jeudi 25 juin 2015

Different Worlds #3 (juin-juillet 1979)


Ce 3e numéro est explicitement daté de Juin-Juillet 1979 et il est précisé que ce sera un Bimestriel. Je n'ai aucune idée de qui est ce Tom Clark qui a fait cette couverture. The Chaosium (qui était nommé ainsi parce que Greg Stafford vivait à Oakland dans un endroit nommé "The Coliseum") commence à s'écrire sans majuscules.

"Bushido: A Review" Steven L. Lortz (p. 4-5)
Il s'agit ici de la première édition de Bushido, publiée par Tyr et non par FGU. Lortz est toujours obsédé par la gestion du temps, comme dans ses articles des numéros précédents et il insiste donc sur la formalisation des différents rythme dans ce célèbre jeu sur le Japon médiéval : 1 mois par tour pour simuler la vie à la cour, 1 semaine/tour pour les périodes d'études des personnages entre les parties (Downtime), 1 jour/tour pour les phases de voyages, 1 heure/tour pour les scènes de batailles, 6 secondes / tour pour le combat. Il fait l'éloge du fait que les règles d'Honneur vont motiver les joueurs à dépasser le jeu de pillages et massacres. Enfin, il considère le système comme une synthèse heureuse des deux tendances opposées des jeux à classes (D&D - les classes de Bushido sont limitées à 6 Niveaux) et des jeux à compétences (Runequest).

My Life and Role-Playing 3 
"Blackmoor ..." Dave Arneson (p. 6-8)
Arneson raconte une histoire qu'on a déjà lue plusieurs fois sur les origines de la Première Campagne de Jeu de Rôle, Blackmoor. (1) Il faisait déjà du jeu de rôle dans des wargames napoléoniens tactiques appelés Braunstein et qui s'étaient déjà développés comme un genre de jeu diplomatique plus large avec des contextes historiques divers. (2) Il a eu plusieurs essais qui mélangeaient histoire et fantasy (dont un wargame où un Druide avait retrouvé un Phaser avec une seule charge). Les combats étaient très proches de Chainmail (là dessus, Arneson reconnaît une antériorité de Gygax, même s'il ne mentionne jamais son nom) mais la magie avait des listes d'ingrédients Minéraux/Végétaux/Animaux (du moins, je crois comprendre qu'il parle d'une liste d'ingrédients). Son approche des règles est tellement d'improvisation qu'on comprend qu'il ait du mal à les formaliser : ce sont plus des décisions à établir au cas par cas que des systèmes ("rulings not rules", comme dit l'OSR, ou "ein reflektierendes Urteil und nicht ein bestimmendes Urteil", comme le dirait Kant). Arneson rappelle que D&D fut d'abord refusé par plusieurs compagnies comme Guidon Games et Avalon Hill. Il dit aussi être conservateur politiquement (comme Gygax) et membre du mouvement évangéliste The Way (Gygax avait été Témoin de Jéhovah, avant de les quitter parce qu'il fumait). Il rappelle qu'en plus de son jeu de bataille navale napoléonien (Don't give up the ship!, Guidon Games, 1971), il a deux jeux de rôle : Samurai (Vaporware) et Adventures in Fantasy. Il conclut en disant que le propre du jeu de rôle est l'évolution du joueur (mais j'imagine qu'il veut dire plutôt celle du personnage).

"My Life is Role Playing" Steve Perrin (p. 8-10)
Steve Perrin part du jeu d'enfance et le compare à d'autres expériences. Il raconte notamment les origines de la Society for Creative Anachronism. Il était proche de Diana Paxson, l'écrivaine néo-païenne de Berkeley (alias "Countess Diana Listmaker" dans la SCA), et ils commencèrent à organiser des tournois déguisés à partir du 1er mai 1966 (à l'origine pour célébrer le départ d'une amie vers le Peace Corps). C'est Marion Zimmer Bradley qui créa le nom de la Société et c'est ce 1er mai qui débute le calendrier de la Société (nous sommes donc en l'an 50 Anno Societatis). Steve Perrin commença à jouer le Comte Stefan de Lorraine dans la SCA et il devint même le Roi du Royaume Occidental en l'An IV (le Roi est déterminé par un tournoi tous les ans) et Sénéchal plusieurs années de suite.
Il y dirigeait une des armées principales, les Forces du Chaos. C'est à l'occasion des fêtes de la SCA de l'Epiphanie de 1968 (Anno II) qu'il épousa Luise du Phénix, en tenue de Stefan de Lorraine. Ses armoiries étaient une Fleur-de-lys de Gueules sur Champ d'argent et celles de Luise un Phénix enflammé sur une Fleur-de-lys sur Champ d'argent. Il indique que l'un des co-auteurs de Runequest, Steve Henderson (alias Sir Steven MacEanruig, 1944-2006), est en 1979 le nouveau Roi du Royaume d'Occident.
[A cette époque la SCA n'a encore que 6 "Royaumes" : Occident (Californie nord), Caid (Californie sud), Atenveldt (du Montana au Mississippi), Meridies (Sud-est), Milieu (Ohio et Midwest) et Est (toute la côte est). ]
Tout jeu peut recevoir une certaine dose de "jeu de rôle", y compris les échecs ou Tactics II (le wargame de 1958 auquel il jouait dans les dortoirs de l'Université d'Etat de San Francisco). En dehors de la SCA, il se mit aussi aux jeux de combats navaux (comme Dave Arneson - Stafford aussi a dit avoir commencé avec son premier jeu, U-Boat) et devint arbitre de plusieurs wargames au début des années 70. Il mentionne avoir joué à Dieu dans "Volterra, le Meilleur des Mondes de Wargames" mais l'allusion n'est pas explicitée. En 1974, une arthrite l'empêche de continuer à se battre dans les Lices de la SCA et il découvre D&D avec Steve Henderson. Il ne comprend pas les règles et, contrairement à Steve Marsh qui écrivit à Gary Gygax, il fit ses propres interprétations en se fondant sur son expérience des wargames. En mars 1976, Clint Bigglestone crée la convention DunDraCon sur la région de San Francisco où ils invitèrent Fritz Leiber et organisèrent un scénario sur Nehwon (ce qui agaça Gygax qui avait négocié les droits de Nehwon pour D&D - ce problème poursuivra les rapports de Chaosium et TSR en 1985 quand les deux compagnies auront les droits pour un livre sur Lankhmar).
Steve Perrin avait commencé à faire circuler pendant DunDraCon ses propres variantes de D&D, les Perrin Conventions, qui portaient notamment sur l'ordre précis de l'Initiative. On les retrouve dans l'introduction d'All the World's Monsters, vol. 2, 1978 (un des premiers livres publiés par The Chaosium et dont le premier volume devança le Monster Manual). Le système proposait des jets de Dextérité x 5 sur un d100 (avec des malus à la Dextérité en cas d'armure lourde), ce qui doit donc être la première base du Basic Role-Playing System (ainsi que l'ancêtre du système des Strike Ranks de Runequest). En revanche, le système utilisait une marge de réussite : chaque 10 points en dessous du score indiquait une seconde de moins pour accomplir l'action dans le Tour de 10 secondes.
Puis il raconte l'élaboration de Runequest et on en trouve d'autres versions en ligne. Après avoir quitté le système d'Arduin, Greg Stafford voulait quelque chose de plus différent de D&D. La première équipe de créateurs était Hendrik Jan Pfeiffer, Art Turney et son frère Raymond Turney mais leur version restait trop proche de D&D. Les deux premiers quittèrent le groupe pour des raisons professionnelles et Steve Perrin, qui avait fait le livre de monstres avec Jeff Pimper, arriva avec ses amis de la SCA, Steve Henderson et son co-loc Warren James. Même si Ray Turney fut assez influent (James et Henderson s'occupant plutôt du playtest et de la relecture du texte), il y a eu assez peu d'éléments de la première équipe. Perrin abandonna les points d'expérience, les niveaux de classes et les points de vie croissants, il ajouta les strike ranks et beaucoup d'autres mécanismes. Traveller avait déjà utilisé les Compétences avant mais même Traveller avait gardé un lien entre Carrières et Compétences qui disparaissait dans RuneQuest (en un sens, RQ n'avait d'ailleurs pas assez de système d'Expérience Préliminaire avant sa seconde édition). Il y a un désaccord sur le nom même du jeu : Perrin se souvient que c'est lui qui a donné le nom alors qu'une autre source pense que cela était proposé par Stafford. RuneQuest sera signé "Perrin & Friends".

"Research And Rules" Steve Marsh (p. 10)
Si je fais des règles, je dois aussi étudier la réalité à représenter et la cohérence dans le système.

"D&D Variant: Specialty Mages - Part 3" Mike Gunderloy (p. 11-17)
Les Mages de la Foudre sont Neutres, les Mages de Cristal sont Loyaux-Bons, les Mages de l'Acide sont maléfiques et servent le Dieu-Escargot contre le Seigneur des Corbeaux (ils invoquent aussi des Limaces géantes et des créatures faites d'Anti-Vie), les Mages des Vents servent le Seigneur Corbeau, Mangeur des Morts, ennemi juré du Dieu-Escargot.

"Role-Playing: How to Do It (An Immodest Proposal)" Clint Bigglestone (p. 18-21)
Le jeu de rôle est "l'art d'être ce qu'on n'est pas" [si Bigglestone connaît Sartre, il reprend alors la définition existentialiste du fait d'être conscient !]. Que le personnage soit créé de manière aléatoire ou par distribution de points (comme dans TFT et Bushido), les caractéristiques donnent déjà une indication d'un écart entre la personnalité du personnage et celle du joueur et il est bon qu'il y ait assez d'imperfections pour développer le personnage. Il faut tenir compte aussi de l'écart culturel qui va déterminer toute sa vision du monde. Commencez par un personnage qui n'ait que quelques différences avec votre personnalité avant de développer ces différences. Mais ne vous attachez pas inutilement à un seul personnage ou vous perdrez la dimension de jeu et deviendrez névrosé - ne prenez jamais le personnage pour une psychanalyse. Puis une fois que vous êtes plus à l'aise, expérimentez avec des personnages de plus en plus différents, de sexe différent du vôtre (ou d'orientation sexuelle différente). Si au cours du jeu, une situation transforme radicalement la personnalité, le sexe ou l'espèce du personnage, c'est aussi une occasion à explorer (comme quand, dans D&D, votre épée intelligente vous domine assez pour vous transformer en un NPC). L'étape suivante est de devenir Maître de Jeu pour explorer encore plus de personnages. Apprenez à éviter les stéréotypes et à prendre assez de distance pour éviter de vous prendre trop au sérieux.

