vendredi 28 août 2015

Le Dossier pour Kirby


Je savais que Stan Lee avait exagéré son rôle mais cet article sur le Kirby Museum détaille encore plus d'arguments en faveur de la thèse que Jack Kirby aurait été l'auteur le plus important (en dehors de l'humour auto-dépréciateur de Stan Lee, qu'on peut quand même remarquer comme une continuité dans les dialogues).

Un des arguments que je ne connaissais pas porte sur la question des "crédits". Je croyais que c'était plutôt à l'honneur de Stan Lee que d'avoir mis une page de crédits pour nommer les dessinateurs (et en faire des vedettes reconnaissables) à une époque où DC Comics ne le faisait pas. Mais l'article a l'argument inverse : sous couvert de les glorifier, Stan Lee le faisait surtout pour s'attribuer l'écriture du scénario, même quand il n'avait fait que changer un mot au scénario écrit par certains dessinateurs. Selon l'auteur, ce n'était pas que par narcissisme, à cette époque, Lee était encore employé et payé à la page de scénario. Ne pas marquer les dessinateurs comme au moins "co-plotter" était donc une manoeuvre qu'ils vivaient mal. Wally Wood, Steve Ditko et ensuite Kirby sont tous partis notamment parce qu'ils n'étaient pas payés pour le travail d'écriture.


Ci-dessus, un gag dans Angel & the Ape n°1 (1968, DC Comics) par E. Nelson Bridwell et Bob Oskner, où un certain "Stupendous Stan Bragg" (qui aime les allitérations) s'attribue des bandes dessinées qu'il n'a pas écrites. Guerre DC-Marvel, deux ans avant que Kirby ne rejoigne DC.

mardi 25 août 2015

Patholudologie


Dans les années 1980, lorsque le jeu de rôle était vraiment populaire, ceux qui cherchaient du scandale l'associaient parfois à la folie ou au satanisme mais plus rarement à des groupuscules politiques. Depuis, quelques fachos américains ont pu faire quelques jeux très, très obscurs et injouables comme FATAL (qui est plus connu pour son sexisme délirant d'adolescent que pour son racisme plus discret) ou Racial Holy War (un jeu lié au KKK mais qui avait des règles très brèves seulement pour simuler des combats contre les Noirs). Mais dans l'ensemble, c'est tellement marginal que même les médias les plus panicards n'ont jamais réussi à faire croire à un péril. Récemment, le norvégien Kristian "Varg" Vikernes, un ancien chanteur, assassin et incendiaire, devenu néo-Païen raciste et fasciste (et réfugié en France avec sa compagne après avoir purgé une peine pour meurtre et évasion) vient aussi de faire son propre jeu de rôle MyFaRoG, où on joue de gentils Blonds aux yeux bleus contre d'horribles monstres levantins aux cheveux bouclés ou crépus (et là encore, comme pour FATAL, on ne sait pas s'il faut plus parler de pathologie que de politique).

Il vaut mieux ne pas faire de publicité sordide pour ce truc auto-édité à quelque exemplaires mais d'un autre côté, je crains un peu que les goûts ludiques de Vikernes aillent vers de vieux jeux des années 70-80 que j'aimais également comme RuneQuest et j'espère que ce dernier jeu (créé par des hippies californiens comme ce gauchiste de Steve Perrin) ne sera pas souillé par son amateur scandinave (de même que l'érudit historien Ken Hite raconte dans son interview avec Zak comment sa description d'une uchronie où le Reich wilhelmien n'était pas tombé avait été prise pour une valorisation de l'autocratie par certains fans trop rapides).

En lisant les extraits de ce jeu, on peut explorer l'incroyable naïveté de ce que devient un nietzschéisme vulgarisé dans l'extrême droite : Vikernes prend soin d'expliquer que les Nobles sont vraiment d'origine moralement supérieure et des aristocrates corrompus ne peuvent donc être que de viles projections de roturiers pleins de ressentiment.

A l'inverse de ces cas réels de racisme, ce thread sur RPG.net sur le racisme dans le jeu de rôle tombe dans le ridicule en accusant Spears of Dawn de "néo-colonialisme" parce que son monde (qui est en gros pseudo-africain comme tant d'autres sont pseudo-asiatiques) a des formes de "division impériale", comme si tout jeu fantastique était nécessairement "colonial" dès qu'il raconte des histoires à partir des mythes d'autres cultures.

vendredi 14 août 2015

Silver Surfer vol. 7, épisodes 1-13


Depuis le mois de mai 2014, Dan Slott est le scénariste de Silver Surfer avec Mike Allred aux dessins et les 13 numéros ont eu la même équipe en continu.

Mike Allred a un style très idiosyncratique, mélange de dynamisme des comics et de structures très figées ou abstraites aux couleurs très tranchées comme une parodie du Pop'Art (les rares nuances de couleurs sont généralement dans quelques teintes de peau grâce au travail de Laura Allred). C'est bien adapté au Surfer d'Argent et toute statue metallique animée.

Dan Slott est l'un des meilleurs scénaristes de Marvel en ce moment, avec Kieron Gillen. Ses principales forces sont généralement l'humour et des clins d'oeil de geek aux détails les plus obscurs de vieux comics. Il avait été très bon sur She-Hulk (la série ne lui survécut pas avec Peter David) ou sur les Great Lake Avengers. Il me semble moins original sur Spiderman peut-être parce qu'il me semble vouloir rendre hommage à des intrigues plus sérieuses de l'époque Stan Lee-John Romita Senior.

Le Surfer me semble plus réussi même si le concept de départ est en effet assez simplement un hommage à Docteur Who (comme je l'avais déjà dit avec Silver Surfer Infinite qui me fit découvrir la lecture de comics en ligne chez Comixology). Le Docteur a besoin d'une Compagne parce que sans elle, nous n'aurions aucun lien avec un Dieu extraterrestre inscrutable.

