Casus Belli n°4, juin 1981, 36 pages.
Une jolie couverture de Science-Fiction de Claude Lacroix (j'imagine qu'il s'agit du scénariste du Cycle de Cyann ?), mais ce vaisseau spatial est sans rapport avec les articles du numéro, qui restent D&D-centriques.
Devine qui vient dîner ce soir... continue la traduction de créatures de la revue britannique White Dwarf, avec le Gurgotch (un éléphant démoniaque, WD #14), le Contemplateur (Gazer, WD #14) et le Pstôr (un chien ailé loyal bon, je ne retrouve pas du tout le nom originel, est-ce le Devil Dog ?).
Mais ce numéro retourne surtout aux parodies du #1, et il a les caractéristiques du célèbre Gros Bill (8 dés de coup, CA -7), caricature d'un des joueurs d'AD&D du club de la Rue d'Ulm où jouaient François Marcela-Froideval et Didier Guiserix. Le Gros Bill (1) trichait en se donnant des bonus supplémentaires et (2) accumulait de manière immature des tas d'objets magiques pour monter en puissance. Le terme de grosbillisme me semble plus avoir porté sur ce second sens, même quand c'est fait sans tricher (ce qui revient donc au sens du terme anglais "Powergamer" et "Munchkin"). Le personnage sera réédité plusieurs fois, notamment dans Casus Belli n°25 et même des joueurs n'ayant jamais fait de D&D réutiliseront le nom (le malheureux Gros Bill originel est, paraît-il, lassé de la renommée de son ancien pseudonyme). Il y a aussi un autre monstre parodique, le Jihk-Hell (qui va être renvoyé du journal de TF1 juste à cette date avec l'alternance politique de 1981).
L'auteur des conseils sur D&D dans le n°3 explique les règles de résistance au sort de Sommeil et des détails sur l'armement qui font penser à tout le fétichisme de Gygax pour les diverses sortes de piques ou de voulgues.
Le module du numéro est "La gorge de Fafnir" (Niveau 5-7, 5 pages) par FMF. C'est à nouveau la demeure d'un magicien (anonyme), mais le cadre est assez original, avec un pont de marbre au-dessus de la lave dans un volcan, et un lieu dédié au dieu Héphaïstos/Vulcain (mais ce thème du Dieu des Volcans n'est pas plus exploré, c'est au Maître du Donjon d'ajouter "les légendes de son crû"). La construction est peuplée de Troglodytes, de Géants de Feu et même quelques créatures apparues dans les Devine qui vient dîner précédents (Cerbérosphères du #1, Grimoires de l'Ultime Sagesse du #3). La référence à Fáfnir n'est pas explicitée ici et le magicien anonyme n'est pas décrit (peut-être parce qu'après avoir affronté des Géants de feu, les personnages seraient épuisés ?), même si on peut retrouver des courtisanes dans sa chambre. On verra que le module du n°5 ("Le Temple de Dagon") est censé être la suite de celui-ci avec une carte des alentours bien plus développée (on y apprend que le magicien anonyme du castel sur la lave s'appelle Kelek et que "Fafnir" est bien un Dragon rouge).
Dessin Casus Belli p. 28, © Didier Guiserix, 1981
Guiserix est une des principales forces de Casus Belli et j'imagine qu'il y a peu d'artistes de jeu de rôle qui nous auront autant marqués (pas même le Tignous de Rêve de Dragon).
Je dois reconnaître que ce joli plan donne quand même envie d'y jouer à condition de motiver plus la localisation sur ce volcan (mais le numéro suivant aide à préciser cela). Mais il est vrai que dans ce genre géologique, on a depuis toute une campagne de D&D3, sur la Cité de Chaudron, bâtie sur un cratère qui semble éteint.
Les Nouvelles du front se développent. Elles annoncent un wargame, La Bataille de Nancy (en disant que le jeu est trop simplifié et monotone) et comme j'étais fan de Quentin Durward (qui se déroule vers 1468), ce titre sur la mort de Charles le Téméraire en 1477 me faisait rêver (le club de jeux de Nancy s'appellera d'ailleurs Les Loups du Téméraire). On donne aussi des conseils pour trouver AD&D en France et, comme D&D n'est pas encore traduit, Casus prépare la première Feuille de personnage en français pour les joueurs réfractaires à la langue de Walter Scott.
Un détail amusant : l'auteur (FMF ?) dit qu'il faudra acheter Gods, Demi-Gods & Deities (il mélange le titre du supplément IV avec le Deities & Demi-Gods qui vient de sortir en 1980). Il précise que c'est utile pour les Clercs mais aussi parce qu'à partir "d'un certain niveau" pour tous les personnages, "les Demi-Dieux remplacent les monstres au bout de leurs armes" (page 34). Oui, l'auteur préconise donc bien d'utiliser le guide des Dieux comme un Manuel des Monstres de haut niveau, exactement ce que FMF dénoncera comme navrant quelques années après comme une épidémie de "grosbillisme". C'est ici une clef de ces diatribes contre le Gros Bill. C'est aussi un sentiment de culpabilité contre certaines de nos dérives, contre ses propres préférences, si son héros Wismerhill est représentatif...
