Casus Belli n°16, septembre 1983, 48 pages (12 Francs)
J'avais oublié de parler les fois précédentes de la rubrique "Echo C.B." qui proposait aux lecteurs de noter chaque rubrique, comme dans certains magazines de bandes-dessinées (dans le numéro précédent, ce sont les modules wargames et le module Bushido qui ont les meilleures notes).
Une des pages a un petit dessin humoristique de Tignous (qui va ensuite illustrer Rêve de Dragon de Denis Gerfaud). Il n'est pas dans l'ours et les articles continuent d'être surtout illustrés par Didier Guiserix (sauf le scénario final, illustré par le talentueux Rolland Barthelemy).
Devine qui vient dîner ce soir a trois monstres. Le Stick est une créature de graisse collante envoyée par un lecteur. Le Dragon mort-vivant (avant le dracoliche officiel ?) et le Dragon arc-en-ciel (un dragon chaotique-bon qui sert Bahamut et lance une aspersion prismatique, là aussi, c'est devenu officiel sous le nom de "Dragon prismatique", bien avant Yu-Gi-Oh!) sont deux créations de Martin Latallo. C'est peut-être aussi une reprise directe du livre-jeu de TSR Revenge of the Rainbow Dragons qui venait de paraître en janvier 1983.
La Nuit de l'Esprit est un petit jeu de société de Jean-Charles Rodriguez (le futur co-créateur du célèbre Elixir) où un groupe de joueurs doit lutter dans une maison hantée contre un fantôme, qui est interprété par un autre joueur.
Le Combat Fantastique est, comme dans CB 14 une description des adaptations à faire pour utiliser La Flèche et l'Epée pour des guerres de masse (notamment les créatures ailées et des morts-vivants).
Casba Belibel est co-écrit par Philippe Fassier (qui faisait les labyrinthes dans Jeux & Stratégies). C'est un programme avec "routines en langage machine pour ZX81") pour générer des noms propres imaginaires pour vos jeux de rôle. Le Net a par exemple celui-ci mais je ne sais pas ce que donnait Casba Delibel.
Comba-zic est un programme d'Olivier Tubach (Basic pour Apple II) pour résoudre les combats dans AD&D. En un sens, la vogue du jeu de rôle des années 1980 a été une plage temporelle étroite : il fallait en partie l'informatique pour que le grand public découvre le jeu de rôle (Angmar, Wizardry ou Zork pour préparer à D&D) mais il fallait aussi que l'informatique ne soit pas assez développée pour ne pas pouvoir rivaliser avec le jeu autour d'une table. Comme le faisait remarquer Grognardia, on ne retrouvera jamais ces ingrédients fragiles de cette phase intermédiaire dans l'histoire des techniques du divertissement.
Le Monde de Runequest (p. 36-38) est une longue introduction au système de magie et au monde de Glorantha, par Denis Gerfaud (qui commença à développer Rêve de Dragon en réaction à la mythologie gloranthienne). Le début est très frappant dans sa polémique anti-D&D :
Quand on est passionné de fantastique médiéval et de jeux de rôle, on en vient tôt ou tard à découvrir Runequest. Et quand on sort de Donjons & Dragons, après avoir vu des samouraïs chevaucher en compagnie de druides, s'être aventuré dans des cavernes pleines de Minotaures et de Méduses (noter les majuscules et les pluriels), avoir vu des prêtres d'Osiris jeter de l'eau bénite sur des vampires, qu'une prêtresse d'Aphrodite essayait simultanément de repousser en brandissant un coquillage, après avoir vu des guerriers dans le feu de la bataille se ruer sur l'ennemi à la vitesse de 30 cm par seconde tandis que des litres et des litres d'huile s'enflammaient spontanément au contact d'une flamme, bref, après s'être longtemps résigné à accepter qu'un jeu de rôle de fantastique médiéval ne se puisse concevoir sans une bonne dose d'absurdité, on est surpris et, quand même. heureux de découvrir en Runequest un monde cohérent.
Tout joueur a eu une phase de fascination pour la querelle du Réalisme et je me souviens avoir trouvé cet argumentaire très persuasif à l'époque, il y a 27 ans (sauf peut-être le truc sur la vitesse des guerriers). Runequest est en effet plus "simulationniste" que D&D, avec ses attaques et parades, son abandon des "Points de Coup" abstraits et des Classes de personnage. Et surtout en effet, Runequest a son propre univers. Mais le genre de situation bizarre qu'invente Gerfaud pourrait bien entendu aussi bien se retrouver mutatis mutandis dans une partie de Runequest, si ce n'est que le "minotaure" s'appellerait peut-être un broo, que le prêtre d'Osiris serait prêtre d'Humakt ou Daka Fal et que la prêtresse d'Aphrodite serait prêtresse d'Uleria. Même Glorantha peut synthétiser d'innombrables sources dans son univers.
