(1) DCC #1-20, (2) DCC #21-34, (3) DCC #35 Gazetteer of the Known Realms, (4) DCC #36-52, (5) DCC #52-66
Enfin ! Le but réel des 5 premiers épisodes (sur le monde et sur les scénarios) n'était que d'arriver à un nouveau survol du jeu récent lui-même.
Beaucoup de coup de dés n'abolissent pas le Hasard
Le jeu Dungeon Crawl Classics RPG est écrit par Joseph Goodman, le fondateur de la compagnie (et l'auteur du module DCC #3: The Mysterious Tower) et en un sens il est fascinant par ses choix clairement assumés et défendus d'aller à l'encontre de nombreux choix faits par les jeux de rôle depuis 30 ans. La plupart des jeux ont peu à peu abandonné la création aléatoire pour devenir plus "narratifs". DCC se dévoue à l'arbitraire des Dés et vous enjoint à ne pas modifier même des personnages complètement ratés. La plupart des jeux font de vous des Héros. DCC insiste sur le fait que vous êtes (si vous commencez au Niveau 0) un personnage très quelconque qui va tenter de se hisser au rang de petit aventurier ou de bandit (voir cet article sur les différences entre le jeu classique et le Retrogaming). Le concept est une sorte de Darwinisme où on crée de nombreux personnages avant d'en dégager un survivant.
DCC reprend une partie des bases de D&D 3e édition (un système uniforme d20) mais avec une grande différence qui est qu'on n'utilisera plus seulement le d20, ni même seulement les autres Solides Platoniciens auxquels nous sommes habitués (d4, d6, d8, d12) mais aussi d'autres dés encore plus "spéciaux" (qui sont le d5, d7, d14, d16, d24, d30). Par exemple, un Guerrier du 1er Niveau ne jette pas qu'un seul d20 dans une attaque mais un d20 + 1d3 (et il ajoutera ce 1d3 aussi à ses dégâts).
La différence principale avec le D&D classique (voir p. 16) me semble être qu'on va relancer des dés en plus pour chaque classe. On peut faire des réussites critiques avec un 20 au dé (et les Tables sont d'ailleurs différentes selon les Classes p. 82-86). La Magie Vancienne "On Jette et On Oublie" est changée : le Mage peut garder le Sortilège qu'il vient de lancer s'il réussit son jet, mais il a aussi une probabilité d'être peu à peu de plus en plus gêné par la Corruption.
Sur certains points, DCCRPG a repris plutôt des idées de Basic D&D : il n'y a pas de différence entre race et classe et à nouveau seulement 3 Alignements au lieu de 9.
Les six caractéristiques de D&D n'ont été que légèrement modifiées. La Dextérité s'appelle "Agilité", la Constitution "Endurance" (Stamina), le Charisme la "Personalité" et la Sagesse a été remplacée par une caractéristique "Chance" (qui permet aussi si on en dépense des points de relancer des jets ; ils se rechargent mieux pour les Halflings et les Voleurs, un peu comme dans HackMaster Basic - un Halfling peut même devenir une Mascotte porte-bonheur p. 60).
Tout le monde au Niveau 0 n'a que 1d4 Points de Vie et ensuite on garde ce d4 plus le Dé de Classe. Un Mage de Niveau 1 a donc 2-8 Points de vie et un Guerrier 2-16.
Une des ruptures avec D&D que j'aime le plus est la simplification du système d'expérience. Même quand j'ai commencé le jeu, je redoutais ces milliers de points. Cela variait selon les classes alors qu'ici c'est uniforme (pour atteindre le Niveau N, il faut en plus des points pour arriver à N-1, 20xN en plus, sauf le Niveau 1 qui est à 10 points). DCCRPG donne des tables jusqu'au 10e Niveau.
Je n'ai rien compris aux règles sur l'Alignement du Voleur. Pourquoi le Voleur Neutre serait-il moins bon en Poignarder dans le Dos que le Voleur Loyal ?
