dimanche 30 novembre 2008

Bougisme français





Entendu sur France Culture dans une émission sur les réformes de l'Ecole Nationale de la Magistrature :


"Il fallait bien changer le logo de notre Ecole.
Cela faisait au moins 15 ans qu'on ne l'avait pas modifié."


Une des choses qui me fascinent quand je vois des photos du Blitz est que le logo du métro londonien n'a presque pas changé depuis 1919...

Jeux divers



  • Atlas of True Names, par deux géographes allemands, s'amuse à refaire toutes les cartes en anglais en mettant le sens étymologique des toponymes. Il y a quelques exemples de cartes. Naples devient "Newtown", Londres devient "Hill Fort". Certaines étymologies doivent être controversées. Je ne suis pas sûr qu'on sache vraiment si les Parisii renvoient à "Cité des Nautes" et je n'ai pas compris pourquoi Madras/Chennai est remplacé par "Land of the God of the Underworld").

  • Kevin Werbach (qui doit avoir environ 38 ans s'il a eu son BA en 1991), nommé par Obama pour s'occuper de la transition sur la Commission fédérale des Communications, connaît bien les mondes virtuels puisqu'il est aussi connu sous le nom de Supernovan "Jenkins", un Shaman Tauren (minotaure) du 70e Niveau à World of Warcraft.

    Le titre de "Jenkins" est une allusion à Leeroy Jenkins, un gross-bill brutal de ce jeu, et cela implique qu'il a massacré au moins 50 dragons juvéniles.

    Ce nom de "Supernovan" (qu'il a choisi en hommage à son groupe de consulting) rappelle un des gros défauts des jeux en réseau : les noms choisis par les joueurs.

  • Obama va quand même mal commencer son mandat en violant ce Premier Article de la Constitution. Il paraît qu'il va s'en sortir en faisant baisser le salaire de Secrétaire d'Etat mais le texte est formel ("Aucun sénateur ou représentant ne pourra, pendant la durée de son mandat, être nommé à une fonction civile relevant des Etats-Unis, qui aurait été créée ou dont le traitement aurait été augmenté durant cette période"), peu importe si le salaire a été baissé et même si la personne en question n'avait pas voté elle-même sur cette augmentation de salaire.

  • La bd zoomorphique assez peu humoristique de David Petersen Mouse Guard a désormais un jeu de rôle qu'il a co-écrit avec le créateur du système de règle Burning Wheel.

    L'éditeur Archaia Studio Press (fondé par Mark Smylie, le créateur de la géniale Artesia) a des difficultés financières et serait racheté par Devil's Due, un éditeur indépendant qui laisserait moins de libertés aux créateurs.

  • Tout l'Internet a déjà dû le dire mais Auditorium est un très joli jeu en ligne qui mélange un peu de disposition dans l'espace et un plaisir musical (même si je suis bloqué au 5e tableau de l'Acte II, je n'arrive pas à disposer les trois orientations pour toucher les 5 repères).
  • Comics de la semaine (26/11/08)



  • Multivers DC

    La série Blue Beetle s'arrête, ce qui me laisse indifférent mais donne au moins un article d'Abhay Khosla désopilant sur le manque d'ambition de cette série.


    • Ambush Bug: Year None #4/6
      La série de Keith Giffen continue à avoir des gags disjoints. C'est Mad, mais pour des fan geeks qui peuvent suivre les private jokes sur les fan geeks, mais on commence à avoir compris ces gags (oui, on sait, "les fans n'ont pas de vie" et s'obsèdent sur des détails sans intérêt). Dans cet épisode, le rédacteur en chef de DC Comics Dan DiDio, dessiné dans le style d'Archie Comics, meurt tué par Ambush Bug pour expier tous les personnages de Giffen qu'il avait fait tuer (et Keith Giffen se fait dessiner en Jughead Jones). La parodie de 52 permet à nouveau d'ironiser sur le virage sombre de DC, mais aussi peut-être sur le déclin des comics qui se font remplacer par les mangas. C

    • JSA Kingdom Come Special
      Tout cela est vraiment mal écrit. C'est en gros une parabole simple sur la tentation de Faust. Le Dieu inconnu Gog a offert ses voeux aux héros et certains ont succombé à la tentation, même si les voeux ont aussi des pièges et si Superman les a prévenus que ce Dieu avait amené la Fin du Monde.

      Et ensuite, "à la surprise générale" un Dieu à cornes et nommé d'après un démon de l'Apocalypse commence à révéler que ses buts ne seraient pas si innocents qu'ils pouvaient en avoir l'air. Naaaaaaan ???? C

    • Legion of Super-Heroes (vol. 5) #48
      Le "threeboot" (second reboot) va bientôt s'arrêter au #50 et le scénariste Jim Shooter (arrivé il y a seulement un an au #37 et il n'est pas content) va devoir conclure de manière anticipée et il livre une de ses meilleures histoires après 11 numéros confus avec un hommage à une vieille tradition, les examens de recrutement de nouveaux Légionnaires. On a notamment un remake de l'origine de Night Girl (Adventure Comics #306, 1963) et une recréation de l'ancienne Legion of Substitute Heroes en "Legion Reserve". Hélas, Night Girl est un concept charmant de l'Âge d'Argent - et qui a sans doute inspiré C'ian dans Lanfeust de Troy -, mais qui ne peut vraiment plus marcher dans le contexte actuel plus "réaliste" (comment la lumière pourrait-elle lui enlever ses pouvoirs ?).
      Mais Shooter montre aussi qu'il a un peu suivi les nouveaux concepts de Fiction Spéculative et n'en reste pas à la nostalgie avec une planète contrôlée par des êtres qui se sont "uploadés" dans une intelligence artificielle dans d'autres dimensions. B+

    • Wonder Woman #26
      Gail Simone fait revenir à nouveau les Dieux greco-romains modernisés comme un équipage de superhéros, en ignorant la version plus intéressante qui avait été inventée par Rucka et où Athéna avait renversé Zeus.

      Nemesis se rebelle contre Checkmate pour protéger sa dulcinée et je continue à ne pas comprendre pourquoi il serait un personnage intéressant.

      Ensuite, Wonder Woman se fait torturer par un nouveau monstre horrible pour tenter de nous montrer qu'il est effrayant. Et dire que Gail Simone s'était fait connaître pour Women in Refrigerators qui critiquait les violences inutiles contre les femmes dans les comics. C


  • Indépendants

    • Savage Dragon #141
      Erik Larsen (qui a renoncé à la direction d'Image pour se concentrer sur son comic) se fait plaisir dans cet épisode avec un geste ironique : il ressuscite tous les personnages de l'Âge d'Or tombés dans le domaine public, notamment tous ceux qui viennent aussi d'être utilisés par Project Superpowers de Jim Krueger et Alex Ross chez Dynamite. Cela préfigure peut-être ce que seront tous les comic-books dans vingt ans, comme la plupart des personnages iconiques créés dans les années 40 seront devenus "libres de droits". Tous les éditeurs pourront donc partager ces superhéros comme ils peuvent déjà réinterpréter leurs propres versions de Thor, d'Hercule ou du Roi Arthur. B


  • Univers Marvel

    Je donne souvent de meilleures notes aux comics Marvel qu'aux comics DC en ce moment. Est-ce paradoxalement parce que je préfère DC et que mes attentes sont donc trop élevées ? Ou bien n'est-ce pas plutôt parce que les scénaristes de Marvel comme Dan Slott, Matt Fraction ou Abnett & Lanning sont simplement meilleurs et plus innovants que ceux de DC (dont le plus doué doit être Geoff Johns qui utilise tout le temps les mêmes formules).

    • The Invincible Iron-Man #7
      Le scénariste Matt Fraction a une tentative ingénieuse pour rendre le personnage de Tony Stark sympathique tout en ne contredisant pas trop fortement les portraits récents pendant Civil War où le marchands d'armes lié au pouvoir militaro-industriel était presque devenu encore plus haïssable qu'une version de Dick Cheney. Ici, ce team-up avec Spider-Man (dont l'identité est redevenue secrète pour tous, y compris Stark) est quasiment un modèle où Fraction inverse nos attentes et tente de transférer l'affection que tout lecteur ressent pour Peter Parker vers Stark. C'est très réussi. Les ventes restent un peu décevantes en comparaison du succès du film (autour de 50,000, mais c'est quand même un des meilleurs abonnements de Marvel) parce que les fans sont désormais convaincus, non sans raison, qu'Iron Man est un ploutocrate fasciste qui est responsable de l'assassinat de Captain America... A

    • Guardians of the Galaxy #7
      Mon fantasme d'un comic parfait serait les Green Lanterns ou les Omega Men s'ils étaient écrits par Alan Moore et dessinés par Alan Davis. Abnett & Lanning (avec Pelletier aux dessins) s'approchent de ce comic parfait avec ce groupe extraterrestre d un Arbre mobile, un homme-mante religieuse et un ragondin intelligent. Le groupe s'est dispersé aux quatre coins de l'Univers. Adam Warlock lutte contre l'Eglise de la Vérité Universelle (dont je présume qu'elle l'adore en fait comme son Messie futur) et les autres luttent contre les Badoons, recréés ici comme des experts de biotechnologie nécromantique dans le style des Necrons (Abnett & Lanning écrivaient aussi pour l'univers de Warhammer). B+

    • Ms. Marvel #33
      Brian Reed continue un flashback sur les origines de Carol Danvers, recréée ici comme une version de Sydney Bristow d'Alias. Elle était membre de AFISRA et luttait contre des groupes liés à Al Qaeda en Afghanistan. Je suis sûr que ce genre d'histoires d'espionnage devrait exister pour avoir plus de diversité mais Brian Reed n'a pas le réalisme documenté de Matt Fraction et je trouve tout cela très peu convaincant, aussi absurde que les histoires de Jason Bourne, avec en plus un peu de sadisme répugnant. C

    • Nova #19
      Un autre titre écrit par Abnett & Lanning et le compagnon de Guardians of the Galaxy. Le Worldmind qui dirigeait le Nova Corps de Xandar a été téléchargé dans le Projet Pegasus (mon endroit fictif favori de l'univers Marvel) et commence à recréer le Corps des Novae. L'histoire va donc devoir affronter le même problème que rencontre toujours Green Lantern : choisir entre le concept original d'une armée de héros avec le même pouvoir et l'individualité singulière du personnage. B
  • samedi 29 novembre 2008

    Interpréter Rorschach

    (plus que 96 jours avant Watchmen)

    Un bon article analysant le personnage de Rorschach - à part le terme "existentialiste" qui est utilisé de manière absurde, peut-être en référence vague au projet sartrien ou l'authenticité heideggerienne. Rorschach est au contraire une parodie d'une théorie dite "objectiviste" morale qui prétend refuser tout compromis humain. La critique par Bernard Williams aussi bien du conséquentialisme strict d'Ozymandias que de la déontologie rigide de Rorschach comme tous les deux aussi "inhumains" (presque autant que l'amoralisme transcendant et déterministe du Dr Manhattan) serait en fait plus adaptée pour parler de ce personnage, si mal interprété quand on le réduit à une version sinistre de Batman.