Quick Plugs
Le magazine survole trois suppléments (Caliban pour Arduin, le B1 pour D&D, Militia & Mercenaries - des pré-tirés pour RQ) et 5 petits magazines de jeu de rôle (dont Wyrm's Footnotes 6 de Greg Stafford, Wargaming 4 de Scott Bizar). Il y a ailleurs des pubs pour la XIIe GenCon (août 1979).

"Different Worlds Present the World of Druid's Valley: A Bunnies & Burrows Campaign" B. Dennis Sustare (p. 22-26)
Les rubriques des numéros 1 et 2 avaient survolé les mondes d'Archaeron et Arduin, ici Sustare donne en détails sa campagne personnelle de Bunnies & Burrows, le jeu de rôle où on joue des lapins inspirés de Watership Down. J'imagine que c'est parce qu'il a créé la Classe de Personnage du Druide pour D&D qu'elle s'appelle la "Vallée du Druide".

C'est typiquement ce qu'on appellerait un "Bac-à-sable". Il y a plusieurs Terriers et lapins isolés. Les PCs arrivent dans ce contexte et vont où ils veulent mais il y a une destinée probable car une Grande Guerre des Terriers se prépare dans la Vallée du Druide. Les PCs arrivent dans la Vallée par le sud en traversant la Grande Rivière. Ils vont explorer les divers terriers de la Vallée et tenter de s'installer. Ils tombent généralement depuis le sud sur le terrier de "Clapotis" (Ripple) ou de "Quiétude" (Wintercalm). Le Sommet herbeux (Grassy Top) a un autre terrier, Lueur d'étoile (Starlight) et il y en a un au nord-ouest sur l'Endroit rocailleux, Cristal (qui détient des secrets aussi sur ses rivaux du Terrier caché du Bois Sinistre, Gloomwood). Il y a d'autres mystères comme un étrange Trickster dans le Marais brumeux (Misty Marsh), des Pierres dressées qui semblent avoir un pouvoir magique près du Bord du Ruisseau (Creekside) et au nord-est le Terrier Perdu, qu'on dit hanté. Sustare dit d'ailleurs qu'il révèle dans ce numéro des secrets qu'il n'a pas encore montré à ses propres joueurs dans sa campagne (même s'il indique jouer plus à Runequest et Starships & Spacemen en ce moment). Mais j'aime bien l'idée que les PJ n'ont pas de carte et qu'ils doivent donc repérer le terrain aussi en interrogeant d'autres animaux.


"RQ Cult: The Three Feathered Rivals Cult" Raymond Turney
Ces esprits sont un Culte à Mystère où les Trois Rivaux à Plumes sont opposés et complémentaires : le Faucon solaire (Vérité), le Corbeau (Illusion) et l'Oiseau-Tonnerre (Changement). La Vérité dissipe l'Illusion et engendre le Changement qui révèle dans la Vérité son Illusion. Le Mystère a commencé comme une vision hérétique d'un ancien Seigneur gris de Lankhor Mhy du Pays Saint mais s'est diffusé depuis dans les Tribus nomades de Prax. Le Culte a donc trois sous-cultes qui peuvent avoir des visions assez opposées. Ils étaient à l'origine trois unités dans Nomad Gods avant que cet article ne les recombine. Tales of the Reaching Moon n°15 (Prax Part II) les redéveloppe de manière différente avec de nouveaux sorts pour RQ3. Voir la version de Simon Phipp. Il y a un autre esprit, le Condor, qu'on appelle parfois le Quatrième Rival à Plumes. Il ne doit plus être officiel et je ne l'ai pas retrouvé dans le Cult Compendium.

"A Letter From Gigi" by Gigi D'Arn
Une rumeur dit que Heritage Models, qui avait déjà les droits de figurines Lord of the Rings aurait aussi obtenu les droits pour un jeu de rôle sur Tolkien et que c'est Michael Matheny (qui avait fait le jeu tactique John Carter, Warrior of Mars) qui s'en occuperait. Cela n'a dû mener à rien et ce sont I.C.E. et Pete Fenlon qui auront ces droits pour MERP, et Fenlon dira que personne n'avait vraiment cherché à les demander sérieusement avant eux.

Le jeu que Greg Costikyan prépare s'appellerait High Fantasy mais il ne sait pas encore s'il paraîtra chez SPI ou ailleurs. Vaporware, je crois, car je ne pense pas qu'il s'agisse d'une pré-version de Dragonquest.

GDW annonce l'arrivée de JTAS, le magazine de Traveller.

Gigi d'Arn se moque du fait que Gary Gygax, après avoir déjà consacré deux articles sur les hallebardes dans l'ancêtre du Dragon (Strategy Review #2 et #4) y est encore revenu très en détails dans The Dragon #22 (fev. 1979 - cela sera repris dans Unearthed Arcana).

Different Views (le Courrier des lecteurs)
Mark Chilenskas (qui a participé aux "Trois Rivaux à Plumes" dans le fanzine A&E) trouve qu'il y a trop de D&D dans DW et que Wyrm's Footnotes avait plus de matériel utilisable.
John Sapienza n'a pas été emballé par les articles sur les Mages spécialistes, qu'il juge déséquilibrés.

"D&D Variant: A New Cleric Cure System" by John T. Sapienza, Jr.
Il propose plusieurs variantes (qui viennent d'A&E) pour augmenter le pouvoir du Clerc, qui est si peu populaire. D'abord, il y a des Points de coup négatifs (jusqu'à - CON) et les sorts du Clerc marchent sur ces Points de coup négatifs même avant la résurrection [Cette variante est devenue officielle par la suite, non ?]. Il abandonne aussi l'idée d'un lien avec l'Alignement : tous les Clercs, quel que soit l'alignement, peuvent inverser leurs sorts : Guérir Blessures peut devenir Causer Blessures, etc.

DW a tellement peur d'être accusé de n'être que le magazine du Chaosium qu'ils parlent finalement plus de D&D que de Runequest !

Publicité interne : Chaosium annonce en plus de Cults of Prax, Foes ou Snakepipe Hollow deux jeux de plateau que je ne connaissais pas : Reich de Jonathan Michael (l'unification de l'Allemagne) et Raiders & Traders de Donald Dupont (on joue une Maison noble dans la Grèce de l'Âge de Bronze). 

lundi 22 juin 2015

Charleston


Voir Elias sur quelques spécificités religieuses de ce nouveau massacre.

La Gouverneur rrépublicaine de Caroline du Sud a mis les drapeaux de l'Union et de la Caroline du Sud (le Croissant et le Palmier) en berne après le massacre mais elle n'avait pas le droit (en supposant qu'elle ait voulu le faire) de toucher au sacro-saint drapeau de la Confédération esclavagiste sans un vote du Congrès de l'Etat (des 2/3 !) et ils ont donc laissé flotter l'étendard préféré de l'assassin alors que les autres descendaient, ce qui ajoutait une insulte aux crimes.

Le culte religieux du drapeau est un des fondements de la religion civile américaine, mais, bien que je sois bien entendu en faveur du changement d'un tel drapeau, je regrette que le débat américain se cristallise sur cette question purement "symbolique".

On a l'impression d'une substitution : comme on sait qu'on ne touchera pas aux armes à feu (et rien ne sera fait, c'est une certitude de plus, et après tout, même des lois légèrement plus strictes n'auraient sans doute pas suffi), on essaye de viser au moins un autre objectif lié au racisme (parce qu'on espère qu'on puisse atteindre au moins ces symboles mais le référendum risque d'être un échec, comme cela a été le cas au Mississippi en 2001). Les Sudistes continueront de dire que cela n'a rien de raciste, que ce n'est que leur Héritage (c'est-à-dire l'Héritage de leur racisme).

Comme l'a dit Jon Stewart dans le Daily Show, la Caroline du Sud est un Etat où les routes ont des noms des Généraux sudistes qui ont combattu pour le droit de posséder des êtres humains et qui auraient donc interdit à une partie de la population le droit de rouler sur ces routes.

samedi 20 juin 2015

Liens Jeux de rôle


Will Wheaton a commencé sa campagne filmée et en ligne, Titansgrave: Ashes of Valkana, avec les règles de DragonAge. L'univers est de la science fantasy, avec une planète qui a à la fois de la magie, des espèces fantastiques et des ruines de haute technologie avec des cyborgs et divers vaisseaux. Les Sauriens étaient l'ancienne espèce dominante jusqu'à ce que la Civilisation s'écroule et il y a un Culte qui a mis le monde à feu et à sang pour tenter d'éradiquer toute trace de la Technologie. Les PJ comprennent deux Sauriens, une Elfe-Naine et une Humaine cyborg. J'admire beaucoup l'enthousiasme visible de Will Wheaton sur son univers mais sur la durée, je continue de penser que malgré tous les efforts de mise en scène (avec des illustrations et des effets sonores) le jeu de rôle comme medium soit mal adapté pour un spectacle. [Par ailleurs, le premier scénario centré sur la bière a un peu trop "dédramatisé" le McGuffin.]

Steve Perrin (qui a l'air de se consacrer aujourd'hui à 69 ans surtout à ses premières amours, les jeux de superhéros) a annoncé qu'il allait participer à une seconde édition du Premier jeu de cette catégorie, Superhero 2044 (Voir l'article chez Thoul). Il y aura un Kickstarter en février 2016. Mais le système de cette nouvelle édition sera inspiré plutôt de celui des règles logarithmiques de DC Heroes. Steve Perrin y fera la description de 450 (!!) personnages de comics et de littérature tombés dans le Domaine Public (un peu comme ce qu'a fait notre Soner Du national sur son jeu de superhéros).

Un article déculpabilisateur sur le fait qu'on peut très bien lire un jeu de rôle sans y jouer. Ouf.

Le n°3 de The Hanging Garden a un jeu post-apo MadMaxien complet de Zak Smith, inspiré de D&D5e et une adaptation du film pour Glorantha.

vendredi 19 juin 2015

Different Worlds #2


Le deuxième numéro (qui semble daté à peu près de "mars-avril 1979") est un peu plus court, 38 pages ($1.75). Il est pourtant beaucoup plus divers que le précédent qui se concentrait sur les pages de souvenirs des auteurs. La couverture est par William Church, qui illustrait aussi Wyrm's Footnotes (et je presque certain que la ville de Wilmskirk en Sartar sur Glorantha est nommée en son honneur, ce qui prouve que Greg Stafford aimait mettre des gags dans son univers).

