Chaque joueur de Divine Right prend un des Rois de Minaria (il y a 13 Royaumes mais le jeu est prévu pour 2-6). Chaque Monarque a en effet la possibilité non seulement de lancer des armées ou des flottes mais d'envoyer des Ambassadeurs pour attirer des alliés et des pays neutres. Cet aspect diplomatique a retiré beaucoup du manichéisme habituel des mondes de fantasy. Comme dans Dragon Pass ou surtout Nomad Gods, les règles prévoient de nombreux Héros individuels qui ont leurs particularités, des mercenaires, des créatures, des événements aléatoires, des cartes d'objets magiques et divers lieux spéciaux (comme par exemple le monolithe du Bâton Gris tout au sud, qui exige des sacrifices pour envoyer des séismes contre une cible, ou le Temple des Rois tout au nord qui peut conférer certains dons et reliques). On joue d'ailleurs plus une dynastie qu'un Monarque car on tire une personnalité ou des talents particuliers pour le Roi ou la Reine mais on doit en changer s'il meurt.
Glenn Rahman développa plus Minaria dans des articles réguliers de la revue Dragon de TSR (Minarian Legends, du n°34 au n°57, 1980-1982) et il y aurait d'ailleurs encore plus de chroniques réunies dans une réédition récente de 2002 (édition dite "des 25 ans"). On y voit que Glenn Rahman a lu non seulement Stafford ("la Légende de Juulute Coeur-de-Loup", Dragon #39, est vraiment digne de Glorantha) mais aussi de l'anthropologie et certains récits (par exemple sur le royaume d'Immer) font référence par exemple aux théories mythologiques de Robert Graves. Les illustrations par son frère Kenneth (toutes faites dans un style interne au cadre du jeu, vingt ans avant que Dario Corallo ne fasse de même pour Glorantha) sont une très grande réussite.
Voici la carte d'origine multicolore de Divine Right (où les hexagones sont assez grands, environ 80km, ce qui fait que chaque Royaume minarien a la taille d'un Etat moderne de dimension moyenne), et voir aussi les commentaires qu'en donnait Jeff Rients :
Et voici une carte encore plus vaste décrivant aussi le sud de Minaria autour de Girion (décrit dans le wargame inédit de Glenn Rahman Scarlet Empire, qui est la suite de Divine Right). La carte a été réalisée pour une campagne de jeu de rôle par B. Scot "Kellri" Hoover.
Le monde de Minaria a un calendrier qui démarre "Après le Cataclysme", datant de la chute de l'Empire des Lloroi. Les Lloroi étaient une espèce cruelle et non-humaine (ancêtres des Elfes) qui régnait sur cette région avant d'être complètement détruits. Ils ont eux-mêmes exterminé les humains de Khos (à l'est du Royaume de Pon) et les dernières légions de Khos sont composées de spectres et de vampires (ce doit être eux qu'on voit sur la couverture du jeu ; le Bois des Fantômes est en revanche composé de victimes sacrifiées par les Khosites à l'Homme-Arbre). Ce n'est que depuis le Cataclysme que le monde a acquis une Lune, nommée "le Loup céleste" par les légendes des Nains.
Nous sommes au milieu du XIVe siècle mais l'histoire a été marquée il y a 300 ans par un fléau plus récent, les Abominations des Terres et des Airs, une invasion de monstres ou démons. Chaque culture a un mythe différent sur l'origine réelle de ces Abominations. Les Elfes croient que ce fut une punition envoyée par leurs dieux contre les Humains. Les Mivioriens craignent que cela ne vienne des nécromants qu'ils avaient tenté de fuir. Les Immeriens se demandent si cela ne viendraient pas d'expériences ratées du Collège Invisible et ces derniers justifient leurs interventions dans le cours de la politique justement pour empêcher un retour de ces Abominations.