    De plus, je comprends un peu la comparaison avec le criminel de No Country for Old Men mais le modèle de l'insensé est explicitement dans la narration non-fiable et les contradictions ce loser pathétique de Travis Bickle (mais Rorschach est légèrement plus efficace).

    Oui, ils peuvent ?



    enfin, au Canada en tout cas.

    Je n'avais pas imaginé que cela puisse aller si vite, deux mois après la victoire (relative) des Conservateurs... L'Effet Obama sans doute, les Canadiens ne voudraient pas rester à la traîne au moment d'une administration du Grand Voisin du sud presque "sociale-démocrate" sur certains points. Bon, un gouvernement de coalition Liberaux (77 sièges) - BQ (49 sièges) - NPD (37 sièges) ne tiendrait sans doute pas très longtemps de toute façon.

    Si Bush dirigeait l'Inde



    Thoreau :
    If it should turn out that Pakistan had a hand in this, in keeping with the precedents of the past several years, I think India should respond by invading Nepal and rattling the saber over rumors (real or imagined) of a nuclear program in Myanmar.


    Le Nepal est trop proche, pourquoi pas plutôt le Royaume-Uni (même si les coupables sont surtout Pakistanais et/ou Bangledeshis) ?

    Mais selon Dileep Padgaonkar, il y a justement un risque que le gouvernement indien (ou son successeur qui sera sans doute à nouveau du BJP) réagisse en effet de façon "bushienne" en construisant des Guantanamo indiens qui seront exactement ce qu'espèrent les responsables de ces massacres spectaculaires.

    jeudi 27 novembre 2008

    Tribe 8



    Le jeu de rôle Tribe 8 (dont j'avais fait un petit portrait il y a 5 ans, je reprends le texte ci-dessous) est un jeu de rôle québecois post-apocalyptique / fantastique sombre.

    Il fut créé en 1998 par la compagnie DreamPod9, surtout connu pour ses jeux de rôle sur des Robots Géants comme Heavy Gear et Jovian Chronicles par plusieurs auteurs talentueux comme Philippe Boulle, Joshua Mosqueira-Asheim ou Lucien Soulban, qui finirent tous ensuite chez White Wolf pour travailler sur les gammes du World of Darkness.

    Le jeu eut en tout plus d'une douzaine de suppléments et scénarios (dont une campagne) de 1998 à 2002 (où un studio de plusieurs nouveaux auteurs nommé Wicked Ink avaient pris la relève) et même une seconde édition en 2004 avant de disparaître.

    Histoire de la Huitième Tribu

    Nous sommes dans un lointain futur. Un jour, les pires cauchemars de l'humanité se sont réalisés et notre planète fut envahie par des êtres se nourrissant de souffrance, de colère et d'humiliation. L'humanité fut asservie pendant un temps indéterminé, plusieurs siècles sans doute. Ce fut la période des Camps où les Z'Bri abusaient despotiquement de leurs esclaves deshumanisés.

    L'histoire se déroule dans une région du monde qui correspond aux ruines de Montréal, "Vimary" (déformation de Ville-Marie). Les souvenirs des Temps anciens ont souvent disparu chez les humains prisonniers destructurés par des générations d'esclavage.

    Il y a environ une génération, elles sont arrivées, les Sept Mères, les Sept Fatimas, sept aspects de "la Déesse" tout comme les Z'Bri seraient les émanations cauchemardesques et phalliques de la Semence.

    Au début, elles étaient en fait Huit : la Vieille Sorcière (Baba Yaga), la Juge (Tera Sheba), la Fértile (Eve), l'Amante (Madeleine), la Compatissante (Marie), la Trompeuse (Dahlia), la Guerrière (Jehanne) et son frère le seul mâle, le Destructeur (Josué). Les Huit Mères menèrent la lutte contre les Z'Bri et le Huitième, Josué, fut tué pendant la Libération des Camps. Marie la Compatissante a ensuite disparu et fut remplacée par un nouvel aspect, l'Enfant (Agnès).

    Les Sept Fatimas libérèrent ainsi une partie des Humains de la tyrannie, seulement dans l'enclave de Vimary autour de ce qui est aujourd'hui le Saint-Laurent. Elles instituèrent alors une société matriarcale, avec Sept Tribus correspondant, chacune dominée par l'une d'Elles. Elles ont aussi transmis une magie (la Synthèse) fondée sur les Rêves (car certains peuvent ainsi mélanger le Réel et le Rêve).

    Les Z'bri sont toujours là et ils attendent toujours leur revanche, avec leurs esclaves humains aliénés, les Serfs, au-delà des ruines de Vimary (du côté de l'actuel Laval).

    Mais aujourd'hui, certains habitants de Vimary commencent à protester contre les lois rigides imposées par les Sept Mères, disant qu'un nouvel ordre étouffant a remplacé l'oppression des Camps et que les libératrices abusent à présent de leur autorité. Certains Humains se rebellent ou sont proscrits des Sept Tribus et les Déchus exilés se regroupent dans ce qu'on commence à appeler la "Huitième Nation" dans l'îlôt de Hom (l'actuelle Île des Soeurs au sud-est). Les Inquisiteurs de Tera Sheba la Juge veulent les punir, les Enfants d'Agnès sont un peu plus induglents envers cette nouvelle tribu.

    D'autres groupes errent dans les ruines de Vimary, comme les Squatteurs isolés ou bien les Gardiens qui auraient des reliques de l'Ancien Temps d'avant la destruction.

    Les Personnages-Joueurs sont des membres de cette nouvelle Huitième Tribu, cherchant un sens à leur nouvelle nation dans ce monde qui renaît de ses cendres. Les Déchus exilés sont eux-mêmes divisés entre ceux qui voudraient lancer une guerre contre les Z'bri, ceux qui veulent se retourner contre les Fatimas et ceux qui annoncent une nouvelle prophétie sur la Tribu perdue de Josué le Destructeur.

    Le Metaplot

    (On appelle "metaplot", littéralement méta-intrigue, en jeu de rôle une intrigue qui traverse l'univers du jeu au-delà des scénarios individuels)

    Le jeu eut plusieurs aventures et décrivit de nombreux PNJ de Vimary dans ses suppléments jusqu'à un cycle d'aventures face aux Z'bri qui arriva à la libération de la cité de Capal (actuelle ville de Québec, à 230 km au nord-est de Montréal).

    Il était d'ailleurs prévu que le jeu se déplace pour la seconde édition dans ce nouveau cadre, les intrigues restreintes à "Vimary" étant considérées comme épuisées. Mais la seconde période "Capal" fut en fait enterrée avec l'échec de cette seconde édition.

    Le jeu

    Tribe 8 a une unité stylistique forte, ayant été fondé par des dessinateurs. J'ai un peu de mal avec l'esthétique SM-gothique du jeu (piercing généralisé, tatouages, sadisme non seulement des Z'bri mais aussi d'une partie des Fatimas) mais l'univers est vraiment original. Le jeu est très sombre (j'ai lu quelque part que presque tous les membres de la 8e Tribu sont toxicomanes pour pouvoir "tenir" psychologiquement face aux horreurs et sequelles des Z'Bri, ce qui donne un ton assez cauchemardesque).

    Le fait de jouer dans une société humaine gynocentrique est très dépaysant (d'habitude les Amazones sont un phénomène "local" des jeux fantastiques, ici c'est le contraire).

    Les règles (le système Silhouette) sont relativement simulationnistes et je me demande si je ne préférerais pas une adaptation à Heroquest (surtout que cela devrait bien cadrer avec l'idée de Prodiges liés aux Aspects des Sept Fatimas).

    Vous avec un nombre de dés suivant vos compétences et il faut franchir un seuil en prenant le score maximal des dés qui sont lancés (plus 1 par "six" supplémentaires obtenus au dé et plus les bonus de caractéristiques).

    Rappel des Sept Tribus

    Agnes' SymbolAgnès l'Enfant, la "fille" de Marie, est la Fatima du Caprice, de la Naïveté mais aussi l'Innocence de l'Inspiration. Elle est la dernière née des Fatimas et donc la moins respectée. Sa Tribu est composée de ses camarades de jeu dont elle se lasse vite. Elle peut créer des jouets à partir d'objets inanimés.

    Baba Yaga's SymbolBaba Yaga la Vieille, Fatima de la Mort et de la Destinée, est celle qui est chargée des voyages vers l'au-delà et donc aussi la communication avec les morts. Ses Sorcières sont les meilleures magiciennes des Tribus.

    Dahlia's SymbolDahlia la Trompeuse est la Fatima de l'Illusion, du Théâtre, du Mouvement. Elle a des troupes errantes de comédiens, d'espions et d'artistes à son service.

    Eva's SymbolEve la Mère est la Fatima of Empathie et de la Vie, Aspect de fécondité et d'agriculture. Sa Tribu est la plus nombreuse et est celle qui nourrit les autres, dans les champs re-ensemencés repris sur les Z'bris.

    Joan's SymbolJehanne la Guerrière est la Fatima de la Dévotion et de la Furie. Elle semble ne plus être depuis la mort de Josué que le bras armé de Tera Sheba la Juge. Ses Templiers sont des chevaliers honorables mais inflexibles.

    Magdalen's SymbolMadeleine l'Amante est la Fatima du Conflit et de la Sensualité. Elle est la médiatrice, la séductrice et la diplomate, aussi bien liée à l'amour qu'aux passions érotiques les plus violentes.

    Tera Sheba's SymbolTera Sheba la Sage est la Fatima de la Vérité et de la Sagesse. Elle est la Juge qui garde les Lois des Tribus et qui les applique avec une main de fer, avec le soutien de la Tribu de Jehanne la Guerrière. Ses Inquisitrices peuvent extirper la vérité de n'importe qui.



  • Exemple de personnage :
    Karabos la Baba Yagan rebelle
    Agilité -1, Apparence -1 Influence + 1, Créativité +1 Connaissance + 1 Psyche +2, Volonté +1
    Force 0, Santé 1, Endurance 30 (Blessures légères 15, Blessures profondes 30, Mort 60)
    Compétences : Rêver 2, Rituels 2, Soins 2, Synthese 2 (Voyage Onirique), Ecrire/Lire 1, Herbalisme 1, Mythologie 1.
    Karabos est une ancienne Mordred desséchée, petite et surtout douée pour Rêver. C'est justement dans ces Songes qu'elle a eu des visions sur le rôle de la Huitième Tribu, ce qui l'a amenée à remettre en cause la tradition de la Morgue.
  • mercredi 26 novembre 2008

    Le mythe de la tolérance polythéiste



    Autant le livre de Daniélou sur l'Hindouisme m'a au moins guéri du dogme sans fondement que le Monothéisme serait nécessairement plus rationnel ou plus "évolué" dans son abstraction que le Polythéisme, autant le mythe politiquement correct de la "tolérance" des religions polythéistes doit être nuancé. Ce n'est pas parce qu'on croit à plusieurs dieux qu'on est nécessairement pluraliste et ouvert à une pluralité de conceptions et rituels sur ces dieux.