La page d'abonnement précise que Different Worlds est le seul magazine qui ne parle que de jeux de rôle. J'imagine que c'est parce que Dragon Magazine ou White Dwarf avaient une section wargame ?

Tadashi Ehara raconte que pendant la Convention DunDraCon IV (17-19 février 1979, organisée à Oakland par Clint Bigglestone et avec un fort contingent du CHAOSium, dont un séminaire de Greg Stafford sur "Les dieux de Glorantha") un jeune homme lui avait dit avoir été déçu par l'absence de Tables et de Chartes dans le numéro 1 de DW. Bigglestone participera d'ailleurs au #3.
Tadashi Ehara annonce aussi l'arrivée de Gigi d'Arn, la nouvelle chroniqueuse de "Rumeurs & Cancans" du jeu de rôle, dont il dit qu'elle travaillait pour Lou Zocchi. Il y a une rumeur qui dit que Gigi d'Arn (dont le nom est en fait une allusion aux initiales "Gary Gygax" et "Dave Arneson") n'a jamais existé et que les rédacteurs de DW écrivaient la chronique ensemble.

"Beginner's Brew: ... and you say that this is a game?" Charlie Krank (p. 4-7)
Les conseils comprennent un mini-scénario, un donjon où on doit aller récupérer le fils d'un aubergiste qui a tenté, par défi, de passer la nuit dans la vieille demeure du Vieux Jerol, un ancien sorcier défunt.

"Review of Legacy" by Steve Lortz (p. 8)
Legacy de Dave A. Feldt venait de sortir en 1978 et il était souvent mentionné comme un des systèmes dans le numéro 1 en même temps que C&S, T&T ou Runequest. Il est complètement oublié aujourd'hui mais si on le mentionne, ce n'est le plus souvent que comme un des jeux les plus pédants et mal écrits de l'histoire du jeu de rôle (et Greg Costikyan reprochera d'ailleurs à Steve Lortz d'avoir été trop peu critique dans cette review dans une page du courrier de DW n°4 p. 36).  Legacy utilise par exemple "Role-Assumption System" au lieu de RPG, "Game Moderator" au lieu de GM et "Enabler" au lieu de "Bonus spécifiques associés au background". Il a l'air d'être un jeu un peu post-apocalyptique qui se déroule dans un cadre très primitif (néolithique) avec un système simulationniste très lourd (seulement 3 caractéristiques, qui reviennent à Corps, Intelligence et Empathie, mais divisées en de nombreuses sous-caractéristiques inutilement détaillées). Il y a quelques idées qui ne sont pas mauvaises comme le fait de quantifier l'information comme des sortes de points d'expérience à accumuler pour représenter ce que découvrent les PJ. En revanche, les règles sur "l'Intentionnalité" (un système qui quantifie les probabilités qu'un objet ou un PNJ "veuille" faire quelque chose) ou sur la "Carte des relations" sont, paraît-il, trop peu claires pour être compréhensibles.

"D&D Variant: Specialty Mages - Part 2" Mike Gunderloy (p. 9-14)
Cette 2e partie décrit 4 autres sous-classes de Mages : les Illuminati (Mages de Lumière, liés aux Sidhes, Loyaux-Bons), Mages d'Obscurité (Loyaux-Mauvais), de Feu (Neutres) et de Glace (Loyaux-Mauvais, ils cherchent la Lance Gelée qui peut remplacer l'étincelle de vie par une étincelle de glace).

"Character Name Tables" Elaine Normandy et John T. Sapienza, Jr. (p. 15-16)
Des générateurs aléatoires (Humains, Nains, Elfes, Hobbits) inspirés par Tolkien.

My Life and Role-Playing Continued!

"Into the Labyrinth" Steve Jackson (p. 17-19)
Steve Jackson (le Texan, pas le Britannique) est en train de développer le jeu The Fantasy Trip, qui sort sa version complète (Into the Labyrinth) cette année-là che Metagaming. C'est l'ancêtre direct de son futur jeu GURPS. Jackson explique que de nombreux jeux de rôle n'accomplissent pas assez leur fonction qu'il définit ainsi "inviter le joueur à adopter une personnalité différente de la sienne". A l'inverse, de nombreux jeux de plateau et de wargames peuvent avoir parfois plus de dimensions de jeu de rôle que ce qu'on appelle d'habitude RPG. Il défend aussi l'idée qu'en répartissant des points, on construit mieux une personnalité qu'on veut jouer qu'en les tirant au hasard (je croyais que GURPS était inspiré par Champions, mais c'est en fait un principe que Steve Jackson défend ici un an avant Champions). Il décrit le jeu "sub-optimal tactiquement" de son collègue Howard Thompson (chef de Metagaming, avec qui il se disputera plus tard pour les droits de TFT), qui joue des Nains très crédibles, irascibles et auto-destructeurs. Il fait l'éloge de la Society for Creative Anachronism (où était aussi Steve Perrin) dans laquelle il joue un personnage deux jours par semaine.

"My Life and Role-Playing with Possibility" David A. Feldt (p. 19-21)
A part un passage avec un peu d'auto-dérision sur le pédantisme de son propre jeu de "Role-Assumption", Legacy (critiqué aimablement p. 8), David Feldt n'attenue pas tellement l'impression de prétention qu'on lui attribue. La fin se termine avec une nouvelle de SF où il imagine que le jeu de rôle devient rapidement le centre de tout l'eneignement avec un appui informatique pour représenter des règles de plus en plus complexe. Ce sont les concepteurs de jeu de rôle qu'on envoie coloniser d'autres mondes dans un futur proche (2006!) car ils ont l'habitude d'entrer dans la peau de quelqu'un d'autre.

"Starships & Spacemen Expansion Kit" Leonard H. Kanterman, M.D. (p. 22-23)
Juste un erratum de S&S.

"Lord of the Dice" Greg Costikyan (p. 24)
Une "parodie" de jeu de rôle assez peu drôle à mes yeux où il est dit qu'on lance un d100 et qu'on interprète le résultat.

"Different Worlds Presents: Arduin, Bloody Arduin" Dave Hargrave (p. 25-29)
Dave Hargrave, le créateur d'Arduin fait à la fois l'éloge de son jeu tout en présentant le monde. Il dit qu'en 5 ans de jeu réel, 25 ans de jeu sont passés dans la chronologie officielle où il a vu mourir 700 personnages-joueurs (je pense à un accès dangereux de mythomanie, même en imaginant plusieurs scénarios chaque semaine, mais qui sait ?).
J'ai déjà parlé d'Arduin, de sa politique (et de l'une de ses races, les Phraints). Arduin est un pays d'environ 100 000 km2 (taille de l'Islande ou de la Corée du Sud) sur la planète Khaas, sur le continent de Khaora. Le monde a vu de nombreuses civilisations interstellaires et interdimensionnelles, des Kthoi reptiliens aux Mages stellaires et aux Seigneurs du Temps jusqu'aux grandes "Guerres de Quand" autour d'Arduin, carrefour de plusieurs Portails entre les Mondes. Après des éternités de Guerre, les Accords d'Arduin ont institué un territoire neutre, une petite monarchie elfe dont la neutralité est protégée par une coalition de tous ses voisins qui ne souhaiteraient pas que cette puissance tombe sous le contrôle d'un seul d'entre eux. Il y a un Collège de plusieurs factions, Sages, Mages, Clercs et Technos, ce qui rappelle l'ambiance space-fantasy de ce cadre, qui rappelle presque plus Dune que Lord of the Rings. Arduin est un tel "creuset" que le métissage y est même obligatoire selon les coutumes, ce qui en fait une nation de demi-elfes/demi-orques/quart-d'un peu tout. Il y a cinq cités principales : la capitale Talismondé au sud du Grand Lac des Brumes (formé au confluent des Fleuves du Paon et du Cristal), Melkalund et Khurahaen au nord du Lac, VorlnYaas à l'ouest au-delà de la Forêt de Cristal et Nythaarna au sud-est du Bois des Gémissements. La Noblesse demi-elfe doit aussi négocier avec le pouvoir des Guildes. Comme un Etat moderne, le Royaume d'Arduin a un réseau de Messagers royaux et des Routes antiques assez bien entretenues, même si avec moins d'un million d'habitants, la densité démographique ne dépasse pas 8 habitants au km2 (niveau de la Russie actuelle), ce qui fait de nombreuses zones sauvages loin des centres urbains. Comme dans le monde de Tékumel, le pays a des Cités souterraines, les "Sous-Villes", où sont tolérées presque toutes les déviations religieuses ou morales par rapport aux Lois de la Surface. Hargrave raconte ses dernières campagnes où le Duc Jethar de la Maison du Soleil Levant a lutté pendant 20 ans contre le pouvoir de la Société du Lotus Noir (la Mafia des Magiciens) et le Duc Elric de la Tour du Dragon a passé 7 ans aux Enfers, gardé par Cimmeries le Seigneur des Morts Vivants avant que des personnages réussissent enfin à le libérer (après avoir perdu 40 PJ dans l'entreprise). Je me moque souvent des travers grandiloquents de Hargrave mais en réalité, j'admire toujours l'enthousiasme communicatif de ses descriptions.




Voici la carte actuelle chez Emperor's Choice qui illustre aussi les pays voisins. Voir aussi ce qu'en disait Sarah Newton l'an dernier (sur une hypothétique 5e édition d'Arduin).

Au Nord d'Arduin se trouvent le Royaume humain de Falohyr et les Terres inondées de Khorsar. A l'Est, Morvaen a un culte monothéiste de LUI, Dieu de l'Electricité, et l'Empire de Viruelandia a l'air d'être l'équivalent habituel des Romains (la "Reine-Mère", Veuve du précédent Roi d'Arduin vient de Viruelandia - mais la Monarchie est élective et elle n'est pas la Mère du Roi actuel). Au Sud se trouve le Royaume nain de Myrmidios. A l'Ouest c'est la terre inconnue d'Ozrhaen, fermée du monde extérieur par des flammes magiques

"RuneQuest Special!: The Cacodemon Cult" Steve Perrin (p. 30-31)
La version complète du Culte des Ogres apparaît ensuite dans Griffin Mountain.