Slott considérait que le Surfer était trop divin et inaccessible. Il est allé très loin dans la direction opposée de l'humanisation. D'abord, le Surfer peut maintenant abandonner son corps d'argent quand il le désire et redevenir le mortel Norrin Radd de Zenn-La. Le défaut est que l'enveloppe d'argent donnait aussi (comme chez ROM) une certaine mélancolie à un dieu déchu qui avait perdu tout contact avec sa vie mortelle et même avec le contact de la chair. C'est sans doute nécessaire pour qu'on ait de l'empathie pour Norrin mais cela en fait un superhéros plus conventionnel, un humain qui met un costume et non un être aliéné, enfermé dans son pouvoir cosmique.

En revanche, l'idée de faire du Surf un tiers dans la relation Surfer-Dawn est brillante. Le Surf a déjà été parfois relativement autonome mais ici, il devient vraiment le Jolly Jumper du Surfer. Même s'il ne parle pas, il commente visuellement ses propres jugements ou son impatience. Il reçoit aussi un nom, Toomie (parce que le Surfer avait dit "To me, my board" et Dawn a mal compris - je suis curieux de voir ce que cela donnera en traduction).

Dans le premier Arc (épisodes 1-3), Slott inverse simplement l'intrigue habituelle ou la structure originelle du récit cosmique du Surfer. Le Surfer aide d'habitude un Dieu cosmique (Galactus, qui représente l'Entropie) à dévorer un monde (ou se rebelle en nouveau Prométhée contre ce Dieu de colère). Ici, une Déesse cosmique (la Reine des Jamais, qui représente les Possibles Non-actualisés) s'est faite parasiter par un monde de mortels opportunistes et ils veulent forcer le Surfer à détruire la Déesse qui veut se libérer. Quand il comprend l'enjeu, le Surfer se rebelle contre les mortels et sauve la Déesse du Possible.


La force de Slott est de reprendre cette toile de fond avec de Grands Concepts Cosmiques et une intrigue humanisée. Les mortels font en effet chanter le Surfer en lui révélant que son grand amour futur sera une certaine Dawn (dont la soeur jumelle s'appelle "Eve", get it?). J'étais sceptique au départ sur les techniques de Rom-Com sur Dawn, l'Humaine Normale qui ne veut pas voyager et qui va devenir la plus grande exploratrice auprès de l'errant Surfer. J'imagine que cela risque de paraître mièvre à certains lecteurs et que Slott utilise un peu le cliché ou le trope de la Femme-Enfant mignonne.

Le 2e "Arc", bref (n°4-5) est un bref retour sur Terre pour justifier pourquoi la "casanière" Dawn va continuer son Odyssée avec le Surfer et faire un petit cross-over en passant avec les Gardiens de la Galaxie et l'ancienne équipe du Surfer les Défenseurs.

Puis le Surfer et Dawn vont vraiment pouvoir commencer leur périple (et je présume que Silver Surfer Infinite s'insère mieux ici). Ils traversent la Planète Prime, obsédée par la perfection en toute chose (n°6) et divers autres mondes dont un Labyrinthe (thème qui va revenir de manière plus géniale dans le très beau n°11) avant que le Surfer n'offre symboliquement une partie de son argent comme un anneau de fiançailles avec Dawn (n°7).

Puis on revient à la structure archétypale du Surfer (n°8-10). Ils tombent par hasard sur Newhaven, le monde où se sont réfugiés des survivants d'innombrables mondes détruits par Galactus (peut-être une portion de l'ancienne Flotte des Survivants de xxan Xxar vue dans Fantastic Four #261). Dawn va enfin apprendre le terrible passé du Surfer et il va encore une fois lutter contre Galactus venu dévorer Newhaven. La solution va être différente des cas précédents : le Surfer va laisser Galactus dévorer Newhaven mais en sauvant la flotte des Survivants.

L'épisode 11 est entièrement un hommage à Moebius alias Jean Giraud (qui avait dessiné Parable en 1988 lourde parabole religieuse surévaluée, par Stan Lee). La Flotte des Survivants de Newhaven doit traverser un Anneau de Moebius où ils sont piégés et Mike Allred s'amuse à imiter le style de Moebius dans le "Giraud Expanse" où tout le monde parle en "Space French" et où Arzach se promène sur son Ptéron blanc).

Dans l'épisode 12, ils restent une période indéterminée sur Euphoria, planète pensante hédoniste où les réfugiés de Newhaven fondent New Newhaven. L'amour de Norrin et Dawn est déclaré tout à fait ouvertement, ce qui en fait une relation les plus rapides des comics.

Le prochain Arc redevient encore plus cosmique avec le retour de plusieurs entités comme Glorian le Rêveur, Héraut du Façonneur de Mondes, le Dieu dans le Cube Cosmique, dans une scène qui rappelle à la fois la Bhagavad Gita et les scènes de sublime kirbyesque. C'est en fait une allusion au cross-over Secret Wars où l'Univers Marvel va être remanié pour créer un nouvel Univers Marvel (Marvel ayant attrapé par symétrie la même manie que DC de rebooter son univers).


Ce volume 7 est une grande réussite, si du moins vous acceptez le point de départ d'une Rom-Com entre un Dieu errant et une jeune fille qui ne voulait pas quitter la Nouvelle-Angleterre. Je ne sais pas si la série est censée s'arrêter ce mois de septembre avec le n°15.

jeudi 13 août 2015

Jaakko Hintikka (1929-2015)


Hintikka, l'un des plus grands philosophes du siècle dernier, vient de mourir hier, 12 août 2015. A 86 ans, il venait encore de faire une conférence vendredi dernier sur les probabilités et la mécanique quantique (au XVe Congrès de Logique, Méthodologie et Philosophie des Sciences d'Helsinki).

La Finlande était une marge particulière dans la philosophie européenne. Elle fut vite très marquée par la philosophie analytique (un peu comme l'avait été la Pologne avant la Guerre) et notamment par un élève important de Wittgenstein, Georg von Wright.

