Ce 3e numéro est explicitement daté de Juin-Juillet 1979 et il est précisé que ce sera un Bimestriel. Je n'ai aucune idée de qui est ce Tom Clark qui a fait cette couverture. The Chaosium (qui était nommé ainsi parce que Greg Stafford vivait à Oakland dans un endroit nommé "The Coliseum") commence à s'écrire sans majuscules.
"Bushido: A Review" Steven L. Lortz (p. 4-5)
Il s'agit ici de la première édition de Bushido, publiée par Tyr et non par FGU. Lortz est toujours obsédé par la gestion du temps, comme dans ses articles des numéros précédents et il insiste donc sur la formalisation des différents rythme dans ce célèbre jeu sur le Japon médiéval : 1 mois par tour pour simuler la vie à la cour, 1 semaine/tour pour les périodes d'études des personnages entre les parties (Downtime), 1 jour/tour pour les phases de voyages, 1 heure/tour pour les scènes de batailles, 6 secondes / tour pour le combat. Il fait l'éloge du fait que les règles d'Honneur vont motiver les joueurs à dépasser le jeu de pillages et massacres. Enfin, il considère le système comme une synthèse heureuse des deux tendances opposées des jeux à classes (D&D - les classes de Bushido sont limitées à 6 Niveaux) et des jeux à compétences (Runequest).
My Life and Role-Playing 3
"Blackmoor ..." Dave Arneson (p. 6-8)
Arneson raconte une histoire qu'on a déjà lue plusieurs fois sur les origines de la Première Campagne de Jeu de Rôle, Blackmoor. (1) Il faisait déjà du jeu de rôle dans des wargames napoléoniens tactiques appelés Braunstein et qui s'étaient déjà développés comme un genre de jeu diplomatique plus large avec des contextes historiques divers. (2) Il a eu plusieurs essais qui mélangeaient histoire et fantasy (dont un wargame où un Druide avait retrouvé un Phaser avec une seule charge). Les combats étaient très proches de Chainmail (là dessus, Arneson reconnaît une antériorité de Gygax, même s'il ne mentionne jamais son nom) mais la magie avait des listes d'ingrédients Minéraux/Végétaux/Animaux (du moins, je crois comprendre qu'il parle d'une liste d'ingrédients). Son approche des règles est tellement d'improvisation qu'on comprend qu'il ait du mal à les formaliser : ce sont plus des décisions à établir au cas par cas que des systèmes ("rulings not rules", comme dit l'OSR, ou "ein reflektierendes Urteil und nicht ein bestimmendes Urteil", comme le dirait Kant). Arneson rappelle que D&D fut d'abord refusé par plusieurs compagnies comme Guidon Games et Avalon Hill. Il dit aussi être conservateur politiquement (comme Gygax) et membre du mouvement évangéliste The Way (Gygax avait été Témoin de Jéhovah, avant de les quitter parce qu'il fumait). Il rappelle qu'en plus de son jeu de bataille navale napoléonien (Don't give up the ship!, Guidon Games, 1971), il a deux jeux de rôle : Samurai (Vaporware) et Adventures in Fantasy. Il conclut en disant que le propre du jeu de rôle est l'évolution du joueur (mais j'imagine qu'il veut dire plutôt celle du personnage).
"My Life is Role Playing" Steve Perrin (p. 8-10)
Steve Perrin part du jeu d'enfance et le compare à d'autres expériences. Il raconte notamment les origines de la Society for Creative Anachronism. Il était proche de Diana Paxson, l'écrivaine néo-païenne de Berkeley (alias "Countess Diana Listmaker" dans la SCA), et ils commencèrent à organiser des tournois déguisés à partir du 1er mai 1966 (à l'origine pour célébrer le départ d'une amie vers le Peace Corps). C'est Marion Zimmer Bradley qui créa le nom de la Société et c'est ce 1er mai qui débute le calendrier de la Société (nous sommes donc en l'an 50 Anno Societatis). Steve Perrin commença à jouer le Comte Stefan de Lorraine dans la SCA et il devint même le Roi du Royaume Occidental en l'An IV (le Roi est déterminé par un tournoi tous les ans) et Sénéchal plusieurs années de suite.
