Casus Belli n°16, septembre 1983, 48 pages (12 Francs)
L'éditorial porte entièrement sur la parution tant attendue de la traduction de
D&D. L'ancien collaborateur franco-américain de
Casus Belli Bruce Heard (qui avait écrit tant d'articles dans
CB #10-13) part chez TSR pour superviser (et améliorer) les traductions. Les
Nouvelles du Front annoncent les versions françaises à venir des modules
B3 Le palais de la princesse Argenta et
B4 La cité perdue. Ils citent aussi la parution en anglais de la très oubliée
Free City of Haven (et ils la rendent plus poétique en l'appelant "
City of Heaven"). Ils recommencent aussi le survol des numéros de
White Dwarf (n°42-43), qui va publier leur propre cité,
Irilian, sans doute un des modèles de
Laelith plus tard.
J'avais oublié de parler les fois précédentes de la rubrique "
Echo C.B." qui proposait aux lecteurs de noter chaque rubrique, comme dans certains magazines de bandes-dessinées (dans le numéro précédent, ce sont les modules wargames et le module Bushido qui ont les meilleures notes).
Une des pages a un petit dessin humoristique de
Tignous (qui va ensuite illustrer
Rêve de Dragon de Denis Gerfaud). Il n'est pas dans l'ours et les articles continuent d'être surtout illustrés par Didier Guiserix (sauf le scénario final, illustré par le talentueux
Rolland Barthelemy).
Devine qui vient dîner ce soir a trois monstres. Le
Stick est une créature de graisse collante envoyée par un lecteur. Le
Dragon mort-vivant (avant le
dracoliche officiel ?) et le
Dragon arc-en-ciel (un dragon chaotique-bon qui sert
Bahamut et lance une
aspersion prismatique, là aussi, c'est devenu officiel sous le nom de "
Dragon prismatique", bien avant
Yu-Gi-Oh!) sont deux créations de Martin Latallo. C'est peut-être aussi une reprise directe du livre-jeu de TSR
Revenge of the Rainbow Dragons qui venait de paraître en janvier 1983.
La Nuit de l'Esprit est un petit jeu de société de Jean-Charles Rodriguez (le futur co-créateur du célèbre
Elixir) où un groupe de joueurs doit lutter dans une maison hantée contre un fantôme, qui est interprété par un autre joueur.
Le Combat Fantastique est, comme dans
CB 14 une description des adaptations à faire pour utiliser La Flèche et l'Epée pour des guerres de masse (notamment les créatures ailées et des morts-vivants).
Casba Belibel est co-écrit par Philippe Fassier (qui faisait les
labyrinthes dans Jeux & Stratégies). C'est un programme avec "routines en langage machine pour ZX81") pour générer des noms propres imaginaires pour vos jeux de rôle. Le Net a par exemple
celui-ci mais je ne sais pas ce que donnait Casba Delibel.
Comba-zic est un programme d'Olivier Tubach (Basic pour Apple II) pour résoudre les combats dans AD&D. En un sens, la vogue du jeu de rôle des années 1980 a été une plage temporelle étroite : il fallait en partie l'informatique pour que le grand public découvre le jeu de rôle (
Angmar,
Wizardry ou
Zork pour préparer à
D&D) mais il fallait aussi que l'informatique ne soit
pas assez développée pour ne pas pouvoir rivaliser avec le jeu autour d'une table. Comme le faisait remarquer Grognardia, on ne retrouvera jamais ces ingrédients fragiles de cette phase intermédiaire dans l'histoire des techniques du divertissement.
Le Monde de Runequest (p. 36-38) est une longue introduction au système de magie et au monde de Glorantha, par Denis Gerfaud (qui
commença à développer Rêve de Dragon en réaction à la mythologie gloranthienne). Le début est très frappant dans sa polémique anti-D&D :
Quand on est passionné de fantastique médiéval et de jeux de rôle, on en vient tôt ou tard à découvrir Runequest. Et quand on sort de Donjons & Dragons, après avoir vu des samouraïs chevaucher en compagnie de druides, s'être aventuré dans des cavernes pleines de Minotaures et de Méduses (noter les majuscules et les pluriels), avoir vu des prêtres d'Osiris jeter de l'eau bénite sur des vampires, qu'une prêtresse d'Aphrodite essayait simultanément de repousser en brandissant un coquillage, après avoir vu des guerriers dans le feu de la bataille se ruer sur l'ennemi à la vitesse de 30 cm par seconde tandis que des litres et des litres d'huile s'enflammaient spontanément au contact d'une flamme, bref, après s'être longtemps résigné à accepter qu'un jeu de rôle de fantastique médiéval ne se puisse concevoir sans une bonne dose d'absurdité, on est surpris et, quand même. heureux de découvrir en Runequest un monde cohérent.
