jeudi 21 décembre 2023

Calendrier de l'Avent des Arguments philosophiques : XI Le Platonisme ne peut justifier de quoi on parle dans les ensembles

Je vais devoir reconnaître que je ne parviendrai pas à faire 25 arguments du calendrier mais sans doute deux fois moins... Mais avec 164 messages cette année, je reviens à mon plus grand nombre de messages en un an depuis 2015... 

Donc puisqu'on compte, un petit exemple en philosophie des mathématiques. 


L'Argument de Benacerraf sur l'Identification des Nombres

En 1965, dans son article "What Numbers Could Not Be", le philosophe américain Paul Benacerraf expliquait un problème pour le Platonisme en Mathématiques. 

On appelle "platonisme" en général en philosophie des maths la thèse qu'il existe des entités mathématiques qui ne sont pas que des concepts mentaux mais des objets indépendants que nous découvrons et que nous pouvons connaître et décrire. 

On appelle aussi en philosophie analytique "Platonisme" (avec un P majuscule) une thèse plus précise du XXe siècle (qu'on devrait peut-être plutôt appeler Cantorisme ?) selon laquelle dans ces entités, il existe des entités de base qu'on appelle des Classes ou Ensembles (y compris toute une hiérarchie d'ensembles transfinis découverts par Georg Cantor) et que tous les concepts mathématiques pourraient se réduire entièrement à ces Ensembles. 

Frege et Russell sont célèbre pour avoir réussi à fonder certaines notions de l'arithmétique sur les ensembles (le nombre n n'est rien d'autre que la classe de toutes les classes avec n éléments). Le concept d'ensemble devenait alors le fondement de toute vérité mathématique. 

Mais Benacerraf fait remarquer que la diversité possible des formulations des ensembles ou de leurs axiomes peuvent aussi permettre plusieurs manières différentes de réduire les nombres, par exemple celle d'Ernst Zermelo ou celle de Von Neumann

La première méthode réduit le nombres à partir d'un ensemble vide puis du singleton contenant cet ensemble vide ou du singleton contenant le singleton contenant l'ensemble vide, et ainsi de suite. 

Cela donne chez Zermelo une équivalence entre les nombres et les ensembles : 

0 = ∅ 
1 = {0} = {∅} 
2 = {1} = {{∅}} 
3 = {2} = {{{∅}}} 
etc. 

Alors que dans la représentation de Von Neumann, la hiérarchie des ensembles est un peu différente en utilisant une succession de classes avec augmentation de l'extension de la classe. 
 
0 = ∅ 
1 = {0} = {∅} 
2 = {0, 1} = {∅, {∅}} 
3 = {0, 1, 2} = {∅, {∅}, {∅, {∅}}}  
etc

Comme on le voit, à partir de l'étape de "2", le codage des nombres de l'arithmétiques dans les ensembles vides devient différente dans les deux théories. 
Si "3" était vraiment littéralement identique à sa représentation chez Zermelo, "3" n'a pas les mêmes propriétés que "3" dans la théorie des ordinaux de Von Neumann. 

Benacerraf fait alors remarquer qu'on ne peut pas dire quelle représentation serait "la bonne". On ne peut que dire qu'elles sont isomorphes mais qu'elles ont pourtant bien certains énoncés différents. 

Certains mathématiciens en ont déduit que cela prouvait qu'il fallait une solution "structuraliste" disant que les vrais "objets" des mathématiques n'étaient pas telle représentation dans les ensembles mais cette structure de ces représentations isomorphes mais Benacerraf restait sceptique sur la possibilité de rendre intelligible une connaissance de ces structures par le Platonisme

Certains en ont déduit au contraire des conséquences plus radicales (qu'on appelle "fictionalistes") selon lesquelles ces constructions n'étaient en tout cas pas des représentations d'entités réelles. 

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