    Dans cet article (sur l'effrayant soutien de l'ONU à des projets de Loi anti-Blasphème que les pays musulmans ont fait passer, avec le soutien du Vatican, de la Russie et de la Chine et malgré l'opposition des démocraties occidentales qui essayaient vainement de défendre la thèse fondamentale du Libéralisme politique qui est que les religions ne peuvent pas être des personnes ayant des "droits") :

    A lot of the violence in India dealing with Hindus and Christians is being spurred on by accusations that Hindu gods are being defamed, while there are also cases against artists in India for depicting Hindu gods in modernist way.”


    On pourrait dire que le polythéisme va mieux s'harmoniser avec un relativisme sur la vérité et que les Polythéistes peuvent mieux accepter de faire cohabiter plusieurs "aspects" à l'identité précaire ou semi-contradictoire.

    Cependant, en droit, un Dieu transcendant unique pourrait tout aussi bien rendre possible un relativisme, selon la parabole des Aveugles et de l'Eléphant. L'Absolu indicible permet plusieurs approches, ce qui serait l'échappatoire "universaliste-unitarien". Cela a rarement été le cas à part dans quelques formes de scepticisme religieux qui s'inversent vite en fidéisme puisque quand on commence à dire que Dieu est trop au-delà de notre raison, cela revient ensuite plus à humilier la possibilité de la connaissance qu'à mettre en doute les croyances (c'est ainsi qu'on passe du pyrrhonisme montaignien au fanatisme pascalien).

    Le Monothéisme a pu tuer Giordano Bruno pour des raisons religieuses (plus que scientifiques) mais après tout le Polythéisme des Dieux de la Cité démocratique a bien tué Socrate.

    Et si la question théologico-politique s'inversait ?



    Des Conservateurs et Libertariens américains lassés de l'évolution théocentrique du Parti Républicain ont un blog Secular Right, la Droite Laïque (oui, je sais que c'est une mauvaise traduction, mais "séculière" me paraît trop faible maintenant pour traduire le militantisme impliqué dans la notion de "secularism"). On a en effet l'impression que le Parti de Wall Street devient plutôt le Parti des Megachurchs.

    Les termes Droite et Gauche d'origine française n'ont pas évolué autant que Républicain et Démocrate aux USA mais ils n'englobent pas une stabilité de concepts éternels. Ce sont seulement des "ressemblances de familles" vagues qui évoluent selon le contexte et qui se transforment en s'adaptant à de nouveaux problèmes et débats (cf. la classification historique de quelques branches des pôles droite-gauche que j'essayais l'an dernier).

    Originellement en France, la différence a un sens essentiellement politique sur l'essence de la Souveraineté. C'est l'opposition entre Royaliste (de droit divin ou non) et Républicain (pour qui la souveraineté réside dans le peuple). La différence n'est pas vraiment encore économique puisque le Libéralisme économique et politique est "à Gauche" avec les Brissotins, entre des Conservateurs encore agrariens ou mercantilistes et un embryon de Jacobins plus socialisants. La Nation est alors une valeur de gauche alors que la Droite est associée à la Chrétienté ou à la Coalition européenne. La Gauche devient "internationaliste" avec le socialisme, après le Printemps des Peuples et le renouveau du Nationalisme moderne qui passe alors à Droite.

    Mais aujourd'hui (et depuis le socialisme du XIXe siècle), le clivage me semble (contrairement à ce qu'on dit souvent) rester principalement économique, celui sur l'intervention de l'Etat dans le marché, même si le Keynésianisme a décliné dans les deux camps depuis les années 70. Certes, la Gauche a pu privatiser et la Droite faire de la "politique industrielle", du Corporate Welfare (voir la destruction de France Télévision pour faire plaisir à TF1), du copinage anti-libéral et du dirigisme mais globalement les écarts sur ces sujets sont encore relativement clairs.

    La Gauche tente souvent de déplacer vers des terrains dits de "société" mais en fait le "libéralisme sociétal" existe aussi à droite (non seulement ce fut la Droite libérale qui obtint l'avortement mais encore récemment elle a fourni le divorce accéléré et évolue sur les droits des homosexuels).

    Il y a en revanche un sujet qui est resté assez stable depuis deux-trois siècles et le début de notre Modernité dans les Lumières, c'est la querelle théologico-politique. La Droite était traditionnellement religieuse et la Gauche au minimum pour la séparation de l'Eglise et de l'Etat, voire franchement anti-religieuse (avec l'inversion que furent les religions séculières du totalitarisme). Certes, il y eut des formes de libéralisme économique anti-religieux, de l'anti-cléricalisme ultra-libéral, du positivisme conservateur et à l'inverse du théisme robespierriste, du christianisme social, du populisme évangéliste, de la théologie de la libération, mais globalement la religion est demeurée un des facteurs centraux de la polarisation.

    Mais on peut se demander si cela pourrait évoluer, ce qui serait un renversement lent d'une constante Droite-Gauche.

    Une partie de la Droite, même en dehors des "libertariens" américains, est plus attachée à l'individualisme qu'à la tradition (même si Sarkozy veut allier dans son importation américaine plus d'individualisme et plus de religiosité). Le christianisme social de Boutin ou dans sa forme encore plus ultra de De Villiers est quasi-inexistant (je ne me prononcerais pas sur celui de Bayrou car j'ignore à moyen terme comment se composera réellement son électorat dans les proportions de centre-gauche déçue du PS et de centre-droit anti-sarkozyste, et c'est peut-être une figure plus "personnelle" et présidentielle que vraiment le vieux MRP démocrate-chrétien implanté, une sorte de météore comme le boulangisme).

    A l'inverse, Royal a certes excité l'anti-cléricalisme radical dans le PS et on ne voit pas vraiment émerger un nouveau socialisme chrétien comme celui qui a pu exister dans les pays anglo-saxons (et qui pouvait être une tendance dans le minuscule PSU de la Deuxième Gauche).

    Mais on voit certains Trotskyistes du futur NPAC être tentés par des alliances avec des Musulmans au nom du combat anti-impérialiste et parce que l'Islam serait "la" religion des colonisés, des pauvres et des immigrés (ce fut encore plus clair pour une partie du RESPECT britannique de Galloway, ou les propos de Zizek appelant à une alliance des Radicaux et des Traditionnalistes et Communautaristes contre le modèle globaliste libéral).

    Imaginons que le processus continue, que pour de mauvaises (xénophobie) ou de bonnes ("pragmatisme") raisons, la Droite individualiste devienne de plus en plus farouchement anti-cléricale (notamment face au déclin du christianisme en Europe s'il continue et l'essor des religions concurrentes) et la Gauche plus communautariste et plus "traditionnaliste" au nom de la protection de ces religions émergentes, on pourrait se retrouver dans une situation sans précédent où il faudrait alors choisir dans certaines élections entre Laïcité et Protection sociale. On ne peut pas dire a priori quel groupe serait le plus nuisible entre destruction des protections collectives de l'égalité et l'imposition de normes contraires à la liberté de conscience, mais il serait déjà étrange d'avoir à ainsi l'opposer.

    Mais cette inversion paraît assez peu probable en réalité. La Droite américaine s'enferme de plus en plus dans la religion. Les Droites européennes les imiteront avec des différences nationales : la France est l'un des pays avec la plus forte population athée d'Europe occidentale et cela va aussi freiner un peu l'importation brutale par le Berluskozysme.

    mardi 25 novembre 2008

    Galimafrée



  • L'argent dépensé pour le sauvetage financier (environ 4 600 milliards de dollars) dépasse en dollars actualisés la SOMME du Rachat de la Louisiane, du New Deal du Plan Marshall, de la Mission Apollo et tout le budget historique de la NASA, plus la Guerre de Corée, la Guerre du Vietnam, la Guerre en Irak et le sauvetage des caisses d'épargne par Bush père.

  • J'ai essayé le test de culture "civique" où les Américains n'auraient eu "que" 50% en moyenne, et je n'ai eu que 91%, soit 30/33 (une des erreurs était d'ailleurs un cas où je n'ai pas suivi ce qui paraissait clair en croyant que c'était un piège à la question #20, en revanche, j'ai eu juste à la #18 et à la #33 presque au hasard).

    Le questionnaire vient du Intercollegiate Studies Institute, un think tank catholique et archi-conservateur (qui a aussi soutenu des critiques anti-évolutionnistes, ils sont donc mal placés pour ironiser sur le manque de connaissances de leurs compatriotes). Certaines questions sont assez orientées mais il est facile de deviner ce qu'ils attendent sur les marchés ou au contraire une rare question un peu keynésienne. La thèse que tous les philosophes de Socrate à Thomas d'Aquin partagent une thèse de rationalisme moral me paraît un peu curieuse pour tester le niveau d'un électeur sur sa connaissance politique.

  • Oh, ce n'est qu'un détail mais Obama violerait l'Article 1 (section VI) de la Constitution des Etats-Unis s'il nomme Hillary Clinton comme Secrétaire d'Etat (la Constitution interdit explicitement à un Représentant ou Sénateur d'être nommé dans une position dont l'émolument à augmenté à un moment où il était dans la position législative d'augmenter ce salaire).

  • Il y a une chose que je ne comprends pas dans l'élection floridienne de la Première secrétaire : le camp de Royal appelle à un nouveau vote. Demander un recompte est normal quand il y a si peu d'écart (une centaine sur cent mille) et il est même possible que le camp Aubry ait vraiment plus triché dans le Nord que le camp Royal dans les Bouches du Rhône et en Guadeloupe, mais depuis quand refait-on le vote quand le résultat ne vous plaît pas ? Je ne crois pas que c'est mon préjugé anti-Royal qui parle : si Aubry appelait à revoter, je trouverais cela aussi absurde.

    Une solution irénique typiquement hollandiste ne consisterait-elle pas à ne pas choisir et mettre en place une Direction collégiale "bicéphale" avec deux Porte-Paroles, un peu comme chez les Verts ?

  • Le dessinateur David B. est interviewé pour son exposition à l'Université d'Etat de Louisiane à Baton Rouge.
  • dimanche 23 novembre 2008

    Comics du moment (novembre 2008)



    J'ai négligé les compte-rendus depuis deux mois. J'ai donc abandonné l'idée de rattraper le retard et je vais me concentrer sur quelques comics récents au lieu de les survoler tous.