Hintikka fut un des très rares philosophes (à ma connaissance, en fait, le seul) à allier des qualités opposées : d'un côté une grande inventivité logique (il eut des contributions importantes en sémantique et développa plusieurs logiques différentes pour tenter de meilleures représentations, comme sa "Sémantique fondée sur la théorie des jeux" ou sa Logique "faite pour l'indépendance" pour mieux représenter les paradoxes non-monotones de la connaissance , où je peux "savoir" que "P" sans savoir que Q même si P implique Q), et de l'autre un grand intérêt approfondi pour l'histoire de la philosophie qui lui faisait faire des rapprochements surprenants entre des positions anciennes et des problèmes contemporains. Un cas célèbre est qu'il fut le premier à voir des analogies entre le Cogito cartésien et le performatif d'Austin. (Hilary Putnam a été plus influent encore mais il n'a pas montré autant de sens historique malgré sa curiosité)

Il y a des chances que cela l'ait rendu incompréhensible aussi bien aux historiens qu'aux analytiques quand il dessinait des liens entre l'idéalisme transcendantal et tel aspect de l'une de ses sémantiques.

Ses articles étaient d'un éclectisme qui devait lui causer du tort. Il était un mathématicien capable aussi d'écrire un article sur "la phénoménologie husserlienne dans le style de Virginia Woolf". Mais la Logique mathématique s'était tellement développée qu'il n'était plus recruté qu'en philosophie et plus en logique.

Hintikka fut, à la même époque que Kripke ou Lewis, une part d'une révolution inverse de celle de Quine (comme l'a écrit Pascal Engel, la philosophie analytique contemporaine est faite de divers Post-Quiniens, manières différentes d'utiliser ou critiquer Quine). Quine avait donné l'une des premières interprétations rigoureuse du sens de la logique du premier ordre et tentait d'en tirer un Lit de Procuste rigoureux empiriste pour éviter des dérives "ontologiques". Hintikka au contraire variait les sémantiques de Mondes Possibles de manière beaucoup plus hétérodoxe et prolifique, en faisant vivre des constructions philosophiques moins puritaines. Mais contrairement à Kripke, qui semblait parfois redécouvrir des fonctions du sens commun aristotélicien ou Lewis, dont le réalisme des mondes possibles était si radical, Hintikka donnait un sens nouveau à des théories qui semblaient plus proches de Kant.

J'ai rencontré Hintikka à l'Institut Finlandais en 1994 (il y a donc 21 ans) lors d'un colloque sur son oeuvre et il me semblait accessible malgré ce côté mandarinal des Stars internationales qui ont connu le faste de toutes les grandes universités (il n'avait absolument pas ri des blagues que tentait de faire Jacques Roubaud, qui était un de ses fans).

Je ne comprends hélas pas Wittgenstein mais avec les livres de Hintikka sur lui, j'avais au moins l'impression de mieux comprendre pourquoi je ne le comprenais pas (puisque pour lui Wittgenstein comme Quine restait, malgré tout son génie, encore empris d'une tradition pré-tarskienne contre la sémantique).

J'ignore s'il a trouvé sa "carrière" (du point de vue des "postes") relativement décevante ou si c'était un choix. Il fut reconnu dans son pays en Finlande mais aux USA (où il commence à travailler à partir de 1964, à la trentaine), il n'était membre que de l'Université de Floride (où il avait trouvé un poste en même temps que son épouse philosophe) puis de Boston University (même s'il fut aussi visiteur à Stanford). Avec une certaine fausse modestie, il écrivait dans un portrait autobiographique que son propre saut de l'Université de Turku vers les USA était moins grand que celui de son père d'instituteur de province finlandaise vers la capitale Helsinki.

Hintikka a beaucoup écrit et les médias finlandais avaient remarqué l'une de ses autobiographies très franches sur son histoire d'amour avec son épouse américaine Merrill Hintikka (qui aurait été brièvement une des maîtresses de Kennedy avant de le rencontrer).

Add. Une compilation de certains de ses articles accessibles en ligne.

Quelques titres DC Comics de cet été


TLDR; : Il faudrait que je me mette plutôt à Marvel. Quelqu'un a des recommandations (à part Silver Surfer, que je lis déjà) ?

Les séries récentes de DC ne m'emballent le plus souvent pas tellement. Il y a deux défauts : le "bougisme" où tout est changé sans cesse et la "sinistrose" où tout doit devenir plus DARK que dans le passé (même si DC tente un peu de réagir en ce moment par quelques séries humoristiques). C'est certes moins grave que dans leurs films récents à la palette si obscure qu'on ne voit plus que des nuances de sombre.

Voilà une tentative de ne pas avoir de remords sur le fait de ne plus lire que de vieux comics de l'Âge d'Argent. Le contexte de ces lectures du 12 août 2015 est le suivant : l'univers DC a été rebooté en septembre 2011 (après Flashpoint) et nous ne sommes que trois ans après. Ils le rénovent à nouveau après la mini-série Convergence - où des héros de diverses Terres parallèles hors de l'Hypertemps qui relie les différents continua temporels ont fait face à une version multiverselle de Brainiac.

Notation : A excellent, B ok, C Bof, D mauvais E Garth Ennis.
Mes moyennes vont sembler peu charitables mais il faut se souvenir de la Loi de Sturgeon.

