jeudi 6 janvier 2011

Fétichisme constitutionnel


Nos amis, les brillants nouveaux élus Républicains sont arrivés et ils vont commencer les réjouissances, comme lancer des commissions d'enquête sur Obama avec Darrell Issa, représentant de Californie, ou bien faire semblant de repousser l'Affordable Care Act, rebaptisé "Job-Killing Health Care Law", même si cela ne passera pas ensuite au Sénat.

Bob Goodlatte n'est pas un nouvel élu mais il a un nom infortuné pour un Républicain comme le café latte est censé être le symbole des élites mondialisées athées socialistes des deux Côtes. C'est sans doute pourquoi ce représentant de Virginie, qui joue à prétendre qu'il ignore où est vraiment né Obama (il a déposé un projet exigeant que les candidats rendent public leur certificat de naissance intégral), a aussi proposé de commencer la législature du 112e Congrès des Etats-Unis par une lecture complète à voix haute de toute la Constitution américaine en séance.

Cela devrait montrer au TEA Party que les Républicains ont la preuve dans un des articles (c'est... heu... quelque part vers la fin) que les Pères Fondateurs s'ils revenaient à l'état de zombies voteraient à l'unanimité contre toute couverture universelle.

Un Député d'une République a assurément raison d'inventer un nouveau rituel formaliste pour dire qu'il suivra les Lois, ou même qu'il croit ainsi impliquer que ses collègues et prédécesseurs ne connaissaient pas ces Lois. La Constitution était un garde-fou précaire contre le despotisme des majorités, elle devient une sorte de prétexte religieux pour justifier n'importe quelle démagogie.

Bien sûr, la plupart des Démocrates n'ont pas osé critiquer le geste ridicule, de crainte que leur objection soit ensuite citée hors contexte comme une opposition au Texte sacré (la Constitution précise d'ailleurs qu'ils auraient alors été lapidés pour blasphème, je crois). Ils ont donc demandé à partager la lecture des articles avec les Républicains en suivant l'initiave de Goodlatte.

Mais ensuite, tout a été encore plus ridicule.

Les Républicains, en héritiers si oublieux de Lincoln, se sont soudain rappelés de tous les articles de leur Texte Sacré qui sont délibérément esclavagistes (Article 1, Section 2, § 3 : chaque individu esclave comptera comme 3/5e d'être humain pour déterminer la population d'un Etat). Ils ont donc décidé de ne pas les lire, en retirant tout ce qui avait été modifié par la suite. Il ne s'agirait pas de laisser trop montrer à quel point ce texte du XVIIIe siècle a pu avoir quelques imperfections historiques et a eu besoin d'amendements. Ils ne sont "Originalistes" que lorsque cela leur convient.

Ensuite, Steve King, Représentant d'Iowa, a proposé une loi sur l'immigration mettant fin au Droit du Sol. Ce n'est sans doute qu'un détail si la loi est clairement anticonstitutionnelle puisque elle contredit directement un principe fondamental depuis le 14e Amendement (qui abolissait l'esclavage et accordait la citoyenneté à toute personne née sur le territoire américain). Ce sont des intégristes de la Constitution, sauf les parties qui les dérangent (il est vrai que c'est souvent le cas aussi des prétendus "fondamentalistes").

Enfin, lorsqu'un député (démocrate) parvint à lire l'Article II, Section 2 sur le fait qu'un Président devra être né aux USA, une invitée, folle du mouvement Birther qui nie la nationalité américaine d'Obama s'exclama publiquement : "Sauf Obama, sauf Obama, puisse Jésus venir à notre secours !". Elle fut sortie de la salle par le président de séance.

Après Joe Wilson (représentant républicain de la Caroline du Sud) qui avait hurlé au Congrès en plein Discours de l'Union qu'Obama était "un menteur" quand celui-ci disait que sa réforme de la santé ne toucherait pas les immigrés clandestins, la question de la nationalité concentre les hystéries américaines.

Add. On peut jouer aussi avec ce gadget du Washington Post pour visualiser quelques étapes du Texte Sacré.

Et ce site révèle ce que les Républicains vont lire à voix haute ensuite.

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