Les livres d'AD&D sont à l'époque à 140 Francs de 1981, soit, selon l'Insee, environ 54 Euros d'aujourd'hui. Les jeux de rôle actuels sont donc en gros moins chers : pour 40-50€, on a sans doute une présentation supérieure au vieux Player's Handbook (même s'il est difficile de comparer les pages et le nombre de signes qui était hyperdense). En revanche, Casus Belli de 36 pages en Noir et Blanc coûte seulement 9 Francs 1981 (soit environ 3,50 € 2010).
....et des trappes sur le pont qui envoient direct dans la mer de lave alors que des arbalétriers dégomment les joueurs à distance si mes souvenirs sont bons... un très bel endroit dont la force évocatrice a grillé à jamais quelques neurones du boutonneux d'alors. Peut-être que les enjeux tactiques étaient amplifiés par la grandiloquence du décor.
RépondreSupprimerPour moi le syndrome GrosBill venait surtout du soupçon que le joueur qui se radinait avec un personnage avec trois 18 naturels et une hache +5/+5 n'était pas toujours capable d'indiquer les coordonnées de son DM précédent. Parce que, pour ce qui est de la manière de jouer, je n'ai jamais vraiment compris l'accusation de jouer "pour accumuler les objets magiques et les Xp": le DM est entièrement responsable de cela ; même les règles d'AD&D2 précisaient qu'il n'y avait aucune obligation d'attribuer aux monstres les trésors tirés aléatoirement.
RépondreSupprimerGoodtime
Ah, je reste admirateur de cette gorge de Fafnir (mais en ajoutant Casus 5).
RépondreSupprimerQuelqu'un qui dit être le Gros Bill, parle un peu de son perso de magicien, "Shambleau" (qui jouait à Ulm et à la MLC de Saint-Rémy), et dit que sa triste réputation venait simplement du fait qu'il avait commis des erreurs de calculs une fois et que des coïncidences aux dés avaient cimenté sa réputation de tricheur.
Personne ne prétend que le système de D&D devait nécessairement conduire au Grosbillisme comme Recherche de Puissance comme seul objectif.
Presque tout rôliste a de fait commencé ainsi dans ses premières parties s'il a commencé jeune (je me souviens de ma malheureuse soeur à Runequest, qui avait pris l'habitude à 8 ans de fouiller les cadavres de tout personnage même ami pour lui retirer de quoi payer pour son entraînement, comme il n'y a pas d'xp dans RQ).
La Recherche de puissance n'a d'ailleurs rien de mal en soi comme objectif "ludiste", c'est un des aspects un peu agonistique. D'autres sont l'humour d'un jeu social, le plaisir d'une histoire, l'impression de créer quelque chose fictivement et la tension du suspense, par exemple. J'aime bien cette liste des 5 critères d'un jeu de rôle viable : il faut des "Clichés compréhensibles, des Combats, de la Camaraderie, du Chaos et une Enigme".
Tout le monde connaît des cas où même l'Appel de Cthulhu peut devenir Grosbill (une histoire dans un Casus, je crois, sur une équipe qui se baladait tout le temps avec une mitrailleuse à l'arrière de leur camionnette). Et par exemple Vampire était un jeu qui popularisa le Narrativisme tout en continuant à favoriser une montée en puissance.
En revanche, je crois que D&D a vraiment quelques problèmes dans la gestion de sa croissance des niveaux. En gros, je trouve que les bas niveaux (disons 1-2) sont peu intéressants dans la faiblesse insigne et que même les hauts niveaux (au-delà de 12?) deviennent aussi difficiles à gérer à cause de la domination des options des mages. D&D serait donc idéal seulement à mi-niveau (3-10). On m'a dit que c'est un des progrès majeurs de D&D4 que de mieux exploiter la différence entre les niveaux (mais j'ai lu des échos contradictoires sur le haut niveau à D&D4 (niveau 20-30) qui s'embourberait et deviendrait injouable).
Ce qui est très amusant, avec le pstôr, c'est que c'est un aller-retour, entre la France et les USA.
RépondreSupprimerFervent lecteur de SF au cours des décennies 70 et 80, je me suis bouffé une quantité industrielle de "Fleuve noir", parmi lesquels certains, écrits par Maurice Limat, mettaient en scène un certain "Chevalier Coqdor" et son animal familier, une sorte de chien ailé, sans soute ramené d'une expédition sur une planète exotique, et appelé Rax. Et Rax était bien désigné comme étant un "pstôr" (vous pouvez en trouver une trace ici : http://www.riviereblanche.com/coqdor.htm). Or il se trouve que les romans de Maurice Limat (au moins certains) ont été traduits outre atlantique, ce qui rend imaginable la publication d'un Pstôr dans une revue américaine de JdR. Mais sûrement pas sous le nom "Devil dog" pour une créature d'alignement loyal bon. Enfin, j'espère...
En tout cas, j'avait bien ri, à l'époque, quand je l'avais découvert dans Casus.