jeudi 3 mars 2016
Quelques raisons de jouer à Shaan
Sur le site de Shaan (par Igor Polouchine, Julien Bès et Vincent Lelavechef), il y a 10 raisons de jouer à Shaan et je voudrais en reprendre quelques-unes car la présentation sur le site pourrait ne convaincre que ceux qui sont déjà convaincus.
(1) Shaan a une identité. Certes, le monde de Héos ressemble à la Pandora d'Avatar mais les neuf peuples ont été beaucoup plus fouillés et je ne vois aucun jeu français qui soit allé aussi loin dans un univers original. Aucun jeu de rôle que je connaisse n'a autant développé les arts propres à chaque peuple au point que les discussions de critique d'art héossien sont tout à fait possibles (et de ce point de vue, le jeu a notamment une identité graphique avec une importance de la présentation encore supérieure à la moyenne des jeux français, et avec une importance donnée au rôle des schémas et des symboles). Oui, les "Mélodiens" semblent ressembler superficiellement à de simples "Elfes" classiques mais on découvre ensuite une matriarchie d'esthètes polyamoureux qui passent leur temps à séduire tout ce qu'ils rencontrent et à coucher avec tous les humanoïdes (ce qui est bien utilisé d'ailleurs dans l'intrigue de la première campagne officielle de la nouvelle édition, Sareneï, qui commence dès le livre de base et utilise abondamment les illustrations dans l'atmosphère de l'histoire). Et il y a peu d'espèces jouables aussi fascinantes que les Delhions (des anges sans aucun trait, au visage lisse en dehors de tatouages en mouvement qui pourraient faire penser à Rorschach).
(2) Shaan est relativement peu manichéen pour un monde de (science) fantasy. Oui, il y a le Côté Obscur, la Nécrose, et la majorité des Humains dans les scénarios semblent être des nécrosés corrompus, capitalistes et asservis par la Technologie (même si on peut jouer sur cette attente avec la révélation que le Nécrosé n'était pas celui qu'on croyait). Mais on découvre aussi que certains Nécrosés vivent leur corruption plus comme une maladie, un vice ou une drogue dont ils n'arrivent pas à se défaire, ce qui est assez rafraichissant par rapport au Chaos de Glorantha ou Warhammer ou au Mal Radical habituel. En un sens, cela en fait un jeu plus "platonicien" dans le sens où le Méchant peut aussi y être une victime de son Mal qu'on pourrait éventuellement soigner (certes, il y a aussi un cas d'un Broo purifié dans Glorantha). De plus, d'horribles Humains dictatoriaux et fascistes sont aussi parmi les principaux remparts contre la Nécrose (même si certains y succombent en croyant la combattre) et il y a donc des compromis plus subtils et ambigus : jusqu'où aller dans la lutte contre la Nécrose ? Après tout le choix de la Résistance et de la Révolution contre la dictature humaine a été de s'allier aux Oligarchies ploutocratiques humaines contre la Théocratie raciste d'autres Humains, mais cette alliance ouvre la boite d'autres aliénations. Et certains indigènes (anthéens) peuvent être extrémistes ou tout aussi haineux dans leur lutte contre tous les Humains après les deux siècles d'oppression coloniale - même les membres de la Résistance peuvent être nécrosés. Cela en fait un bon cadre pour un jeu politique : les nombreuses factions peuvent avoir des alliances surprenantes entre les Castes, les Grandes Familles, les derniers Hommes-Dieux ou les êtres virtuels d'Arpège.
(3) Pour ceux qui comme moi adorent les aventures urbaines en jeu de rôle, la capitale d'Héossia est l'une des métropoles les plus riches puisque grâce aux Portes de transfert, ses quartiers sont discontinus à travers quinze (ok, 13 depuis quelques années) "Quartiers", différentes zones géographiques et des milieux très opposés. Cela signifie qu'on pourrait y jouer de multiples villes imaginables sans jamais quitter la même cité entre la Technopole humaine à Käm (décrite dans le premier supplément L'erreur est humaine) et Odéa, la Cité des Artistes.
(4) Shadowrun avait son cyberespace, la Matrice, mais les Humains de Héos ont construit un Réseau de réalité virtuelle plus magique encore car il pourrait ouvrir aussi d'autres dimensions (peut-être comme les akashas dans Nephilim) : l'Arpège. Il est décrit comme un risque d'abrutissement par des médias qui visent les plus bas instincts (les spectateurs-consommateurs y sont conduits à des stimulations hédonistes ou violentes pour les manipuler) mais il est aussi hanté par bien des rituels et esprits contradictoires. Il pourrait être la pire des aliénations aux mains des mégacorporations des Divertissements nécrosants et d'Intelligences artificielles avec leurs propres objectifs ou bien un instrument de libération.
(5) Les deux points précédents illustre la souplesse du monde dans sa fusion de la science fantasy. Malgré sa forte identité, on peut y jouer à des intrigues très différentes, depuis de la fantaisie épique classique jusqu'à du quasi-Shadowrun. De même que les Portes de Téléportation (qui demandent certes des tickets et parfois des files d'attente) déforment l'espace, le monde peut aussi jouer sur des temps différents qui se jouxtent et cela de manière bien mieux intégré que dans des jeux multimondes à la Torg.
(6) Même si la situation semble encore assez inquiétante et dangereuse sous plusieurs aspects (la Nécrose est toujours là et malgré la Révolution, la corruption humaine continue de se répandre), le monde de Shaan : Renaissance n'est pas aussi dystopique et écrasant que dans sa première édition et le message politique ne se limite pas à la lutte armée contre l'oppresseur mais pose aussi la question de la difficulté ensuite sur le long terme des compromis à accepter. Cela rejoint le faible manichéisme mais cela ne conduit pas à un cynisme désabusé de cyberpunk. Comme disait Péguy, "tout commence en mystique et finit en politique" mais les deux restent liés ici par l'importance des codes mystiques et un avenir utopique reste une possibilité dans un tel univers (ce qui peut certes paraître trop escapiste par rapport à de la science fiction mais peut sortir de notre inertie désespérée).
(7) Un Shaani, l'équipe des PJ a un rôle à part et on peut constituer les pouvoirs collectifs de son groupe avec ses caractéristiques et sa propre fiche comme si c'était aussi un méta-personnage : on peut choisir selon les actions si on agit en tant que Shaani ou en tant qu'individu. Certes, on peut faire cela aussi dans Heroquest (avec le wyter), Prophecy ou Capharnaüm, voire dans certains jeux de superhéros, mais ici tout l'arrière-fond de l'univers soutient cette structure de complémentarité ou d'équilibre entre les membres du groupe.
(8) Enfin, chaque page du Manuel de base et chaque supplément ont environ 2-4 idées de scénario par page dans la marge. Le livre peut vite servir de tremplin.
Voilà un petit résumé par Didier Guiserix de la présentation du jeu (dans Casus Belli n°97, 1996, p. 30).
Et si on jouait, justement, un de ces quatre ? À Shaan ou à ce que tu veux ! Je suis à Paris les vendredis + weekends :)
RépondreSupprimerAvec plaisir. En one-shot, il faut qu'on essaye Eclipse Phase, un très joli jeu philosophique sur l'identité où le Soi peut être envoyé dans d'autres enveloppes matérielles.
RépondreSupprimerTu as mon email, quand tu veux !
SupprimerJ'ajoute mon nom à la liste de tes joueurs potentiels :)
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