J'ignore tout de la sociologie ou de l'anthropologie et j'ignore donc quelle est l'explication historique du fait que les basses caste ou hors-castes exclues ne se sont pas converties en masse à d'autres religions. Naïvement, on pourrait croire que de fortes proportions de ceux à qui les supérieurs disaient qu'ils ne devraient avoir aucun droit seraient vite attirées par des religions sans justification du castisme.
Une explication simple de cette absence apparente de conversion de masse serait simplement l'aliénation ou l'ignorance : les hors-castes avaient assez intériorisé l'hindouisme pour ne pas voir le problème. Ou peut-être que ceux qui se convertissaient trouvaient ensuite trop de difficultés pour se marier : ils devenaient rejetés par leur propre caste (voire discriminés encore plus nettement ou massacrés ?). Une autre explication "fonctionnelle" serait que l'autre grande rivale plus "universaliste", l'Islam local des Moghols, par exemple, a vite assimilé le castisme aussi, malgré l'égalitarisme musulman pour ne pas avoir à trop émanciper les sujets. Les élites musulmanes avaient un intérêt à ce qu'une si grande part de la population demeure des serfs hindous. Un catholique indien racontait que dans son église, les fidèles étaient surtout de basses castes mais que la hiérarchie ecclésiastique était de manière disproportionnée uniquement des descendants de Brahmanes, ce qui prouvait que les biais culturels se maintenaient dans les autres religions.
Pour simplifier, j'ai l'hypothèse que les grandes réformes religieuses indiennes furent faites non pas par des révoltes des basses castes mais plutôt par des critiques des castes "nobles" contre la caste sacerdotale. Le conflit principal était à la tête, entre les Brahmanes et les Kshatriyas, entre "prêtres" et "chevaliers". Le Bouddhisme (inventé par un Kshatriya) ou le Sikhisme (qui venait d'une caste militaire), par exemple, ont séduit des Kshatriyas qui voulaient acquérir les prérogatives symboliques de la caste sacerdotales. C'étaient plus des nobles qui voulaient aussi être moines et aspiraient à certains de leurs voeux et restrictions que des serfs s'insurgeant contre leur exploitation (on peut dire la même chose pour St François d'Assise). Ou pour parler en termes nietzschéens, l'idéal ascétique des dominants était plus influent dans l'histoire des religions indiennes que le ressentiment des dominés. J'ignore si cela fonctionne pour le Jainisme (d'où vient sans doute le Bouddhisme, mais qui a plus réussi à survivre par un repli communautaire et un "hyper-ascétisme intramondain") : les Jains sont très peu liés aux basses castes mais malgré la critique du védisme, ils ont refondé à leur tour de nouvelles castes endogames en continuant à imiter la majorité hindoue.
Dans l'Inde moderne en revanche, le Bouddhisme avait été détruit dès l'Antiquité et les Bouddhistes récents sont soit des immigrés soit en effet plus liés à des basses castes qui ont pu commencer le processus de rejet du système "castiste".
Le bouddhisme a décliné dans sa patrie dès l'Antiquité, mais il a survécu jusqu'aux invasions turco-afghanes du XIIIe siècle qui lui ont donné le coup de grâce. On considère la destruction du complexe universitaire de Nalanda comme la date « officielle » de fin de la présence significative du bouddhisme en Inde.
RépondreSupprimerLes bouddhistes indiens actuels sont pour la plupart des Dalits s'étant convertis en masse dans les années 50 du XXe siècle à la suite du juriste B. R. Ambedkar.
Oui, les 0,7% d'Indiens bouddhistes (8 millions) sont maintenant surtout des Dalits mais ce phénomène de révolte anti-castes ne semble pas exister avanat Ambedkar.
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