    L'actualité chez DC est surtout la crise chez DC. Final Crisis, dont les ventes ont été décevantes, serait retardé parce que l'éditeur en chef Dan DiDio serait en désaccord avec la conclusion par Grant Morrison. Jim Shooter, le scénariste légendaire de la Légion des superhéros, s'explique avec une franchise brutale sur son renvoi. Plusieurs facteurs s'enchaînent : (1) DC Comics est toujours en procès sur le statut de Superboy (qui appartient à la famille Siegel et pas à DC), ce qui a compliqué les plans de Shooter (qui voulait introduire un nouveau "Superlad" pour tenter de détourner le copyright), (2) le second reboot de 2004 ne me semble pas avoir rendu la Légion plus intéressante dans sa lutte perpétuelle contre l'administration de la Fédération.

    Marvel domine toujours largement le marché du superhéros et l'Invasion Skrull se termine enfin, en donnant au moins un bon comic.

  • Multivers DC

    • Booster Gold #14
      Ce titre est fondé sur les voyages dans le temps et on peut se demander si ce concept peut permettre une série continue sans trop de répétition d'une même formule simple : le passé est changé, on voit les effets Papillon d'un changement (ce qui est un prétexte pour montrer une version alternative des personnages habituels) et Booster Gold voyage dans le passé pour restaurer la normale. Là où cela se complique est l'arbitraire de la mutabilité : certains événements ont été déclarés "critiques" et immuables mais parfois Booster Gold s'en tire sans trop de problème, ce qui est complètement ad hoc selon ce que veut le scénariste.

      Ici, le parasite Starro a utilisé le voyage dans le temps pour infecter toute l'humanité et il suffit donc à Booster Gold de remonter au moment où Starro avait commencé. Un détail est que le nouveau scénariste est Remender, qui vient de conclure la série Atom et qui réutilise le personnage sans grand intérêt de Lady Chronos, qui avait été centrale pendant tous les derniers numéros de cette série (avec d'ailleurs le même dessinateur Pat Olliffe, ce qui donne donc un air d'épilogue). Les personnages ne cessent de faire allusion à plusieurs futurs possibles mais ces foreshadowings si nombreux finissent par perdre leur efficacité sinistre sur la fatalité alors qu'on est habitués à voir les prédictions être défaites.

      Dan Jurgens, le créateur original de Booster Gold, doit reprendre le titre à partir du mois prochain et je ne suis pas sûr qu'il puisse vraiment le renouveler. C

    • DCU Decisions #1-4
      Une mini-série ratée pour surfer sur l'élection présidentielle. On y apprend que Wonder Woman (une païenne féministe) vote Républicain et que Batman (un milliardaire répressif) vote Démocrate (Superman refuse de répondre). C

    • Final Crisis: Legion of 3 Worlds #2/5
      Cette mini-série a sans doute l'un des effectifs les plus nombreux, avec plusieurs versions de la Légion des Superhéros. Il y a la version d'avant le reboot de 1994, puis celle de la période 1994-2004 et la nouvelle, ce qui donne trois Brainiac 5. Si ce n'était pas assez, Geoff Johns y ajoute Sodam Yat le Dernier Green Lantern Daxamite (dont le nom est un jeu de mot si faible). Le Superboy de Terre-Prime s'allie avec le sorcier omnipotent Mordru et la Légion des Supervilains.

      Le scénario est un peu le degré zéro de ce qui passe pour "EPIQUE" en ce moment dans l'Univers DC ("Mettons tout le monde contre tout le monde"), mais une telle histoire dessinée par George Perez est à peu près ce que j'attends d'un comic de superhéros. A

    • Green Lantern Corps #30
      Alors que le Corps lutte contre l'un des plus inquiétants membres survivants du Sinestro Corps, "Berceau", qui tue les Green Lanterns pour collectionner leurs orphelins, les Gardiens d'Oa tentent une mission diplomatique vers leurs anciennes parèdres, les Zamarons dirigée par la Reine Aga'po (du grec αγάπη, Amour-Charité). J'avais trouvé l'idée des "sept couleurs" de Lanternes ridicule au départ mais ici l'opposition entre la Volonté d'ordre des Green Lanterns et l'Amour des Pink Lanterns est assez réussie. Les Gardiens réagissent à la mise en danger des familles des Lanternes Vertes et leur rivalité envers leurs congénères en interdisant désormais de manière totalitaire tout rapport amoureux pour les membres de leur Corps. L'histoire est en train de prendre un tour presque métaphysique comme une métaphore sur les contradictions entre les Attributs Divins de l'Amour et de la Justice. Cela dit, les Gardiens se comportent de manière de plus en plus irrationnelle et inquiétante et on voit donc déjà se profiler une guerre civile future (déjà annoncée avec les Indigo Lanterns). B+

    • Justice Society of America #20

      J'ai été dans l'ensemble déçu par la série Infinite Crisis de 2005-2006, qui me semble avoir gâché de nombreux éléments de Crisis on Infinite Earths de 1985 auquel elle était censée rendre "hommage". C'est tout le problème des "Suites". Mais l'élément le plus important fut plutôt postérieur avec le retour du nouveau Multivers DC - qui eut d'ailleurs lieu ensuite dans 52, avec un prétexte complètement raté, même si ce retour me paraissait une bonne idée. Le "bénéfice" du retour du Multivers est de fournir ici une continuité encore plus compliquée et le fan de l'Univers DC est conditionné pour apprécier cette débauche cosmologique contraire à tout Rasoir d'Occam. On pourrait même dire que l'Univers DC se singularise de plus en plus par le fait que ses histoires portent souvent sur la structure même de sa cosmologie fictionnelle (mais cela est vrai depuis que Flash II est né en disant s'inspirer des comics du Flash I fictif qu'il lisait enfant). Ici, la Société de Justice de la Terre DC (qui est l'équipe issue de ce qui était la "Terre 2" d'avant la Crise de 85) rencontre la nouvelle "Terre-2" post-52 qui est une réplique de ce qu'aurait été "leur" Terre 2 si la Crise n'avait pas eu lieu et ne les avait pas fusionnés avec Terre 1 et les autres. Si ce n'était pas compliqué, la nouvelle JSA a dans ses membres deux envoyés du futur : le Superman de Terre-22 et le Starman venu d'un des XXXIe siècle possibles (celui de la Légion d'avant le premier reboot de 1994). Starman (qui a enfin recouvert la raison) révèle qu'il est en fait la "Carte" du Multivers, ce qui est une jolie trouvaille qui pourrait justifier son rôle et son histoire enchevêtrée.

      Dommage qu'on ait encore droit à la propagande religieuse de Geoff Johns sur Mr Terrific (seul héros explicitement athée, ce qui ne semble avoir été fait que pour servir à remplir un but apologétique puisqu'il ne cesse de dire que son athéisme était une erreur). B

    • Kingdom Come Special: Superman One-Shot
      Un One-Shot sur le Superman de Terre-22 (celle de la mini-série Kingdom Come de 1996). L'histoire ne consiste guère qu'à avoir ce double plus âgé de Superman méditer sur sa condition mais les dessins d'Alex Ross sont un bel hommage au personnage de Clark Kent. La manie de Ross pour le photoréalisme ne marche pas très bien pour l'action mais est ici très adaptée pour un titre plus introverti et riche en portraits en gros plans. Il est rare par exemple que je trouve Lois Lane aussi émouvante. B



  • Editeurs indépendants & autres continuités

    • Army@Love, vol. 2, #4
      Après avoir encensé cette série comme une des meilleures satires grinçantes sur la Guerre en Irak (ici "l'Afbaghistan", réduit à une pure opération commerciale), j'ai été un peu submergé par le cynisme qui fait la force de cet humour noir. Tout le monde est tellement répugnant et cupide dans tous les camps qu'on finit par être un peu écoeuré. Même le couple central de Flabbergast et Switzer (qui n'est en fait lié que par un Philtre d'amour) a quelque chose de glaçant dans son hédonisme égocentrique. Mais l'intrigue est relancée par un message apocalyptique du futur qui pourrait faire sortir des petites trahisons privées. B

    • Savage Dragon #140
      On commence à converger vers un grand final de l'Univers Image tout entier (Savage Dragon, Witchblade, Spawn, Shadowhawk et Invincible) contre Solar Man (qui est en gros un Superman omnipotent mais en plus Républicain draconien / fascistoïde).

      L'Univers Image est un peu une bizarrerie puisqu'il n'a aucune continuité englobante contrairement à DC et Marvel, sauf quand un des scénaristes le désire. Chaque titre a sa propre autonomie et les créateurs peuvent même partir de la compagnie avec leurs personnages, ce qui s'oppose donc à l'idée d'une cohésion d'ensemble. Savage Dragon est l'un des rares comics de cet éditeur qui prétend parfois imposer l'idée d'un Univers commun, mais il s'agirait plutôt d'un Univers Savage Dragon ou des échos d'Image dans ce titre. Cependant, la Terre de Savage Dragon est elle-même partagée entre des histoires qui s'écartent énormément d'une Terre similaire à la nôtre (elle est "post-apocalyptique" et Chicago semble être un champ de ruines peuplé de mutants) et des histoires où elle suit la "nôtre" (un Bush tout aussi incompétent a succédé à la dictature d'un super-tyran et Obama vient d'être élu). B

    • Top 10, vol. 2 ("Season 2") #2
      La relance de la superbe série créée par Alan Moore est une réussite. J'étais sceptique puisque c'étaient les dessinateurs seuls sans Moore mais le concept d'une brigade de super-policiers dans une ville où tout le monde a des superpouvoirs tient toujours.

