Cf. la (longue) description de Villains and Vigilantes dans la série sur les jeux de rôle de superhéros en 2009.
TL;DR : La grande différence entre V&V et la plupart des autres jeux de rôle de superhéros est que V&V créait le personnage entièrement de manière aléatoire, en tirant les superpouvoirs.
Dans V&V, on crée un personnage (qui est censé être son propre double sur la Terre parallèle de V&V) et on "découvre" ensuite ses pouvoirs sans les avoir vraiment choisis (même si en fait, il y a un peu de latitude pour interpréter et rendre cohérent le résultat du hasard), alors que dans la plupart des jeux issus du modèle de Champions, on doit partir d'un concept préalable et ensuite "construire" un personnage qui s'approche de ce concept (en répartissant divers points pour acheter des capacités qui simulent les pouvoirs que l'on désire).
V&V plonge le joueur dans la position du personnage dans le monde, comme un mutant qui reçoit ou subit ses pouvoirs comme un "fait". Champions a fait le pas nouveau de mettre le joueur en "co-metteur en scène" ou "co-scénariste" en vous faisant sélectionner et détailler les paramètres de ce que vous voulez jouer. La création de personnage dans V&V est un jeu en soi, un jeu arbitraire qui peut amuser par ses surprises (vous pouvez tomber sur un concept que vous n'auriez pas imaginé) mais la création dans Champions ressemble plus au character design fait avant d'inventer des histoires. Il faudra un autre jour raconter comment toute la tradition des jeux de superhéros est surtout partie de Champions pour arriver à faire des joueurs des co-metteurs en scène, bien avant que d'autres jeux n'introduisent explicitement le concept de contrôle collectif de la scène (on peut penser à With Great Power, un jeu indépendant où les joueurs sont successivement des éditeurs de l'histoire et non pas seulement un des personnages).
C'est le système et la philosophie de Champions qui l'a emporté, et de loin, même si la lignée de V&V existe toujours (notamment dans Heroes Unlimited, qui est une sorte de V&V encore bien plus détaillé). Je préfère, comme tout le courant "moderne", ce système de génération par "construction" mais V&V a aussi un certain charme absurde propre à tous les jeux Old-School, ce parfum gygaxien des tables de rencontre aléatoire qui demande d'improviser des explications ou des rationalisations à partir des combinaisons de coups de la fortune.
Depuis 1979, V&V était la propriété de la compagnie zombie FGU de Scott Bizar, qui ne veut pas laisser partir ses créations même si elle n'a plus d'argent pour vraiment les développer. FGU continue même 30 ans après à vendre V&V (2e édition), des PDF de ses vieux suppléments (et ils ont même quelques nouveaux suppléments !). V&V a en effet de nombreux scénarios et recueils de PNJs (le seul jeu de FGU d'ailleurs à avoir eu autant d'extensions).
Mais l'une des qualités de V&V vient notamment du fait que c'est un jeu qui a depuis longtemps attiré des dessinateurs, dont certains sont devenus professionnels dans les comics (par exemple Bill Willingham - qui fut dessinateur avant de devenir scénariste - ou Patrick Zircher) et qui a été co-créé d'ailleurs par un artiste, le très sympathique Jeff Dee. Dee n'avait jamais complètement abandonné son bébé V&V. Il en avait fait une autre version, Living Legends en 2005, qu'il considérait comme sa nouvelle version de ce qu'il aurait fait de V&V s'il en avait toujours possédé la marque.
Le problème est que Living Legends était bien en effet une rupture dans la rénovation, un jeu moderne. Cela horrifia donc les fans de V&V. En effet, LL ressemblait bien plus à une version particulière de Champions et non plus du tout à V&V. LL déplut donc aux fans de V&V comme trop complexe sans réussir à attirer les fans de Champions parce que Champions (surtout depuis son énorme 5e édition) est difficile à dépasser en précisions et options.
A l'été 2010, Jeff Dee a retrouvé le co-créateur de V&V, Jack Herman, et a refondé une nouvelle compagnie, Monkey House Games. Ils ont obtenu de FGU le droit de ressortir une édition révisée de V&V, baptisée V&V 2.1 (qui n'est, je crois, en gros que la version FGU mais avec de nouveaux dessins de Jeff Dee et quelques corrections minimales). Ils viennent d'annoncer une 3e édition qui resterait compatible avec la 2e (contrairement à LL).
Ils ont déjà sortis de nouveaux scénarios de Jack Herman et une des nouveautés est que Bill Willingham (qui commença comme scénariste de V&V avant de devenir le célèbre scénariste de Fables) va même reprendre ses vieilles aventures de FGU, Death-Duel with the Destroyers et The Island of Doctor Apocalypse en les intégrant dans ce qu'il appelle son Univers du Mont Pélion. J'ignore si Willingham peut y mettre aussi d'autres de ses créations (comme son vieux comic Elementals, qui venait de sa propre campagne V&V, ou bien sa série très sombre Pantheon, qui faisait un peu The Authority avant la lettre).
Ces retours font que le vieux système (passablement archaïque) de V&V (qui n'a donc pas changé depuis 1982) doit être celui qui reçoit le plus de nouveaux scénarios en dehors de la Renaissance Old-School liée à D&D.
eh ben, on en apprend des choses en te lisant...
RépondreSupprimerComplètement d'accord avec toi sur le système de création du personnage... tellement anachronique déjà en 1986 quand j'ai acheté la boîte...
Mais c'est vrai que je regrette souvent le côté totalement aléatoire de la création du PJ. Tu gère tes résultats et t'essaye de t'inventer une histoire, d'interpréter tes pouvoirs...
Mais ce genre d'analyse conceptuelle et de plaisir intellectuel que l'on peut avoir en 2000, est purement une gamberge d'ancien joueur nostalgique je pense...
Chais pas si je suis clair là... ?
Oui, c'est l'argument principal de l'Old School Renaissance en faveur de la création aléatoire : elle peut stimuler notre imagination en nous forçant à nous accomoder avec le résultat des dés.
RépondreSupprimerJ'aime bien un mélange : un peu de répartition pour avoir un peu le personnage qu'on veut (je déteste jouer un Voleur si je voulais vraiment jouer un Magicien) mais un peu de surprises (par exemple un tirage d'un "Lifepath" qui fait apprendre des choses sur les années de vie du personnage, ses ennemis ou ses expériences préalables.