samedi 8 octobre 2011

[JDR] Review: The Celestial Empire




The Celestial Empire 天朝大國: Roleplaying in Imperial China est un supplément de Gianni Vacca pour le Basic Roleplaying System de Chaosium (en vente par exemple pour avoir la version papier + pdf - je n'ai eu accès qu'à la version papier trouvée chez Starplayer).

Traiter toute l'arrière-fond pour un jeu de rôle dans la Chine Impériale en 128 pages est bien entendu une gageure. Le supplément GURPS China (1991) prétendait couvrir avec les mêmes dimensions tout décor chinois, de l'Antiquité à la Chine contemporaine, et avait donné une impression inévitable de survol. A l'autre extrême, le jeu français Qin avait choisi de se concentrer sur une campagne précise à la fin des Royaumes Combattants au IIIe siècle avant notre ère commune (mais le second jeu Shaolin et Wudang passe au début de la dynastie mandchoue Qīng, au XVIIe-XVIIIe).

The Celestial Empire est une synthèse de 8 ans par l'auteur (il y avait eu une version amateur dans le passé). Il est notamment fait pour adapter les fictions historiques de type "wǔxiá" (Chevalerie des Arts martiaux), comme dans Au bord de l'eau ou les films plus récents inspirés de Louis Cha. La période de la Chine Impériale va depuis l'Empire Táng au VIIe siècle jusqu'à l'ère moderne de l'occupation Qīng. Les illustrations sont par Dario Corallo, qu'on connaît bien dans les fanzines sur Glorantha. La présentation est claire et parsemée de notes personnelles sur la civilisation chinoise par Herbert Giles (co-fondateur de l'ancienne translittération du chinois "Wade-Giles" - mais le livre a tout unifié dans le style moderne pīnyīn).

Le premier chapitre (36 pages) décrit toute la société chinoise, avec quelques cartes et un historique. C'est une partie de synthèse, sans règles en dehors de celles sur les diverses langues de la région.

On peut choisir plusieurs niveaux de campagne, du réalisme historique à une fantasy pleine de merveilles irréalistes (et le jeu propose des conseils pour s'adapter à un autre supplément d'arts martiaux plus magiques Dragon Lines).

Le second chapitre (24 pages) donne des règles pour la création de personnages. Une des grandes supériorités par rapport à un jeu générique comme GURPS China est qu'il n'hésite pas à multiplier les termes chinois pour décrire les diverses professions (comme Magistrat, Moine, Chevalier-Errant). Il n'y a pas beaucoup de conseils p. 46 pour créer le nom du personnage mais le blog du jeu est revenu sur cette question.

Dans les règles sur les compétences, l'alchimie paraît assez peu développée - p. 59 pour dire qu'elle permettrait notamment de développer la poudre.

Le troisième chapitre sur les Arts martiaux pourrait surprendre par sa relative briéveté par rapport à d'autres suppléments (6 pages). Cela a le mérite d'un système simple où le wǔshù est représenté par des Superpouvoirs de superhéros, ce qui est adéquat pour les films de wire-fu, comme les techniques du "pied léger". Comme je n'aime pas vraiment les longues listes de hiérarchies de techniques avec "combinaisons" à optimiser à la Exalted, je préfère cette solution plus intuitive et "linéaire" mais elle risque d'avoir le défaut de rendre les pouvoirs plus uniformes, moins "mystérieux" ou imprévisibles.

Le quatrième chapitre sur la Magie (18 pages) est surtout une liste de sortilèges, associés aux moines bouddhistes et taoïstes (plus quelques sorts issus des peuples musulmans des environs).

Le cinquième chapitre (14 pages) est mon favori pour fonder une campagne, sur les Sectes et organisations. Cela couvre de manière historique de nombreuses sectes religieuses bouddhistes ou taoïstes mais aussi des groupes fictifs comme le "Clan des Mendiants" (guilde des arts martiaux bien plus puissante et respectée que son nom pourrait le laisser penser, et qui contrôle tous les mendiants errants à travers toute la Chine, ses chefs sont souvent des champions quasi-divins dans les romans).

Le 6e chapitre est l'équipement et le 7e les créatures (20 pages). Si j'avais le courage de reprendre le projet de mythologie hindoue de Bhāratavarṣa, il y a de nombreuses créatures tirées des mythes hindous ou bouddhistes.

The Celestial Empire est bref mais c'est un modèle de clarté (après le jeu Tibet, qui en dehors de son thème limité est un modèle d'exposition des données sur une arrière-fond complexe). Il peut avoir plusieurs usages, soit pour créer vraiment un Runequest China qui complète les suppléments japonais, ou bien éventuellement pour avoir des idées pour le pays de Kralorela, qui est à peu près ce qui ressemble le plus à la Chine dans le monde de Glorantha (mais une Chine dirigée par une dynastie d'Hommes-Dragons). Bien que je sois fan de Superworld, je n'avais même pas pensé que le système de Basic, réputé plutôt réaliste et de "faible pouvoir" pourrait aussi directement s'étendre vers le superhéroïque du wǔshù. TCE est sans doute plus facile d'accès direct que Qin si on a été élevé au Basic System. Mais il n'y a pas de scénarios pour l'instant et il se peut que certains paraissent par la suite.

Les quelques cartes de la p. 28 devront être complétées pour une campagne par des ressources sur la période précise de la Chine Impériale que vous choisirez. Mais c'est peut-être mon propre "fétichisme" pour les cartes en jeu de rôle qui parle ici. Même le jeu Qin, qui a une jolie carte couleurs des Sept Royaumes combattants, a besoin de développer plus des détails géographiques.

On peut aussi lire des notes de l'auteur de l'an dernier dans RPG Review n°9, p. 40-41, avec une reproduction de carte sous la dynastie Ming. Il a aussi donné quelques conseils de BD à lire pour L'Empire Céleste. Je me rends compte après avoir fini cette note qu'il y avait déjà une analyse du supplément sur le GRoG.

3 commentaires:

  1. Merci pour la critique. L'essentiel pour moi était en effet d'exposer les contraintes du mindset chinois à des joueurs a priori très ignorants de la culture chinoise (vu l'incroyable eurocentrisme de nos programmes scolaires, alors que les Chinois, eux, étudient leur culture et la nôtre). Un supplément dont le but premier est donc de favoriser le role playing et l'immersion.

    Je suis assez déçu du peu d'écho que le jeu a eu en France, mais je me rends compte que les jeux en v.o. sont bien moins répandus que "de mon temps".

    En tout cas le blog est là pour répondre aux questions des curieux.

    RépondreSupprimer
  2. D'ailleurs le peu que je connais sur la Chine doit surtout venir des jeux de rôle maintenant. :)

    Je suis assez déçu du peu d'écho que le jeu a eu en France, mais je me rends compte que les jeux en v.o. sont bien moins répandus que "de mon temps".

    C'est une raison pour lesquelles un magazine papier fédérateur comme l'était Casus Belli nous manque. Un numéro avec dossier Chine aurait pu inclure un article et un scénario pour plus évoquer ce Basic China. Il me semble qu'on en a plus parlé sur les groupes Basic que sur RPG.net par exemple. Les joueurs utilisent maintenant plus des forums spécialisés sur un seul jeu.

    RépondreSupprimer
  3. C'est une raison pour lesquelles un magazine papier fédérateur comme l'était Casus Belli nous manque.

    Cependant — sauf erreur de ma part — les derniers numéros de Casus Belli ne traitaient que de jeux de rôle français ou disponibles en v.f.

    RépondreSupprimer