      Il y a même ici le retour d'une tradition de ce titre : les "Oeufs de Pâques", de petits gags visuels cachés dans l'arrière-fond.
      p. 8 on voit un écriteau dans le quartier des magiciens pour un teinturier / dry cleaner qui s'appelle "Mithrandir" (ce qui est une allusion au fait que Gandalf le Gris devient Gandalf le Blanc).
      p. 17, dans le restaurant des Green Lanterns Jordan's, l'un de serveurs est un Schtroumpf / Gardien de la Galaxie et l'autre est le troll Orko. A



  • Univers Marvel

    • Captain Britain & MI:13 #7
      La série sur les superhéros "mystiques" d'Angleterre a un thème unificateur qui est désormais la lutte contre la tentation et les effets de ses propres pouvoirs. La malheureuse Spitfire est une héroïne mais aussi une Vampire, qui doit lutter contre sa propre Faim, et le Chevalier Noir a une épée sanguinaire qui joue à peu près le même rôle que Stormbringer. Ce titre pourrait être une meilleure continuation de l'ancien Excalibur que le comic de Claremont qui a repris ce même nom. B

    • Eternals Annual #1
      Un scénario de Fred Van Lente (l'auteur d'Action Philosophers). Les Eternels (humains immortels manipulés il y a des millions d'années par les Célestes pour surveiller l'humanité) doivent lutter contre les Douze Jeunes Dieux, un nouveau Panthéon terrien (dans Thor #300 en 1980 - je me rends compte qu'ils ont dû inspirer les New Guardians d'Englehart dans l'univers DC). Ces Jeunes Dieux ont décidé de pousser directement l'Humanité vers la "Singularité" d'un "Point Omega" (ici "Uni-Mind"), supposant que les manipulations des Célestes sont en fait une forme de reproduction, poussant les Humains à devenir eux-même un nouveau Céleste (ce qui inverse le mythe dans Earth-X où on apprenait que les Célestes utilisaient au contraire les Humains simplement comme des anti-corps pour protéger un Céleste à venir). L'intérêt n'est pas vraiment que les Eternels réussissent bien entendu à les empêcher (ou il n'y aurait plus de Comics Marvel), mais que cela les conduit ensuite à douter de leur propre éthique et de leur sens de supériorité issue de milliers d'année d'inhumanité. Le thème des Eternels devient donc non pas leur divinité mais au contraire leurs doutes, leur finitude et leur faillibilité. B

    • Fantastic Four #561
      L'équipe de l'Invisible du futur vient avec un Galactus utilisé comme une "batterie" et l'histoire se résout avec une nouvelle Terre artificielle où on envoie les milliards de réfugiés de ce futur alternatif, ce qui épuise cette version de Galactus. Tout le monde a l'air d'accepter un peu facilement ce sacrifice utilitariste (un Dieu en échange de quelques milliards de mortels), ce qui est absurde quand on sait que Richards est allé une fois jusqu'à sauver la vie de Galactus. Le scénariste Mark Millar a donc certes réussi à donner quelques "Grands" Concepts de SF typiques des Quatre Fantastiques, mais cet aspect "grandiose" ou "sublime" indéniable (on tue un Dieu de l'espace pour recréer une planète entière) ne suffit pas à donner une histoire intéressante. C

  • Wilhelm Reich aurait approuvé



    La Suède va accorder le statut de religion à la minuscule Eglise de la Madonne de l'Orgasme dans la bien nommée bourgade de Lövestad (600 habitants, à l'extrême sud, en Scanie). Le culte orgiaque comme théophanie est créé par un artiste local mais je trouve que même une pseudoreligion fondée sur une performance a l'air plus crédible et même plus spirituelle que les millions de Mormons ou les milliers de scientologues.

    Add.
    Un passage de l'autoportrait de Carrie Fischer : They say that religion is the opiate of the masses. Well, I took masses of opiates religiously.

    samedi 22 novembre 2008

    Plan & Piètre Patron



    Un argument paradoxal amusant contre la valorisation des PDG, au nom même du polycentrisme du marché :


    If this were generally true — if the CEOs of the Fortune 500 were brilliant economic seers — then it would really make a lot of sense to implement socialism. Real socialism. Not progressive taxation to finance a mildly redistributive welfare state. But “let’s let Vikram Pandit and Jeff Immelt centrally plan the economy — after all, they’re really brilliant!”


    Ce qui rappelle après tout une ancienne parenté entre la technocratie saint-simonienne (qui resta derrière une partie du modèle français) et le socialisme.

    jeudi 20 novembre 2008

    OuJeudRoPo



    Après trois semaines de repli autiste (pour diverses névroses liées à des tas de copies que je refusais de corriger), je ressors enfin la tête de l'eau ce week-end. Retour donc vers le jeu de rôle...

  • Je suis allé chez Starplayer où j'ai revécu une scène typique de "Désir Mimétique" des collectionneurs.

    Ils avaient dans les jeux d'occasion un exemplaire du jeu québecois épuisé Mechanical Dream (2002, dont la VOF n'a jamais été publiée). J'hésite à l'acheter parce que je me dis que c'est un univers trop bizarre auquel je ne jouerais jamais. Il s'agit d'un monde steampunk complètement exotique et inhumain, perdu au milieu d'une jungle cyclopéenne où le Rêve et la Nuit peuvent transformer la réalité ; Jorune et Tékumel ont l'air presque standard en comparaison. Mais d'un autre côté, j'aime beaucoup Tribe 8, un autre jeu québecois et je me sens toujours un devoir de soutenir la création en jeu de rôle dans cette Province. Je prends la boîte, me prépare à l'acheter, la repose, m'éloigne pour réfléchir. Un autre client prend alors la boîte et je commence à me dire que finalement je la veux. Bien sûr, il l'a achetée au moment où je le regardais avec impatience. Et maintenant, je risque de l'acheter encore plus cher si je commence à en parler sur ce Blog, ce qui va augmenter la frustration pour un jeu que je n'aurais peut-être pas lu...

  • Le nouveau RuneQuest de Mongoose bouge toujours un peu.

    Après la campagne dara happienne Dara Happa Stirs, que je n'ai toujours pas lue d'ailleurs, ils ont sorti Ruins of Glorantha. Certes, cela n'a l'air d'être qu'un tas de plans trop Donjonnesques mais au moins il y a quelques prétextes mythiques en plus pour expliquer des Ruines un peu plus originales que le Temple Oublié. Par exemple le Château de Cholsel en Loskalm, sans doute inspiré du "manichéisme" carmanien se transforme chaque nuit.

    Ils vont bientôt sortir Ducks (après les suppléments sur les Trolls, les Aldryami et les Dragonewts).

    Ils annoncent Fronela pour décembre. Fronela est le Nord-Ouest de Glorantha et au Xe siècle Solara Tempora, l'Idéalisme Hrestoli (forme méritocratique de la féodalité chevaleresque, en un mélange de Jésus, Arthur et le Libéralisme moderne) vient juste de réapparaître en Loskalm comme une révolte contre les Apprentis Divins.

    Puis, les parutions comprennent Empires (supplément générique pour gérer des domaines) et Dwarfs (janvier 2009, ce qui devrait donc faire le tour des "Races Aînées", surtout que les Centaures doivent être peu nombreux au Second Âge avant que les Remodeleurs ne s'amusent à leurs expériences génétiques).

  • J'ai acheté le jeu de John Wick Houses of the Blooded. Il se présente comme une expérimentation consciente (Ouvroir de Jeu de Rôle Potentiel) pour faire un jeu de rôle qui inverserait tous les clichés de D&D. Donc au lieu de jouer un Maverick isolé cherchant à maximiser ses pouvoirs et ses trésors, on joue des Seigneurs & Dames opulentes ayant déjà un domaine et très intégrés socialement (qui sont en gros des Seigneurs-Fées dans un monde archaïque), où les joueurs sont récompensés en en rajoutant dans les tragédies des personnages. Je l'avais acheté en me demandant si cela ne pourrait pas plaire plus à des jeunes filles que le trope Western de l'Aventurier solitaire.

    Un problème que j'ai est le Totémisme. John Wick avait déjà mis du Totémisme dans son jeu pseudo-japonais Legend of the Five Rings (les clans du Crabe, Dragon, Grue, Lion, Mante Religieuse, Phénix, Scorpion et Licorne)et dans Orkworld (où là ça allait très bien) mais ici je n'accroche pas à l'idée que des Seigneurs-Fées trop sophistiqués et baroques s'attacheraient à des Totems Animaux. On a 6 Maisons qui correspondent à 6 Vertus : Ours (Force), Elan (Ruse), Faucon (Courage), Renard (Beauté), Serpent (Sagesse), Loup (Prouesse). Les associations d'Elan et de Renard me semblent presque inversées et donc peu intuitives par rapport à mon image du goupil. Je crois que j'aurais préféré quelque chose de plus "culturel", par exemple une association florale comme dans Nobilis (il est vrai que des fleurs seraient plus difficiles à retenir qu'un Totem).

    Wick dit qu'il a révolutionné le jeu de rôle avec certains concepts de HotB (par exemple, on joue une Dynastie plus qu'un individu) mais on peut se demander s'il connaît Pendragon, qui faisait cela depuis 20 ans, ou Ars Magica...

  • Via la FFJdR, le numéro 200 (vol. XXXIII) de la revue de théologie catholique Communio est consacré à "Foi & Féérie" et a un article relativement positif sur le jeu de rôle comme nouvelle forme de "veillée", ce qui déçoit profondément mon anti-cléricalisme.
  • Chevaux de retour



  • Selon le Canard enchaîné d'hier, Martine Aubry (1) avait fait croire à Royal qu'elle était prête à retirer sa candidature si Royal se présentait elle-même, et (2) elle avait fait croire à Delanoé que Benoît Hamon se retirait en sa faveur (d'où la désormais fameuse phrase où le maire de Paris déconfit aurait dit qu'il faut voter pour "la salope", ce qui rappelle Vote for the Crook).

    Si elle a vraiment réussi ces deux bluffs symétriques, on ne peut plus l'accuser de l'angélisme de son père, mais je crois que des mensonges privés entre politiciens sont finalement plus véniels que des promesses publiques stupides et intenables à des électeurs (du genre "faire raccompagner toutes les fonctionnaires femmes qui travaillent tard").

  • Il semble, d'après les rumeurs que le suspense dans l'élection de la Première Secrétaire du PS ne soit pas l'ordre d'arrivée mais seulement l'écart dans le trio. On pense que Royal sera en tête, suivie d'Aubry et de Hamon. Mais si Aubry n'est pas très loin, elle pourra gagner au second tour puisque Hamon devra la soutenir.

    Que ce soit Royal ou Aubry, elle devrait être la candidate du Parti dans 4 ans, comme dans le parcours de Mitterrand puis Jospin (Premier secrétaire de 1981-1988 puis 1995-1997), et conformément à ce qui se passe dans des démocraties plus parlementaires que la nôtre. Fabius, DSK et Delanoé soutiennent Aubry mais en espérant l'éliminer ensuite, mais cela paraît douteux, malgré le précédent de François Hollande. Si elle gagne, il faudrait vraiment qu'elle fasse une énorme gaffe pour ne pas les battre (en revanche, même dans ce cas, Royal pourrait toujours tenter un retour).

  • Le cliché sur la démocratie américaine est qu'elle se renouvelle plus vite que les autres et il y a en effet des exemples frappants pour les Présidentielles comme Carter, Clinton ou Obama, inconnus qui arrivent au pouvoir (au point que les figures plus persistantes de Stevenson, Nixon ou Mondale sont oubliées).

    Mais je suis impressionné du retour de Tom Daschle (né en 1947). Sénateur démocrate du Sud-Dakota de 1986 à 2004 et Chef de la Majorité démocrate au Sénat en 2001-2002, il avait renoncé à se présenter aux Primaires présidentielles de 2004 et été battu de peu mais de manière humiliante au poste sénatorial qu'il occupait depuis trois mandats. Je pensais vraiment qu'il était mort politiquement comme on disait qu'il ne faisait plus que du lobbying pour diverses entreprises sur la santé à l'âge de 57 ans.

    Mais dès 2004, Daschle mise sur le jeune nouveau Sénateur de l'Illinois, le pousse à se présenter et maintenant il serait nommé à la fois Secrétaire à la Santé et "Czar" chargé du nouveau Programme de Couverture Médicale. Si jamais il réussit, le Sénateur battu pourrait devenir le Beveridge ou le Tommy Douglas américain, poste potentiellement plus historique que bien des Présidents.
  • mercredi 19 novembre 2008

    תיקון עולם



    Une lettre au monde, peut-être démesurément optimiste sur les capacités du Service technique :

    Dear World:

    The United States of America , your quality supplier of ideals of liberty and democracy, would like to apologize for its 2001-2008 service outage.