Action Comics #43
DC croit vraiment qu'ils attireront plus de lecteurs vers Superman en le faisant revenir vers un réalisme encore plus Pulp qu'ils avaient déjà tenté en partie au début de ce reboot ? Les amateurs de ce genre préféreront toujours un machin sanglant du genre de Midnighter. D

All-Star Section Eight #1-3/6
Garth Ennis refait à nouveau ce qui le dégoûte et ce qui nous dégoûte tout autant : du comic pas drôle sur le fait qu'il en a marre de devoir vivre en écrivant des comics de superhéros alors qu'il trouve ce genre éculé et nul. Abrège tes souffrances, Garth, écris autre chose. Je comprends très bien qu'on déteste ce genre mais je n'ai jamais compris ceux qui veulent lire du Ennis pour varier les manières de dire qu'ils devraient lire autre chose. C'était drôle il y a 20 ans quand Patt Mills avait fait Marshall Law, maitenant c'est vraiment encore plus usé que tout le genre qu'il prétend ridiculiser. Ha ha, Batman a une contravention pour sa batmobile pendant qu'il allait tirer de l'argent à un ATM et Green Lantern prend un taxi jaune. Ha. Ha. Ok, il y a une blague légèrement subversive dans le n°2 où l'ignoble personnage principal appelle Homeland Security pour se venger d'un Arabe-Américain qui n'a voulu lui acheter ses vieux T-Shirts souillés. Mais comme le remarquait Gotlib quand il a arrêté Superdupont, les blagues sur des "héros" ploucs racistes finissent par devenir ambiguës. Et le n°3 tente assez efficacement de vous donner la nausée. E-

Aquaman #41-42
Tout le statu quo construit depuis trois ans est à nouveau renversé avec un nouveau scénariste. DC est devenu incapable de faire durer sur la continuité un concept ou un "arc" narratif. Aquaman était sur le point de se marier avec Mera, il devient un proscrit solitaire poursuivi par les Atlantes. C

Batman '66 #62
Si je suivais un titre de Batman, ce serait sans doute celui-là, qui contredit toute l'évolution grim & gritty de DC. Les dessins de Lucas Ketner sont brillants et on peut faire confiance à Jeff Parker pour garder la tradition de scénarios qui ne soient pas que mutilations et massacres. Cet épisode réutilise encore Harley Quinn, décidément surexposée en ce moment. Elle est en train de devenir aux années 2010 ce que Lobo a été vers les années 1990. B+

Batman Superman 22-23
Le nouveau Superman, un type en jeans en colère qui fait penser à la brute d'un bar, rencontre Jim Gordon, qui remplace Batman pendant sa phase quasi-annuelle de "mort" avec une armure à la Iron Man et d'étranges oreilles qui l'ont fait déjà surnommer "Bunnybot". Une bonne synthèse de tous les fiascos de DC cette année. C

Batmite #2-3/6
Je ne m'attendais pas à ce que ce soit mon titre favori de cet été. Le scénario est par Dan Jurgens, que je considère d'habitude comme compétent mais pas particulièrement innovant, mais cela m'a fait rire plus nettement que tous les autres titres parodiques. Bien entendu, ce sera donc un échec commercial. A

Bizarro #2-3/6
Encore une série humoristique. Je crois reconnaître une imitation du style de l'excellent Kyle Baker. Bizarro voyage avec Jimmy Olson mais il faut admettre certaines conventions de l'humour Bizarro (comme le fait qu'il inverse toujours logiquement ce qu'il veut dire). B

Black Canary #1-2
La nouvelle version en fait une chanteuse dans un groupe de rock et c'est plutôt une bonne idée qui correspond à la fois à son costume et à son pouvoir sonique (la version d'origine était une... fleuriste, encore jusqu'aux années 1990, mais elle a été aussi brièvement prof de sport). En revanche, il faudrait tout le talent d'un Kieron Gillen sur Phonogram pour me faire m'intéresser à une héroïne qui doit jongler entre les concerts et sa vie d'héroïne. C

Constantine: the Hellblazer #1-3
Malgré la disparition de l'univers Vertigo, Constantine reste un peu à la marge mais cela ressemble peut-être un peu trop à une ressucée de ce qu'on a déjà vu. C

Deahtstroke #7 & Deathstroke Annual #1
Ils ont rajeuni Deathstroke graphiquement (pour en faire le double du Punisher de Marvel) mais lui ont conservé ses enfants adolescents. Dans cet épisode, le mercenaire, qui a pris l'épée "Déicide" d'Héphaïstos, est lancé, avec Wonder Woman, pour tuer un Titan, Japet (je suppose que c'est lui, même s'il est obstinément appelé "Lapetus" au lieu de "Iapetus"). On a droit à la scène traditionnelle où un vilain manipule l'esprit du personnage pour lui faire revisiter ses regrets. C

Doctor Fate #1-2
Cette fois, le nouveau Docteur Fate (VIII ou IX, je crois ?) est un jeune interne en médecine arabe-américain, Khalid Nassour, fils d'un immigré qui exerce la profession de conducteur de taxi. Le scénario par Paul Levitz insiste encore plus que par le passé sur des origines égyptiennes du Docteur (qui a pu venir de bien d'autres endroits dans le passé). Khalid est donc choisi par Bastet pour hériter du livre de Thoth. Le style graphique vertigoesque de Sonny Liew me semblerait plutôt correspondre à une version plus humoristique. C+

Earth 2 Society #1-3
Un des reboots les plus discutables de DC. On croit que c'est le retour de la Société de Justice, la plus ancienne équipe de superhéros, et c'est en fait une nouvelle version très alternative qui a de moins en moins à voir avec la JSA à part les noms. Ce ne sont en effet pas les vétérans des années 1940 mais ce qu'ils pourraient être s'ils étaient nés à l'époque contemporaine. On perd donc tout l'élément dynastique d'Infinity Inc (récemment revu dans Convergence) qui serait pourtant l'un des charmes principaux de cet univers. Une version de Terre-2 a été détruite par Darkseid et des survivants ont fui dans l'espace comme dans Galactica pour aller coloniser un double terraformé (mais avec une étoile binaire qui sappe les forces des Kryptoniens), baptisée par eux "Terre 2" (sans tiret, alors que bien entendu, ils n'avaient aucune raison d'appeler leur monde d'origine "Terre-2"). Cette Terre 2-sans-tiret est donc un mélange de plusieurs références de science fiction en simultané entre le superhéros traditionnel et une colonisation d'une autre planète (les 12 vaisseaux ont donné 12 colonies et il y avait au début un gouvernement mondial sous un dictateur éclairé). Green Lantern y devient l'équivalent de Swamp Thing, Superman, Wonder Woman et Batman ont été tués, le nouveau Superman y est un fils de Zod, Lois Lane, veuve de Superman, porte l'armure de Red Tornado, Dick Grayson n'a jamais été Robin mais devient quand même Batman après un accident, Aquawoman est un mélange de Mera et d'Aquaman. Dessins peu agréables d'un Jimenez, mais c'est Jorge, pas Phil. C

