jeudi 27 juin 2024

Traveller: Riftbreaker #1



Après Traveller: Far Trader #1 et #2, Chris Giffen de Mongoose continue sa série chez Markosia de comic books dans l'univers du jeu de rôle Traveller avec une seconde série, Traveller: Riftbreaker. Far Trader utilisait des Voyageurs assez habituels, marchands et transporteurs, bourlinguant dans le sous-secteur Aramis des Marches directes. Riftbreaker porte en revanche plus sur le thème de l'exploration, du côté du sous-secteur Usher, près de la zone moins dense en étoiles qu'on appelle The Reft (ou Rift). 



Pour ceux qui ne connaissent pas les bases de l'univers, ce sera encore plus obscur que la série précédente et le comic me semble encore plus conçu comme une sorte de supplément au jeu de rôle. Mais reconnaissons que la probabilité qu'un lecteur achète la bd sans rien connaître du jeu est faible. 

Pour les 2 lecteurs qui me restent et qui ne seraient pas déjà fans : dans l'univers de Traveller, les vaisseaux spatiaux sont à peu près aussi disponibles que les avions au début du XXe siècle, il n'y a guère que des milliardaires et des Etats qui en disposent. Un vaisseau moyen qui peut dépasser la limite de la lumière ne peut faire que des sauts d'environ 1 ou 2 parsecs (3,23 à 6,46 années-lumière) avant de devoir s'arrêter sur une source de gravité (et généralement recharger ses réserves dans une Géante Gazeuse). Cela veut dire que les vaisseaux doivent parfois faire de longs détours pour arriver à des systèmes qui ne seraient pas joignables directement et la zone du Rift a des douzaines de parsecs entiers sans aucune étoile, dans un espace entre les amas stellaires. La Brisure de la Fissure consiste donc à tenter de trouver d'autres "corps" ou objets célestes non-détectés qui puissent servir d'étapes pour traverser cette zone obscure, par exemple des astéroïdes ou des comètes. Un rêve de certains Eclaireurs est de dessiner de nouvelles cartes d'itinéraires inconnus dans le Rift. Dans un univers qui semble déjà très exploré depuis des milliers d'années, cela ré-introduit donc de l'inconnu puisqu'on pourrait mettre n'importe quoi dans ces zones noires de la carte, tant que ce ne sont pas des étoiles classiques. 



L'illustrateur n'est plus le français Xavier Bernard mais l'Italien Luigi Iannelli. Sa force me semble être le dessin des non-humains dont on voit qu'il prend du plaisir à les dessiner. Ce critique fait remarquer qu'il se soucie aussi des décors et que les scènes spatiales sont bien conçues. Mais je suis moins emballé par les illustrations de certains personnages humains, notamment du protagoniste Rev Sanderson. 

L'histoire

Revolio Sanderson est un capitaine humain ancien éclaireur, alcoolique et dépressif et il va réunir ici un nouvel équipage : Sandy, une brave Vargr (enfin, je crois que c'est une Vargr ?), et Wasata, un.e ingénieure Bwap (l'espèce Bwap, de petit amphibiens ressemblant à des tritons, vient de beaucoup plus loin dans la direction du centre mais s'est répandue dans l'Imperium). 



L'histoire commence avec un flash-back peu explicite sur le passé traumatisant de Rev Sanderson quelques années avant quand il fut capturé comme Scout dans les Marches directes. Dans ce premier épisode, ils sont victimes d'un trafiquant sans scrupules que je crois être un Nenlat de Deneb (d'après la queue avec ce qui semble être un dard) et obtiennent ainsi un bon vaisseau au-dessus de leurs moyens, un vaisseau éclaireur (type S de 100 tonnes). Rev décide ensuite de partir du système d'Aldaya vers le Rift

Je suis assez curieux de voir ce que le thème de l'exploration peut donner. On joue toujours des Han Solo ou des Mal Reynolds dans Traveller et ici, pour une fois, cela peut devenir légèrement plus startrekien

lundi 24 juin 2024

Deux jeux de guerre : Du Kurdistan aux Biplans

Chez des amis, j'ai pu tester deux jeux historiques ce week-end. 


Fitna (2020), un jeu de simulation sur le Proche-Orient récent par l'historien et consultant français Pierre Razoux, en gros de la Guerre civile syrienne et de l'essor de Daesh à un futur hypothétique proche. On a fait une version abrégée (4 tours au lieu de 7) du scénario n°7 L'Indépendance du Kurdistan avec 4 joueurs (à une date future mais après 2018). 