Description des principaux royaumes, en partant du Nord-Ouest jusqu'au Sud-Est
Neuth (voir Dragon #37) est une vaste forêt appelée simplement "Terres des Elfes" par les Humains. La capitale est sur le Lac de l'Etoile fondue, formé par le Cataclysme. Les Elfes dérivaient en partie des Lloroi mais ils en ont gardé un aussi mauvais souvenir que leurs cousins Humains. Contrairement aux Lloroi, les Elfes sont inter-fertiles avec les Humains mais les Demi-Elfes, les Ercii, ont été ostracisés et sont devenus un peuple nomade. Les Elfes de Neuth sont avant tout marqués par la revanche contre leurs voisins. Adorateurs de la déesse de la mer Miodmuiri, ils ont perdu tout accès à la Mer des Noyés et à leur site sacré quand les Mivioriens leur ont pris la côte. Ils ont encore le souvenir d'avoir été vaincus et occupés par la coalition des Royaumes humains (et des Gobelins) il y a un demi-siècle après l'échec de leur prince Boewenn. La Forteresse d'Aws Noir est d'ailleurs toujours aux mains des Nains de Ghem, alliés de l'Empire de Muetar. Oggsbog l'Ogre Géant (plus de 6 mètres, voir Dragon #56) vit avec d'autres Ogres mercenaires exilés au sud de Neuth et vend ses services aux plus offrants.
Immer, le Royaume du Nord (Dragon #36), ancienne alliance des tribus conodras et vidarnas, était une société matrilinéaire (adorant la Déesse Triple Elhalyn) jusqu'à ce que (sans doute sous intervention des Mangeurs de Sagesse du Collège Invisible de Thaumaturgie) un certain Teredon remplace les anciens cultes par celui du dieu céleste Anshar. Le Collège invisible a subtilement manipulé le Royaume pour unifier les tribus. C'est au nord d'Immer que se trouve l'antique Temple des Rois, des Dieux du Destin, qui remonte au temps des Lloroi.
Le Collège Invisible de Lered (Dragon #49) fut fondé il y a cinq siècles par l'ordre des Marcheurs (ou "Epées du Destin", appelés vulgairement les "Mangeurs de Sagesse"), ancienne scission hérétique des Prêtres du Temple des Rois, plus contemplatifs. Le Collège de Thaumaturgie forme non seulement des Mages mais aussi des princes voisins et fournit donc une aide militaire à plusieurs monarques, par exemple contre les Gobelins de Zorn, avec son Château Enchanté ou son Miroir Réfléchissant. Le Collège fut brièvement saccagé par les Elfes pendant la Guerre de Boewenn et contribua ensuite aux représailles contre Neuth.
Zorn (Dragon #50) est le pays montagneux des Gobelins. Les Gobelins de Minaria sont de grands carnivores (2 mètres, certes plus petits que les Trolls), éleveurs de chèvres et anthropophages. Société de chasseurs, ils pratiquent une certaine égalité entre les sexes, et ont des sociétés de Guerrières. Ils adorent le dieu cornu Nergill. Les chefs de tribus ont peu de pouvoir et Zorn est donc relativement "démocratique", même si la monarchie traditionnelle commence à se renforcer sur le modèle d'Immer et Muetar. Zorn a un peu amélioré ses relations extérieures depuis la grande coalition des Humains de Mivior et Immer contre Neuth, et ils font maintenant commerce de sel. Le Dragon Aérien Hamara (Dragon #56) vit en Zorn, à Refuge Hivernal.
A l'est de Zorn, aux frontières du monde se trouvent les mystérieuses Tours des Fragments de Lor, siège du nécromancien maléfique connu seulement sous le nom de La Main Noire. Il possède des légions de morts-vivants, des démons, des bateaux fantômes mais aussi le Colosse fait de divers corps assemblés. Juste à côté, le Bouillon des Sorcières est une zone volcanique avec des geysers et sources magiques fréquentées par de nombreux mages venus de tout Minaria.