Il y dirigeait une des armées principales, les Forces du Chaos. C'est à l'occasion des fêtes de la SCA de l'Epiphanie de 1968 (Anno II) qu'il épousa Luise du Phénix, en tenue de Stefan de Lorraine. Ses armoiries étaient une Fleur-de-lys de Gueules sur Champ d'argent et celles de Luise un Phénix enflammé sur une Fleur-de-lys sur Champ d'argent. Il indique que l'un des co-auteurs de Runequest, Steve Henderson (alias Sir Steven MacEanruig, 1944-2006), est en 1979 le nouveau Roi du Royaume d'Occident.
[A cette époque la SCA n'a encore que 6 "Royaumes" : Occident (Californie nord), Caid (Californie sud), Atenveldt (du Montana au Mississippi), Meridies (Sud-est), Milieu (Ohio et Midwest) et Est (toute la côte est). ]
Tout jeu peut recevoir une certaine dose de "jeu de rôle", y compris les échecs ou Tactics II (le wargame de 1958 auquel il jouait dans les dortoirs de l'Université d'Etat de San Francisco). En dehors de la SCA, il se mit aussi aux jeux de combats navaux (comme Dave Arneson - Stafford aussi a dit avoir commencé avec son premier jeu, U-Boat) et devint arbitre de plusieurs wargames au début des années 70. Il mentionne avoir joué à Dieu dans "Volterra, le Meilleur des Mondes de Wargames" mais l'allusion n'est pas explicitée. En 1974, une arthrite l'empêche de continuer à se battre dans les Lices de la SCA et il découvre D&D avec Steve Henderson. Il ne comprend pas les règles et, contrairement à Steve Marsh qui écrivit à Gary Gygax, il fit ses propres interprétations en se fondant sur son expérience des wargames. En mars 1976, Clint Bigglestone crée la convention DunDraCon sur la région de San Francisco où ils invitèrent Fritz Leiber et organisèrent un scénario sur Nehwon (ce qui agaça Gygax qui avait négocié les droits de Nehwon pour D&D - ce problème poursuivra les rapports de Chaosium et TSR en 1985 quand les deux compagnies auront les droits pour un livre sur Lankhmar).
Steve Perrin avait commencé à faire circuler pendant DunDraCon ses propres variantes de D&D, les Perrin Conventions, qui portaient notamment sur l'ordre précis de l'Initiative. On les retrouve dans l'introduction d'All the World's Monsters, vol. 2, 1978 (un des premiers livres publiés par The Chaosium et dont le premier volume devança le Monster Manual). Le système proposait des jets de Dextérité x 5 sur un d100 (avec des malus à la Dextérité en cas d'armure lourde), ce qui doit donc être la première base du Basic Role-Playing System (ainsi que l'ancêtre du système des Strike Ranks de Runequest). En revanche, le système utilisait une marge de réussite : chaque 10 points en dessous du score indiquait une seconde de moins pour accomplir l'action dans le Tour de 10 secondes.
Puis il raconte l'élaboration de Runequest et on en trouve d'autres versions en ligne. Après avoir quitté le système d'Arduin, Greg Stafford voulait quelque chose de plus différent de D&D. La première équipe de créateurs était Hendrik Jan Pfeiffer, Art Turney et son frère Raymond Turney mais leur version restait trop proche de D&D. Les deux premiers quittèrent le groupe pour des raisons professionnelles et Steve Perrin, qui avait fait le livre de monstres avec Jeff Pimper, arriva avec ses amis de la SCA, Steve Henderson et son co-loc Warren James. Même si Ray Turney fut assez influent (James et Henderson s'occupant plutôt du playtest et de la relecture du texte), il y a eu assez peu d'éléments de la première équipe. Perrin abandonna les points d'expérience, les niveaux de classes et les points de vie croissants, il ajouta les strike ranks et beaucoup d'autres mécanismes. Traveller avait déjà utilisé les Compétences avant mais même Traveller avait gardé un lien entre Carrières et Compétences qui disparaissait dans RuneQuest (en un sens, RQ n'avait d'ailleurs pas assez de système d'Expérience Préliminaire avant sa seconde édition). Il y a un désaccord sur le nom même du jeu : Perrin se souvient que c'est lui qui a donné le nom alors qu'une autre source pense que cela était proposé par Stafford. RuneQuest sera signé "Perrin & Friends".
