La mini-série (en 8 épisodes) écrite par David Farr commence avec un parti-pris original, se centrer sur Paris.
Hécube (Frances O'Connor), Priam (David Threlfall),
Paris (Louis Hunter), Hélène (Bella Dayne),
Hector (Tom Weston), Andromaque (Chloe Pirrie)
L'habitude est de se focaliser sur Achille ou à la rigueur sur Hector alors qu'ici, c'est Paris Alexandre, le fils abandonné, qui est le héros tragique, maudit depuis sa naissance et qui doit causer la perte de sa Cité. Au lieu d'être le lâche efféminé habituel (l'homme de l'Amour et non de la Guerre, mais qui déclenche la Guerre par Amour), Paris est certes sensuel, en bon serviteur d'Aphrodite, mais il est déterminé, courageux et plein de sentiment de culpabilité (ce qui semble être relativement loin du Paris de l'Iliade) et le pauvre Hector est au contraire un peu caricaturé comme le butor plus borné, bon fils, bon mari mais un peu simplet.
La série a fait le choix de représenter les Dieux, ce qui devient rare dans les fictions contemporaines (voir Age of Bronze qui les a tous retirés sauf Thetis, qui a été évhémérisée). La scène du Jugement de Paris est donc conservée tout comme l'intervention d'Aphrodite pour sauver Paris (l'équivalent du chant III de l'Iliade à la fin du 4e épisode).
L'enlèvement de Hélène a plusieurs détails originaux, comme l'idée d'un triangle avec Hermione (il est expliqué ensuite que Hélène l'a eue à 14 ans et que celle-ci ne doit guère avoir plus maintenant qu'une quinzaine d'années également). Ménélas semble ouvert à l'idée d'une alliance avec Troie où Paris serait fiancé à Hermione mais celle-ci sent que son promis lui préfère sa mère. Il est clairement dit que Hélène ne s'épanouit pas dans la maternité et qu'elle n'a pas d'affection pour Hermione (elle dit dans l'épisode suivant que Hermione qu'elle a abandonnée est plus la fille de Ménélas que la sienne).
C'est presque Hélène qui force Paris à l'enlever et qui demande à Hécube ensuite de la protéger au nom de la solidarité féminine. Troie est clairement ici non pas seulement la cité d'Aphrodite (cité de Paris et d'Enée), c'est une cité plus féministe où Priam acceptera l'enlèvement en disant que Hélène a le droit de choisir son mari.
Un autre triangle est ici avec Achille (qui dans cette version remplace Ulysse dans la mission d'espionnage pour tenter d'enlever Hélène). Cette Hélène n'a pas choisi Ménélas, on le lui avait imposé (c'était en fait Agamemnon qui avait gagné la compétition et la préférence d'Hélène serait allée plutôt à Achille avant que n'arrive Paris). Achille est décrit comme une sorte de force de la nature (il se compare à la Mer, sa mère), une machine à tuer qui se préoccupe pourtant de l'Honneur.
Le 3e épisode voit croître l'opposition entre Hector et Paris au moment où ils partent chercher l'alliance des Ciliciens (et où Andromaque, qui vient de tomber enceinte, maudit de plus en plus le charme toxique de Hélène). Le scénariste David Farr a fusionné ici en Cilicie la cité de Chrysé, père de Chryseis et prêtre d'Apollon et celle d'Eetion, le père d'Andromaque, ce qui rend la prise de Chryseis plus dramatique car elle a lieu quand les Troyens perdent l'allié qui pouvaient leur permettre de briser le Siège conçu par Ulysse.
Involontairement, c'est Hélène qui va causer la destruction de la Cilicie en laissant transparaître l'alliance à Achille. Andromaque ne pourrait que détester Hélène encore davantage si elle savait que c'est elle qui fut l'origine de la mort de sa famille. Et une des intrigues est que les Grecs ont un agent dans la Cité, Xanthius, qui tuera le seul témoin qui a pu voir Hélène parler avec Achille (alors que Hélène avait tenté d'acheter son silence).
Les Oracles d'Apollon (tout comme Cassandre, bien entendu) supplient en vain Hector d'empêcher Paris de ruiner la Cité mais quand Paris sauve la vie de son frère, celui-ci n'arrive plus à commettre le fratricide réclamé par Apollon.
Le sinistre Agamemnon a une scène ambiguë avec Chryséis où on croit un instant qu'il veut la respecter car il voudrait s'amender du sacrifice d'Iphigénie (Chryséis est dédiée à Apollon comme Iphigénie est dédiée à Artémis). Mais ensuite, l'Atride viole Chryséis avec d'autant plus de violence qu'il veut en fait se venger des Dieux et commettre volontairement un blasphème par déplacement de sa culpabilité envers sa fille sacrifiée. Les scénaristes en ont fait un peu des tonnes pour qu'on méprise le chef des Grecs.
Ulysse (Joseph Mawle) est assez parfait, guerrier involontaire qui ne cesse de concevoir des plans en espérant que cette guerre ne dure pas trop longtemps. Dans cette version, c'est son ami Diomède et non Palamède qui va forcer Ulysse à abandonner sa simulation de folie pour participer à la guerre. On aurait alors du mal à comprendre pourquoi Ulysse se lie tant à Diomède alors que dans le mythe, il fera tout pour se venger du pauvre Palamède.
Enfin, il y a de multiples autres personnages secondaires, dont Ajax, qui est une brute épaisse, ou le mesquin Thersite qui représente l'irruption du peuple dans le camp grec.
Globalement, j'aime certaines des idées de scénario qui crée des échos intéressants. Il y a des scènes parfois un peu ridicules comme celle où les servantes d'Hélène à Sparte se caressent avec des plumes (allusion à Léda). Ce pauvre Priam manque un peu de dignité (alors que la Reine Hécube (Frances O'Connor, né en 1968) a plus de charme). Le ménage à trois d'Achille, Patrocle et Briséis ne m'a pas paru très convaincant (si ce n'est comme reflet inversé de la haine de Chryséis contre Agamemnon). J'imagine qu'ils n'ont pas trop le choix : si on insiste sur un amour pour Briséis (comme dans le film récent Troy de 2004, écrit par David Benioff), on paraît gommer les interprétations homoérotiques avec Patrocle, mais si à l'opposé, si on ne parle que de la relation avec Patrocle, la réaction après l'enlèvement de Briséis devient un peu ridicule. D'où le triolisme comme synthèse. De même le fait qu'Achille semble tenter de violer Hélène ne cadre pas bien avec le reste de sa caractérisation.
C'est sur Netflix?
RépondreSupprimerOui !
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