Mivior (Dragon #38) est la thalassocratie de la côte occidentale, fondée par des réfugiés de Reiken, de l'autre côté de l'Océan, qui étaient venus sur ce continent pour fuir les nécromants du Chaos de leur pays d'origine. Ils ont apporté un culte étranger, le dieu Tukultae. C'est une aristocratie élective et les Archontes de Mivior sont les plus riches princes de la Mer des Noyés, grâce au commerce et au monopole des relations avec le Reiken. Ils sont en conflit sur terre non seulement avec les Elfes de Neuth (qui veulent récupérer les côtes d'Addat pour leurs pèlerinages) mais aussi avec les Ogres, les Trolls et Urmoff le Grand Serpent de Mer. Mais leurs autres ennemis sont leurs concurrents de Shucassam et les Pirates de Rombune.
La Forêt des Trolls (Dragon #41), entre les comptoirs de Mivior et la Forêt des Elfes, est le principal centre de leur culture à "Face de Pierre" (mais on trouve aussi d'autres tribus au nord de Zorn, dans "les Rocs", au sud de Pon, dans "l'Assemblée", et au sud de Shucassam dans le "Val Banni"). Les Trolls mesurent trois mètres et sont en guérilla permanente contre Mivior et Hothior (qui ont annexé une partie de leurs terres). Ils adorent un dieu unique, Mnugu, et divers totems animaux.
La Confédération de Hothior (Dragon #35) est une monarchie qui était limitée par une Diète des nobles, mais le pouvoir féodal est en déclin. Ils luttent non seulement contre les Trolls à l'ouest mais aussi contre l'Empire de Muetar.
L'Archiduché de Pon (Dragon #42) serait assez désolé s'il n'avait les ressources des mines d'étain à côté des grandes mines des Nains de Ghem à Alzakk et Rozengg (Dragon #45). Les Gobelins de Zorn ont tenté vainement de prendre certaines de ces mines. Les Nains occupent aussi un fort au nord de Neuth et ils adorent le dieu de la Justice, le sévère Wynnebalt, qui envoie ses anges punir les différents péchés.
Le Royaume de Shucassam (Dragon #52) a unifié les diverses Cités-Etats rivales des plaines sèches du sud. Les marchands de Zefnar-sur-la-Mer rivalisent avec les flottes de Mivior et l'Ordre des Moines-Lépreux est l'organisation militaire la plus crainte de tout Minaria. Les Shucassamites sont peu religieux mais d'abominables divinités pré-humaines y seraient encore connues.
Entre l'Empire de Muetar et Shucassam se trouve le Château du Moignon, domaine de l'immortel Morholt, dit le Chevalier Noir (Dragon #44 - il est clairement imité de Sir Ethilrist et le Comté du Cheval Noir dans Dragon Pass), le plus célèbre de tous les mercenaires, qui a vendu ses services à des cités de Shucassam, à l'Archiduché de Pon ou à d'autres royaumes. Il a été maudit par l'Ordre des Hippogriffes pour avoir trahi l'Empire Lloroi. Il garde dans son Château le Moignon du Bâton comme le talisman qui protège son âme mais il ne pourra enfin trouver le repos que lorsqu'il aura rassemblé les "109 Lentilles" qui permettraient de contempler le Multivers. Les Chevaliers des Hippogriffes vivent toujours au sud de Shucassam, dans les Pics du Soleil. Ils continuent à adorer Taquamenau, l'ancien dieu solaire des Lloroi, ainsi que l'ancien "Flux", la source qui leur donne leurs pouvoirs (Dragon #55).
Rombune (Dragon #54) tout au sud-ouest, est aussi une puissance navale, comme le port de Zefnar-sur-la-Mer et les flottes de Mivior. Rombune abrite sur l'île de Golkus ("les Pâles") un hâvre de pirates redoutés sur toute la Mer des Noyés.
On le voit, même s'il n'y a peut-être pas assez pour un cadre de campagne, le monde est déjà très détaillé par rapport à la plupart des wargames classiques. Je regrette quand même que les mythologies soient moins développés que les histoires. Des dieux comme Nergil ou Anshar semblent directement repris à des noms mésopotamiens.
