dimanche 23 janvier 2011

[JDR] Genèses imaginatives : les Quatre formes d'Etat



Une des raisons pour lesquelles j'admire souvent le blog de Zak, Playing DnD with Pornstars est son impressionnante capacité à chercher à stimuler son imagination. Alors que je continue à n'avoir aucune idée de scénario depuis des années à part imiter à l'infini le même (Mistaken Identity de Warhammer, la première intrigue à m'avoir frappé), lui s'amuse presque chaque semaine à se contraindre à inventer des douzaines d'idées baroques dans toutes les directions pour entraîner sa faculté imaginative, comme une sorte d'exercice discipliné.

Et comme il est artiste d'avant-garde, il part chercher des inspirations dans des origines surprenantes. Comme, par exemple, de puiser des idées dans William Burroughs ou le sublime Pale Fire de Nabokov dans ce mythe d'une Table universelle comme métaphore du fantasme de totalité.

Dans cet article sur des "Cités Possibles", un autre "Old-Schooler", Telecanter, énumérait mercredi une manière de multiplier les idées de villes pour son univers, et il propose de partir
(1) de la liste des dix Catégories d'Aristote (Substance, Quantité, Qualité...),
(2) de la liste ordonnée des types d'adjectifs en grammaire (Evaluatif, Dimension, Âge...).

J'avais pensé un jour de même à inventer un monde fictif qui ne serait fondé que sur les dérivations qui se veulent presque a priori (dans ce style de re-création descriptive) de grandes époques de l'humanité chez Hegel.

Par exemple, si on prend la fin de la Philosophie du droit de Hegel §355-360, il y a quatre Règnes seulement possibles dans l'ordre de l'histoire, quatre étapes. Imaginons un monde bien entendu fictif où ce serait vrai et voyons comment y faire correspondre un topos de la fantasy. Oh, et comme il y en a 4, on va dire que cela correspond non pas à enfance, adolescence, maturité, vieillesse, ni les 4 points cardinaux ou les 4 éléments, mais les 4 saisons.

  • La première forme est la substance une universelle avec un grand chef divin à l'aurore, la figure du Père, Maître absolu. En lui tout est pétrifié, stable, durable (comme son art architectural) mais mort et pour persister il doit envahir en dehors. C'est une dévastation quasiment élémentaire qui laisse des ruines, les premiers symboles de la pensée (tombes et idéogrammes).

    Je crois que c'est clair : cette première forme doit abriter un Etat nain, avec un grand Forgeron en dieu de la Pierre. Mais le Despotisme du Grand Forgeron de l'Hiver conduit à une guerre perpétuelle de conquête jusqu'à ce qu'émergent des résistances.

  • La seconde forme est le développement au contraire de l'individualité et la dispersion. Ici, chaque individu incorpore les normes éthiques et ce qui était conflit entre individu et Etat dans la première forme est intégrée, la part mystérieuse étant refoulée sous terre dans les cavernes chtoniennes. Mais ce bel ordre éthique harmonieux manque encore de l'inquiétude et du travail qui permettrait de progresser.

    Vous avez deviné. Nous avons là les Hobbits du Printemps.

    Mais si vous voulez vraiment mettre des Elfes à la place, je ne vous en veux pas.

  • La troisième forme n'est plus celui du Maître (1e forme) ou du Bel Individu (2e forme), mais la découverte de l'âpre labeur, le service austère, une bureaucratie, l'empire du Droit codifié, de la société abstraite des personnes. C'est à nouveau un déchirement entre une élite et les serviteurs, qui prennent conscience de ce clivage (contrairement à la première forme). Tout le monde a l'égalité des droits mais c'est une homogénéisation contraignante, on intègre tous les Dieux des autres en une unité.

    J'ai plus de mal à voir un cliché qui correspondrait à cette forme. Cette civilisation de l'Eté a l'air d'être un Empire des Humains. Mais j'aime bien l'idée qu'ils intègrent de force divers Dieux dans leur "Panthéon" artificiel.

  • La quatrième forme est la réconciliation des sujets libres avec un Esprit divin qui n'est plus mis à distance, ce qui provoque le conflit du religieux et du séculier. C'est l'expérience de l'exil et de la dispersion avant la réintégration dans des Etats libres et le progrès scientifique.

    Décrit ainsi, c'est un peu loin de ce à quoi il pense. Donc ces derniers Etats de l'Automne sont en guerre sur l'opposition religieuse entre les Eglises (ayant rejeté aussi l'unité du Panthéon de l'Eté). Pourront-ils s'opposer ensemble au Grand Empire hivernal ?

    Quelle race reste-t-il ? Plus guère que des hybrides animaux (Centaures ?).
  • 5 commentaires:

    1. Chez Hegel la succession des 4 Règnes constitue une progression linéaire non? Ce qui est "bizarre" lorsqu'on la projette sur le cycle des saisons comme vous le faites, c'est que le 4e stade (le plus haut dans la présentation linéaire)se retrouve en position intermédiaire - descendante dans la présentation cyclique.

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    2. Linéaire, peut-être pas (parce que j'imagine que le stade romain n'est pas supérieur à tout point de vue au stade grec), mais une progression oui.

      Cela rend simultané et coexistant ce qui doit plutôt être diachronique en effet. Et le stade Automne est censé être le sommet mais cela peut être la fin (si on ne prend pas l'Hiver pour la Mort).

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    3. En relisant, on voit un peu trop que je n'avais plus d'idées pour métaphoriser les étapes 3 (Empire romain) et 4 (Etat dit "germanique", européen moderne). Des centaures ?? Pourquoi ai-je mis des centaures ?

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    4. Pale Fire, c'est Nabokov (coquille), pas Nabokok :)

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    5. Merci, je corrige.

      Lapsus curieux, le k n'est même pas à côté du v. Une sorte d'Odradek ?

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