    The technical fault that led to this eight-year service interruption has been located, and the software responsible was replaced Tuesday night, November 4. Early tests of the newly-installed program indicate that we are now operating correctly, and we expect it to be fully functional by mid-January.

    We apologize for any inconvenience caused by the outage, and we look forward to resuming full service — and hopefully even to improve it in years to come.

    Thank you for your patience and understanding,

    The USA

    mardi 18 novembre 2008

    Obama & Gossypium



    Strange Maps a une très chouette carte montrant la corrélation entre le vote Obama dans le sud et les zones de récolte du Coton.

    Il y a un débat dans les commentaires sur une anomalie. Le comté autour de Lawrenceburg, Tennessee avait beaucoup de cotton et a voté solidement McCain. Certains pensent que les petits cultivateurs blancs y étaient simplement plus nombreux. Cela expliquerait à la fois qu'il y ait peu de Noirs (environ 2% de Noirs dans le Comté contre 17% dans tout l'Etat) et que la zone soit connue pour un fort racisme - le KKK de la Reconstruction avait pris son essor en Louisiane mais fut fondé dans le Tennessee pas très loin (à Pulaski) pour lutter contre les Noirs affranchis, les Union Leagues, les Carpetbaggers (immigrants du Nord) mais aussi de petits cultivateurs locaux qui étaient parfois demeurés loyalistes(scalawags) envers l'Union par ressentiment contre les oligarchies esclavagistes.

    Et puisque je parlais l'autre jour de déterminisme géologique (granite de droite / calcaire de gauche), ce prof fait remarquer que la structure du vote McCain dans les Appalaches correspond aussi à une coupure géologique nette.

    *


    Sur l'Amérique post-raciale, apostropher fait remarquer qu'il y a une explosion d'attaques racistes depuis la victoire d'Obama et beaucoup plus de Croix enflammées.

    Ezra Klein nuance un peu la simple domination des Républicains sur l'électorat blanc (environ 56% - mais aucun Démocrate n'a réussi à dépasser 50% de l'électorat blanc depuis 44 ans) : plus un Blanc vit dans un Etat avec une forte population noire, plus il vote Républicain. Les Blancs des Etats avec peu de Noirs ont moins cette corrélation.

    Dead bats



    Pour une fois, je vais peut-être acheter Batman.

    Oui, même si je sais bien qu'il va ressusciter 12 secondes après ou qu'on découvrira que ce n'était qu'un Rêve, un Clone, un Robot, etc. mais la simple satisfaction de voir un hommage par Neil Gaiman à l'un des meilleurs comics d'Alan Moore vaut même de supporter toute la mythologie de Bruce Wayne, Alfred et de tous ces innombrables tas de Robins.

    dimanche 16 novembre 2008

    Liste en lice



    Une liste de "Génies" contemporains a toujours quelque chose de ridicule mais celle-ci (qui n'est même pas censée se limiter à une nationalité) dépasse même la moyenne.

    Les seuls philosophes mondiaux vivants (en dehors du linguiste Chomsky et quelques scientifiques) sont Annette Baier et Alastair Hannay (un traducteur de Kierkegaard, paraît-il). Oui, pas d'Hilary Putnam, ni de Levi-Strauss mais ce M. Hannay. Je ne parlerais même pas du fait que la liste de Génies a Ben Laden et Dolly Parton (ce qui doit être la notion de "Génie" la plus intraduisible qui soit).



    Je n'ai pas lu l'oeuvre de la philosophe Annette Baier (née Annette Stoop) mais un détail qui me fascine est son couple avec Kurt Baier. Monsieur Baier a essayé de montrer que la moralité pouvait se fonder entièrement sur la rationalité (contre la critique humienne qui dit qu'il n'y a rien d'irrationnel à être injuste ou égoïste et que donc la raison n'est pas suffisante sans les émotions pour délimiter ces notions éthiques ou juridiques). Or la thèse fondamentale de Madame Baier est qu'il faut distinguer un système éthique masculin par "principes" et "lois" et(à la suite de la psychologue Carol Gilligan) une éthique féminine plus inter-personnelle et fondée sur le Souci ("Care"), la confiance et les émotions (ce qui fait que Hume ou Michael Slote seraient plus "féminins").

    Autrement dit, la thèse philosophique d'Annette Baier semble prima facie consister à limiter l'oeuvre de son mari à une conception étroite virile et je me demande quelle était sa réaction (surtout que ce renversement fut bien plus célèbre que sa tentative à lui). J'aurais aimé assister à leurs conférences communes. Leur "Mars & Venus" (que je dois simplifier outrageusement) a donc des effets "théoriques" plus significatifs que pour tout autre couple depuis la mythique Diotime initiant Socrate (au contraire, le féminisme de Beauvoir semblait surtout adapter directement des catégories sartriennes sans renversement et les Churchland sont souvent traités comme interchangeables).

    Prosateurs, Poseurs & Prosommateurs



    La fonction critique des "gloseurs 2.0" selon Dan Drezner :

    Posner believes that public intellectuals are in decline because there is no market discipline for poor quality. Even if public intellectuals royally screw up, he argues, the mass public is sufficiently uninterested and disengaged for it not to matter.

    Bloggers are changing that dynamic, however. If Michael Ignatieff, Paul Krugman, or William Kristol pen substandard essays, blogs have and will provide a wide spectrum of critical feedback.


    Non seulement cela n'a strictement aucun effet sur Kristol (qui au moins ne cache même plus qu'il fait de l'agit-prop à laquelle il ne croit pas lui-même) mais cette fonction est réfutée par la persévérance de Thomas Friedman (toujours pas ruiné) à occuper les pages Opinions du NYT.

    samedi 15 novembre 2008

    Fumetti <---> Film



  • J - 110 pour Watchmen (6 mars 2009) et une nouvelle bande-annonce



    Rorschach risque de dominer trop nettement le film (mais c'était aussi un malentendu dès la bd).

    Je ne suis pas enthousiasmé par la musique "Take a Bow" de Muse. La bande-annonce précédente avait utilisé "The Beginning Is the End Is the Beginning" des Smashing Pumkins (qui vient de Batman & Robin). Au moins, on nous épargne Lux Aeterna (que je me souviens avoir aimé à une époque avant que toutes les bandes-annonces ne l'épuisent).

    L'adaptation semble toujours aussi maniaque dans les détails (sauf la fin qui serait modifiée avec une histoire de prolifération nucléaire). Il y a quelque chose d'un cercle vicieux à mettre ainsi en film la bd qui avait voulu introduire dans ce medium des techniques plus cinématographiques tout en montrant (par des documents et appendices non-linéaires) tout ce que la bd pouvait apporter en plus par rapport à un medium diachronique (Moore avait déclaré que le thème principal de Watchmen est la simultanéité, le Point de Vue de l'Eternité puisque tous les événements s'enchaînent dans la perspective déterministe et hors du temps du Docteur Manhattan).

  • Mais le mouvement va aussi des téléfilms vers les comics. Le producteur Brian Fuller de Pushing Daisies (dont la seconde saison serait en crise) aurait annoncé que si la série télé est arrêtée prématurément il finirait l'histoire dans un comic-book.

    Cette méthode vient de Josh Whedon qui avait créé la "8e Saison de Buffy en comics" et des histoires supplémentaires de Firefly/Serenity situées entre la série et le film.

    Les comic-books, medium plus pauvre que la télé, deviennent donc le dernier refuge de feuilletons supprimés par les chaînes.

  • Tiens, dans seulement 4 ans, DC Comics ne devrait plus posséder Superman et devra le louer aux héritiers des créateurs Jerry Siegel & Joe Shuster.

    In 1998, Congress extended copyrights AGAIN. This time, for any copyright formed before 1978, Congress just added a flat 20 years. So Superman will now stay in copyright for 95 years, or until 2033. However, this time, that extra 20 years is available not only to authors and their heirs, but also to the ESTATES of authors. So Joe Shuster’s estate (executed by his nephew) will certainly be exercising their right of termination, which will be in 2013.

    At that point, for the last 20 years of the Superman copyright - the Superman copyright will be owned FULLY by Siegel and Shuster.


    Je me demande quels seront les effets d'un Superman dans le domaine public dans les années 2030 (si le Congrès américain n'a pas fait une nouvelle loi pro-Disney d'ici là).
  • vendredi 14 novembre 2008

    La Quatrième République américaine



    Les essayistes américains, à qui on ne saurait reprocher de manquer de sens du marketing, aiment bien vendre leurs idées en distinguant trois ou quatre phases dans leurs synthèses ou leurs prédictions. C'est souvent de la "triadomanie" comme chez le futurologue Alvin Toffler qui parlait en 1980 de la Troisième Vague des Révolutions globales (Révolution néolithique, Révolution industrielle, Révolution de l'Information) et certains ne cessent d'annoncer une Quatrième vague (biotech/nanotech).



    Dans cet article, le journaliste-historien Michael Lind essaye de revendre son idée (pour confirmer une prédiction qu'il semble avoir déjà faite il y a 13 ans dans The The Next American Nation: The New Nationalism and the Fourth American Revolution) que l'Amérique vient de commencer sa IVe République.

    Sa théorie est un peu a priori - il est rare de voir un Américain si allemand qu'il veut à tout prix faire coller l'effectivité à une déduction par concept.

    Certes, on ne peut pas vraiment compter les Républiques de manière aussi discontinue qu'en France puisqu'il n'y a toujours qu'une seule Constitution sous le palimpseste des Amendements mais en gros, cela revient à cette opposition :

  • Première République (1788-1860)
    Les Fédéralistes d'Hamilton essayent de renforcer l'autorité étatique mais les Jeffersoniens tentent au contraire de décentraliser le pouvoir. Le compromis échoue sur la question de l'esclavage avec le Président Buchanan.
    1er-12e Amendements.

  • Seconde République (1860-1932)
    Les Républicains de Lincoln abolissent l'esclavage, renforcent l'Etat fédéral mais les Démocrates populistes vont restaurer le compromis de la Ségrégation. La tension entre interventionnistes et libéraux échoue sur la Crise avec le Président Hoover.
    13e-19e Amendements.

  • Troisième République (1932-2004)
    Les Démocrates de FDR puis de Johnson renforcent l'Etat fédéral, accomplissent le programme des Droits civiques mais les Républicains libéraux vont lutter contre les dérives de la discrimination positive et défaire ce début d'Etat-Providence. Le conservatisme religieux et les tensions internes du Parti républicain échouent avec le Président Bush.
    20e-27e Amendements.