(Les illustrations de la carte viennent de la version en ligne de Divine Right)
La version du jeu "25 ème anniversary" introduit des changements intéressants dans la carte, à la suite d'un grand tremblement de terre.
RépondreSupprimerhttp://www.rightstuf.com/divine/images/board.jpg
Merci, je ne savais pas qu'il y avait aussi cette version en ligne.
RépondreSupprimerIls ont changé quelques codes couleurs (mes yeux daltoniens vont avoir du mal à distinguer Hothior et Rombune) mais sinon le changement principal me semble être la grande Mer morte de Zett (au sud de Shucassam) qui a beaucoup grandi, presque doublé (peut-être pour donner plus d'importance aux flottes de Shucassam, qui n'avaient comme seul accès à la mer Zefnar.
Parros-la-Submergée (en Rombune) est plus clairement indiquée comme étant sur l'eau. Le Profond, le grand fleuve qui traverse le Muetar, a l'air plus épais.
Sans vouloir être trop nostalgique, je regrette un peu la graphie des noms de l'ancienne carte dessinée par David Trampier.
Daltonien aussi! C'est pourquoi je n'apprécie pas trop cette nouvelle carte non plus… Mais la boite "25th" est pratique à l'usage (joué 2-3 fois, à plusieurs: bon jeu, mais où la diplomatie joue un rôle un peu "trop" important, car comme on s'allie avec des royaumes neutres entiers, cela fait trop pencher la balance sur un seul lancer de dé); elle introduit aussi plus de détails sur les barbares de l'est (on peut jouer ceux-ci comme "royaume", ou plutôt comme invasion).
RépondreSupprimerL'auteur annonce (sur la liste de diffusion Divine Right) une nouvelle édition de plus (la "35e anniversaire", "DR6"), comme celle-ci est épuisée.
RépondreSupprimerLes alliances ont l'air de pouvoir bouger assez souvent avec les événements aléatoires ou les changements de monarques.
Cette variante simple propose d'ajouter 1d6 tours de fidélité exclusive dans les alliances avec Pays Non-Joueurs pour qu'elles changent un peu moins vite.
RépondreSupprimerOu bien, autre variante, on peut lancer (1d6 + modificateur de la carte employée) le nombre d'unités "prêtées" par le royaume allié…
RépondreSupprimerIl est intéressant de voir que ce jeu ancien est encore joué "online"…
Tu peux nous dire deux mots sur les "théories mythologiques de Robert Graves" ?
RépondreSupprimerJ'apprécie beaucoup ton lien vers Jeff Rients dans le genre "comment se mettre à rêver d'aventures devant un hexagone vide" :D
RépondreSupprimerZut, maintenant, j'ai vraiment envie d'essayer le jeu et pas seulement le monde.
RépondreSupprimer> Heort
Cela a un peu vieilli et est raconté surtout dans The White Goddess. En gros (cela mériterait un vrai post), le poète Robert Graves croyait encore à un mélange de la vieille théorie de Bachofen (Matriarchie primitive de la Triple Déesse remplacée par la patriarchie solaire) et de Frazer (les cultes viennent de rituels agricoles sur le Dieu qui meurt), plus sa théorie personnelle sur des Mystères liés aux calendriers. Graves est très intéressant pour les mythes de l'Esrolie !
Dans son livre sur la mythologie grecque, il explique donc la plupart des mythes selon les mythes qu'il a lui-même créés (comme dit à peu près Lévi-Strauss dans "L'analyse structurale des mythes", l'explication mythologique n'est pas extérieure au mythe, elle est elle-même une autre sorte de mythe).
> Rappar
C'est d'ailleurs une fonction onirique propre à toutes les cartes, non ? On les aime justement parce qu'on peut divaguer dessus de manière non-linéaire, c'est vraiment un des parfaits supports de l'imagination.