"The Way of the Gamer: Dramatic Structure of RPGs" Steven L. Lortz (p. 32-35)
Steve Lortz reprend l'analyse qu'il avait commencée dans le n°1 et qui insistait sur une précision à donner sur la relativité des échelles des séquences ou du temps en jeu de rôle (temps tactique ou stratégique). Le jeu de rôle est analysé comme une forme d'art à partir notamment du cinéma. L'analogie est ici que l'enchaînement des "Moves" en jeu de rôle se compare avec les séquences dans le cinéma et que l'art d'improvisation du GM est donc d'adapter la temporalité pour bien agencer ces séquences. L'enjeu de l'enchaînement dramatique entre les actions se fait autour de deux axes : (1) à court terme, le personnage va-t-il survivre ? (2) à plus long terme, le personnage va-t-il accroître sa puissance ou du moins sa connaissance ? Chaque "Move" dramatique s'analyse en 4 phases : (1) détermination de la "Rencontre" avec l'environnement (qu'elle soit planifiée par un scénario ou déterminée par une situation ou une table aléatoire). (2) choix de l'Action par le PJ (3) Réaction de l'environnement (4) Résolution de l'Interaction. Chaque question résolue conduit à une nouvelle question jusqu'à ce qu'on doive passer à une nouvelle séquence. L'analyse abstraite a le défaut de ne citer que des exemples en Donjons.

"A Letter From Gigi" Gigi D'Arn (p. 36)
Gigi D'Arn fait la rubrique "Rumeurs" du Jeu de rôle, en la présentant toujours comme une Lettre sans ordre à Tadashi Ehara (même si on pense parfois que c'est Ehara ou d'autres membres du CHAOSium qui l'écrivaient). Il y a parfois de détails sur les embauches ou les mouvements entre les compagnies, et le pseudonyme devait aussi servir au CHAOSium à régler ses conflits avec d'autres auteurs. Gigi se moque aimablement de Sorcerer's Apprentice de Ken St.Andre, qui était censé être ouvert sur tous les jeux de rôle et qui ne parle en fait que de Tunnels & Trolls. Elle se demande pourquoi Different Worlds ne parle pas plus du fait que Wyrm's Footnotes est très intéressant pour les joueurs de Runequest (pub interne directe...). Elle rappelle à la fin le fait que Greg Stafford et Scott Bizar (de FGU) sont par coïncidence mariés à cette époque à deux soeurs et ont donc la même belle-mère.

Dave Arneson ferait un procès à TSR demandant 300,000$ pour le nouveau Monster Manual. Il préparerait un jeu de rôle à contexte japonais pour CHAOSium (Vaporware comme beaucoup des rumeurs de cette rubrique... et comme beaucoup de réalisations d'Arneson). Il quitterait Heritage pour son jeu Adventures in Fantasy.

Ian Livingstone dans l'éditorial de White Dwarf #9 (oct-nov 1978) disait que pour que D&D reste amusant, il ne pouvait pas y avoir une seule manière de jouer. C'était en fait une réponse directe à un article de Gary Gygax dans The Dragon Magazine #16 ("Role-Playing: Realism vs Game Logic, Spell Points, Vanity Press and Rip-Offs", juillet 1978, p. 15-16). L'article de Gygax était très violent et disait en substance
(1) N'utilisez pas de variantes, sinon ce n'est plus D&D. Rien ne vous interdit de créer votre propre système si vous le désirez (ce qui est un argument assez raisonnable). TSR sait mieux que vous ce qui est bien pour D&D.
(2) Les fanzines sont presque tous des textes médiocres qui tentent d'exploiter l'aura de D&D en le gâchant par des idées stupides.
Je comprends que le Point (2) ait consolidé l'image de Pape intolérant de Gygax. Gygax avait énuméré les systèmes proposés qu'il rejette tous : mettre fin à l'interdiction des armes pour certaines classes, mettre fin aux limites de certaines espèces, des systèmes de réussites critiques, des Points de Sort à la place de la magie Vancienne, des compétences ou expertise sur des armes et il est drôle de constater que tous ces systèmes "déséquilibrés", "idiots", "inutiles" furent ajoutés finalement au moins comme options dans d'autres éditions de D&D, prouvant que ce n'était en partie qu'une question de dogmatisme de Papy Gary.

David Feldt aurait eu un accident de voiture et préparerait un nouveau jeu de SF avec sa compagne et co-auteur Shannon Berger (Vaporware).
Dave Hargrave préparerait le nouveau jeu Star Rovers pour Archive Miniatures de Steve Lortz. Le jeu sortira vraiment deux ans plus tard, en 1981 (co-écrit par Steve Lortz et Neville Stocken, qui était sculpteur de figurines starwars non-officielles et qui avaient dû les déguiser pour éviter un procès de Lucasfilms). En passant, ce système, parmi ses 48 (!) caractéristiques, a des règles complexes sur le "Tempérament" avec par exemple trois sous-caractéristiques "Outlook, Humor, Patience" et trois autres "Ambition, Pride, Selfness". Pendragon et ses 13 Traits sont dépassés...
Greg Costikyan et SPI vont sortir leur premier jeu de rôle Commando (jeu de combat tactique avec création de personnage, qui parut effectivement cette année-là et gagna un certain prix HG Wells du meilleur jeu "de rôle" 1979).

jeudi 18 juin 2015

Docte ignorance


Segmentant d'écume l'onde bondée du Moins
L'englobant envoutant outre le vide bout
Les écarts s'ensablent, vortex dans chaque bout
Labyrinthe ajouré d'océans par un point

Ces tourments incisifs ignorent tous nos soins
Des gemmes de néant constellent notre boue
Violant le vertige par delà le tabou
L'intime se love dans l'inconnu au loin

Le chaos diffracté qui aux échos se voue
Eclats d'obscurité, abysses de hibou
Les grains s'ammoncellent et n'arrivent à rien

L'horizon sous le seuil inachevé s'avoue
Là où le su et le tu à l'interdit se nouent
Ce qui distend les coins du dedans de tout lien

(écrit en surveillance d'examen, série S, alors que les élèves gémissaient)

Add. Je me répète beaucoup et j'ai aussi imité la Ballade que j'avais faite dans le genre "Je meurs de soif auprès de la fontaine".

Je meurs de soif auprès de la fontaine, 
Tirant plaisir d'un feu douloureux,
Paillard lascif aux amours puritaines,
Esprit fougueux en un coeur langoureux,
Si souffreteux pour être vigoureux,
Prenant chair nue pour encombrant pourpoint, 
Goût de fadeur pour régal savoureux,
Me divisant en un unique point. 

Vers ma Prochaine en Princesse lointaine,
Gueux éploré ayant sort bienheureux,
Couard valet et vaillant capitaine,
Preux aspirant à devenir peureux,
Froussard poltron guidant les valeureux, 
En désaccord avec mon contrepoint,
Foyer glacé au pôle chaleureux, 
Me divisant en un unique point. 

Montrant respect à la morgue hautaine, 
Songe de fer au haubert vaporeux,
Doutant surtout de vérités certaines,
Dans l'eau séché, dans un galet poreux, 
Se calcinant en hiver rigoureux, 
Lourd de soucis, épuisé de tout soin, 
En Arcadie, je serais malheureux, 
Me divisant en un unique point. 

mardi 16 juin 2015

Different Worlds #1 (1979)


Different Worlds fut d'abord le magazine de Chaosium (pardon, "The CHAOSium" comme ils l'écrivaient à l'époque dans le magazine) avant de devenir une sorte d'éditeur indépendant de Californie. Ils eurent 47 numéros en 8 ans, de 1979 à 1987 (voir l'Index). Il était de bonne qualité, souvent plus ouvert à la diversité des jeux de rôle que le Dragon Magazine de TSR.

Le premier numéro, de 48 pages, coûtait $1.75 (soit $5.70 en PPI de 2015).La couverture (où une petite pixie contemple un guerrier mort) était par Steve Swenston, qui avait fait quelques illustrations pour Conan chez Marvel mais qui n'a jamais percé.



Le rédacteur en chef Tadashi Ehara raconte dans l'édito que Le CHAOSium voulait d'abord appeler le magazine "DM" mais qu'ils ne voulaient pas être enfermés dans la fantasy (et surtout, j'imagine, pas dans D&D) et servir tous les types de joueurs. Or Margaret Gemignani (qui écrira un article sur les gemmes magiques dans DW #11) appelait sa rubrique dans le célèbre fanzine Alarums & Excursions "Many Worlds" et cela donna l'idée du titre à Steve Perrin (qui devait aussi connaître Gemignani dans le fandom de comics).


"Beginner's Brew: What is all this stuff?"  Charlie Krank (p. 2-5)
Article pour débutants présentant le jeu de rôle. Il donne une liste des premiers jeux de rôle connus à cette époque et mentionne bien sûr Runequest, le nouveau système que The CHAOSium vient de sortir.

"D&D Variant: Specialty Mages - Part 1Mike Gunderloy
L'auteur décrit le monde de sa campagne, Alanor, où les Mages normaux coexistent avec les Spécialistes, Guerriers-Mages moins polyvalents en magie, divisés en plusieurs organisations : les Mages de la Terre (qui adorent la Terre-Mère et sont Loyaux-Bons), les Mages de la Mer (formés par le Père des Océans, Chaotiques-Bons), de la Lumière, des Ténèbres, du Feu, de la Glace, de la Foudre, du Cristal, des Acides et des Vents.

My Life and Role-Playing (p. 9-28)
C'est la rubrique la plus originale de Different Worlds, uniquement des réponses de divers créateurs de jeux de rôle sur leur rapport à ce hobby. Elle occupe presque la moitié de ce premier numéro avec 13 auteurs.

"Where No Man Has Gone Before" Leonard H. Kanterman, M.D.  (p. 9-11)
Le médecin et créateur de Starships & Spacemen, un jeu officieux sur Star Trek, raconte comment il faillit être détourné par D&D par de mauvais MJ - on verra que c'est un leitmotiv de la plupart de ces témoignages : déçu par D&D, enthousiasmé par le concept. Il indique qu'il a créé son jeu en partie parce que la fantasy était saturée ("ce qui doit expliquer l'échec des derniers volumes récents de D&D comme Gods, Demi-Gods & Heroes" - j'ignorais que cela avait été un échec !) et que Star Trek serait un contexte moins sexiste pour les joueuses qui sont détournés par les wargames, comme son épouse. Il dit n'avoir lu aucun jeu de rôle de SF quand il apporta son jeu chez FGU - même si le délai de publication le fit apparaître après Metamorphosis Alpha et Traveller. Il critique en passant Traveller en disant que son jeu est moins limité aux Humains et que le contexte Star Trekien permet de moins se soucier de compétition et d'argent.

