Selon une tradition chiite, leur imam ʿAlī (ʿAlī ibn Abī Ṭālib) (600-661) aurait tué un dragon, comme St Georges et les deux mythes viennent peut-être d'une tradition perse antérieure (comme les Perses ont de nombreuses légendes où les Rois et héros tuent des Dragons comme symbole du mal, comme le Troisième Travail de Rostam, cf. le thème folklorique du Tueur de Dragon, Arne-Thompson n°300). La Perse a l'originalité d'avoir à la fois des Dragons complètement maléfiques (sans influence des serpents sages d'extrême orient) et une influence chinoise dans la manière de les représenter graphiquement.
La légende existe par exemple dans une version recueillie par des folkloristes russes dans le nord de l'Afghanistan (région de Badakhshan), mais cela semble plus large.
Ali affronte divers démons et rois diaboliques (parfois avec l'aide de sa femme Fatimah qui lui purifie son sabre) et il rencontre ensuite une jeune fille qui lui dit qu'elle va être sacrifiée à un Dragon. Il dit qu'il va occire le monstre mais qu'il va d'abord se reposer en se couchant à ses côtés mais il lui demande de le réveiller si le Dragon arrive. Le monstre arrive mais la jeune fille est trop paralysée par la terreur pour rien dire. Heureusement, une larme tombe de ses yeux et réveille le cousin et gendre du Prophète. Il tue alors le dragon avec son célèbre sabre Ḏū-l-Faqār. D'où la formule :
Les parents de la jeune fille sont au début déçus qu'elle ait survécu, croyant qu'elle n'a fait que fuir et que le Dragon est toujours vivant. Ils ne sont rassurés que lorsqu'ils comprennent que c'est Ali qui l'a sauvée.
Ce Dragon semble n'avoir aucun lien avec la "Bête" (Dabbah) de la sourate de la Fourmi dans le Coran. Dans une version, ce Dragon d'Ali aurait sept têtes comme une Hydre. D'énormes rochers ronds seraient ce qui reste de ses yeux.
Dans une autre version, la population locale utilisait le Dragon (ou un "serpent") pour détecter les femmes infidèles : on offrait les enfants au monstre et il ne dévorait que les enfants bâtards nés d'une union illégitime de la mère. La population aurait même reproché à Ali de leur avoir retiré ce test en tuant le dévorateur de bâtards. Il leur aurait répond que seuls les enfants légitimes reconnaîtront Ali comme l'envoyé de Dieu.
La version de la première illustration (tirée de là) vient de l'épopée religieuse Ḵāvarān-nāma (Khāvar-nāmeh) de Ebn Ḥosām Ḵūsfī vers 1426. Il y a plusieurs cités iraniennes qui s'appelllent Khavaran. Ali y affronte aussi des loups-licornes, des fourmis géantes ou des amazones.
Intéressant. Je ne connaissais pas ce récit, mais le motif du sommeil du héros fait effectivement fortement penser à une parenté avec le conte-type ATU300 (bien que ce sommeil soit traité ici d'une manière assez différente). C'est d'autant plus intéressant que, si on en croit le catalogue d'Ulrich Marzolph (Typologie des persischen Volksmärchens), aucune version de ce conte pourtant si répandu n'a été collectée dans le monde iranien.
RépondreSupprimerMais dans le Shah-Nahmeh, pour le 1er (combat contre le Lion) et le 3e Travail (le Dragon) de Rostam, le héros est réveillé mais par les coups de sabot de son cheval Rakhsh à la place de la jeune fille.
RépondreSupprimerDans la mythologie zoroastrienne, le héros Ferēdūn tuait (ou bien enchaînait) un dragon démon à trois têtes, Aži Dahāka, mais ce dragon fut ensuite changé en un tyran humain corrompu par Ahriman (avec des serpents sur la tête), le roi Żaḥḥāk. Voir cette page sur les dragons iraniens.
J'avais commencé un mini-setting persan pour le jeu Oltrée!.
RépondreSupprimerOui, pour Ferēdūn, je connais l'épisode (entre autres parce que Dumézil l'a pas mal analysé, par exemple quand il compare ce récit au combat de Trita Āptya (qui aide Indra) contre le fils tricéphale de Tvaṣṭṛ ).
RépondreSupprimerJ'ai lu certains passages du Shah-Nahmeh dont, sans doute, celui que tu mentionnes, mais je ne m'en souvenais pas bien. Dans un autre contexte, on retrouve le motif du héros réveillé par les coups de sabot de son cheval dans la chanson de geste de Renaut de Montauban (vers 9703 et suivants de l'édition de J. Thomas), bien que je ne pense pas a priori qu'il y ait un rapport.
Merci pour le lien vers ton setting persan - et pour Encyclopaedia Iranica, que je connaissais, mais que je n'utilise pas assez souvent. Je suis surpris, parce qu'en bas de cette page, je trouve : "The tale types 300-303 (Aarne and Thompson; Marzolph), i.e., “The dragon slayer,” which demonstrate the dragon-fight motif (B11.11ff.; see Róheim, 1940) are quite common in Persian folk narratives". Pourtant, j'ai l'inventaire de Marzolph sous les yeux, et il fait clairement commencer la section des contes merveilleux au n°301 (donc, a priori, aucune occurrence du 300 dans la tradition orale)...