Les "Terres Fabuleuses" sont d'abord apparues il y a 15 ans dans des livres-jeux de David Morris et Jamie Thomson, arrivés à la fin de la vague des livres dont-vous-êtes-le-héros. L'originalité de cette série était le modèle non-linéaire du "Bac à sable", c'est-à-dire sans quête obligatoire préétablie et avec une (illusion de) liberté à l'intérieur de l'univers et des différents volumes.
Puis depuis cette année, Harkuna, le monde des Fabled Lands est revenu dans un jeu en ligne et maintenant un jeu de rôle sur table. Je vais me concentrer sur ce dernier, qui est disponible par exemple sur RapideJDR pour moins de 8€.
Les Terres fabuleuses tentent de ne pas trop reprendre le modèle habituel de Tolkien et D&D, mais semblent quand même assez traditionnelles. C'est en gros un monde médiéval fantastique, mais c'est plus décalé que ne l'était Legend, le monde des mêmes auteurs pour Dragon Warriors, avec un mélange d'inspirations historiques diverses juxtaposées. En dehors des monstres et de quelques Fées mystérieuses non-jouables, il n'y a que des "êtres humains", même si certaines "races" humaines sont assez exotiques, avec des "Bleus" à l'ouest ou des "Dorés". On a aussi l'option, comme dans Ars Magica, d'avoir un peu de sang féérique dans ses ancêtres.
Le continent nord d'Harkuna a sur sa côte orientale la République de Sokara. Sokara est un pays un peu "arthurien", avec ses Ordres de Chevaliers. Mais l'histoire récente a été révolutionnaire. Le Général et "Lord Protecteur" Marlock (Cromwell ?) vient de renverser le Roi et cherche à éliminer les derniers prétendants. Cette Guerre civile est peu manichéenne, comme le Roi était réellement un Tyran et que Marlock semble aussi ambigu qu'un Napoléon. Sokara lutte encore contre des créatures semi-bestiales à sa frontière, dont des Hommes-Scorpions. Les Steppes orientales ont aussi des Vers des Sables (comme dans Dune ou certains déserts de Tékumel). La cité commerciale de Port-Jaune est décrite plus en détails (p. 113-143) et est le contexte par défaut.
Vers l'orient, dans la Mer des Murmures (où des voix rendent fous les marins) se trouve l'île des Druides, avec sa cité dans les arbres, qui pratique une religion archaïque de la Déesse Lacuna prohibée sur le continent. Plus à l'est l'archipel d'Akatsurai est en gros un Japon médiéval et au-delà de cela le Sokara commence déjà à explorer au sud-est le "Royaume Interdit" avec sa Cité des Nuées.
A l'ouest de Sokara, les cités d'or de Golnir sont une oligarchie ploutocratique. Sur la rive occidentale, l'Uttaku est plus originale avec sa minorité à la peau bleue et son aristocratie qui porte des Masques de bois coloré (car leur "Roi Sans Visage" n'a pas de traits faciaux). Les Bleus sont des réfugiés qui adorent le dieu Ebron. Les anciens prêtres d'Uttaku possédaient naguère tout un réseau de Portails de Téléportation à travers le monde.
Au sud du continent, l'île des Sorciers abrite les différents collèges des arts thaumaturgiques (un peu comme dans Terremer de Le Guin) et le continent d'Ankon Konu (le mot français "Inconnu") est en gros une Amérique pré-colombienne (la République de Sokara est donc proche à la fois de Samouraïs à l'est et de Chevaliers-Serpents-à-Plumes au sud).
A l'extrême occident, au-delà de la Mer des Echasses et de la Cité de Carapace (bâtie sur une Tortue Géante), le continent d'Atticala a l'air d'être une sorte d'Atlantide avec ses cités-Etats exotiques plus antiques que le continent d'Harkuna.
La mythologie est pour l'instant très simple. Le dieu principal du continent est Elnir (une sorte de Zeus, Roi des Dieux et des Tempêtes, mais plus hénothéiste qu'un panthéon habituel). Lacuna (Artemis) est la déesse chasseresse des Druides et des Voyageurs, et son culte de la nature est persecuté par l'Eglise patriarcale et les Ordres chevaleresques d'Elnir. Alvir et sa soeur Valmir, les jumeaux tumultueux, sont les divinités des Océans et leurs disputes sont les séismes et tsunamis qui ravagent les archipels orientaux. Molhern est le dieu des connaissances et des techniques. Sig est le dieu fripon des Voleurs. Tyrnai est le dieu des Guerriers. Il y a aussi quelques dieux plus maléfiques mais au culte autorisé comme Maka, déesse des maladies et de la famine, et Nagil, dieu de la mort.
