vendredi 2 janvier 2015
Demon Knights #1-23
On peut faire certains reproches à DC depuis leur énième redémarrage en 2011 (comme une ambiance déprimante ou le fait d'avoir réabsorbé les comics Vertigo dans leur Multivers) mais il faut reconnaître que les titres de ces derniers temps ont fait une vague tentative de "diversité" des Genres - en faisant en variant assez le Genre superhéros pour réessayer d'autres recettes qui avaient pu fonctionner avant l'hégémonie des superhéros, du Western (All-Star Western, 4 numéros), de la Guerre (Men of War, GI Combat), du Fantastique bizarre (Frankenstein, agent of S.H.A.D.E. ou I, Vampire), de la Politique (The Movement), de l'Heroic Fantasy (Sword of Sorcery ou Demon Knights).
Mais d'un autre côté, c'étaient des coups d'épée dans l'eau comme on leur laissait rarement plus d'un an avant d'être supprimés à un rythme endiablé (plus de 52 titres créés et supprimés ces trois dernières années).
Demon Knights (sept. 2011-août 2013) a au moins eu droit à deux ans de vie et non pas seulement 8 épisodes, même si son créateur, le britannique Paul Cornell était parti après 16 épisodes pour être remplacé par Robert Venditti (#16-23).
Cadre
On est au Moyen-Âge à une époque assez floue ("The Dark Ages") et le contexte est généralement plus proche d'une fantasy à la D&D que des allusions historiques qu'on trouvait dans Arak, Son of Thunder de Roy Thomas. Le créateur, Paul Cornell, dit quelque part qu'on est au "IXe siècle" et son successeur au n°16 précise au contraire "XIe" mais il n'y a pas vraiment de Renaissance carolingienne et la présence de Goths semble bien plus archaïque, pas si longtemps après l'arrivée des Saxons mais certes avant 1066.
On dit qu'on est dans une période "après la Chute de Camelot" mais il est expliqué que Camelot est plus un Modèle ou une Idée qu'un seul événement et qu'il y a eu plusieurs Camelot, au moins une galloise et une autre plus médiévale. C'est un cadre qui permet à la fois d'utiliser la Matière de Bretagne sans y être totalement lié.
Venditti précisera même (dans le #22) une inversion intéressante : chaque Camelot recherche le Graal mais c'est en fait le Graal (par son pouvoir vital, qu'il soit un Chaudron Celtique, une Corne d'Abondance ou un Saint Calice Christique) qui rend possible chaque Camelot. La relation de Quête n'est donc pas celle qu'on croit puisqu'un Camelot est créé par "son" Graal.
Le monde est si vague qu'il pourrait aussi bien s'agir d'un autre monde parallèle. On est au début dans un royaume franc imaginaire appelé "Alba Sarum" (rien à voir avec la Sarum en Albion, Salisbury), cité où règnent Les Deux Princesses Alba et Sarum, anciennes aventurières qui tentent de recréer un Nouveau Camelot. On peut penser que leur Cité est dans les Pyrénées (peut-être près du Château de Fer d'Atlante ?), en tout cas dans une région très montagneuse et pas très loin de la mer.
Les Sept Chevaliers Démons
Les héros de cette histoire sont 7, 3 hommes (car on peut compter le Démon et Jason comme un seul mâle), 3 femmes et un androgyne ambigu (Ystin). Il n'y a que les deux premiers qui sont des créations originales de cette série :
(1) Al-Jabr (Le Chiffre) : un Magicien rationaliste sarrasin. Le seul des Sept à ne pas avoir reçu l'Immortalité. Il deviendra Emir d'Al-Wadi, une Cité de la Science en Andalousie.
(2) La Cavalière : une femme mystérieuse (Sarah) qui est paralysée des jambes (des chevaux les auraient brisées en tuant aussi ses parents) mais qui peut invoquer un cheval avec lequel elle se lie. Elle peut parler aux animaux. Excellente archère et sans doute la plus proche d'une Robin des Bois idéaliste et compatissante. Peut-être un avatar humain d'Epona.
(3) Nimue, une des Dames du Lac, demi-soeur d'Arthur et soeur de Morgane, plus connue sous le nom de Dame de Xanadu, une des disciples de Merlin. Amoureuse de Jason Blood, elle feint (?) d'aimer aussi son démon Etrigan.
(4) Etrigan : un Démon cracheur de feu et rimeur (il est contraint par son statut de faire rimer ses phrases). Il a été lié par Melin avec le corps d'un autre de ses disciples, Jason Blood de Norfolk, et les deux doivent périodiquement alterner leur corps (Jason est aux Enfers pendant qu'Etrigan est sur Terre, et vice versa).
(5) Exoristè (improprement orthographiée Exoristos, L'Exilée) : une Amazone de Themiscyra armée d'un marteau de guerre (ce qui en ferait donc la Naine du groupe malgré sa haute taille). Amante de l'ambigu et preux Sir Ystin.
(6) Vandal Savage : un Immortel de la préhistoire, cynique et amoral, mais qui semble vouloir participer à cette quête par goût de l'aventure. Moins mégalomane que les versions habituelles de Vandal Savage dans l'Univers DC mais il redevient plus clairement un sadique à partir du n°16.
