(Tous les jours au Théâtre 13 jusqu'au dimanche 12 février 2012)
Matei Vișniec avait quitté la Roumanie de Ceaușescu en 1987 et il travaille depuis des décennies sur la signification de la dissidence face à l'expérience totalitaire.
Sa pièce Richard III n'aura pas lieu se déroule de manière onirique dans la tête du metteur en scène et théoricien du théâtre Vsevolod Emilévitch Meyerhold (1874 – 1940) à la fin des années 1930 au moment où il veut monter une version de Richard III et va finir exécuté par la police stalinienne. La pièce porte donc sur des spectres qui viennent hanter la scène, comme les fantômes des victimes de Richard III (V, 3), mais la victime à sacrifier dans la tragédie est le metteur en scène lui-même.
Je craignais un peu une lourdeur esthétique dans toute l'idée que la subversion théâtrale suffirait à inquiéter l'Etat totalitaire. Et il y aurait eu un risque pour le metteur en scène David Sztulman à vouloir forcer le trait d'une "mise en scène sur la mise en scène", un point de vue trop théorique du théâtre sur le théâtre. Mais le mélange d'humour et de fantastique réussit à atteindre un ton qui passe du rire à une amertume sombre. Il y a assez de joie communicative des acteurs pour qu'on puisse comprendre cet éloge spectaculaire du spectacle. Vișniec a capté un peu du décalage d'Anton Tchekhov entre comédie, farce et une sorte d'horreur propre à l'Etat totalitaire. Les autorités de censure qui se multiplient avec leurs acronymes et leurs exigences ne sont pas seulement "tatillonnes" mais passent dans le délire le plus stupide tout en révélant qu'ils ne comprennent que trop bien les plus infimes détails de la mise en scène.
La pièce comprend des chansons et des danses et comme Meyerhold avait plus théorisé les techniques du corps et de la gestuelle que Stanislavski, même à l'intérieur de son esprit, ce sont les corps et leurs mimiques qui inquiètent plus les autorités staliniennes que le texte. Le Généralissime Staline n'apparaît pas alors comme un simple castrateur autoritaire mais comme un clown qui se veut paternel, compréhensif, voire rusé et subtil. Et on sait que Staline avait cette curiosité dans les despotes qu'il pouvait être à la fois brutal et suivre en effet la vie culturelle dans ses détails.
Voilà un extrait de la pièce dans une version précédente de 2008 :
Nicolas Hanny est un excellent spectre de Richard III, drôle, cauteleux, inquiétant. Les jeunes enfants qui interprètent l'Homme Nouveau sont justes et clairs. La pièce est réjouissante et une des meilleures créations que j'aie vue récemment.
Merci pour le conseil. J'irai si je peux !
RépondreSupprimerCela dure 1h34, pas d'entracte.
RépondreSupprimerJe recommande aussi le cake fabriqué par les acteurs dans le hall du théâtre, s'il est là tous les jours. :)