  • Quatrième République (2004- [2076 ?] )
    Nouvel essor du Parti démocrate rénové sur un nouveau compromis post-racial et une domination nette dans les centres urbains ? "Brasilianisation" (tiers-mondisation avec explosion des inégalités entre le Centile le plus aisé et les autres) ?


  • Je ne suis pas sûr que ce soit très vrai mais cela sonne relativement vraisemblable et presque suspect dans son harmonie de Psychohistoire où les Républiques auraient une durée de vie "naturelle" de 72 ans ou 18 mandats présidentiels (on remarque que les Amendements à la Constitution se réduisent aussi en importance).

    Pour ne citer que quelques problèmes, je ne comprends pas bien pourquoi il veut que la rupture soit en 2004 et pas en 2008 si ce n'est parce qu'il tient à une sorte de biopolitico-rythme de 18 Olympiades (lui-même dit que ce n'est pas de l'astrologie mais il y a quand même quelque chose qui ressemble à ce qu'on appelle parfois des "taches solaires" dans son effrayante symmétrie).

    Je soupçonne aussi que la démocratie jacksonienne n'entre pas entièrement dans le modèle de l'opposition traditionnelle Hamilton/Jefferson, et que la place des Républicains et Progressistes d'avant la Première Guerre mondiale n'est pas vraiment facile à faire entrer dans le tournant de la "Seconde République".

    Un proverbe disait que la France était une "monarchie absolue tempérée par des chansons" et Fustel de Coulanges avait dit que la France mérovingienne était "tempérée par les assassinats" (Custines a repris la même plaisanterie pour l'autocratie tsariste, et j'ai vu aussi une attribution à Stendhal). Lind dit que la République américaine a eu plusieurs formes d'oligarchie et qu'elle avait atteint dans la Troisième république "la Ploutocratie tempérée par le tokenism".

    Il reste à voir si Obama est vraiment comme dans ce modèle historiciste le Lincoln, le FDR de la Quatrième République ou bien seulement un autre Token "progressiste" de cette ploutocratie en réorganisation.


    Add.
    Rien à voir si ce n'est la "tétramanie", mais je viens seulement de remarquer qu'en France on parle du Quatrième Pouvoir (par référence aux trois pouvoirs de Montesquieu, législatif, exécutif, judiciaire) mais que les Américains renvoient, eux, à The Fourth Estate (le "Quart-Etat"), aux Etats-Généraux, et donc à l'idée d'une classe sociale et non d'un contre-pouvoir. Autrement dit, ils ne comprennent pas la blague de Sauvy sur le mot "Tiers-Monde" qu'il a créé par référence à Sieyès ("Il est Tout mais veut devenir Quelque chose") mais nous ne comprenons pas leur blague qui se sert pourtant de notre histoire !

    jeudi 13 novembre 2008

    Le Libé des philosophes



    Je suis souvent dubitatif sur les "Libé des...". Le Libé des Historiens avait été plutôt une bonne surprise car certains historiens ont vraiment une compétence dans une spécialité (par exemple une région du monde) qui peut être utile à la compréhension de l'actualité dans sa diversité et donc qui apporte vraiment quelque chose par rapport au journalisme souvent trop "généraliste".

    Est-ce le cas des "philosophes" ?

    Je ne sais pas.

    Certains de mes Blogueurs favoris comme Matthew Yglesias ou hilzoy, tous les deux formés comme philosophes et dans le dernier cas exerçant encore cette profession, me semblent montrer certaines des vertus intellectuelles qu'on doit attendre de philosophes dans l'élucidation de l'actualité, même quand ils n'ont pas les compétences techniques, historiques, juridiques, économiques. Ils manifestent par exemple la capacité de faire des distinctions pertinentes, d'analyser les arguments, de démonter des sophismes usuels, y compris ceux qui soutiennent son propre camp idéologique (dans le cas d'Yglesias, même quand il se trompe, il a une capacité d'analyse qui lui permettrait d'argumenter au-delà même de ce qu'il connaît - en dehors de quelques cas d'hubris comme son jugement sommaire contre son ancien Nemesis Rawls).

    Le fait qu'on soit formé à étudier des textes de grands penseurs et à décortiquer leurs arguments devrait donc pouvoir aider en partie au journalisme.

    En même temps, la philosophie, dans ses grandes généralités, a du mal à se défaire de jeux de mots et de jeux rhétoriques qui rappellent que ce n'est pas un simple hasard historique si la philosophie est née en critiquant les sophistes : le sophiste est un ennemi si intime que c'est un risque constant de succomber aux attraits de la rhétorique. En ce cas, ce n'est guère mieux que les Libés des écrivains, souvent très inégaux. Au pire des cas, cela donne les généralités du journalisme, la rigueur factuelle en moins. Le manque de recul sur l'actualité fugace conduit à parler en chaire avec moins de prudence que le journaliste le moins objectif.

    Le test devrait donc être non pas seulement de s'appuyer sur des connaissances historiques et philosophiques en commentaire de l'actualité mais d'en tirer des analyses qui ne soient ni des paradoxes brillants mais vides ni de simples reformulations en plus obscur d'opinions communes.

    Je ne suis pas sûr, sans vouloir trop en rajouter dans le rire de la servante thrace, dans la misologie facile et dans le ressentiment anti-intellectuels contre ceux qui au moins tentent d'affronter ce risque, que la majeure partie de ce numéro n° 8561 des Philosophes échappe à ces deux écueils, pour en rester finalement à un sens commun, en un peu plus vain.

    La plupart des articles me semblent au niveau moyen de ce que j'attendrais d'un blog d'un citoyen non-philosophe mais cultivé et ne me semblent pas apporter quelque chose en plus à un honnête homme.

    Prenons quelques articles plutôt réussis, que je ne trouve pas tous en ligne hélas.

    Il y a un sujet d'actualité sur l'Histoire (p. 12), problème philosophique classique : celui sur les Commémorations. C'est un des rares cas où Libé a mis une sorte de débat entre deux articles, ce qui rend tout de suite la question plus problématique et plus intéressante.

    Le philosophe moral Ruwen Ogien dit qu'il désapprouve l'argument de la Commission Kaspi selon laquelle "trop de commémoration tue la commémoration" et que cela n'est pas prouvé (ou plutôt la converse n'est pas prouvée : moins de commémorations ne vont pas forcément les renforcer). Je crois qu'il a raison de réagir à l'humeur actuelle (qui est elle-même une réaction contre l'instrumentalisation de l'histoire) mais ici sa fonction est donc purement critique (il montre seulement que l'argument n'est pas établi, pas qu'il est faux). Puis, Charles Pépin rappelle les enjeux du débat chez Nietzsche dans les Considérations inactuelles : un excès de mémoire historique peut être aussi un effet et une cause de Ressentiment, nous sommes malades de l'obsession pour notre Histoire. Pépin dit que le rapport Kaspi semble plutôt dénoncer la nature communautariste des commémorations, plus que leur quantité. On n'aura pas vraiment de solution mais on a un peu mieux entrevu quelques éléments du débat. Cependant, la plupart des textes récents de Ricoeur ou Derrida sur les guerres de la mémoire, le pardon, la culpabilisation, ne me semblent finalement pas vraiment remettre en cause un cliché de bon sens qu'on entend dans la rue, du genre "Pardonner sans oublier", "Se souvenir sans en tirer du ressentiment".



    J'en viendrais presque à espérer par impatience que quelqu'un trouve un subterfuge neuf pour exalter la culpabilité ou bien au contraire l'amnésie totale comme amnestie (mais c'est difficile après l'idée de refoulement). [Il y a un petit article traduit de Zizek (à qui on peut faire confiance d'habitude pour soutenir une position absurde en disant qu'elle est raisonnable ou bien une position très classique en prétendant qu'elle est un paradoxe absolu) et ici il dit juste que la fonte des Pôles est une catastrophe (ce qui ne va pas vraiment remettre en cause nos intuitions à part si vous êtes Sarah Palin).]

    En revanche, je ne vois pas vraiment ce que Zarka apporte (p. 14) à la question de savoir si l'Assemblée doit ou non orienter nos Manuels d'histoire (il propose des "autorités pédagogiques indépendantes" mais n'est-ce pas déjà le cas des Programmes nationaux ?).

    Prenons un autre article sur le Monde, sur l'élection de Nir Barkat (de Kadima, ex-Likoud) comme maire de Jérusalem. L'article (p. 10) est écrit par Rémi Brague. Brague est un spécialiste de philosophie médiévale latine et arabe, catholique très érudit et connu pour ses sarcasmes (en gros, un Alain de Libéra de droite). Il a de toute évidence reçu une dépêche disant que Nir Barkat est une maire "laïc" et il ne veut pas vraiment parler d'Israël, mais plutôt de nos propres termes dans nos repères grecs et latins pour en parler (Rome et Athènes derrière notre perception de Jérusalem). C'est de bonne guerre que de choisir son sujet sur ce qu'on connaît le mieux en refusant la question "positive" (historique, politique et sociale).

    Il veut déconstruire la Laïcité et les illusions modernistes. Il ironise sur le terme "laïc" car le λαός est le Peuple saint comme partie de l'Eglise, comme "partenaire de l'Alliance". On reconnaît la tactique habituelle de la critique philosophique : l'anti-métaphysique est de la métaphysique, la laïcité comme neutralisation de l'espace public est un déni de sa propre essence théologico-politique. Puis il fait un second jeu de mot (dont il avoue lui-même que ce n'est qu'une "étymologie grinçante" - le ton constant chez Brague, qui me semble peu charitable, est toujours une irritation impatiente à l'égard d'un entourage de personnes qu'il juge être des crétins). Nir Barkat n'est donc pas "laïc", c'est plutôt un maire "séculier" mais le séculier, c'est ce qui est dans le Siècle et c'est ce qui ne dure pas. Sous-entendu, la sécularisation du religieux n'a été qu'un moment temporaire et les horizons de l'éternité finissent par l'emporter sur une modernité aveugle à sa propre origine spirituelle. Ah, ah, on doit trouver cela très drôle dans Communio.



    Ici, je ne vois qu'une rhétorique brillante et savante qui cherche à changer le sujet et brouiller la question. C'est une distinction de mots sans grande différence. Cela n'apporte rien par exemple à la question sous-jacente du "profane" pour un Etat juif. Il propose le terme "profane" comme traduction d'un vocable hébreu mais je ne vois pas vraiment ce qu'on gagne à ce mot qui s'installe tout autant dans la négation de ce qui est délimité dans le sacré. Or le problème de ces municipales dans une ville si symbolique n'est pas seulement religieux et un des enjeux de la candidature d'Arcadi Gaydamak (qui n'eut certes que 3,6% et échoua dans sa coalition hétéroclite) n'était pas seulement "juifs religieux" (comme les Haredim) contre juifs moins orthodoxes, mais aussi juifs d'origine russe essayant une alliance paradoxale avec les Arabes israéliens contre les juifs sépharades et certains Haredim d'origine lithuanienne. L'adversaire principal de Nir Barkat, Rabbi Meir Porush, est un juif ultra-orthodoxe Haredi qui descend d'une famille de Jerusalem qui était déjà présente bien avant la fondation d'Israel, et il a perdu à environ 42% contre 50%, ce qui signifie sans doute que tant que les Arabes ne votent pas, les Haredim sont de plus en plus le groupe décisif dans la Ville (sauf si les partis de gouvernement comme Kadima réussissent à maintenir la division des ultra-orthodoxes).