Le dessin de Didier Guiserix de la prêtresse troll de Kyger Litor (mais sa chauve-souris en boucle d'oreilles a les runes du Désordre, ce qui peut faire penser plus à Zorak Zoran) est vraiment superbe. Il faudrait vraiment que la compagnie de Greg Stafford, Issaries Inc, le rachète pour la 125e fois qu'ils rééditeront le culte de Kyger Litor.
(La dernière page de couverture de ce numéro est une publicité pour l'import de Runequest par Jeux Descartes. La boite de base version Game Workshop fait 173FF 1983. )
Ensuite, Martin Latallo, qui avait déjà écrit à la fois l'article et le module pour Bushido dans CB #15 refait la même chose avec un autre jeu FGU. L'article porte cette fois sur Daredevils, le jeu FGU sur les Pulps à la Allan Quatermain ou Indiana Jones. Latallo traduit toujours Skills par "facultés" et semble penser que FGU a créé les jeux avec compétences (alors que Traveller et Runequest le faisaient déjà avant). Il regrette que le jeu n'ait pas assez de renseignements sur les années 1930 (ce qui annonce déjà le tout premier dossier Call of Cthulhu dans le numéro 17).
CB #15 avait été le premier numéro à comporter un scénario qui ne soit pas exclusivement AD&D (puisqu'il était à la fois pour AD&D ou Bushido). Mais ici, le CB #16 est le premier à avoir deux modules distincts et on pourrait considérer ce passage comme un saut qualitatif dans la rédaction des scénarios.
L'Homme Invisible, par Martin Latallo, est un scénario pour Daredevils. Il introduit une présentation par "scènes" au lieu de celle d'un simple lieu comme dans D&D. C'est un bon scénario, avec une enquête assez crédible à la Gaston Leroux. Les aventuriers vont être contactés pendant un bal pour protéger une femme persécutée par un être invisible et il y a de quoi s'égarer dans des fausses pistes intéressantes.
Les Caves de Thraoril par Didier Guiserix est une aventure Basic D&D (Niveau 1 pour débutants, à l'occasion de la nouvelle traduction). L'histoire se déroule à Thraoril, village dans le centre-est d'Alarian, le monde du #13 et les personnages doivent retrouver une bande de bandits qui pille la petite bourgade. Il y a plus d'interactions avec des PNJ grâce à ce petit village, même s'il n'y a que peu de personnages décrits.
On pourrait imaginer que ce scénario précède ensuite celui du #14, le "Rat noir" où les personnages sont appelés à progresser auprès d'un autre gang de Voleurs bien plus prestigieux (un des thèmes de toute campagne d'Alarian étant à la Robin des Bois avec un pouvoir politique peu légitime).
10 commentaires:
Il y a de cela longtemps, un de mes joueurs a fracassé tout l'intérêt "simulationiste"que l'on pouvait trouver à Runequest (je veux dire au système "Basic Role Playing", pas le "setting), en commentant de manière désabusée: "bah, dans ce jeu, on fait qu'à couper les jambes des gens". Ben oui, la table de localisation des coups, conforme semble-t-il au type de blessures reçues dans les batailles antique & médiévales… Une bagarre sur deux finissait avec les types gisant par terre, avec une ou deux jambes cassées/tranchées… Et les séquelles: les béquilles!… Trop démoralisant! On a renoncé à Runequest à cause de ça…
Oui, je le reconnais (et je suis pourtant fan du système). Il y a même pire encore que la table de localisation (qui ralentit pas mal les combats puisqu'il faut faire un jet de d20 supplémentaire en plus de la résolution et des dégâts) : la table des échecs critiques (Fumbles) de RQ dès qu'on faisait entre 95 et 00.
Murphy's Rules (la vieille rubrique dans Space Gamer de Steve Jackson Games qui se moquait des règles absurdes) avait un gag où ils calculaient IIRC qu'une vraie bataille d'une demi-heure de cent guerriers laisseraient automatiquement 30 estropiés ou manchots victimes de leurs propres armes et je ne sais plus combien qui auraient été décapités par mégarde par leurs propres alliés.
Mais il faut avouer que les échecs critiques de RuneQuest peuvent aussi parfois être les meilleurs souvenirs de certaines parties comme dans ces anecdotes des campagnes de Simon Phipps (comme ce joli fumble où le troll veut parlementer avec le dragon et lui dit qu'il a déjà occis ses cousins).
Le numéro 17 de CB a été le premier que j'ai lu en entier et le scénario dès Caves de Thraoryl le 1er que j'ai préparé, hélas sans le faire jouer.