Flash #41-42
Si vous voulez des épisodes qui ressemblent d'assez près à la série télévisée, c'est acceptable, j'imagine. On sent un effort de coller avec la première saison sur l'Anti-Flash (Reverse-Flash) et le père de Barry Allen (la Loi principale des comics étant devenue que toute histoire doit parler du Père) mais cela donne donc l'impression d'un simple sous-produit et non d'une source qui a précédé cette série. Et les dessins de Brett Booth ont cet aspect qui évoque tant les horreurs d'Image des années 1990 où tout le monde a la même tête. Pénible. D (les dessins de Bong Dazo dans Flash Annual #4 où l'Anti-Flash recrute une équipe d'anti-héros à travers le temps sont plus supportables : C)

Green Lantern #42
Comme les scénaristes ne supportent jamais longtemps que Hal Jordan soit dans une police organisée, ils l'ont fait chasser du Corps encore une fois. Il devient une sorte de Vigilante de l'espace, continuant à lutter pour la justice avec un nouveau Gant plus puissant qu'un simple Anneau, tout en tentant d'échapper au Corps qui leur l'arrêter (j'ignore pourquoi, à vrai dire). Ils n'arrivent jamais à trouver ce qu'ils veulent de GL mais cette solution (qui est l'inverse de celle d'il y a quelques numéros seulement où Hal Jordan était devenu le nouveau Chef du Corps) ne me paraît pas très durable. C

Green Lantern: Lost Army #1-2
Une série dérivée sur John Stewart et quelques autres GL, dont Arisia et un jeune Krona qui ne semble pas encore être devenu l'adversaire métaphysique qui veut détruire l'Univers. Dommage qu'il y ait tous ces flash-backs lourds sur John Stewart tireur d'élite en Irak (je préfère voir en lui un architecte, comme à l'origine, qu'un vétéran). Cela avait mal commencé avec encore une histoire avec les querelles entre les différentes couleurs de Lanternes mais ils découvrent dans le #2 qu'ils semblent être non pas dans une autre partie de l'Univers mais dans l'Univers qui a précédé le Big Bang. C+

Harley Quinn #17
Bien que les scénaristes (le couple Conner & Palmiotti) soient les mêmes que dans la série suivante, Harley Quinn semble beaucoup plus intelligente ou plus saine d'esprit dans sa propre série. Ici, elle fait chanter le Maire pour qu'il ne l'importune plus et cela semble marcher. Elle doit faire face à un Captain Strong qui est le double de Popeye (apparu dans Action Comics #423, 1973)... C+

Harley Quinn & Power Girl #1-2
D'habitude, ma batmanophobie me ferait rejeter tout ce qui a un lien avec le Joker mais cette mini-série sur une alliance entre l'anti-héroïne démente Harley Quinn et l'amnésique Power Girl de Terre-2 est assez amusante. Et les dessins de Stéphane Roux sont très bien adaptés à ce genre de parodie. Elles se retrouvent (après la série Power Girl) sur Valeron, le monde de Vartox (apparu dans Superman #281, 1974). Vartox est un vieux personnage de DC qui était en fait à l'origine la reprise assez directe de Zed, le personnage joué par Sean Connery dans Zardoz (1974). Les clins d'oeil ne marchent donc que si vous avez vu le film (Conner et Palmiotti doivent bien aimer les vieux scénarios un peu ringards de Cary Bates). En revanche, je n'ai pas compris pourquoi le "Club des Ex" de Vartox semble être une parodie des New Mutants de Marvel... B

Justice League 3000 #1-2
Dans un futur possible où la Légion des superhéros a déjà été massacrée, dans une des Terres parallèles, les gènes de la Ligue de Justice sont réutilisés pour des quasi-clones imparfaits. Ils sont dirigés par un Firestorm mais leur Superman est une brute stupide, leur Wonder Woman est sanguinaire, leur Batman suicidaire et leur chef caché est un clone de Lois Lane qui souhaite en fait les détruire. Créé par la même équipe de deMatteis & Giffen que d'autres versions humoristiques de la Ligue. Pas aussi amusant qu'ils semblent le croire. C

Justice League of America #1-2
La nouvelle série est écrite et dessinée par Bryan Hitch. Il y a peu de créateurs complets dans les comics de superhéros mainstream. Il y a quelques réussites comme John Byrne, Erik Larsen mais George Perez, par exemple, semble récemment souvent avoir des problèmes de storytelling quand il est son propre scénariste (sur Crimson Plague ou Sirens, les problèmes récents sur Superman ne viennent pas que de lui mais plutôt de Grant Morrison). Pour l'instant, Bryan Hitch me semble réussir à faire une série qui utilise tous les personnages à la fois en leur consacrant un peu de temps à chacun et sans sembler être submergé par le nombre. Cela reste assez lisible mais cela imite peut-être aussi quelques scènes déjà vues lors du vieux run de Grant Morrison. Un être qui se fait passer pour le Dieu kryptonien Rao arrive sur Terre (un faux Rao était déjà apparu dans l'arc New Krypton vers 2009). Superman a l'air d'une crédulité totale alors que Batman et Aquaman sont beaucoup plus sceptiques. Hitch a l'air d'aller vers une histoire mythologique puisque Wonder Woman découvre alors que l'Olympe est en ruines. B

Justice League United #12
J'aimerais accorder le bénéfice du doute à ce titre parce que c'est par Jeff Parker et que le scénario sur une équipe plus "cosmique" basée au Canada a l'air complexe mais les dessins actuels me rebutent un peu trop pour que j'y entre, désolé. Non-noté.