J'ai voulu lire Fabled Lands surtout à cause de cet univers, qui semblait avoir un charme britannique un peu à part, comme de nombreuses créations de Dave Morris (aussi créateur de Dragon Warriors) ou Gary Chalk (la série Lone Wolf qui suscite tant de nostalgie en France). Mais de ce point de vue, je suis un peu déçu par le livre de base, qui ne donne qu'une vingtaine de pages sur Harkuna (si je ne compte pas la cité de Port-Jaune et les PNJ) et cela n'est pas assez pour en dégager l'originalité. Pour l'instant, certaines régions entières (comme Chrysopraïs, une sorte d'Inde au sud-ouest) n'ont pas une seule ligne d'explication. L'éditeur Greywoods annonce 12 suppléments pour détailler chaque région et a sorti le premier le mois dernier, Sokara. Le supplément sur Sokara m'a paru encore assez plat. Certains lieux dont on ne connaît que le nom sont en revanche assez attirant. J'aimerais en savoir plus, par exemple, sur des noms mystérieux comme la "Cité Ambulante", surtout comme elle peut être un des lieux de naissance quand on crée un personnage.
Le système est simple et assez proche de celui des livres-jeux eux-mêmes. Cela rappelle aussi Traveller : on doit dépasser un score de difficulté (par exemple 8) sur 2d6 + une caractéristique. Il y a 8 caractéristiques tirées sur 1d6, qui ressemble parfois plutôt à des secteurs de compétences : Muscle, Intelligence, Charisme, Combat, Magie, Sainteté, "Eclaireur", "Voleur". Les 30 compétences sont d'ailleurs des spécialisations ou des avantages dans ces caractéristiques. L'Endurance est une caractéristique à part, tirée avec 1d6+6 mais qui augmente progressivement d'un dé par Niveau, comme les points de coup de D&D. Il y a 8 Professions, correspondant aux 8 caractéristiques, mais elles ouvrent la voie à des compétences et capacités distinctes : Barbare, Druide, Troubadour, Guerrier, Magicien, Prêtre, Voyageur (Wayfarer) et Filou (Rogue). Le Niveau dans la Profession ("Rang") représente non seulement l'expérience (et les points de vie) mais aussi la "célébrité" ou la gloire du personnage.
La création des personnages a de petits détails amusants comme le lieu de naissance, des dons particuliers, des traits de caractère ou une liste de noms harkuniens.
Curieusement pour un jeu aussi simple, le combat est alourdi par des options tactiques.
Le Druide, le Magicien, le Prêtre et le Troubadour peuvent apprendre des sorts dans certains des nombreux Collèges (Aéromancie, Astromancie, Divination, Electromancie, Enchantement, Geomancie, Herboristerie, Hydromancie, Illusion, Magie de Bataille, Magie de Soins, Nécromancie, Pyromancie, Telepathie, Thériologie, Transport et Transmutation). L'Île des Sorciers a comme Collèges principaux Carminry (les Soins), Fortuity (Chance) et Fulgur (Pyromancie /Electromancie).
Le livre se termine avec un scénario, ce qui est une bonne idée même si le scénario d'introduction est toujours aussi simple que d'habitude dans ces cas-là.
En conclusion, je reste encore un peu sceptique, comme je n'ai pas encore testé le jeu et surtout comme je n'ai pas joué avec la série des livres. Mais je pense que je continuerais à trouver les autres volumes de la série sur l'univers (notamment Uttaku, qui, en dehors de son nom qui sonne trop comme "otaku", pourrait être prometteur), même si le premier tome sur Sokara ne m'a pas encore complètement enthousiasmé. Les règles sont simples mais chaque personnage non-joueur prend un peu plus de temps comme ils doivent avoir un "stat block" d'une douzaine de caractéristiques. Cela reste plus rapide que bien des jeux issus du d20.
En tout cas, très jolies cartes (que je découvre - trouvables sur le net, avec le détail des divers pays). Peut-être un peu proches de celles de Runequest? Difficile aussi de ne pas voir, dans le continent "principal"d'Harkuna, une sorte d'Amérique, découpées en tranches (dans quelle ordre s'est-il peuplé? - Atticala étant le très vieux continent (avec ses ruines et ses noms grecs)…
RépondreSupprimerOui, Harkuna fait Genertela et le continent Ankon-Konnu serait Pamaltela (avec un peu plus d'Amérique pré-colombienne), et Akatsurai serait Vormain. Il y a clairement une influence (surtout que Dave Morris était fan de RQ et avait aussi participé au projet Theelar/Ophis de Questworld.
RépondreSupprimerAtticala a l'air d'être un peu une Atlantide qui n'a pas sombré. Je ne crois pas qu'ils soient les ancêtres des humains de Harkuna, ils sont décrits comme un peuple distinct.
Mais l'historique du livre est trop court pour qu'on en sache beaucoup plus (ils ont même oublié d'expliquer à quoi correspondait l'an zéro du calendrier, je crois...).