuilleté. Ca justifie aussitôt la ciguë, non ?
- Savage Dragon #159
La grande réussite de cette série est d'être arrivé à un point extrêmement rare dans les comics de superhéros : on ne devine pas vraiment la suite. Le Dragon était un héros immortel grâce à ses pouvoirs de régénération dignes de Wolverine. On avait eu droit de multiples fois à son décès avorté. Mais à présent, il a trop bien régénéré. Il a retrouvé la mémoire et revenu à ses origines secrètes (dans Savage Dragon #0) : le Dragon était un tyran extraterrestre cruel avant de devenir amnésique et de refaire sa vie sur Terre comme un policier humaniste (son cerveau étant de toute évidence plastique et un argument pour le primat de l'acquis dans la conscience morale). On a donc le cas rare d'un héros qui ne tombe pas dans le Côté Obscur : il découvre qu'il était un supervilain depuis le début.
- The Wheel of Time #1
Il y a de bonnes manières d'adapter un roman en bd. Et il y a cela, verbeux, inutile, ennuyeux, un bon exemple de tout ce qu'il ne faut pas faire. Le premier volume de la série est de toute manière l'un des plus mauvais de la myriadologie de Robert Jordan (cela s'améliore dans les volumes 2-4 avant de devenir illisible dans les volumes 5-1345678). Je conseille donc d'attendre à la rigueur qu'ils adaptent les volumes suivants s'ils y arrivent.
Les diverses filles se ressemblent déjà un peu et il y en a beaucoup dans la série. Cela deviendra vraiment difficile à interpréter quand elles seront toutes habillées en novices Aes Sedai.
- Mighty Avengers #35
Maintenant que les séries spatiales d'Abnett & Lanning (comme Guardians of the Galaxy) s'arrêtent, il reste encore le scénaristes Dan Slott chez Marvel. C'est toujours très inventif mais difficile à suivre. "Difficile" est un euphémisme pour "je n'ai aucune idée du nombre d'épisodes que j'ai dû rater". Henry Pym flirte toujours avec son androïde Jocasta, imitation de sa femme défunte Janet, et Ultron revient avec tout un essaim de Jocastas à ses ordres. Oui, on a déjà eu droit cent fois à ce genre d'histoires oedipiennes mais Slott lui donne quand même un ton nouveau.
Du même Ellis, vous n'avez pas apprécié Transmetropolitan?
RépondreSupprimer"le très surévalué Warren Ellis."
RépondreSupprimerBon, ce n'est pas Alan Moore, mais c'est loin, très loin d'être un mauvais quand-même. Planetary, Transmetropolitan, ça se relit. Son Iron Man Extremis, d'un canevas assez classique, n'était pas mal torché non plus.
(Un avis défavorable sur Mark Millar tant qu'on y est ? Je tiens son 1985 pour un très bon livre.)
P.S. : Tu as déjà jeté un œil sur le blog de Warren Ellis ? http://www.warrenellis.com/
Hors sujet : Aaah... La correction des copies.... http://sfadj.com/corriger-des-copies-un-plaisir
RépondreSupprimerEuh... C'est encore moi...
RépondreSupprimerJe reviens sur Ellis. (oui, ça fait un peu beaucoup, peut-être commences-tu à te crisper un tantinet).
J'ai l'impression que tu le vois comme une sorte d'équivalent de Maurice G. Dantec. Ce qui ne serait pas complètement à côté de la plaque à ceci-près qu'Ellis :
- ne pond pas des pavés de 800 pages chez Gallimard pour nous annoncer sans rire l'apocalypse. (Il n'a pas l'air dépourvu, lui, d'un peu de sens de l'humour et de recul.)
- se montre capable de modérer ou d'orienter ses théories aussi fumeuses qu'enfumées pour trousser un récit lisible. (il n'a pas l'air dépourvu, lui, d'un peu de sens de la narration.)
Ces deux réserves forment à elles seules une montagne de différences entre eux.
Et j'arrête sur Warren !