Lobo Annual #1
En 38 pages, Sinestro teste le mercenaire Lobo avant de le recruter. La nouvelle image de Lobo est plus proche de ses origines et légèrement moins caricatural, mais cela va sans doute lui enlever une partie de son charisme. C

Martian Manhunter #1-2
Ce pauvre Limier Martien a été l'un des plus maltraités dans le Nouvel Univers DC. Il n'est plus le pilier fondateur de la Ligue de Justice et ses origines vont être révisées encore une fois : il ignore qu'il serait en fait une taupe dormante pour une invasion extraterrestre. Cela devient le réflexe pour tous les personnages extraterrestres : Superman devient souvent aussi inquiétant qu'un Hulk en découvrant des programmes obscurs kryptoniens (par exemple dans les premiers numéros de la nouvelle série Superman ou récemment quand il fut infecté par le virus Doomsday), Hawkman & Hawkgirl aussi ont eu ce genre de révision. C

Midnighter #1-2
Beurk. D

New Suicide Squad #9-10
La nouvelle équipe comprend Black Manta, Captain Boomerang, Deadshot, Harley Quinn, Reverse Flash (qui doit être plus jeune que celui dans Flash) et le Parasite (qui semble moins puissant que dans le récent épisode de Justice League of America). Leur but est d'infiltrer la Ligue des Assassins, qui, dans cette version, est clairement une allusion à Daesh/ISIS. L'Escadron Suicide est sinistre mais c'est un peu le concept de base et c'est un cas où on peut le pardonner à DC. Le suspense marche assez bien. B

New Titans (vol. 5) #9-10
Difficile d'entrer dans cette série tant les personnages ont changé par rapport aux versions précédentes. En plus de quelques jeunes assez connus, Red Robin, Wonder Girl (mais Cassandra, pas Donna - dans cette version, Cassie est une petite-fille de Zeus et non son enfant, ce qui en fait une nièce de Wonder Woman et non sa demi-soeur), Beast Boy, Superboy ou Raven, ils ont ajouté quelques nouveaux comme Bunker (un Mexicain qui peut contrôler de l'énergie), Chimera (une Durlienne polymorphe) et Manchester Black (télékinésiste). C ?

Omega Men #1-3
Je suis fan des Omega Men, cette équipe de superhéros d'un autre système solaire parce qu'ils représentent encore plus que les Green Lanterns l'expérience du décentrement (surtout dans les années 1980 où Alan Moore jouait avec l'ethnologie du système de Vega). Mais ces héros sont censés être des Rebelles contre un Empire Maléfique (comme les Starjammers chez Marvel) et cela entraîne une inertie : ils ne doivent jamais réussir ou leur raison d'être disparaîtrait. Cette histoire n'est pas mauvaise mais assez peu accessible, ce qui nuit à sa lisibilité. B/C

Prez #1-2
La première série Prez: First Teenage President (1973-1974) était une série curieuse qui essayait d'exploiter l'image des jeunes mais pour mieux se moquer de leur naïveté, contrairement à la plupart des versions plus récentes qui prennent plus clairement parti pour lui et ses idéaux. Dans la nouvelle version (par l'humoriste Mark Russell), dans un futur imminent où l'oligarchie contrôle complètement la société américaine et la noie sous le consumérisme et la perte de vie privée, une jeune étudiante de 19 ans, Beth Ross, est élue Présidente des USA par accident (vote par twitter) parce que les lobbies se sont annulés à la Chambre des Représentants. Preston Rickard, le personnage de la série de 1974 revient comme son Vice-Président. La parodie est grinçante et peut rappeler les sarcasmes sur l'Amérique de Army@Love de Rick Veitch [j'aurais bien mis le lien vers mon analyse de cette série sur mon blog précédent si 20six ne l'avait détruit], mais la satire touche assez juste, par exemple sur l'incapacité des USA à avoir un système de santé respectable (même après l'Affordable Care Act). Mais il y aurait un moyen de se moquer des blocages de cette société sans recourir au mythe jeuniste où seuls les enfants peuvent faire une vraie révolution. B+

Sinestro #12-13
Ce vilain a toujours sa propre série ?? Bon, là, il force sa fille, Soranik Natu, à entrer dans son Corps de Lanternes Jaunes en brisant son anneau de Lanterne Verte. Et il libère Parallax, la Source de l'Energie de Crainte. Oui, il ne se passe rien, en fait. C/D

Starfire #1-3
Une version humoristique (qui se veut "sexy" sans être de "l'exploitation") où Starfire, l'extraterrestre exilée, fait ses premiers pas sur Terre, en Floride (elle n'a donc jamais été membre fondateur des Nouveaux Jeunes Titans dans cette version ?). J'aime bien les dessins d'Emanuela Lupacchino mais les gags (de Conner & Palmiotti) sur le choc culturel s'épuisent vite. Pas très drôle. C

Superman #41-42
Lois Lane découvre que son subordonné Clark est Superman, ce qui va rendre leurs relations plus compliquées. Cette série ne semble pas toujours complètement en accord avec la série sur la relation avec Wonder Woman et Clark y a nettement plus de tension sentimentale avec Lois, même si elle est sortie avec Metallo et n'a jamais été son ex dans cet univers. C

Superman - Wonder Woman #18-19
Quand ils ont annoncé que dans le nouvel univers DC, Clark serait avec Diana et plus avec l'éternelle Lois Lane, j'ai vraiment cru à un gimmick qui durerait trois numéros. Cela fait maintenant 3 ans et ce gimmick devient en fait l'une des rares stabilités de ce nouvel univers, surtout que cela commence à mieux apparaître aussi dans leurs propres séries régulières, qui au début ne semblaient pas trop le prendre en compte. Et après tout, dans la nouvelle version de Wonder Woman ils ont réussi à se débarrasser de l'encombrant Steve Trevor depuis plus de 25 ans ! Mais Tellos a à nouveau prophétisé dans Convergence que Lois serait un jour avec Clark et le titre de Booster Gold a mentionné que cette relation est une anomalie d'ampleur "cosmique" dans le Multivers, donc cela ne durera pas. Un détail à mentionner dans un pays aussi puritain que les USA est qu'il est clair que la relation n'est pas que platonique. Ici, Superman, qui vient de perdre son identité secrète et dont les pouvoirs sont massivement réduits reçoit un appel à l'aide de son ancienne amie Lana Lang (qui dans cette version est une ingénieure qui sort avec le nouveau Steel). Clark et Diana se retrouvent face au nouveau Suicide Squad (dont Harley Quinn, décidément omniprésente en ce moment) envoyé par le gouvernement contre Superman. C