"Research And Rules" Steve Marsh (p. 10)
Si je fais des règles, je dois aussi étudier la réalité à représenter et la cohérence dans le système.
"D&D Variant: Specialty Mages - Part 3" Mike Gunderloy (p. 11-17)
Les Mages de la Foudre sont Neutres, les Mages de Cristal sont Loyaux-Bons, les Mages de l'Acide sont maléfiques et servent le Dieu-Escargot contre le Seigneur des Corbeaux (ils invoquent aussi des Limaces géantes et des créatures faites d'Anti-Vie), les Mages des Vents servent le Seigneur Corbeau, Mangeur des Morts, ennemi juré du Dieu-Escargot.
"Role-Playing: How to Do It (An Immodest Proposal)" Clint Bigglestone (p. 18-21)
Le jeu de rôle est "l'art d'être ce qu'on n'est pas" [si Bigglestone connaît Sartre, il reprend alors la définition existentialiste du fait d'être conscient !]. Que le personnage soit créé de manière aléatoire ou par distribution de points (comme dans TFT et Bushido), les caractéristiques donnent déjà une indication d'un écart entre la personnalité du personnage et celle du joueur et il est bon qu'il y ait assez d'imperfections pour développer le personnage. Il faut tenir compte aussi de l'écart culturel qui va déterminer toute sa vision du monde. Commencez par un personnage qui n'ait que quelques différences avec votre personnalité avant de développer ces différences. Mais ne vous attachez pas inutilement à un seul personnage ou vous perdrez la dimension de jeu et deviendrez névrosé - ne prenez jamais le personnage pour une psychanalyse. Puis une fois que vous êtes plus à l'aise, expérimentez avec des personnages de plus en plus différents, de sexe différent du vôtre (ou d'orientation sexuelle différente). Si au cours du jeu, une situation transforme radicalement la personnalité, le sexe ou l'espèce du personnage, c'est aussi une occasion à explorer (comme quand, dans D&D, votre épée intelligente vous domine assez pour vous transformer en un NPC). L'étape suivante est de devenir Maître de Jeu pour explorer encore plus de personnages. Apprenez à éviter les stéréotypes et à prendre assez de distance pour éviter de vous prendre trop au sérieux.
Quick Plugs
Le magazine survole trois suppléments (Caliban pour Arduin, le B1 pour D&D, Militia & Mercenaries - des pré-tirés pour RQ) et 5 petits magazines de jeu de rôle (dont Wyrm's Footnotes 6 de Greg Stafford, Wargaming 4 de Scott Bizar). Il y a ailleurs des pubs pour la XIIe GenCon (août 1979).
"Different Worlds Present the World of Druid's Valley: A Bunnies & Burrows Campaign" B. Dennis Sustare (p. 22-26)
Les rubriques des numéros 1 et 2 avaient survolé les mondes d'Archaeron et Arduin, ici Sustare donne en détails sa campagne personnelle de Bunnies & Burrows, le jeu de rôle où on joue des lapins inspirés de Watership Down. J'imagine que c'est parce qu'il a créé la Classe de Personnage du Druide pour D&D qu'elle s'appelle la "Vallée du Druide".
C'est typiquement ce qu'on appellerait un "Bac-à-sable". Il y a plusieurs Terriers et lapins isolés. Les PCs arrivent dans ce contexte et vont où ils veulent mais il y a une destinée probable car une Grande Guerre des Terriers se prépare dans la Vallée du Druide. Les PCs arrivent dans la Vallée par le sud en traversant la Grande Rivière. Ils vont explorer les divers terriers de la Vallée et tenter de s'installer. Ils tombent généralement depuis le sud sur le terrier de "Clapotis" (Ripple) ou de "Quiétude" (Wintercalm). Le Sommet herbeux (Grassy Top) a un autre terrier, Lueur d'étoile (Starlight) et il y en a un au nord-ouest sur l'Endroit rocailleux, Cristal (qui détient des secrets aussi sur ses rivaux du Terrier caché du Bois Sinistre, Gloomwood). Il y a d'autres mystères comme un étrange Trickster dans le Marais brumeux (Misty Marsh), des Pierres dressées qui semblent avoir un pouvoir magique près du Bord du Ruisseau (Creekside) et au nord-est le Terrier Perdu, qu'on dit hanté. Sustare dit d'ailleurs qu'il révèle dans ce numéro des secrets qu'il n'a pas encore montré à ses propres joueurs dans sa campagne (même s'il indique jouer plus à Runequest et Starships & Spacemen en ce moment). Mais j'aime bien l'idée que les PJ n'ont pas de carte et qu'ils doivent donc repérer le terrain aussi en interrogeant d'autres animaux.