Tout joueur a eu une phase de fascination pour la querelle du Réalisme et je me souviens avoir trouvé cet argumentaire très persuasif à l'époque, il y a 27 ans (sauf peut-être le truc sur la vitesse des guerriers).
Runequest est en effet plus "
simulationniste" que
D&D, avec ses attaques et parades, son abandon des "Points de Coup" abstraits et des Classes de personnage. Et surtout en effet,
Runequest a son propre univers. Mais le genre de situation bizarre qu'invente Gerfaud pourrait bien entendu aussi bien se retrouver
mutatis mutandis dans une partie de
Runequest, si ce n'est que le "minotaure" s'appellerait peut-être un broo, que le prêtre d'Osiris serait prêtre d'Humakt ou Daka Fal et que la prêtresse d'Aphrodite serait prêtresse d'Uleria. Même Glorantha peut synthétiser d'innombrables sources dans son univers.
Le dessin de Didier Guiserix de la prêtresse troll de Kyger Litor (mais sa chauve-souris en boucle d'oreilles a les runes du Désordre, ce qui peut faire penser plus à
Zorak Zoran) est vraiment superbe. Il faudrait vraiment que la compagnie de Greg Stafford, Issaries Inc, le rachète pour la 125e fois qu'ils rééditeront le culte de Kyger Litor.
(La dernière page de couverture de ce numéro est une publicité pour l'import de
Runequest par Jeux Descartes. La boite de base version Game Workshop fait 173FF 1983. )
Ensuite, Martin Latallo, qui avait déjà écrit à la fois l'article et le module pour
Bushido dans
CB #15 refait la même chose avec un autre jeu FGU. L'article porte cette fois sur
Daredevils, le jeu FGU sur les Pulps à la Allan Quatermain ou Indiana Jones. Latallo traduit toujours
Skills par "facultés" et semble penser que FGU a créé les jeux avec compétences (alors que
Traveller et
Runequest le faisaient déjà avant). Il regrette que le jeu n'ait pas assez de renseignements sur les années 1930 (ce qui annonce déjà le tout premier dossier Call of Cthulhu dans le numéro 17).
CB #15 avait été le premier numéro à comporter un scénario qui ne soit pas exclusivement AD&D (puisqu'il était à la fois pour AD&D ou Bushido). Mais ici, le
CB #16 est le premier à avoir deux modules distincts et on pourrait considérer ce passage comme un saut qualitatif dans la rédaction des scénarios.
L'Homme Invisible, par Martin Latallo, est un scénario pour Daredevils. Il introduit une présentation par "
scènes" au lieu de celle d'un simple
lieu comme dans
D&D. C'est un bon scénario, avec une enquête assez crédible à la Gaston Leroux. Les aventuriers vont être contactés pendant un bal pour protéger une femme persécutée par un être invisible et il y a de quoi s'égarer dans des fausses pistes intéressantes.
Les Caves de Thraoril par Didier Guiserix est une aventure
Basic D&D (Niveau 1 pour débutants, à l'occasion de la nouvelle traduction). L'histoire se déroule à Thraoril, village dans le centre-est d'Alarian, le monde du #13 et les personnages doivent retrouver une bande de bandits qui pille la petite bourgade. Il y a plus d'interactions avec des PNJ grâce à ce petit village, même s'il n'y a que peu de personnages décrits.
On pourrait imaginer que ce scénario précède ensuite celui du #14, le "Rat noir" où les personnages sont appelés à progresser auprès d'un autre gang de Voleurs bien plus prestigieux (un des thèmes de toute campagne d'Alarian étant à la Robin des Bois avec un pouvoir politique peu légitime).
illustration © par Rolland Barthelemy 1983, p. 44.