En revanche, j'ai bien aimé l'idée de mettre quelques idées de gangs ou de Guildes de Voleurs - comme on met des Cultes pour la Classe des Prêtres. Ces organisations criminelles sont les Mendiants de Punjar, les Assassins aux Douze-Araignées, les Boss des Tunnels). Les Guerriers ont de même droit à des Ordres Militaires : l'Ordre du Dragon, l'Ordre de l'Eperon d'Or, les génocideurs de l'Ordre du Cygne Noir ou les chevaleresques défenseurs de l'Ordre de la Dame Blanche sur l'Ecu de Sinople. En dehors de la religion, les Royaumes Connus d'Aereth n'apparaissent pas tellement dans le jeu.
La Singularité des Mages
La plus grande réussite du jeu me paraît être la Magie, qui a vraiment de l'atmosphère et du charme qui me rappellent plus certains comics comme Dr Strange ou Elric de Melniboné. Un Mage peut tenter d'invoquer un de ses patrons mystiques d'une autre dimension. Il peut se lancer dans un combat magique dans un Plan à part. Il peut donner de sa force vitale pour augmenter ses chances de réussite. Chaque Mage peut aussi avoir des effets personnalisés pour ses propres Sorts individuels (et certains des 100 effets sont franchement inquiétants comme d'attirer l'attention de Cthulhu à chaque fois que ce Sort est lancé).
Et il faut ajouter la Corruption : dès que le Mage obtient un 1 sur son jet de Sortilège, il risque la "Corruption" (comme le Crépuscule d'Ars Magica), de se transformer et de perdre petit à petit son âme. On n'est plus du tout dans le système standardisé auquel nous étions habitués dans D&D.
Non seulement le jeu à remis en cause le vieux problème de la progression quadratique mais c'est même très atténué. En un sens, le Mage est la seule Classe qui risque de plus y perdre (physiquement et psychologiquement) au fur et à mesure qu'il progresse en puissance mystique. L'Angoisse cthulienne du déclin inexorable de la Santé mentale a donc été en quelque sorte déplacée ici : le Mage sait qu'il va gérer une évolution où en un sens il dégénère par l'expérience et c'est une stratégie intéressante pour régler le déséquilibre Guerrier/Mage (au lieu de simplement donner des pouvoirs en plus aux Guerriers). Les effets de Corruption dépendent de chaque Sort mais au bout d'un moment on risque de remarquer certaines régularités (car il y a moins de possibilités que pour l'individualisation du Sortilège).
Prenons un exemple. Gigi Heaulms de la Voie des Moisissures apprend le Sortilège du Niveau 1 Sommeil (p. 155). Comme on va le personnaliser, je décide qu'il l'appelle "Le Souffle des Sables" (il prend l'apparence d'un nuage blanchâtre) et a un effet individuel (21) : quand il le lance, il a un effet de corrosion sur le Métal qu'il touche. Mais imaginons qu'il subit en plus une Corruption Mineure (p. 116) un jour en le lançant (et ne dépense pas de Chance pour l'empêcher) : sa jambe gauche grandit de 5 cm, ce qui va le faire désormais un peu boiter.
L'épais livre a inclus deux aventures très courtes : le Portail sous les Etoiles (prévu pour 20 personnages ordinaires de Niveau 0 qui apprennent qu'un Portail doit s'ouvrir vers un trésor inconnu) et Le Centre Infernal de Sezrekan le Dément (pour un petit groupe de 5e Niveau à Punjar).
Je comprends l'enthousiasme actuel de l'Old School Renaissance pour DCCRPG. Le paradoxe est qu'il est finalement très moderne d'avoir ainsi choisi de pousser jusqu'au bout la corde de retour en arrière dans le design du jeu. DCCRPG est moins lourd que HackMaster même si je préfère les jets de dés (d20 qui explose) de ce dernier aux divers types à combiner dans DCCRPG. La Magie de DCCRPG est l'une de celles qui a le plus de parfum original dans les rétro-clones. Et c'est aussi l'un des jeux les plus illustrés depuis longtemps avec une multitude de styles et certains des grands dessinateurs d'AD&D 1e édition, ce qui rend assez agréablement avec toute l'esthétique de Wizards of the Coast (même si Goodman Games en fait un peu beaucoup dans l'hommage aux années 1970 : on s'attend presque à voir les Bee Gees).