"RQ Cult: The Three Feathered Rivals Cult" Raymond Turney
Ces esprits sont un Culte à Mystère où les Trois Rivaux à Plumes sont opposés et complémentaires : le Faucon solaire (Vérité), le Corbeau (Illusion) et l'Oiseau-Tonnerre (Changement). La Vérité dissipe l'Illusion et engendre le Changement qui révèle dans la Vérité son Illusion. Le Mystère a commencé comme une vision hérétique d'un ancien Seigneur gris de Lankhor Mhy du Pays Saint mais s'est diffusé depuis dans les Tribus nomades de Prax. Le Culte a donc trois sous-cultes qui peuvent avoir des visions assez opposées. Ils étaient à l'origine trois unités dans Nomad Gods avant que cet article ne les recombine. Tales of the Reaching Moon n°15 (Prax Part II) les redéveloppe de manière différente avec de nouveaux sorts pour RQ3. Voir la version de Simon Phipp. Il y a un autre esprit, le Condor, qu'on appelle parfois le Quatrième Rival à Plumes. Il ne doit plus être officiel et je ne l'ai pas retrouvé dans le Cult Compendium.
"A Letter From Gigi" by Gigi D'Arn
Une rumeur dit que Heritage Models, qui avait déjà les droits de figurines Lord of the Rings aurait aussi obtenu les droits pour un jeu de rôle sur Tolkien et que c'est Michael Matheny (qui avait fait le jeu tactique John Carter, Warrior of Mars) qui s'en occuperait. Cela n'a dû mener à rien et ce sont I.C.E. et Pete Fenlon qui auront ces droits pour MERP, et Fenlon dira que personne n'avait vraiment cherché à les demander sérieusement avant eux.
Le jeu que Greg Costikyan prépare s'appellerait High Fantasy mais il ne sait pas encore s'il paraîtra chez SPI ou ailleurs. Vaporware, je crois, car je ne pense pas qu'il s'agisse d'une pré-version de Dragonquest.
GDW annonce l'arrivée de JTAS, le magazine de Traveller.
Gigi d'Arn se moque du fait que Gary Gygax, après avoir déjà consacré deux articles sur les hallebardes dans l'ancêtre du Dragon (Strategy Review #2 et #4) y est encore revenu très en détails dans The Dragon #22 (fev. 1979 - cela sera repris dans Unearthed Arcana).
Different Views (le Courrier des lecteurs)
Mark Chilenskas (qui a participé aux "Trois Rivaux à Plumes" dans le fanzine A&E) trouve qu'il y a trop de D&D dans DW et que Wyrm's Footnotes avait plus de matériel utilisable.
John Sapienza n'a pas été emballé par les articles sur les Mages spécialistes, qu'il juge déséquilibrés.
"D&D Variant: A New Cleric Cure System" by John T. Sapienza, Jr.
Il propose plusieurs variantes (qui viennent d'A&E) pour augmenter le pouvoir du Clerc, qui est si peu populaire. D'abord, il y a des Points de coup négatifs (jusqu'à - CON) et les sorts du Clerc marchent sur ces Points de coup négatifs même avant la résurrection [Cette variante est devenue officielle par la suite, non ?]. Il abandonne aussi l'idée d'un lien avec l'Alignement : tous les Clercs, quel que soit l'alignement, peuvent inverser leurs sorts : Guérir Blessures peut devenir Causer Blessures, etc.
DW a tellement peur d'être accusé de n'être que le magazine du Chaosium qu'ils parlent finalement plus de D&D que de Runequest !
Publicité interne : Chaosium annonce en plus de Cults of Prax, Foes ou Snakepipe Hollow deux jeux de plateau que je ne connaissais pas : Reich de Jonathan Michael (l'unification de l'Allemagne) et Raiders & Traders de Donald Dupont (on joue une Maison noble dans la Grèce de l'Âge de Bronze).