Je jouais les Kurdes (toutes les factions à la fois, Peshmergas du KDP d'Irak de Nêçîrvan "Coeur de Lion" Barzanî, PKK de Turquie et PYD de Syrie), Gianni jouait les Irakiens (cela commence peut-être dès l'époque où Haider al-Abadi était encore Premier ministre et le Kurde Fuad Masum Président de la République), avec le soutien de l'Iran, Hervé jouait la Turquie de Recep Erdoğan et Rappar la Syrie de Bachar al-Assad, avec le soutien de la Russie (dans ce scénario, les Américains sont représentées par des cartes qui peuvent être activées par diverses factions, tout comme Daesh, qui peut "réapparaître" comme une peste endémique). 
La Turquie a une armée nettement dominante (plus de blindés que les autres) mais des conditions de victoires difficiles et elle s'est épuisée en lançant toutes ses forces contre les bases kurdes fortifiées en montagnes. La Syrie attaquait aussi les Kurdes sur son territoire (j'avais fait preuve d'hubris en croyant que mes troupes de Kobane pourraient prendre Jarabulus, juste parce que j'avais vu que cela pourrait me donner une condition de victoire "majeure") mais al-Assad avait en plus encore une insurrection (très mollement soutenue par les Turcs qui se concentraient sur moi). Mes conditions de victoire étaient de conserver au moins 7 bases kurdes et malgré mes avantages en défense, le soutien ponctuel mais capricieux des Américains et ma chance aux dés, je n'y suis pas arrivé, ne conservant que 6 bases au 4e tour, la Turquie ayant écrasé toutes les bases du PKK. Après mon échec à Jarabulus, je me suis concentré entièrement vers la défense contre les Turcs (avec l'aide des Syriens) mais l'Irak en a profité pour reprendre Erbil et Kirkouk avant d'occuper quelques centres syriens en plus, ce qui leur a donné la victoire. 
Comme d'habitude, j'ai très mal joué (étant un très piètre wargamer) mais à ma décharge, la position kurde paraît très difficile (surtout si on avait vraiment joué en 7 tours, comme il est difficile d'avoir des renforts). 

Ensuite, j'ai pu tester Wings of Glory (2012) et mon Sopwith Camel s'est très vite crashé en se retrouvant sous le tir croisé des deux avions allemands à la fois (et malgré de la chance encore une fois dans le tirage des dégâts). Mais je crois que j'ai trouvé là un de mes jeux préférés sur la Première Guerre mondiale comme il est très rapide dans la programmation des trois mouvements à accomplir. Les avions donnent une impression de différenciation (mon Sopwith Camel était plutôt rapide mais moins maniable que le Fokker Dr1 du Baron rouge) et le système est très facile à comprendre. 

mercredi 5 juin 2024

Survol historique du Mexique

1821 Le Général Iturbide obtient l'indépendance du Mexique et se proclame Empereur

1824 Le Général Victoria renverse l'Empereur et fonde la Première République (fédérale)

1829 Le Général Guerrero, nouvellement élu, abolit l'esclavage (35 ans avant les USA... ce qui va déclencher la révolte du Texas). Il est renversé par le Conservateur Bustamente (1780-1853) et sera plus tard exécuté par ce dernier. 

1833 Bustamente est remplacé par le Général Santa Anna

1836 Santa Anna proclame une nouvelle République (centraliste et plus fédérale). Le Texas fait sécession et pendant la Guerre, Santa Anna est forcé d'accepter l'indépendance du Texas. Il est renversé et remplacé par Bustamente. 

1841 Après plusieurs révoltes fédéralistes et un conflit avec la France, Bustamente est renversé. Le Général Santa Anna tente de garder le pouvoir par la force et c'est la guerre civile. 

1845 Annexion du Texas par les USA. 

1846 Proclamation de la Seconde République Fédéraliste. Guerre avec les USA jusqu'à la défaite en 1848, importantes pertes territoriales. 

1852 Coup d'Etat conservateur par Santa Anna. 

1853 Révolution par les Libéraux. Réforme laïque et guerre civile entre Conservateurs et Libéraux, notamment sur la question religieuse. 

1858 Le Président libéral Benito Juarez (1808-1872), seul Président métis d'origine amérindienne, bat les Conservateurs dans la Guerre civile de la Réforme. Certains Conservateurs appellent à l'aide la France de Napoléon III en espérant qu'une monarchie soutenue par l'Europe les protégerait des réformes libérales. 