C'est pourtant pour une autre raison que ce scénario à une place à part dans mon souvenir : pour la magnifique illustration de Roland Barthellemy, celle où l'on voit deux aventuriers soulever le coin d'un rideau doublée par le combat épique d'une guerrière en bikini contre une masse de créatures (qui font presque comme une seul ennemi). J'ai si souvent revassé devant ce dessin, c'est pour moi exactement ce que le jdr devrait être. Mais je n'y suis pas encore parvenu... C'est pour ça que je continue le jdr, d'ailleurs. Merci pour cette sequence souvenir.
Du coup, j'ai ajouté l'illustration de la guerrière.
Pour la science.
Et pour illustrer la règle des magazines français de jeu de rôle avec les Amazones dénudées.
Encore une très bonne parenthèse sur RQ...
Merci Anniceris !
Oui, l'argument sur les tables de localisation des coups, j'ai eu pas mal de discussion là-dessus à l'époque avec un gars DnDiste, qui, secouant la tête, me disait :
<< nan, mais t'imagine les monstres te faisant ça, à ton perso, coupant bras et jambes à chaque rencontre, (voir petit doigt ou rikiki)... on n'arreterait pas... tss, tss, ça n'a aucun sens, et pis c'est ridicule.>>
bon, il avait pas vraiment tort.
Moralité, je suis toujours à la recherche de règles parfaites, synthétiques sans être trop simulationnistes, pour Glorantha ou autre Fantasy world.
J'avais placé de gros espoir sur le projet anglais RQ4-adventures in Glorantha de la fin des années 90...
Au final est sorti le RQ de Moongoose et franchement, it sucks.
J'aime toujours les illustrations de Rolland Barthélémy, qui je trouve ont toujours bien vieilli dans le temps - elles ont un côté "classique" (je pense aussi à ce qu'il a fait pour RdDragon aussi).
http://www.bdparadisio.com/scripts/detail.cfm?Id=1649
(La bonne vieille illustration "noir et blanc", vieillit toujours mieux, je trouve)
L'autre illustrateur de RQ, Bernard Bittler a aussi toutes mes préférences, même si son style a beaucoup évolué (plus SF maintenant, je crois).
Enfin, Guillaume Sorel, a aussi pas mal illustré pour Glorantha, Côté Frenchy, et lui aussi a pas mal évolué, voir s'est sublimé.
Il m'avait fait une très belle couverture pour "La Toile d'Arachné", sur les Homme-Bêtes. Un grand format en lavis à l'encre de chine...
(C'est qui avait fait l'entremetteur sur notre fanzine et qui nous avaient fait rencontrer l'artiste.)
un peu de pub pour Pierrot :
http://www.lepixx.com/
C'est d'ailleurs R.Barthelemy qui a fait des icônes burlesques de la tribu Glorantha... de Stafford à Petersen, en passant par Rostlon ?
(pour un Troll ball revisité, je crois ?)
> Desmeïl : Au final est sorti le RQ de Moongoose et franchement, it sucks.
Je n'ai toujours pas testé la version Mongoose "RQII" (i.e. l'édition 6 ou 5.5?) mais je crois que certains autres commentateurs comme Arasmo ou Digó János sont assez positifs.
Je ne vois pas pourquoi Mongoose a abandonné les points de vie globaux au profits des seuls PV de zone mais à part cela il semble qu'il y ait des éléments intéressants dans cette version.
Mais je me demande si je ne ferais pas plutôt glisser mon vieux Runequest vers une version plus simplifiée du Basic, commee Cthulhu ou le vieux Stormbringer.
Merci pour le lien vers Pierre Le Pivain. J'aimais bien le style de Guillaume Fournier sur Runequest (dans les illustrations et les cartes de Broos puis Tatou).
Du temps où j'ai suivi l'aventure du fanzine Les Erudits de l'Ambigu, j'aimais bien aussi Eric Vanel.
Guillaume Fournier que j'ai un peu connu quand il faisait encore des dessins (mais dont il était très humble), aujourd'hui traducteur et écrivain (je crois) est quelqun de très accessible et de très sympathique. Il a aussi marqué effectivement les débuts de RQ en France (et le lancement de Multisim avant les premiers splits du groupe de fans/potes de l'Oeuf cube)...
Je suis en contact avec Eric, et il faudrait qu'on fasse une partie un de ces jours, si on ne se croise pas sur un forum ou sur un salon...
Si tu vas sur le blog de Pierre, tu reconnaitras pas mal d'illust de l'époque de Plasma et les débuts de Siroz/Croc... période Berlin XVIII...
Sympa, cette série de "dépiautages" des vieux CB...
J'espère que tu vas continuer avec les numéros suivants ! :-)
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