(7) Le Chevalier Etincelant : Sir Ystin, un(e) guerrièr(e) gallois(e) d'un autre Camelot antérieur qui semble ignorer son propre sexe et révèle même dans le n°14 qu'il/elle est hermaphrodite. Il/elle a bu du Graal et est donc immortel(le). Il/elle possède un Cheval ailé et parlant, Vanguard. Merlin lui a prédit qu'il/elle serait pris(e) par le Mal avant de trouver le Graal.
Synopsis
En deux ans, la série a eu en gros trois "arcs" narratifs.
Dans le premier récit (épisodes 1-7), Paul Cornell faisait sa parodie des Sept Samourais. Les Sept Chevaliers-Démons tentaient de protéger un petit village, Petite-Source, qui se trouvait devant la Horde qui venait détruire Alba Sarum. La Horde, qui comprend de nombreux mercenaires barbares et des Dinosaures, est menée par la Questing Queen (qui n'est pas Morgane, mais son identité réelle reste mystérieuse) et par son assistant le sorcier Mordru (qui deviendra le sorcier quasi-omnipotent qui affronte la Légion des Superhéros au XXXIe siècle). Ils cherchent à trouver les reliques de Camelot qui seraient à Alba Sarum, notamment Merlin, fils de Lucifer, et le Graal. Les Chevaliers réussissent à tenir le village jusqu'à l'arrivée des renforts d'Alba Sarum mais c'est une victoire à la Pyrrhus comme le village est presque entièrement détruit.
Dans le second arc (épisodes 8-15), après la mort de Merlin, ils repartent vers la Grande-Bretagne pour retrouver le chemin d'Avalon. Le Démon propose à Lucifer de lui offrir Avalon en échange de sa libération du lien avec Jason Blood. Les Chevaliers retrouvent le Roi Arthur Pendragon (ou une version d'Arthur) et se retrouvent dans un conflit à trois armées, entre la Horde, Lucifer et Avalon (dont les forces sont composées d'un corps appelé les Chevaliers Silencieux - comme le héros du même nom, ce qui revient donc à transformer un héros en une fonction, un peu comme pour Green Lantern ou Captain Britain). Lucifer tente l'Exilée en lui offrant le Diamant noir qui contient toute la Haine du monde. Merlin ressuscite et sauve Avalon (en prophétisant que l'équipe des Sept Chevaliers Démons annonce une autre équipe de superhéros à venir qui sera Stormwatch). Les Chevaliers se dispersent.
Dans le troisième arc (épisodes 16-23), 30 ans après l'histoire initiale, Caïn et ses Vampires dévastent les Balkans à la recherche du Graal (et prennent le contrôle d'une tribu nomade nommée les Monteurs de Bisons). Les Chevaliers Démoniaques (sans Al Jabr devenu Roi de sa propre Cité au nom assez "avalonesque", Al Wadi, La Vallée), viennent sauver l'Île des Amazones qui est envahie par les Vampires. La Reine Hippolytè leur indique l'Île des Géants qui contient le Graal (ainsi que de nombreuses autres reliques comme la Peau du Lion de Némée ou la Corne d'Abondance). Ils rapportent le Graal à Al Wadi mais l'armée des Géants vient assiéger la Cité. Ils la sauvent grâce au Diamant noir et tentent d'arrêter ses effets maléfiques par le Graal.
Critique
L'idée de départ d'une équipe non-manichéenne autour du personnage du Démon ne me semble pas entièrement tenue. Très vite, les personnages les plus maléfiques comme Vandal Savage et même celui, plus central, du Démon semblent marginalisés et on se retrouve avec une équipe de superhéros au Moyen-Âge avec certes un peu plus de trahisons dans le groupe.
Le problème plus vaste est qu'il ne s'agit plus vraiment d'un titre de Heroic Fantasy comme c'était annoncé mais d'un Prequel de Stormwatch. Cela montre aussi une erreur profonde d'une nouvel univers DC : avoir forcé l'intégration de l'univers de l'éditeur Wildstorm avec celui de DC au lieu de le laisser sur la Terre-50 qui lui avait été attribuée. Dans l'univers Wildstorm, les superhéros contrôlent l'Humanité dans de vastes complots occultes (un peu comme les jeux de rôle World of Darkness) et on ne peut plus avoir l'atmosphère plus bienveillante de la Terre-1 mainstream). La Ligue de Justice n'apparaît plus alors qu'un paravent ou un vague alibi superficiel derrière le complot multiséculaire de Stormwatch qui manipule l'Humanité depuis mille ans. Le dosage d'un univers fictif est difficile et ici, la greffe de l'élément étranger (l'univers si sombre Wildstorm) destabilise l'équilibre de DC vers des tropes sinistres à la Warren Ellis. Il n'y a rien de mal à vouloir lire ce genre d'histoires, bien entendu, mais elles finissent par remplacer les autres et à devenir la nouvelle norme où l'innocence idéaliste de Superman ne peut plus qu'avoir l'air ridicule et où même Batman ne serait plus assez paranoïaque.
Une des réussites en revanche est le sens épique lors de certaines batailles comme celle en Avalon dans le 2e arc (la parodie des Sept Mercenaires de la première histoire y arrive moins). Le problème d'Avalon est qu'en réintroduisant Arthur et Merlin, on risque de perdre l'importance des personnages moins célèbres que les Chevaliers de la Table ronde, et de perdre le concept de départ (des héros post-arthuriens).
Les dessins de Diogenes Neves (#1-8) et Bernard Chang (#8-19) sont très agréables (je crois avoir une préférence pour le second, déjà remarqué avec un style un peu différent sur Wonder Woman).
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