1863 Maximilien de Habsburg est proclamé nouvel Empereur du Mexique avec le soutien des Conservateurs et des troupes françaises sur une partie centrale du territoire mexicain. 

1867 Chute de l'Empereur Maximilien qui sera exécuté. Victoire du Président Juarez. Restauration de la Seconde République. 

1876 Le Général Porfirio Diaz (1830-1915), ancien officier libéral de Juarez, devient dictateur. Il va atténuer l'anti-cléricalisme de la Réforme libérale.

1876-1910 Paz Porfiriana et stabilisation du pouvoir par Diaz pendant 35 ans. 

1910-1920 Révolution mexicaine contre Porfirio Diaz. Diaz est renversé mais le nouveau régime est remis en cause par le rebelle paysan Emiliano Zapata (1879-1919) et le Général Pancho Villa. 

Le Président Carranza sort victorieux et proclame une nouvelle République, à nouveau fondé sur des principes laïcs, voire anti-religieux en 1917. Il fait tuer Zapata en 1919 mais est assassiné à son tour en 1920. Le Général Obregon (1880-1928) arrive au pouvoir, ce qu'on considère comme la fin de la Révolution mexicaine. Il va être le premier chef de ce qui va devenir le Parti Révolutionnaire Institutionalisé (P.R.I.). 

1920-1928 Obregon et son dauphin Plutarco Elias Calles (1877-1945) ont le pouvoir. Obregon est assassiné juste après sa réelection en pleine Guerre civile sur la question religieuse de la place du Clergé mexicain. 

1928-1934 Plutarco Elias Calles est au pouvoir et il continue la politique de laïcisation. 

1934-1940 Le Général Lazaro Cardenas (1895-1970) exile son puissant mentor Elias Calles et il exerce un mandat de 6 ans. Cardenas met en place des réformes plus radicales et est peut-être le dernier représentant de la gauche populiste ou socialiste à l'intérieur du PRI. Mais il rend ensuite le pouvoir au bout de six ans au Général Camacho et au Parti Révolutionnaire Institutionnel. 

Le PRI au nom d'oxymore devient de plus en plus modéré et va finir par mettre fin à sa politique anti-religieuse. La tradition commence d'un mandat unique de 6 ans pour tous les Présidents suivants du PRI (Camacho, Valdes, Cortines, Mateos, Ordaz, Echeverria, Portillo, della Madrid, Salinas, Zedillo). De facto, chaque Président choisit son successeur dans son entourage comme l'élection n'est ensuite qu'une formalité (même si certains des favoris non-choisis ont une tendance à créer des conflits intérieurs au PRI). 

1994 Bref mouvement "zapatiste" au Chiapas. 

2000 Le milliardaire Vicente Fox du parti conservateur PAN devient le premier Président qui ne soit pas issu du PRI depuis 70 ans. Il a 43%, le PRI a 37% et la gauche (dirigée par Cuauhtémoc Cardenas, le fils de l'ancien Président Lazaro Cardenas des années 30) a 17%. 

2006 Felipe Calderon du PAN lui succède mais avec seulement une très courte majorité (36%) devant la gauche (35%) et le PRI (22%). 

2012 Le PRI revient au pouvoir après 12 ans d'opposition avec Enrique Nieto avec 38% pour le PRI, 31% pour la gauche et 25% pour le PAN. 

2018 Andres Manuel Lopez Obrador (dit "AMLO", battu en 2006 et en 2012) devient Président pour le Parti de gauche MORENA et a un triomphe avec 53%. Le PAN est à 22% (il n'y a que dans le Guanajuato, au nord-ouest de Mexico qu'ils battent AMLO) et le PRI tombé à 16%

2024 Claudia Sheinbaum Pardo, élue de MORENA et membre du GIEC, est élue à son tour, Première femme présidente du Mexique et elle fait encore mieux qu'AMLO avec 59%. La grande coalition PAN-PRI-"centre gauche" n'est qu'à 28% !  

Sheinbaum, on croit presque à une sorte d'allégorie trop facile. Le Trumpistan voisin s'apprête à peut-être réélire un kakistocrate séditieux et violeur qui veut accélérer la destruction de la planète et le Mexique, après une longue tradition de 70 ans d'immobilisme corrompu, choisit une femme de gauche et qui a été une spécialiste du dérèglement climatique. 

Add. On peut comparer le nom du Président  Plutarco Elias Calles à ceux de quelques politiciens de l'histoire haïtienne. J'aime bien aussi le nom d'une des leaders historiques de la gauche mexicaine, Ifigenia Martinez