"Memories" Niall Shapero (p. 11-12)
A cette époque, Niall Shapero n'est pas encore le créateur d'Other Suns (1983) mais seulement le rédacteur d'un autre fanzine célèbre de la Côte Ouest, Lords of Chaos (créé en mai 1977). Shapero commença par jouer à D&D à Berkeley dès la rentrée 1974 (un de ses amis rata ses études à cause de sa fascination pour les débats sur l'interprétation des règles) et participa d'abord à Alarums & Excursions avec Lee Gold avant de lancer Lords of Chaos. Il dit aussi avoir épousé une joueuse. Il fait l'éloge de Runequest, SpaceQuest et Chivalry & Sorcery, moins difficiles à interpréter que D&D. Son Other Suns sera fondé (sans le dire) sur le système BRP du CHAOSium mais je ne comprends pas bien pourquoi il sera édité par FGU. Chaosium voulait peut-être se concentrer sur la license de Ringworld mais FGU avait déjà Space Opera et c'était idiot de s'auto-concurrencer.

"It Grows on You" Ken St. Andre (p. 12-13)
Comme le résument les remerciements de RuneQuest : "Gygax & Arneson ont ouvert la Boite de Pandore mais c'est St.Andre qui a montré qu'on pouvait la rouvrir une seconde fois". Le créateur de Tunnels & Trolls (qui a déjà l'âge vénérable de 31 ans quand il répond) a souvent raconté son expérience fondatrice en janvier 1975 : à quel point il a aimé le jeu de rôle et été déçu par D&D, ce qui l'a poussé à publier la première variante qui est devenu son propre système qu'il voulait appeler "Tunnels & Troglodytes". Il en avait imprimé 100 exemplaires pour 60$ en 1975 (environ 500 $ d'aujourd'hui) et n'arrivait pas vraiment à les écouler avant de rencontrer les gens de Flying Buffalo.

"The Long Lasting Effects of My Religion 231 Class" Steve Marsh (p. 13-15)
Steve Marsh a une expérience différente des précédents car il est le plus favorable à D&D tout en ayant été aussi assez proche de la bande de Greg Stafford (il aurait participé à plusieurs tentatives de représenter HeroQuest). A la rentrée 1974, il fait des études de religion Mormone à Brigham Young (Tracy Hickman et Sandy Petersen aussi sont Mormons) et c'est là, alors qu'il est en train de créer son propre monde de fantasy, qu'il va découvrir D&D. Il écrit à Gary Gygax et va commencer une correspondance avec lui, en travaillant un peu avec TSR. Contrairement à beaucoup d'auteurs qui ont eu des contacts difficiles avec Gygax (comme les créateurs de C&S), il le dit très chaleureux et amical. Il écrit d'ailleurs un article pour OD&D dans la Strategic Review n°4. Ensuite, il participe à tous les grands fanzines. Son article a une fin élégiaque ("L'hiver est venu") où il dit que les premiers concepteurs de 1974-1979 vivaient au début dans une relative insouciance d'étudiants ou d'amateurs et qu'à présent qu'ils arrivent tous dans le monde réel du travail (allusion pas explicitée à "ce qui est arrivé aussi bien à Gary Gygax qu'à Dave  Hargrave"), le jeu de rôle sera nécessairement modifié.

"My Life in Role Playing" Marc W. Miller (p. 15)
Marc Miller, le créateur de Traveller, avait fait des études de sciences politiques en 1968 dans l'Illinois et il va créer en 1972 un groupe de recherches sur les wargames, le SIMRAD. C'est ce qui va devenir la compagnie GDW en 1973. Il espère que le sexisme des jeux diminuera mais est déçu par le déclin des références littéraires des joueurs qui n'ont pas lu les bases de la SF. Il dit préférer la SF à la fantasy mais mentionne qu'il participe à un jeu de Frank Chadwick If I Were King... (qui semble gérer les royaumes) et qu'il prépare un autre jeu baptisé Companions of the Road, qui serait plus sur le cadre extérieur et sur la démonologie ("il serait aux démons ce que D&D est aux dragons"). Je me demande ce qui est arrivé à ce projet. Il n'y en a aucune mention sur Google...

"Trapped Four Years in the Gilded Hole" Mark A. Swanson (p. 15-17)
Mark Swanson, rédacteur en chef de The Wild Hunt, raconte comment il fut déçu des Donjons dans son propre Château de Gorree (ce qu'il appelle les "Trous Dorés") et voulut introduire des variantes dès le premier numéro d'A&E (une règle pour individualiser plus les personnages débutants). C'est Glenn Blacow de Boston (voir mon article précédent sur les typologies de joueurs et DW #10) qui va enfin lui révéler comment introduire du jeu de rôle dans le dungeoncrawling (Glenn Blacow, oublié aujourd'hui, dira souvent dans ses textes qu'IL est le vrai créateur du jeu de RÔLE et que personne ne donnait de personnalité aux PNJ avant lui) et désormais il ne revient plus vers le minimaxing tactique. Mais il conclut qu'il n'est satisfait par aucun système actuel. D&D est trop tactique, Empire of Petal Throne est trop idiosyncratique, Chivalry & Sorcery est trop complexe et Runequest est trop lié à son propre univers pour qu'il l'utilise pour Gorree.

"Future Fantasy" Greg Costikyan (p. 17-18)
Costikyan, le prolifique designer de wargames de SPI, refuse de répondre à la question habituelle et écrit une petite dystopie futuriste très, très ironique où les jeux de simulation commencent à avoir de plus en plus de succès sur des ordinateurs en 3D (il fallait y penser en 1979) et où la civilisation s'écroule quand des populations abruties et analphabètes rêvent leurs vies au lieu de s'occuper des désastres écologiques. Costikyan est un conservateur mais à cette époque (où il est en train de préparer des jeux comme DragonQuest et bien plus tard le célèbre Paranoia), il s'amuse à parodier les discours catastrophistes qui ne vont apparaître que quelques années après pendant la peur anti-D&D vers 1984.

"The Design and Solution of Puzzles" B. Dennis Sustare (p. 18-21)
Sustare, qui a créé le Druide pour D&D et ensuite Bunnies & Burrows, a un long article avec un argument qui pourrait se résumer à chercher à donner une impression de mystère pour les joueurs. On y voit d'ailleurs que dans cette période (alors qu'il a dû être assez proche de Gygax, comme Steve Marsh), il a l'air assez fan de Runequest et le numéro suivant de DW aura d'ailleurs une campagne de Sustare pour Bunnies & Burrows.

"Alarums and Excursions" Lee Gold (p. 21-22)
Lee Gold, la seule femme interrogée ici et la Grande Dame du principal fanzine de jeu de rôle, raconte son propre Donjon de "Neocarn" dès la fin 1973 à CalTech. Elle n'avait pas compris la Magie Vancienne de D&D avec ses sorts à réapprendre et avait donc introduit son propre système de "Points de sort" qui dépendait de la moyenne de l'Intelligence ou Sagesse et de la Constitution (donc indépendamment de Ken St. Andre qui utilisera la Force pour T&T).  Elle va créer A&E en juin 1975 (60 exemplaires) et quatre ans après, elle en est au numéro 39 (700 exemplaires). En dehors de D&D, elle mentionne Runequest, C&S (c'est elle qui fera Land of the Rising Sun, la version japonaise de C&S), Traveller et SpaceQuest mais semble quand même continuer à utiliser sa version maison de D&D. Après Neocarn, elle créa la Cité de Nyosa et ensuite le monde d'Alf (je ne retiens que le fait qu'elle invente de nombreux monstres comme les "Ents Bonsaï").

"Fantasy Role Playing" Ed Simbalist (p. 22-24)
Ed Simbalist, le créateur de Chivalry & Sorcery, fait l'éloge du maintien d'une Illusion de réalisme dans le jeu de rôle fantastique (le but est de ne pas transposer simplement ce qu'on est au XXe siècle) et du fait que c'est une activité créative et non pas un jeu compétitif. Il attaque sans le dire D&D en disant qu'il ne peut pas y avoir Une Seule Voie Orthodoxe et qu'il est au contraire partisan que chaque MJ modifie les règles à sa manières, comme il le fait lui-même. On sait que Gary Gygax allait dire dans Dragon #26 (juin 1979) qu'il fallait plus codifier les règles d'AD&D car OD&D avait trop de variations de tables en tables. Simbalist fait au contraire l'éloge de l'hybridation et du bricolage : Greg Stafford a pu utiliser certaines règles de C&S dans son propre jeu dans la Passe des Dragons et lui-même utilise certaines idées de RQ.

"Fun ... Heck no/I Do This for Money!" Paul Jaquays (p. 24-26)
Jacquays (il précise qu'on prononce "JAKE-ways" ou en français djaikouayz) raconte comment il a commencé comme illustrateur pour Space Gamer dès les premiers numéros (1975) avant de créer son propre fanzine à l'université, The Dungeoneer (juin 1976), avant de devenir auteur professionnel de scénarios pour Judges Guild. Il dit qu'il a plutôt raté ses études à cause du temps consacré à jouer mais qu'un de ses amis a réussi au contraire à mieux se concentrer académiquement grâce à l'exutoire du jeu de rôle. Il a rencontré ses meilleurs amis grâce au jeu de rôle mais en un sens, il trouve que l'essentiel n'est pas dans les règles qui ne sont là que "lorsque l'imagination échoue".

"My Life and RPGs" Stephen L. Lortz (p. 26-27)
Lortz dirige Archive Miniatures, une des premières compagnies de figurines fantastiques (1976) - ce sont eux qui avaient eu les droits pour les premières figurines de RuneQuest (on connaît mieux la série que fit Citadel en 1982). Steve Lortz a aussi écrit des règles de jeux avec figurines fantastiques (Perilous Encounters, Princes of Ruins...) ou de SF (Star Rovers). Il dit aussi écrire des romans dans les mondes de ses campagnes mais je crains qu'il n'ait rien publié. Il est de loin le plus enthousiaste (et même mystique) de tous les auteurs interrogés, croyant que le jeu de rôle va devenir une forme d'Art (il utilise le terme) qui révolutionnera le rapport avec l'interactivité et même à la vie (!). Il raconte avoir rêvé des années avant D&D que la "Carte de la Réalité" était un système de règles et non un graphique. Son argument est que dans une société plus fluide et mobile, nous sommes tellement conscient de construire nos propres rôles sociaux que cela devient le loisir central. Ce dernier point me paraît assez plausible, malgré tout son mysticisme.

