(Suite du précédent)
Le gouvernement a trouvé un nouveau bouc-émissaire commode pour changer de sujet à l'université en dénonçant "l'islamo-gauchisme".
Le terme est ambigu entre deux lectures :
(1) il y a eu des islamistes peu gauchistes mais prêts à faire de l'entrisme dans des organismes gauchistes en se disant qu'ils pourraient les occuper plus facilement au nom de l'anti-impérialisme (l'anti-juive fanatique Houria Bouteldja ou Tariq Ramadan par exemple)
(2) il y a eu aussi certains à gauche pour être très indulgents voire nier toute diffusion du salafisme wahabhite financé par l'Arabie saoudite ou par les Frères musulmans égyptiens (l'influence chiite semble en revanche très réduite en dehors de l'essor au Liban). Ceux-là étaient motivés soit par une culpabilité vis-à-vis des colonies, une crainte de la discrimination au moment où elle augmentait en effet, la recherche d'alliés contre l'occidentalisation capitaliste du monde et même parfois une sorte de fascination pour une altérité de tradition, ou bien au contraire un simple calcul cynique et clientéliste, Et il y a des formes inconscientes d'anti-judaïsme dans la critique d'Israël qui poussait ensuite à refuser toute critique des mouvements islamistes contemporains.
Tout le problème est le glissement où on passe de deux "cancel-culture" simultanées :
(1) Il y a un risque de manque de critique de l'islamisme par crainte d'être accusé de participer de la discrimination xénophobe.
(2) Il y a maintenant un risque de ne plus pouvoir critiquer ou discuter toute éventuelle discrimination par crainte d'être accusé de manquer de critique contre l'islamisme.
Tout le débat serait alors réduit à des crypto-islamistes ou des islamophobes.
Le débat entre Darmanin et Le Pen (où celle-ci voulait une loi spécifiquement contre l'islamisme politique et où Darmanin l'accusait de sous-estimer l'aspect religieux et voulait rappeler que la constitution exigeait donc de parler de choses plus générales comme le séparatisme à motif religieux) illustrait cette confusion où l'extrême centre fait une course peu compatible avec son libéralisme affiché.
Les deux catégories (islamisme cherchant à manipuler le gauchisme ou une certaine gauche peu critique), existent bien sûr mais me semblent assez peu influentes. Je ne vois que très peu de noms universitaires dans la seconde catégorie. Peut-être la sociologue différentialiste Delphy qui a l'air de vouloir défendre Bouteldja ? Peut-être Burgat, qui paraît certes critique contre les Saoudiens mais nettement moins contre d'autres pétromonarchies ? Mais il se peut que cela ne traduise que mon ignorance.
Dans les partis politiques et non à l'université, il y a eu de l'entrisme chez certains courants des Verts ou de NPA, et même un peu chez les Mélenchonistes. L'ambiguïté de Génération.S sera toujours d'être liée à un parcours local de Hamon à Trappes, ce qui explique sans doute en partie l'hystérisation de la question récente sur les propos de l'enseignant de philosophie. Je m'abstiens d'en parler car je n'ai pas de recul ou assez d'informations. Dans les médias, il y a certes Plénel à Médiapart, mais ce n'est pas si courant.
Les Universitaires exagèrent sans doute en disant que c'est (déjà) du McCarthysme, même si je viens de commencer des noms en espérant que cela ne devienne pas des "listes" de proscription. Personne n'est encore mis en jugement. Mais le gouvernement vise en fait plus le gauchisme, sans oser le dire, et se sert de ce tiret théologico-politique pour pouvoir mieux délégitimer ensuite toute critique (de même que le gauchisme peut certes réduire les divergences entre libéraux à des formes de fascisme larvé).
Le vrai danger pour la laïcité est qu'elle a été tellement instrumentalisée qu'on n'arriverait plus à la défendre comme autre chose que comme le "Communautarisme de la Majorité catholique-zombie". Même un laïcard comme moi aurait du mal à ne pas comprendre que la population de la religion active de la principale minorité finisse par ne plus croire à une quelconque neutralité du terme. Quand les Gilets jaunes manifestaient sur le pouvoir d'achat et que Macron a déclaré comprendre les craintes sur la laïcité, le terme était déjà agonisant dans le hors-sujet total, le prétexte, le red herring, le flatus vocis qui n'est plus là que comme agitation émotionnelle et plus comme un enjeu politique réel.
" Je ne vois que très peu de noms universitaires dans la seconde catégorie. Peut-être la sociologue différentialiste Delphy qui a l'air de vouloir défendre Bouteldja ? Peut-être Burgat, qui paraît certes critique contre les Saoudiens mais nettement moins contre d'autres pétromonarchies ? Mais il se peut que cela ne traduise que mon ignorance."
RépondreSupprimerJe vous conseille de rechercher la dernière pétition de soutien à Bouteldja après qu'elle a été attaqué pour avoir dit qu'on ne pouvait pas être israelien innocemment.
Parmi les signataires il y avait, outre les noms que vous citez, Raphael Liogier, Alain Brossat (qui quelques semaines auparavant avait bavé sur le cadavre de Samuel Paty) et Farhad Khosrokhavar ...
Voici la pétition
RépondreSupprimerhttps://acta.zone/contre-la-calomnie-et-la-diffamation-en-soutien-a-houria-bouteldja/
Nul besoin de crier au maccarthysme la liste a été constituée par les listés eux-mêmes.
Merci.
RépondreSupprimerIl y a du monde. Il faut le faire pour continuer à être dans le déni sur Bouteldja. Damasio (la gauche deleuzienne a parfois ces ambiguïtés-là), Annie Ernaux, Stengers, Pierre Magne...
J'ai entendu Gilles Keppel (qui fut plus ambigu jadis sur Tariq Ramadan si je me souviens bien) dire aujourd'hui qu'il commençait à y avoir des appels d'étudiants contre les "Kouffars" mais il n'a pas précisé à quoi il faisait référence.
Merci pour ce billet : cela fait du bien de lire quelquechose de non hysterique / non crétin sur le sujet et je crois y retrouver mes propres doutes.
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