Wonder Woman #41-42
Diana se fait forger une nouvelle armure par Hephaïstos pour remplacer son maillot de bain (mais la nouvelle armure conserve un peu trop les couleurs du drapeau des USA) et elle doit affronter un certain Egée, descendant mortel de Poseidon, un mortel qui se prend pour Percy Jackson et qui souhaite tuer WW pour devenir le nouveau Dieu de la Guerre. Pendant ce temps, Donna, le golem fabriqué pour être le double de Diana, doit expier son crime (elle a massacré les Fils des Amazones) et Eris l'envoie rechercher les Moires pour comprendre son destin. La nouvelle série a une mauvaise réputation parce que le dessinateur David Finch fait des "cheesecakes" et parce que sa femme, la scénariste Meredith Finch, avait été trop circonspecte sur le mot "féminisme", mais le scénario ne me paraît pas si mauvais (en dehors du choix très regrettable d'avoir à nouveau gâché le destin de cette pauvre Donna). B/C

mercredi 12 août 2015

Superhéros soviétiques

Quand les comics américains avaient des superhéros d'origine russe, il y avait souvent un Ours-Garou (comme Ursa Major dans la Garde d'Hiver) et je trouvais cela un peu cliché. Mais le cinéma russe va tenter leur propre version de l'équipe des Vengeurs (avec des superagents venus de différentes Républiques de l'époque soviétique, les "Защитники") et, bien entendu, il y a un homme qui se transforme en Ours (et qui porte un canon sur le dos).

samedi 8 août 2015

Râ & Compagnie



Ce n'est pas qu'un cliché d'histoire de la bd que de parler des origines égyptiennes de ce medium. Cela se voit à nouveau à chaque fois qu'une bd moderne utilise l'Egypte antique à l'intérieur de la séquence, en enchassant en quelque sorte des dispositifs graphiques égyptiens dans la bd, comme une mise en abyme de sa propre histoire : Tintin se rêvant en dieu égyptien, ou Blake & Mortimer encadrés de peintures de pyramides. C'est comme si la bd schématisait à chaque fois une sorte de tracé de sa propre enfance.

Matthieu Roda a choisi la mythologie égyptienne comme arrière-fond mais il a aussi su utiliser des formes de la peinture égyptienne, ce qui est extrêmement réussi dans cette série pour enfants (dont le titre annoncé était à l'origine Héliopolis). Le premier volume est la cosmogonie autour de Râ et ensuite le mystère divin autour de Tefnut / Sekhmet / l'Oeil de Râ / Hathor.  Tefnut est l'aspect d'Humidité et Hathor l'aspect de Fertilité (ou Nehemtawy comme aspect de la colère apaisée) alors que Sekhmet (qui est aussi représentée comme une Lionne, mais avec des oreilles plus arrondies que Tefnut) est un aspect plus terrible de colère du Soleil. La fusion des deux personnages de Tefnut et Sekhmet donne le paradoxe d'une unité de la colère embrasée (où Sekhmet est ivre dans certaines versions) et du déluge de l'inondation. C'est habilement lié dans une scène où Tefnut pleure l'inondation du Nil après avoir été l'irrascible Sekhmet.

L'humour est un peu prévisible peut-être (Hathor chantant "Walk like an Egyptian" pour symboliser le retour de sa joie de vivre) mais cela me paraît finalement une des meilleures bd mythologiques pour la jeunesse. Il n'y a même pas trop d'édulcoration du mythe héliopolitain sur les unions incestueuses par exemple. La scène où on explique le combat quotidien de Râ contre Apopis est directement utilisable pour expliquer la structure d'un mythe.



Le second volume sera sur le cycle d'Osiris et Isis. Mais je crains qu'on n'ait pas assez de matériaux pour une série nettement plus longue, même si Matthieu Roda a évoqué un volume centré sur Seth.

jeudi 6 août 2015

The Wicked & the Divine #6-13


n°1-3
n°4-5

On ne peut pas accuser cette série de Kieron Gillen d'être prévisible. Je croyais qu'on avait eu un "Arc" assez classique avec l'introduction du personnage central (Laura) et son initiation. Mais depuis le n°12-13 (le début du nouvel Arc nommé ironiquement "Commercial Suicide", qui utilise un dessinateur différent pour chaque numéro), le vrai centre de l'histoire s'est complètement déplacé vers le plan secret d'Ananke (ou de celle qui se fait passer pour elle ?).



Il y avait donc 12 divinités : Amaterasu, Lucifer, Sakhmet, Baal, Minerva, Wodan, Morrigan, Dionysos, Innana, Tara, Baphomet et les Nornes. Ananke a tué publiquement Lucifer et il semble qu'elle ait manipulé Baphomet pour qu'il aille tuer Innana en lui faisant croire qu'il pourrait vivre plus longtemps que la règle des deux ans s'il tuait d'autres dieux.

A la fin du n°11, Ananke exécute l'éphémère 13e divinité, Perséphone (son apothéose était inconnue et on attribue le meurtre encore à Baphomet) et dans le n°13, elle aide au suicide de Tara (très beaux dessins de Tula Lotay, qui remplace le génial dessinateur habituel McKelvie), et à nouveau Baphomet sert de bouc-émissaire. Il ne reste donc plus que 9 dieux dans le Panthéon.

Le Panthéon à chaque "Récurrence" est censé se préparer pour le nouveau Ragnarok contre un Ennemi. Ananke a même expliqué à Urdr dans le n°9 qu'elle aurait été créée pour cela, pour encadrer les nouveaux dieux de chaque récurrence. Mais ces morts en série commencent à suggérer qu'Ananke a caché des choses au Panthéon.