"Role Playing Games, Fantasy and Otherwise" David A. Hargrave (p. 27-28)
Hargrave est le créateur d'Arduin et un des représentants les plus importants du jeu de rôle de la Côte Ouest. Le jeu de rôle des origines est très localisé : la région des Lacs avec Gygax, Arneson ou MAR Barker, l'Illinois avec Judges Guild et GDW et la Côte Ouest avec The Chaosium (Hargrave se fâchera avec Stafford peut-être en partie quand celui-ci ne reprend plus Arduin comme système pour Glorantha). Hargrave raconte qu'il a commencé à faire du jeu de rôle comme militaire depuis 1968, même si c'était avec des navires ou avec des Chefs d'Etat. Dans sa mythomanie, il semble dire qu'il allait créer le principe d'un jeu de rôle fantastique, Magic & Mystery avant que D&D ne lui tombe dans les mains. Encore une fois, il fut déçu par l'implémentation de D&D mais emballé par l'idée. Son ton est aussi enthousiaste que celui de l'auteur précédent. Le jeu de rôle serait l'activité la plus égalitaire socialement (ouverte aussi aux plus pauvres) et la plus riche car c'est une expérience qui n'a plus rien à voir avec "gagner" ou "perdre", une expérience morale qui défie la passivité consumériste de notre société ou les mass medias. Il a une jolie phrase, hyperbolique : "Le jeu de rôle est l'essence du fait d'être et plus seulement de le rêver" ("The Essence of Being it, not Dreaming it"). Il nous permet d'accomplir non pas seulement un potentiel en tant que joueur mais en tant que personne.

"Different Worlds Presents: the World of Archaeron" Ed Simbalist (p. 29-33)
Ed Simbalist fait le survol de l'univers d'Archaeron, le monde de sa campagne de Chivalry & Sorcery, que j'ai déjà décrit [mais au moins une chose est à corriger : Erewhon n'est pas une cité du pays d'Archaeron mais un autre pays plus au nord]. C'est un mélange d'Europe médiévale réaliste et de Tolkien avec de la Magie assez visible. Le pays d'Archaeron est une Magiocratie où on adore encore Morgoth, contrairement à son voisin Arden, plus féodal traditionnel. La localisation d'Archaeron ferait plutôt penser à un mélange de Byzance et de la Russie (mais avec des noms plus proches du Levant). Le Royaume d'Arden est bloqué entre l'Empire d'Archaeron à l'est et l'Artegon à l'ouest (une Théocratie inquisitoriale du Saint Siège). Les Vikings vivent de l'autre côté de la Mer des Tempêtes, plus à l'ouest.





"RQ Cult: The Cult of Geo" Greg Stafford (p. 34-35)
Première description de ce Culte-Réseau d'auberges sartarites. Il y a des versions plus développées, comme celle dans le Cult Compendium. On mentione l'esprit du Videur qui protège les Auberge de "Geo" et on apprend que le réseau défend plutôt les rebelles contre les occupants Lunaires.

"Role-Playing" Steve Lortz (p. 36-40)
Dans cet article, Lortz fournit comme exemple un mini-jeu de rôle abstrait, Cannibals & Castaways. Il insiste beaucoup sur la relativité du temps qui passe dans le jeu de rôle, sur le fait que selon les moments, une action (ici appelée un "Mouvement") peut être un instant ou des jours.

"Authentic Thaumaturgy Special Feature: The Quest for the Sacred Melita" by P.E.I. Bonewits and Larry Press
Pour accompagner Authentic Thaumaturgy, ce livret sur la Magie paru chez CHAOSium, les auteurs, dont PEI Bonewits, le célèbre Néo-Païen, fournissent de longues notes humoristiques sur un système de magie fondée sur le Café. Un gag des années 1970 assez obscur.

Add. 

Sur le site de DW, ils reproduisent la liste des 30 auteurs à qui ils avaient envoyé la demande "My Life and RPG". La rubrique n'eut lieu que dans les numéros 1-3 & 5. L'asterisque indique ceux qui ne répondirent pas à ma connaissance :

Dave Arneson
Wilf Backhaus*
MAR Barker*
Scott Bizar
Frank Chadwick*
Greg Costikyan
David Feldt
Lee Gold
Eric Goldberg
Gary Gygax
Dave Hargrave
Paul Hume*
Steve Jackson
Paul Jaquays
Leonard Kanterman
Tim Kask*
Ian Livingstone*
Steve Lortz
Steve Marsh
Marc Miller
Steve Perrin
Michael J. Scott* (auteur de Star Trek: Adventure Game)
Nicolai Shapiro
Ed Simbalist
Nicholas Smith* (auteur de The Complete Warlock)
John M. Snyder* (qui plus tard, participa à Call of Cthulhu, sans lien avec Richard Snider)
Ken St. Andre
B. Dennis Sustare
Mark Swanson
Jim Ward*

On remarque qu'aucun des auteurs de TSR (Gygax, Kask et Ward) n'ont répondu.

La rubrique revint beaucoup plus tard à partir du numéro 30 (Herbie Brennan), 31 (Dave Hargrave une seconde fois, Gigi d'Arn), 32 (Sandy Petersen), 33 (Ken St. Andre une seconde fois), 35 (Michael Stackpole) et enfin, n°39 (Aaron Allston).

Tanith Lee et le X2 Château d'Ambreville

Shannon Appelcline, l'historien qui écrit les articles descriptifs sur les modules D&D, écrit sur X2 Castle of Amber (1981) : 

This adventure leads off with the players encountering the fog-shrouded Castle Amber. Some suggest that the Castle and its denizens, and in particular room #25, were influenced by Edgar Allan Poe's "The Fall of the House of Usher" (1839). The connection with room #25 is especially clear, since it includes a sister named Madeline calling out from her grave, just like the short story.

Though the adventure focuses largely on the eponymous Castle Amber, which was created for this supplement, it also has connections to the Province of Averoigne - a fictional area in Medieval France that was created by "weird fiction" author Clark Ashton Smith for a series of short stories, most of them published in Weird Tales magazine (1930-41).

Oui, les influences principales explicites du modules sont surtout Clark Ashton Smith, au point de reprendre de nombreuses intrigues de ses nouvelles d'Averoigne telles quelles en les enchaînant (et Charles d'Ambreville est la copie de Roderick Usher).

Mais on pourrait ajouter encore une autre référence : Tanith Lee, dans sa longue nouvelle "One Night of the Year" du recueil Cyrion. (édité en nouvelle d'abord en 1980, puis dans le recueil en 1982). Comparons en effet avec le module :

(1) Dans "One Night of the Year", le héros est recruté pour entrer dans une étrange Maison scellée (à cause de la Peste, comme dans Boccace) où vit une famille de nobles étrangers (romains) un peu fous. Ils entourent une noble Dame défunte et demandent au héros de trouver qui l'a tuée. En fait, la Maison est hors du temps et apparaît une Nuit chaque année depuis des siècles. Les nobles sont (1) le frère de la victime (incestueux), (2) la soeur de la victime (Magicienne incestueuse), (3) l'amant de la victime (Guerrier) (4) un prêtre (nécrophile). Ils 1'ont tous aimée à divers degrés et ne trouvent pas le repos tant qu'ils n'auront pas élucidé sa mort. Le héros découvre la vérité : [SPOILER] ils l'ont tous empoisonnée mais elle est morte de la Peste avant que le poison ne puisse agir et sont donc tous "innocents" de facto à leur insu.

(2) Dans Castle Amber, les héros sont recrutés pour entrer dans un étrange Château scellé où vit une famille de nobles étrangers (français) un peu fous. Le Château est hors du temps depuis un siècle, et à cheval entre les dimensions, depuis la mort du noble Prince qui dirigeait cette famille. Le chef de la famille a été empoisonné par un des membres de la famille et ils ne trouveront le repos tant qu'ils n'auront pas élucidé sa mort. Les nobles comprennent plusieurs membres de la famille, avec des idiosyncrasies et des folies très diverses : (1) sa mère, (2) quatre frères (dont un nécromancien) et une soeur (emmurée vivante par son frère), (3) son épouse, (4) deux fils. Les héros découvrent la vérité et ramènent les éléments pour ressusciter le Prince [SPOILER] : il n'y a pas la même péripétie, ce sont seulement deux des membres de la famille qui l'avaient tué.

La référence à Poe et C.A.S. est certaine mais l'influence de Tanith Lee me paraît probable bien que la nouvelle ne paraisse qu'un an avant. Il se pourrait que Lee fasse en fait référence à une source (gothique) commune, voire à C.A.S. lui-même comme Lee y fait souvent référence.

Hélas, on ne pourra pas demander à l'auteur Tom Moldvay.

Mais un argument contre la théorie est qu'il y a une autre référence plus directe et interne aux jeux de rôle, c'est un des premiers modules jamais parus pour D&D chez Judge Guild, Tegel Manor (1977), qui avait aussi un château hanté avec une vaste famille de fantômes et morts-vivants (la famille Rump, qui n'a pas d'arbre généalogique, contrairement aux Ambreville). Et il se peut que le Maure Castle de Kuntz (qui était déjà joué mais pas encore édité) ait pu jouer aussi.

lundi 15 juin 2015

Colloque sur le jeu de rôle (suite)


Week-end très riche. J'ai raté la journée de vendredi. Il y a quelques notes sur le twitter du GROG pour l'instant mais beaucoup de contributions iront sur des podcasts, si j'ai bien compris.

J'ai un texte à finir pour cette semaine et je n'ai donc pas vraiment le temps d'écrire, mais je ferai un compte-rendu plus long ensuite (si je ne me fais pas dévorer par le baccalauréat qui a lieu ce mercredi).

Add. 

Quelques résumés

Sébastien Delfino, "Le jeu de rôle n'est pas un art, c'est un média"
Delfino, alias Wenlock de Radio Rôliste, est à la fois illustrateur, auteur sur plusieurs suppléments (comme Nightprowler) et prof d'enseignement créatif. La thèse est un modèle de clarté : (1) la définition d'un art n'a plus d'intérêt dans l'art contemporain. (2) le jeu de rôle doit être analysé comme un medium. (Voir aussi son exposé sur les mécaniques de jeu à Orc'Idée en 2013)

Bastien Wauthoz, "Outils adaptés aux scénarios"
Acritarche (qui est géologue et paléontologue, ce qui aide à la Taxinomie) fait une typologie des types de scénarios liés aux types de présentation. Je ne résume qu'un seul point : des scénarios complexes d'enquête et intrigue s'adaptent mieux à des présentations où on détaille successivement toutes les factions avant de donner une chronologie arborescente d'événements, mais c'est plus difficile à maîtriser pour le MJ lecteur. A l'inverse, un sandbox peut mieux s'adapter soit à une présentation dite "insulaire" comme celle d'Apocalypse World (avec les Fronts de la campagne à mener). Un donjon très simple peut s'adapter bien à une présentation simplement "graphique" la plus accessible. Le défi est alors de réussir à combiner : dans quelle mesure accroître la facilité de lecture (insulaire / graphique) tout en augmentant la complexité de l'intrigue. Il y a d'autres éléments sur son blog.