La langue de DCC RPG est-elle difficile d'accès ?
RépondreSupprimerMon anglais n'est pas très bon et même si je suis habitué au langage "jdr", j'aime bien savoir si je vais m'y retrouver ou pas.
Parce que c'est bien tentant, ce jeu...
Ce que m'évoque ton article, dans l'idée "il y a du bon dans des clones de D&D", c'est Les Crève-coeurs de la Fantasy, de Ron Edwards, texte que tu dois connaître :)
RépondreSupprimer> Fred Mestre
RépondreSupprimerJe ne me rends pas bien compte mais cela me paraît abordable (pas de longues fictions ludiques par exemple) - en dehors du fait que c'est long : 470 pages. Certes, c'est assez illustré et avec surtout des pages pour chaque sortilège :
Environ 60 pages de création + équipement.
25 pages de combat.
20 pages sur les règles de Magie + 270 pages de sortilèges (!)
Le reste pour le MJ (Trésors, Monstres, p. 300-470).
HackMaster Basic tient sur 200 pages (mais n'a pas une page pour chaque sort).
Vu l'utilisation de nombreuses tables (une pour chaque sortilège), il faudra vraiment un gros écran ou même un compendium des tables en cours de jeu, pour ne plus chercher tout le temps et ne pas abîmer la reliure (je n'ai que le PDF et je ne joue qu'à chaque Calendes Hittite de la Saint-Glinglin).
> Rappar
Mais avec DCC on est dans le rétro mais plus vraiment dans le "Crève-coeur Fantastique" à la Ron Edwards qui a deux caractéristiques : (1) l'auteur ne connaît souvent que D&D et donne en réalité en gros des règles maison issues de sa campagne, (2) il ne comprend pas le marché et va échouer économiquement.
Je ne suis guère enthousiasmé par le fétichisme Old School du personnage à un seul Point de Vie mais Goodman doit quand même un peu savoir qu'il n'y a pas que D&D. Et c'est très pro dans la connaissance de ce marché de "Niche".
Mais je dois avouer que l'hommage à D&D que j'attends est Thirteenth Age de Jonathan Tweet. C'est une fusion de concepts rétro et très "jeux indépendants", cela a l'air assez intéressant - notamment l'idée très Heroquest d'avoir changé les Neuf Alignements en 20 PNJ déterminés du Monde (l'Archidruide, le Chef de la Guilde des Voleurs, le Nécromancien...) face auxquels on inscrit ses relations.
Laynia Petrovna a dit deux mots sur le monde sur ce blog en anglais.
Il y a quelque chose que je ne parviens pas vraiment à comprendre, c'est (cette fascination qu'ont certains ludosaures pour) les rétroclones.
RépondreSupprimerQu'ils soient nostalgiques de leur jeunesse avec (A)D&D ou qu'ils estiment qu'(A)D&D leur convient parfaitement, ça OK, je peux le comprendre. Mais a priori, ce sont des joueurs qui ont les manuels de règles d'(A)D&D et ne peuvent donc invoquer l'argument de la pénurie et de l'impossibilité de trouver des exemplaires de ces jeux pour se rabattre sur des JdR de substitution...
Donc, par pure curiosité, j'aimerais bien qu'à l'occasion, tu nous expliques ce qui fait que TOI, tu t'intéresses à ces machins qui, de mon point de vue totalement extérieur (puisque je ne connais que le premier HackMaster, qui est antérieur à la mode des rétroclones), ne sont que des... pas exactement des clones, mais disons, de pâles copies, resucées ou ersatz de l'original (je veux bien admettre qu'il y puisse y avoir ça et là dans les rétroclones de bonnes idées, mais ça me parait rester du niveau des règles maison additionnelles pour (A)D&D, je ne vois pas le besoin de (re)créer un jeu complet pour accompagner ces règles maison).