Je conseille l'interview de Maurice Dantec sur fluctuat, elle permet de bien cerner le personnage- Tremble, Occident, les Sarrasins sont à tes portes!
RépondreSupprimerEt je vais probablement provoquer la colère du possesseur des lieux mais c'est Alan Moore qui est à mon sens incroyablement surévalué. J'aime beaucoup ses titres et il a su apporté une hauteur appréciable au comics, mais le bonhomme est médiocre pour raconter les histoires. Les personnages s'effacent derrière leur signification et manquent de consistance, la narration est parfois lourde, bien qu'elle ne manque jamais de style. Je lui reproche surtout son symbolisme exacerbé qui finit par étouffer la lecture. Alan Moore est parcouru d'idées brillantes et d'univers incroyables, mais il peine à les déployer correctement. Voilà, ça manque de viscéralité.
Ellis est moins profond mais son style est plus percutant et il n'en est pas moins original.
Vous ne l'avez pas encore évoqué, donc je voulais vous faire part du travail de RUN, dessinateur français de comics eux aussi francophones. Il est à l'origine de la série Mutafukaz, un des mélanges les plus innovants et les plus explosants sur lequel j'ai mis la main. Plus proche du comics que de la bd, donc, il y ajoute l'influence de la SF de l'âge d'or, du catch mexicain, du manga, ou la culture hip hop. La narration est dynamique, le graphisme se tort sans cesse, la lecture est agréable. Cela pourrait vous plaire.
Bah le maître des lieux est sibyllin au point de répondre par le silence: quel présage se trouve là ? nul ne le sait, chacun tremble.
RépondreSupprimerPeut-être que le maître des lieux est un peu navré qu'après des années à tenter de faire découvrir le riche univers des comics les commentateurs ne réagissent en masse qu'à propos d'une de ses figures les plus voyantes (la notoriété d'Ellis dépasse de beaucoup le cercle des connaisseurs) mais selon lui les moins intéressantes.
RépondreSupprimerUn peu comme un caviste plongeant son visage dans ses mains quand pour la énième fois on vient lui demander s'il a du Baron de Lestac.
Si tel est le cas, je suis désolé d'avoir participé à son accablement.
Damned ! Il s'est fait racheté à grands coups de Yuans dévalués.
RépondreSupprimerDamned ! "Racheter" pas "racheté".
RépondreSupprimer(L'émotion, tout ça...)
Un article intéressant sur les conséquences malheureuses du retour à l'Âge d'argent chez DC :
RépondreSupprimerhttp://www.comicsalliance.com/2010/05/06/the-racial-politics-of-regressive-storytelling/
"Blackest Night 8": je proteste aussi, trop de résurrections tuent la résurrection! Qui veut vraiment revoir Maxwell Lord?? A moins qu'ils ne nous la fassent comme chez (feu) Phillip José Farmer (in Le Fleuve de l'Eternité) avec un Gœring devenu, after death et retour, un gentil Pasteur…
RépondreSupprimerDans l'espoir, sans-doute un peu vain, de réveiller le taulier, un peu de musique.
RépondreSupprimerMarvel vs DC Comics, the musical: http://www.youtube.com/watch?v=IyPh8aIdR-4&feature=player_embedded
Désolé pour ce long silence et pour quelques Commentaires qui semblent avoir été effacés par mégarde.
RépondreSupprimerNon, il n'y avait aucun refus de dialoguer sur Warren Ellis. Mes commentaires à son égard sont un peu faciles et excessifs. Je n'ai jamais essayé Transmetropolitan et j'ai bien aimé Agents of F.E.A.R. Je crois que je lui en veux inconsciemment parce qu'il y a une douzaine d'années il avait été chargé par Marvel de fermer l'univers Malibu que je suivais. Mais il n'est pas aussi taré que Dantec.
Mark Millar, j'ai vraiment du mal avec son auto-caricature (Ultimates me paraît presque illisible). Pourtant, j'aimais bien ses débuts chez DC (avec son ami et compatriote écossais Grant Morrison) et Vertigo (son Swamp Thing par exemple).
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