Xavier de Canteloube, "Replacer les personnages au coeur de l'action"
Globo (de la Cellule) présente plusieurs arguments pour augmenter l'Agentivité des personnages-joueurs, réduire le dirigisme (ou "illusionnisme" comme on dit) tout en tenant compte du fait qu'il existe des joueurs "proactifs" (qui n'ont pas besoin d'être motivés) et des joueurs "réactifs" (qui ne deviendront agents que si le système ou la succession des événements les pousse).

dimanche 14 juin 2015

Interview de Greg Stafford

là.  (suite de la nouvelle stratégie de communication déjà résumée auparavant).

vendredi 12 juin 2015

Les Continua de Flash (la série)


Auparavant, DC était plus "optimiste" mais Marvel était plus réaliste. Maintenant, DC est devenu sinistre et Marvel reste bien plus réaliste, DC y a perdu sur tous les tableaux.

Pourtant, je n'arrive pas à accrocher à l'Univers Marvel Cinématique (et ses spin-offs télévisés comme Agents of SHIELD ou Daredevil) peut-être à cause de son ton perpétuel "Regardez à quel point nous sommes cool". DC rate tous ses films de manière bien plus dramatique mais au moins leur série télévisée Flash, malgré tous ses défauts, ressemble d'assez près à ce que peut être leur univers et à un hommage à leur Âge d'argent (comme Geoff Johns y participe), en plus sinistre.

Les Lois du Temps
Auparavant, avant en gros la Crise des Terres Infinies de 1985, DC et Marvel avaient des Lois du Voyage dans le Temps différentes mais toutes les deux cohérentes.

(1) DC avait un passé immuable : on pouvait voyager dans le passé mais jamais rien changer, il n'y avait aucun paradoxe, et on ne pouvait jamais se rencontrer soi-même (on devenait invisible et intangible si on arrivait à une époque où on exisait déjà, les lignes spatio-temporelles ne se croisent pas).

(2) L'Univers Marvel utilisait une autre solution, plus féconde mais tout aussi cohérente : on ne change pas le passé, on crée simplement un autre continuum temporel (timeline) quand on voyage dans le temps. Donc quand les superhéros venus du futur venaient pour empêcher leur futur, ils ne faisaient que causer une "bifurcation" vers un autre possible. Chaque branche restait cohérente même s'il y avait des intersections pour causer une divergence.

DC a abandonné sa Loi avec la Crise, qui était elle-même un paradoxe incompréhensible puisque "soudain" elle se "déroulait" à toutes les époques à la fois (alors qu'elle n'avait pas existé "l'instant" d'avant). Et la fin de la Crise avait été une transformation du Big Bang original du Multivers. Le passé est maintenant mobile, les paradoxes contradictoires peuvent exister, ce qui donne parfois des contradictions aussi absurdes que dans Back to the Future où on "attend" que le "présent" soit rattrapé par les changement dans le "passé". Mais on va considérer qu'on est passé à peu près dans la solution de Marvel.

Flash et les Paradoxes

Flash est en un sens un des personnages les plus impossibles de la fiction DC, en même temps qu'un des plus fondamentaux (ce n'est pas un hasard si c'est dans Flash que le Multivers va être théorisé). Superman et Green Lantern peuvent être incroyablement puissants mais ils ne violent tout au plus que des Lois de la nature assez "locales". Flash peut aller si vite que c'est un personnage qui s'approche de l'Omniprésence Spatio-temporelle. Difficile d'imaginer des histoires avec un personnages aussi divin dans l'ubicuité (même Le Spectre est moins difficile).

Mais les scénaristes s'en sortent par des Paradoxes personnels (peut-il retrouver sa femme Iris ? Dans quel continuum vit-elle ? etc.) et ils se multiplient depuis des décennies. Un bon exemple était l'histoire dans les Wednesday Comics 1-12 de 2009 où Flash se croisait plusieurs fois lui-même pour éviter un retard à un rendez-vous  (reproduit récemment dans l'album Flash: Anthologie chez Urban Comics).

Dans la série télévisée Flash de cette année, on a à peu près le plan suivant (je reprends cette analyse) :

Continuum 0 (théorique) : Il y a eu un temps où Flash existait "déjà" et où l'Anti-Flash est venu pour essayer de le détruire. [Les traducteurs français ont préféré l'appeler "Néga-Flash", en VO c'est Reverse-Flash. Je préfère faire comme si leur symmétrie avait quelque chose de quasiment cosmologique comme "anti-particule".]

On le sait car l'Anti-Flash vient du futur en haïssant Flash et il s'est choisi après tout un nom purement négatif. Cela prouverait alors que les événements qui créent Flash dans le Continuum 1 ont eu déjà des homologues dans le Continuum 0.

Continuum 1 (épisodes 1-15) : C'est là que commence la série. L'Anti-Flash a tué la mère du Flash, Nora Allen et son père a été accusé de meurtre. Il semble que plusieurs Flash venus du futur aient pu tenter de l'arrêter mais aient en tout cas échoué. Barry Allen a été élevé par les Wests (Joe West est un policier, collègue du père de Barry, pas un archéologue comme dans l'ancienne série).

Mais l'Anti-Flash, sans vouloir trop spoiler son identité, s'est retrouvé bloqué dans notre époque et a mis en place une Singularité qui a fini par causer les changements des Lois de la Nature à Central City, en "créant" Flash (mais aussi au moins trois autres métahumains comme le maléfique Weather Wizard et deux superhéros, Firestorm et Vibe). Cette singularité aurait sans doute existé pour donner les pouvoirs de Flash sans le voyage de l'Anti-Flash dans le Continuum 0 sinon on ne comprendrait pas pourquoi il serait venu tuer la mère de Flash.

Flash retourne sauver sa mère mais il échoue devant l'Anti-Flash. Il croise en revanche une version future de lui-même (de quel continuum ?) qui aurait eu le même but (épisode 14).

Weather Wizard tue Vibe. Flash voyage alors dans le passé pour sauver Vibe.

Continuum 2 (épisodes 15-23) : Flash sauve Vibe, mais en raison de leurs vibrations entre les continua, ils se souviennent des événements du continuum 1 qui n'ont jamais eu lieu.

L'Anti-Flash se montre en revanche invincible. A ce moment, on découvre qu'Eddie Thawne, le collègue / rival  de Barry Allen est le Grand-Père de l'Anti-Flash. Incapable d'arrêter l'Anti-Flash, Eddie se suicide (comme à la fin de Looper), rendant l'existence de l'Anti-Flash impossible par le Paradoxe du Grand-Père.

Continuum 3 (épisodes 23-) : Flash et Vibe sont maintenant dans un nouveau continuum où Eddie s'est tué mais où l'Anti-Flash n'aurait alors normalement jamais pu naître (sauf si Eddie a pu avoir un fils ou un clone avant son suicide).

Mais si l'Anti-Flash n'a jamais existé, alors la mère de Flash est-elle vivante ? l'enfance du Flash a-t-elle été complètement différente ? Comment Flash et Vibe ont-ils eu leurs pouvoirs, qui semblaient dépendre d'une intervention paradoxale de l'Anti-Flash ? Central City est à nouveau menacée par des paradoxes temporels qui ont créé un Mini-Trou Noir, une Singularité pire encore que celle que l'Anti-Flash avait déclenchée.

Les Paradoxes ne sont pas prêts de s'arrêter puisque la nouvelle série annoncée dans le même univers que Arrow et Flash sera avec Rip Hunter, le Voyageur Temporel de l'Univers DC, qui s'alliera à plusieurs autres héros comme Atom.


Eric Flint sur le Prix Hugo et les arguments des Sad Puppies


Longue réponse à Brad Torgersen, à la fois drôle et efficace. Mais lui qui était très charitable et honnête, on remarque à la fin qu'il commence à perdre son calme contre les Chiots Tristes.

J'aime aussi beaucoup le long blog de Jim Hines sur le sujet (mais Hines est une des cibles détestées de certains de ces groupes en raison de son féminisme, ils n'iront donc pas lire ses analyses).

En un sens, un des pires effets de toute cette controverse est que tant de bons écrivains perdent leur temps à écrire ces critiques.

Colloque 40 ans du Jeu de rôle


Page Facebook. Demain vendredi 12 juin à Paris XIII et samedi 13 juin à Paris III. Le dimanche, je tenterai quelques jeux de rôle prévus dans le programme (dont un avec Acritarche dans le monde qu'il a proposé aux Démiurges en Herbes).

Armoriaux


Pour tout jeu pseudo-médiéval,  ce joli armorial arthurien (aux cimiers très pittoresques) fournit instantanément assez d'armoiries de personnages ultramineurs qu'on peut sans remords piller pour n'importe quels territoires - surtout que ces armoiries tardives (sans doute pas avant le XVe) n'avaient en fait pas beaucoup de stabilité dans les illustrations ou dans les textes arthuriens (au point que certains manuscrits changeaient même les armoiries d'une page à l'autre dans le même texte).

jeudi 11 juin 2015

Les Chevaliers aux 108 Etoiles


J'ai souvent évoqué ici Au bord de l'eau (Shuǐhǔ Zhuàn), l'épopée chinoise du XIVe siècle racontant l'histoire de 108 brigands et rebelles du XIIe siècle sous la dynastie Song. Mais la mémoire est chose si disparate et constellée que j'avais presque complètement oublié avoir vu quand j'avais 6 ans cette adaptation japonaise du roman chinois, qui s'appelait en français La Légende des Chevaliers aux 108 étoiles - chaque pays avait un titre assez différent, Die Rebellen vom Liang Shan Po en Allemagne, La frontera azul en castillan et La frontiera del drago en italien, seuls les Britanniques avaient gardé Water Margin. Il y eut 26 épisodes (deux "saisons"). Ce fut, paraît-il, la première importation japonaise à la télévision française mais je me souviens confusément avoir cru à l'époque que c'était une série chinoise. Les Chinois, en plus de plusieurs films au cinéma (et d'au moins un dessin animé peu fidèle), l'ont aussi adapté dans plusieurs séries, la première en 1983 (40 épisodes), 1998 (43 épisodes) et 2011 (86 épisodes !).