Walker & le Wisconsin


Les Présidentielles américaines n'auront lieu qu'en novembre 2016 et nous sommes donc à plus d'un an. Je crois, comme un peu tout le monde, que l'exubérant Donald Trump, qui domine très largement les sondages des Primaires républicaines en ce moment, explosera en vol comme tous les candidats un peu excentriques et charismatiques qui attirent le regard des Républicains quand la campagne sérieuse n'est pas encore lancée. La folle en Christ du Minnesota Michele Bachmann était aussi donnée dans les favorites des Primaires en 2011 devant Mitt Romney avant de disparaître complètement avant même les premiers votes.



Le candidat le plus sérieux (si on laisse de côté l'argent et la notoriété de Jeb Bush) semble être pour l'instant Scott Walker, le Gouverneur du Wisconsin (né en 1967). Walker présente bien, il allie deux qualités opposées : il plaît beaucoup à la base la plus archi-conservatrice tout en ayant une apparence assez rassurante et qui semble très "éligible" (un peu le contraire de Trump qui sait exciter la rage par des propos racistes mais risque de vite décevoir l'aile conservatrice pour ses positions sociales assez fluctuantes). Walker est toujours souriant et semble toujours posé et d'un calme de Vulcain, même quand il lance quelques attaques.

Il pourra à la fois ne pas avoir une image de riche détaché de la base comme Mitt Romney (ou Jeb Bush) et sembler bien plus poli qu'un tribun de la plèbe pour attirer les fonds des Frères Koch et d'autres ploutocrates (en ce moment, surtout 4 familles). Mike Huckabee, l'ancien gouverneur de l'Arkansas, aussi avait réussi à allier pendant un temps en 2008 un conservatisme religieux impeccable et un air assez affable, mais Walker est beaucoup plus influent politiquement et plus habile que lui. Il est l'un des candidats les plus "pauvres" (avec de lourdes dettes personnelles), sans fortune familiale et avec une carrière entièrement politique depuis le début.

Walker est un fils de pasteur et depuis le plus jeune âge, il a été en campagne d'évangélisation. Cela ne semble pas être que de la propagande hypocrite quand il dit qu'il croit depuis l'enfance que Dieu l'a choisi pour être Président. Il était avant tout un militant pro-Life, anti-avortement dans tous les cas, même viol ou inceste, mais cela risque de ne pas trop compter. Les Présidents républicains sont tous anti-avortement mais cela n'a guère d'incidences directes en dehors des nominations à la Cour Suprême et d'une promesse de faire passer un jour un Amendement donnant la Personnalité aux foetus. Le Gender Gap risque certes d'être une question avec Hillary Clinton.

Mais ce n'est pas ce qui l'a rendu célèbre au niveau national. Il a su insister sur des combat anti-fonctionnaires qui ont beaucoup plu à la droite du Wisconsin au nom de la baisse des impôts et la baisse du pouvoir (déjà faible) des syndicats. Il a passé une loi pour limiter les négociations salariales des fonctionnaires, en dehors des policiers et pompiers (il visait en fait surtout les enseignants du public). Il a baissé les impôts des plus riches et contribué à démanteler le système d'aide sociale (relativement "généreux" au Wisconsin par rapport aux USA avant lui). Il est devenu ainsi le candidat de la Droite ploutocratique "sérieuse", quels que soient ses discours où il laisse exprimer des doutes sur le fait qu'Obama soit vraiment chrétien.



Le Wisconsin a environ 5,7 millions d'habitants et c'est un Etat qui a pu être un des plus "européens" (immigration d'Allemands et Polonais au XIXe siècle), ce qui a conduit à une politique relativement plus social-démocrate qu'ailleurs (un peu comme le scandinave Minnesota, qui lui était plus luthérien). Le Parti socialiste américain y faisait des scores plus importants qu'ailleurs et la plus grande ville, Milwaukee, eut trois maires socialistes qui dominèrent toute la première partie du XXe siècle. Mais Milwaukee a évolué récemment vers une crise urbaine accrue où les populations noires sont arrivées bien plus tard qu'ailleurs, juste au moment où la ville s'enfonçait dans le déclin économique, et où l'intégration s'est pour l'instant encore moins bien passée qu'à Chicago ou dans les grandes villes du Sud. La banlieue blanche de Milwaukee en a tiré un ressentiment digne des Etats les plus ségrégationnistes et ce sont ces zones qui soutiennent massivement Scott Walker, élu en 2010, 2012 et 2014 à environ 52% (voir cet article qui insiste sur ce facteur d'explication dans la New Republic). Toute sa campagne locale se fait contre Milwaukee (où 30% de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec 40% de Noirs et 17% d'Hispaniques) et il a un soutien quasi-monolithique de ces zones blanches (5% sous le seuil de pauvreté).

Cette scission explique aussi l'écart entre les élections présidentielles et les autres élections. Pendant les élections présidentielles, où la participation est massive sur tout l'Etat, ils votent plutôt Démocrate, alors que dans les autres élections, dès que les populations urbaines de Milwaukee ou de la capitale à Madison sont moins mobilisées, l'Etat semble solidement républicain.

Walker a fait quelques gaffes et a du mal à cacher son inexpérience en politique étrangère. Il a dit sérieusement que sa lutte contre les syndicats enseignants l'aideraient à faire face à Poutine et a déclaré que les renvois de syndicats de contrôleurs aériens par Ronald Reagan était sa plus importante réussite en politique étrangère... Il a déjà dit que sa priorité serait de revenir sur tout accord avec l'Iran signé par Obama mais cela ne le singularise pas tellement par rapport aux autres candidats.

Scott Walker est actuellement troisième dans les sondages, derrière Donald Trump et Jeb Bush. Mais ce serait une erreur de le sous-estimer. Quand la campagne commencera vraiment, il a sans doute nettement moins de désavantages que ses deux rivaux : Trump s'autodétruira et Bush peut finalement souffrir de sa notoriété. Ted Cruz (qu'on considérait comme le candidat parfait pour le TEA Party) ou Rand Paul sont loin derrière Scott Walker pour l'instant.