Bref, sur un plan "sociologique", ton avis m'intéresse... :-)
Je fais faire tester cet été, & je pense qu'une "bonne idée" du fait que chaque sort a sa page, c'est que le joueur magicien sera pratiquement amené à se constituer un "grimoire" de feuilles à relier & parcourir: "attendez une seconde, je vais lancer un sort de… de…" (compulse son grimoire, lance le dé, découvre le résultat). Cela fera faire des photocopies, mais je pense que c'est l'esprit du jeu à la table, qui ne recule pas devant les "props" (ne serait-ce que la prolifération des dés multiples)
RépondreSupprimer> Imaginos
RépondreSupprimerEn fait, personnellement, je suis plutôt allergique au vrai D&D pur, aux Classes ou aux Points de Vie. Et je suis trop claustrophobe pour le Donjon. Quand je lisais le slogan originel de Goodman Games ou Necromancer Games ("retour à l'atmosphère de la 1e édition"), je trouvais que c'était une sorte de régression réactionnaire (même si on ne peut bien entendu pas parler de "Progrès" linéaire en jeu de rôle).
Mais j'aime la fantasy et quels que soient nos goûts, D&D gardera toujours une position particulière dans l'imaginaire du jeu de fantasy.
J'ai été élevé à Runequest IIe édition et ma nostalgie ne va pas donc pas dans la direction de D&D. Je ne suis donc pas très intéressé par les vrais clones, même ceux à l'atmosphère modifiée comme Lamentations of the Flame Princess (une exception dans les dérivés de D&D serait Empire of Petal Throne, mais ce n'est pas un clone).
Mais il se trouve que je trouve souvent plus d'imagination dans les nombreux blogs de ce mauvais système que sur les jeux plus élégants. J'ai été convaincu par Zak Smith par l'idée que le partage n'est pas "D&D v. non-D&D" mais "Do It Yourself vs simple "Consommation".
Est-ce seulement parce qu'il y a beaucoup plus de blogs de quadragénaires sur D&D ? Est-ce parce que Glorantha a moins poussé les fans de RQ de créer leurs propres univers ? Il y a bien sûr des exceptions : un fan de Glorantha qui crée ses illustrations ou ses propres extensions a bien entendu autant de créativité qu'un Jeff Rients ou un Zak Smith.
Dans le cas du système DDC RPG (ou encore plus de 13th Age), cela va quand même plus loin qu'un clone. On est dans une version de D&D tellement modifiée que cela devient un jeu assez original.
> Thierry C.
Oui, cela accentue l'impression que la Magie est quelque chose à part, cela lui redonne du mystère.
Mais cela ralentit bien sûr le jeu.
Quand je parle de l'énergie créative de l'OSR, je pense tout de suite par exemple à cette Table de 100 mutations réalisée par Scrap Princess ou ces 100 raisons pour lesquelles les PJ sont ensemble.
RépondreSupprimerZak donne une liste de tables mais on en trouve aussi cet Index de Règles de l'OSR.
@Imaginos
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai vraiment découvert les vieilles éditions de (A)D&D à travers leurs rétroclones. Je vois cinq raisons à mon intérêt pour les rétroclones :
- les rétroclones sont souvent des jeux abordables avec des versions PDF gratuites, je parle notamment pour les trois "grands anciens" du genre que sont Osric, Labyrinth Lord et Sword&Sorcery ;
- Les rétroclones sont compatibles avec un nombre énorme de produits (anciens et plus récents) et bénéficient d'une grosse communauté.
- Ce sont des jeux qui m'ont fait redécouvrir le plaisir du bricolage de règles du fait de leur assez grande modularité, leur relative simplicité (je trouve même Osric/AD&D1 bien plus simple qu'un Pathfinder, par exemple),et le fait qu'ils ne tentent pas de couvrir toutes les situations ad nauseam.
- Je trouve beaucoup de charme aux bizarreries de règles (race=classe, catégories de jets de sauvegarde, mécanismes non harmonisés), qui donnent un parfum d'exotisme (il ne me faut pas grand chose !).
- Les rétroclones encouragent une pratique du JDR assez différente de celle à laquelle je suis habitué via Runequest ou Herowars/Heroquest et que je trouve rafraichissante.
Pour les connaisseurs qui ont déjà leurs vieux manuels d'(A)D&D, les rétroclones ont souvent l'avantage d'avoir toutes les informations réunies en un seul ouvrage et une présentation plus claire. De plus, cela leur permet de préserver leurs manuels originaux !