Dès ce premier épisode, il y a une petite simplification où le Grand Maréchal orgueilleux qui libère les 108 esprits et ensuite quelques années après le Grand Maréchal corrompu Gao Qiu contre qui les 108 bandits réincarnés vont se dresser sont identifiés comme la même personne.

Les doublages français de l'époque font tout de suite penser à d'autres séries de cette période.

Des Progrès


Lorsque on entend dire que les Européens croyaient "massivement" au Progrès général de l'Humanité pendant la Belle Epoque (en dehors de quelques décadentistes) et que le Progrès s'est ensuite effondré avec la Grande Guerre (sauf pour de nombreuses théories comme le marxisme ou bien la technocratie saint-simonienne optimiste à la Jean Fourastié), je m'étonne toujours que le Zeitgeist puisse autant dépendre de quelques événements historiques contingents.

On peut à la rigueur comprendre que le contexte de la Belle Epoque ou de l'Âge doré victorien, où la civilisation européenne était dans une situation d'impérialisme sans aucun précédent ait pu conduire à une vision "Whig" où toute l'histoire n'était plus que le récit conduisant à un Nouvel Âge d'Or, aux Etats-Unis d'Europe de Victor Hugo. Mais les Européens avaient-ils vraiment besoin de la Grande Guerre ou des gaz moutarde pour problématiser l'Idéologie du Progrès scientifico-technique alors que Rousseau l'avait déjà fait dès le Siècle des Lumières ? Quand Paul Valéry dit en 1924 que "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles", cela paraît un peu...  naïf (ce qui est pourtant bien le dernier des défauts qu'on oserait attribuer à un arrogant sûr de son génie comme Paul Valéry).

Mais notre propre catastrophisme actuel (qui doit remonter aux années 1970 avec les Décroissants du Club de Rome et des formes de Malthusianisme qu'on entend un peu moins aujourd'hui) est lui aussi en partie lié à des tendances contingentes. Le désert croît, comme le prédisait Nietzsche sur le Nihilisme au XIXe siècle, mais doit-il vraiment croître toujours ? Les abeilles meurent et je ne vois pas de meilleure métaphore d'une crise naturelle et agronomique qu'un monde qui perd ses ruches et son miel. "The best lack all conviction, while the worst // Are full of passionate intensity." Nous nous dépolitisons avec le déclin du rôle de l'Etat et la crise des Etats-Providence face aux oligarchies et nous assumons cyniquement un individualisme consumériste. Nos corps sont composés de plus de substances chimiques de synthèse que jamais au point qu'il est vain d'attendre un monde de cyborgs, nous sommes déjà synthétiques. Nous sommes saturés de la malbouffe industrielle au point de douter pouvoir même ne faire que minimiser la quantité de poisons que nous devons ingérer au milieu de tous les médicaments, les progrès de la santé vont sans doute se ralentir après des progrès si spectaculaires depuis deux siècles, et le Zeitgeist se tourne de plus en plus vers une technophobie assez hypocrite où on veut à la fois adopter la nouvelle technologie par crainte de l'obscolescence tout en ne cessant de se moquer de cette technophilie comme servile, aliénée, décérébrée.

Mais je lisais Green Mars de Kim Stanley Robinson et un des thèmes est peut-être l'inversion de notre catastrophisme en une "Nouvelle Frontière" qui ne soit pas face à la Nature hostile mais face à un Vide où la Nature doit se cultiver. Au lieu du Désert qui Croît, c'est à nouveau une Terre Promise à construire, un Désert à ensemencer. Une des bonnes idées philosophiques qu'il a (un peu mélangées avec des allusions parfois confuses) est que si jamais il y a un jour "terraformation" ou comme ils le disent "aréoformation" (peut-être plus au XXIIe qu'au XXIe siècle au rythme actuel), la représentation centrale du rapport entre technique et nature deviendra soudain l'inverse de la nôtre. Dans le roman, les Martiens d'adoption sont tellement enthousiasmés (en tout cas dans la seconde génération) par l'espérance messianique de l'aréoformation (comme celle dans Dune), que leur vraie religion est devenue celle de la Colonisation de Mars, culte diffus d'un Elan Vital où la Vie intelligente a le devoir, la téléologie et l'espérance de rendre Mars habitable, de "féconder" ses sables rouges.

Notre propre imaginaire est celui d'une technique stérile, du béton ou du goudron qui recouvre l'environnement et ses irrégularités déconcertantes. C'est "stérile" d'ailleurs dans tous les sens, le monde devient un Hôpital, même si les maladies résistantes peuvent aussi y revenir avec plus de force. Et en un sens, il y a parmi les populations très urbanisées, j'imagine, beaucoup de gens comme moi qui ont des névroses "physiophobes", considérant inconsciemment et malgré eux tout le donné naturel avant tout sous la forme d'un Mal, d'une Maladie indomptée de la vie sauvage dont le Remède ou la barrière serait la Civilisation. Je n'ose même pas aller dans une simple forêt sans craindre qu'un tique ne me donne la Maladie de Lyme. Mais c'est parce que la Nature est devenue dans certaines idéologies des Urbains sans nostalgie de l'exode rural le contraire de l'Ordre Cosmique équilibré qu'elle était dans les pensées antiques, elle y est plutôt chaos, l'accidentel non-régulé, une jungle qui n'aurait pas d'ordre clair. De ce côté, D&D n'a pas seulement une vision du monde de Far West mais une vision urbaine : les confins sont un chaos à repousser, en encadrer.

Il y a peu de temps encore, ceux qui avaient encore connu la Campagne rêvaient le retour à la "Rurbanité" hybride, le Retour à la Terre. Mais à l'inverse, les Hyperurbains craignent la Nature comme une prolifération dionysiaques des Monstres refoulés par l'ordre apollinien. La Nature devient un cancer luxuriant et proliférant qui ne peut être arrêté que par un autre cancer urbain pour la stériliser [même s'il y a toujours la phobie possible des nanomachines et de la Gelée Grise]. Le métal prométhéen (qui allie les Marchands globalisés d'Hermès et les Ingénieurs d'Héphaïstos) doit vaincre Déméter et ses sombres puissances chtoniennes. Le Désert est en fait une Route, et le Monde se conçoit alors comme Carrefour de Routes, comme un terminal d'aéroport uniformisé sur toute la planète. On ne recrée plus du local que de manière folklorique pour simuler de la différence touristique et on devient touriste partout, même chez soi.

Quand Heidegger et même Arendt semblent redouter la figure de Gagarine qui réalise le contrôle technique de l'environnement (le Premier Homme pour qui tout est ciel parce qu'il est sans ciel parce qu'il a emporté son Monde portable avec lui), nous vivons au contraire dans des fictions avec des stations spatiales comme cadre principal (je pense à une série si optimiste comme Sector General dès les années 1960 mais aussi bien sûr Babylon 5, où un des intérêts était que les planètes semblaient presque disparaître par rapport aux Habitats artificiels). Cette crainte d'un "déracinement" va devenir proprement incompréhensible (elle l'est déjà en partie). Si la modernité est le rêve d'une autoconstitution de l'homme, le Grand Mythe du Progrès pourrait alors reprendre dès que ce thème remplacerait la gestion difficile de la destruction de nos écosystèmes planétaires.

Le nouveau Grand Récit de terraformation ne termine aussi la physiophobie qu'en partie. La Nature y redevient "positive" mais sous la forme d'une Nature recréée, d'une Nature de synthèse, Nature en jardins hydroponiques. Cette nouvelle technophilie s'enthousiasme alors pour un Elan Vital dont la technique n'a été qu'un vecteur, en une unité d'une philosophie de la nature et de la technique.

mercredi 10 juin 2015

Vindicosuite retiré


Les liens sur le blog sont tous redirigés vers un site Vindicosuite avant d'arriver à leur destination. Une recherche en ligne semble montrer que c'est un malware qui pourrait venir de SiteMeter, le site qui me donnait les références des liens vers le blog depuis près d'une douzaine d'années sans problème. Je vais retirer SiteMeter, tant pis.

Add. C'est retiré, c'était bien cela. Désolé, je ne sais pas depuis combien de temps cela durait, mais d'après un examen, la redirection n'était pas "virale" et pas vraiment un malware peut-être. Mais c'était assez irritant pour que je le retire.

Interview de Sandy Petersen sur le futur du Chaosium

C'est un podcast sur Yog-Sothoth.

Add. Un résumé pour ceux qui ont la flemme d'écouter le podcast. Sandy Petersen explique que tout a commencé à la mort de Lynn Willis en 2013. Willis, Charlie Krank et Greg Stafford (qui avait quitté la direction de Chaosium en 1998) avaient chacun environ un tiers des actions de Chaosium avec quelques 3% pour Sandy Petersen. A la mort de Willis, son tiers disparut, Stafford et Krank sont passés à 45% des parts chacun, et le reste des actions, de Petersen, décidait donc de qui dirigeraient entre Krank et Stafford. Or, depuis 2013, les Kickstarters de Chaosium pour Horror on the Orient Express et surtout Call of Cthulhu 7th edition sont devenus des fiascos avec des sommes considérables qui ont été levées mais trop peu d'envois des livres physiques (les PDF sont disponibles). En mai, Petersen et Stafford ont demandé à Krank de quitter la présidence (avec sa fille, Meg) et ont repris le contrôle face à la crise. Un reproche semble être non seulement ces problèmes de diffusion mais aussi de communication avec les clients des Kickstarters. Ils ont annoncé que Krank quitterait aussi la compagnie (dont il était un employé depuis 1980) et qu'ils lui payeraient ses 45% dans les prochains mois. Il annonce aussi qu'ils vont essayer non seulement de sauver les Kickstarters mais aussi de faire revivre le jeu générique BRP et relancer la gamme de fiction.

Moon Design a bien rappelé qu'ils avaient les droits de Glorantha mais Sandy Petersen annonce plus de connexions entre Moon Design et Chaosium et indique que Stafford semble aussi plus de liens avec Nocturnal (qui a les droits de Pendragon). Petersen donne un peu plus de détails sur The Gods War, le jeu de plateau sur Glorantha sur ce Podcast de MoonDesign, qui a déjà un résumé inclus. (ne pas confondre Gods War avec Theomachy, un autre jeu de Sandy Petersen, mais sur les mythologies terriennes et avec des cartes)