mardi 21 septembre 2010

Le Moi à sa fenêtre



Une recension claire et caustique du dernier livre du Heideggeriano-catho Vincent Carraud, L'invention du Moi, PUF, 210 (thèse : seul Blaise Pascal aurait pensé ce Moi introuvable au-delà de la réduction métaphysique à une substance, personne avant et personne après).

J'ai de l'admiration pour le critique audacieux (qui n'est pas anonyme, lui contrairement à certains tristes sires sur l'Internet) quand on connaît la puissance institutionnelle et le sens de l'humilité de l'auteur. Les passages sur Heidegger sont peut-être un peu trop allusifs.

Et comme le critique, j'ai du mal à comprendre ce type d'histoire philosophique érudite qui repose sur une téléologie heideggerienne avec l'Histoire de l'Oubli de l'Être comme Ontothéologie. La stratégie fut développée en France par Jean-Luc Marion sur Descartes, et permet de faire de l'exégèse scolaire tout en prétendant parler du destin de la métaphysique même. Il suffit de déceler des Evénements dans l'Histoire de l'Être (ici, l'invention du Moi) et la glose devient Dévoilement oraculaire. Mais je suis quand même curieux de comprendre le débat entre Balibar (qui datait - comme les Anglo-Saxons - la vraie invention de la Conscience de John Locke) ou De Libéra (chez qui il y avait aussi une tendance historiciste à ne faire apparaître de nombreux concepts qu'on croit bien-connus seulement de couches récentes de la sédimentation).

Par ailleurs, je pense que Mme Penchard devrait cesser d'arraisonner l'Être de l'étant-Outre-Mer d'une manière inauthentique sous une maîtrise technique de la disponibilité-sous-la-main.

11 commentaires:

  1. "La stratégie fut développée en France par Jean-Luc Marion sur Descartes, et permet de faire de l'exégèse scolaire tout en prétendant parler du destin de la métaphysique même."

    Il arrive à Marion de présenter les choses de manière plus modeste. Dans l'entretien avec Janicaud (dans le 2e tome de Heidegger en France) il a une formule qui m'avait frappé : "soyons un peu popperiens en histoire de la métaphysique".

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  2. Dans l'entretien (qui joue bien l'humilité), Marion se présente même comme finalement "non-Heideggerien" par rapport aux vrais intégristes comme Beaufret et Fédier. (Mais même s'il critique l'idée que la métaphysique a pour destin la technique, il garde l'idée de Fin de la métaphysique.)

    Et en effet, il dit que sa méthode n'est pas simplement de développer l'histoire de l'onto-théologie mais de vérifier les limites plus précises de ce qu'on appelle l'onto-théologie en essayant de voir ce qui ne marche pas ou les failles.

    Mais en même temps, est-ce vraiment ce qu'il fait ? Il dit bien que son école des "Marionnettes" (Boulnois sur Duns Scot, Carraud sur Pascal, Bardout sur Malebranche) devaient vérifier dans le détail les intuitions lancées par Heidegger sur l'histoire de la métaphysique (notamment depuis son Nietzsche qui a l'embryon de l'histoire de la métaphysique).

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  3. Je pense qu'il est effectivement moins dogmatique que les heideggeriens purs et durs
    (en tous cas en tant que prof il avait l'air moins étouffant que le pur heideggerien que j'avais eu comme prof de khâgne).

    Pourquoi école de marionnettes?

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  4. La philosophie discipline favorisant la prétention intellectualiste et l'arrogance élitiste particulièrement répondue chez les élites et les bourgeois.

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  5. cher anonyme
    Etes vous la même personne que le fan d'A.G. Slama quelques articles plus bas?

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  6. Non le fan d'AG Slama c'est piteusement moi et je n'ai d'autre prévention contre la philosophie qu'une paresse phénoménale.

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  7. > Elias
    "Marionnettes", c'était juste un jeu de mot pas terrible sur le nom du gourou des Catho-Heideggeriens.

    C'est trop facile et réducteur mais j'étais de mauvaise foi (surtout que je crois qu'il y a une sorte d'usage minimal de Heidegger pour l'histoire de la philo : il permet au moins d'éviter un évolutionnisme naïf où les Anciens seraient nécessairement lus scomme un stade puéril de la pensée).

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  8. arf! désolé d'avoir raté le jeu de mots.

    "je crois qu'il y a une sorte d'usage minimal de Heidegger pour l'histoire de la philo : il permet au moins d'éviter un évolutionnisme naïf où les Anciens seraient nécessairement lus comme un stade puéril de la pensée"
    oui, mais le problème c'est qu'Heidegger lui-même n'y va pas de main morte quand il s'agit de tordre le bâton dans l'autre sens.

    Sinon, pour revenir sur Marion, je pense qu'il y a des chose à tirer des travaux de son école (par exemple le débat avec l'interprétation de Balibar que vous évoquez) , alors que l'intérêt de ses écrits sur la donation m'échappe complètement.

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  9. correction
    je parle bien sûr des travaux de son école en histoire de la philo.

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  10. Oui, Heidegger inverse la lecture évolutionniste en "terrorisme" et il est surtout pénible sur les Présocratiques, où la violence interprétative va le plus loin (par exemple sa "traduction" incompréhensible d'Anaximandre ou son dogme bizarre qu'il y aurait en fait identité de pensée entre Héraclite et Parménide).

    Mais sur Platon ou Aristote, il peut au moins nous "défamiliariser" pour qu'on s'étonne à nouveau des décisions initiales de la philosophie.

    Sur l'oeuvre "phénoménologique" de Marion, je ne peux pas juger car je ne comprends pas non plus la phénoménologie lévinassienne qu'il reprend presque de manière parodique.

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