    Je ne parlerai presque pas des articles sur le PS et Royal. Aucun ne m'a apporté quoi que ce soit, se contentant, comme nous le faisons tous, de déplorer la situation générale. Certains défendaient Royal comme un renouveau démocratique ( notamment en raison de la "démocratie participative" - Nicole Dewandre, qui défend Royal au nom de son sexe (et Martine Aubry alors ?) est une ingénieure belge qui travaille maintenant sur les questions féminines dans l'administration pour l'Union européenne et je n'ai pas vraiment été convancu) et d'autres attaquaient Jean-Luc Mélénchon (ce qui pourrait faire plaisir mais les arguments ne me semblaient avoir aucune force et aucune précision, se contentant de dire que sa critique à gauche était un signe de désintégration, ce que n'importe qui aurait dit). D'autres font de la sémiotique à la petite semaine ("il faut que le PS fasse rêver") ou donne des conseils tactiques qui reviennent à nier le problème politique interne ("commencez par insister sur ce qui vous unit contre Sarkozy !"). Un article dit que Royal a échoué dans sa tentative de récupération du national et que la solution est un libéralisme de gauche comme contre-pouvoir contre les abus du régime sarkozyen, mais n'est-ce pas en gros aussi ce que dirait le courant Royal ? Quel est le gain théorique ou pratique ?

    Ah, sinon, S. Laugier, la spécialiste cinéphile de Stanley Cavell, nous conseille de regarder dans la rubrique télé soit Cold Case soit The Green Mile, soit Knocked Up ce soir (franchement, dans le dernier cas, je ne suis pas sûr mais j'ai du mal sur l'embarras social). Et elle dit que le téléfilm PU239 (Plutonium) n'est pas une référence au §239 des Philosophischen Untersuchungen de Wittgenstein. Ce serait presque une blague gratuite et ratée digne d'un blogueur, non ?

    Profession de foi et sécularisation



    Cette longue interview d'Obama sur sa religion chrétienne me laisse un peu perplexe.

    Je ne voudrais pas projeter trop mes idées d'athée virulent et supposer que parce que la croyance me paraît irrationnelle tout politicien intelligent ne pourrait que partager mes propres préjugés. Il y a toujours un danger dans la lecture d'une "écriture cachée" comme celle des disciples de Leo Strauss. Dans certains cas, c'est du bon sens (Hume est vraiment ironique et irréligieux malgré sa prudence, Hobbes doit être nettement moins chrétien qu'il ne le prétend dans certains passages qu'il dément ailleurs). Mais dans le cas d'un individu, et non d'une oeuvre close, nul ne devrait se poser en juge des consciences (même s'il est difficile de ne pas interpréter).

    Obama insiste sur le fait qu'il est Chrétien, ses grands parents et sa mère étaient en gros des Chrétiens unitariens tolérants d'origine protestante (baptiste et méthodiste du Kansas).

    Il n'a guère été influencé par l'Islam de ses aïeux kényans (son père était agnostique et n'a de toute façon pas eu d'influence sur lui si ce n'est par son absence). Il ne passa que 4 ans en Indonésie de 6 ans à 10 ans (67-71) et fréquenta deux écoles, une catholique et une pesentran à majorité musulmane (qu'il oublie souvent de mentionner, ce qui alimente les théories du complot de la droite insensée qui croit y voir un endoctrinement), mais il dit avoir suivi le catéchisme catholique. Il ne cache pas qu'il eut une certaine affection dans sa jeunesse pour Malcolm X (qui fut d'abord dans la secte très hétérodoxe noire Nation of Islam, avant d'aller vers un Islam sunnite plus universel).

    Obama a une adolescence agnostique puis il se dit même dans l'interview "born again" quand il commence la politique à Chicago. Il redevient progressivement chrétien depuis les années 80 en rejoignant la Trinity United Church of Christ de Chicago. Mais on ne peut s'empêcher de trouver toujours son christianisme très peu "évangéliste", et presque déiste/rationaliste quand il dit qu'il voit Jésus comme une figure historique et un mentor surtout éthique (ce qui serait en gros la position du déiste Jefferson ou celle de la Profession de foi du Vicaire savoyard de Rousseau, Jésus comme Socrate, à condition d'abandonner les Mystères).

    Même quand il dit qu'il prie souvent, il commente l'acte de prière plus comme une sorte de délbération morale ("trouver mon compas moral") que comme une expérience mystique. Il est pro-choix, parle de séparation de l'Eglise et de l'Etat (alors que son programme prévoit d'augmenter l'aide aux organisations caritatives religieuses, ce qui plaît beaucoup aux Eglises), du fait que les dirigeants ne doivent pas justifier leurs décisions par un Mandat divin (ce qui est une attaque directe contre Bush et la droite chrétienne) et qu'il est avant tout pour la Tolérance.

    Il a une formule qui devrait aller de soi pour un Unitarien mais qui doit en fait horrifier de nombreux Evangélistes dans son oecuménisme : il ne peut pas imaginer Dieu condamner la majorité de l'Humanité à l'Enfer seulement parce qu'elle n'a pas "accepté Jésus comme son Sauveur Personnel" (la formule est devenue le seul Crédo des Evangélistes). Cela peut sembler raisonnable mais je doute que la plupart des Chrétiens, qu'ils soient calvinistes ou catholiques (en dehors du message oecuménique d'Assise), puissent accepter que leur Crédo est aussi optionnel pour le Salut par rapport aux Oeuvres. C'est une idée typiquement "unitarienne-universaliste".

    Quand il cite ses héros, le Mahatmah Gandhi (vishnouiste tolérant), Lincoln (qui fut sans doute vraiment un Chrétien même si la question est controversée) et le Révérend King, on constate que seul le dernier est une figure vraiment d'un religieux chrétien, et encore que le Christianisme paraît avant tout à Obama comme une figure morale pour le combat des Droits civiques.

    Une des grandes forces d'Obama est d'avoir su jongler sur la question religion/race aux USA. On oublie à quel point les dirigeants des mouvements noirs préféraient le Clan Clinton au début contre lui. Obama a dit qu'il n'était pas avant tout un Noir américain et s'est clairement opposé au Révérend Jesse Jackson sur ce point. Les attaques de Jackson contre lui puis son ralliement expiatoire furent d'ailleurs très positifs pour renforcer cette image du candidat post-racial. Ce fut son Sister Souljah Moment, mais en moins amer ou diviseur puisqu'il n'eut même pas besoin de répudier Jackson et qu'il put en tirer profit tout en le conservant à ses côtés.

    De même, quand le public prit connaissance des "jérémiades" de son pasteur Jeremiah Wright (qui ne font souvent que reprendre pour l'Amérique ce que les Prophètes d'Israël et Juda disent sur Jérusalem, ville condamnée mais parce qu'elle est sainte), il sut admirablement transformer ce "problème" en une force. Il est vrai qu'il eut de la chance dans la chronologie : si cela était sorti plus tôt, les Clintons auraient pu le détruire dès l'Iowa et il aurait perdu les Primaires, et si cela était sorti plus tard, McCain aurait pu mieux l'utiliser contre lui avant qu'il ne puisse contre-attaquer avec son meilleur discours, A More Perfect Union.

    En dehors même de la joie qu'on ressent devant un Président américain qui sait vraiment écrire et prononcer un discours, tout amateur de rhétorique politique, quelle que soit son idéologie, ne doit pas pouvoir s'empêcher d'admirer le fait que ce fut un Discours - et non pas simplement des petites phrases, clips, YouTube et slogans - qui joua ce rôle (même Frum, le rédacteur des discours de Bush, ne cache pas que dans la forme il fut très impressionné). Obama est l'un des meilleurs orateurs qui sachent utiliser un style qui puisse faire penser au talent de Lincoln.

    Rétroactivement, ce fut l'un des moments-clefs (en dehors du contexte de la Dépression et les propres faiblesses de l'adversaire) où il sut non seulement désamorcer le piège qui aurait coulé sa campagne mais même le retourner, ce qui fut peut-être une raison pour laquelle McCain sembla si réticent à utiliser le révérend Wright (en dehors de quelques associations républicaines dans certains Etats).

    ll se posa à la fois comme l'héritier du combat des Droits civiques et comme celui qui devrait l'accomplir en le surmontant, celui qui devait le "séculariser". Séculariser, transmettre du Régulier spirituel vers le Siècle mondain, comme le rappelle le philosophe Jean-Claude Monod, La querelle de la sécularisation. De Hegel à Blumenberg, 2002 est un terme ambigu qui prend la relève de la religion mais en la faisant entrer dans la politique. Cela reviendrait à ce que Hegel appelait une "Aufhebung" de la religion (dépassement dialectique mais aussi intégration), de l'Evangélisme aux Droits de l'Homme.

    Obama se présentait comme la Génération de Josué après celle de Moïse. Moïse était Martin Luther King, mais en fait aussi Malcolm X, en une synthèse de ces deux opposés, le Chrétien de l'intégration et le Non-Chrétien de la séparation. Obama était celui qui arrive à la Terre Promise sur la Maison blanche, l'accomplissement des Prophéties dans la politique concrète, après le temps des Prophètes.

    Cette expression faussement modeste ("Je suis sur les épaules des Géants") aurait pu être très dangereuse et relancer encore l'attaque de Messianisme arrogant ("Je ne suis pas un prophète, mais le prophétisé" - McCain n'était pas complètement paranoïaque en trouvant qu'Obama se comparait un peu au Christ après Jean le Baptiste). D'ailleurs la Génération de Josué est aussi une expression de la Droite religieuse comme passage de l'Eveil évangélique vers la Théocratie politique (et une association d'éducation religieuse fit même un procès en déclarant posséder la marque "Joshua Generation").

    Bush II était un born-again, qui semblait sincère du moins dans la volonté de sortir de certains de ses troubles privés comme l'alcoolisme, mais il prenait ses distances vis-à-vis de son ancienne Eglise méthodiste, qu'il devait juger comme pas assez conservatrice. Il pouvait se permettre cette absence d'Eglise parce que les Protestants lui faisaient confiance (mais le vote évangéliste a représenté une part encore plus importante pour McCain dont ils se défiaient mais qui avait pris Palin pour leur plaire).

    Obama savait qu'il ne pouvait se permettre une telle absence d'Eglise comme il était inconnu et exotique, et malgré les dangers d'une Eglise qui aurait paru trop "chrétienne de gauche", il sut en profiter pour sa carrière dans l'Illinois sans que cela ne nuise ensuite pour sa carrière nationale.

    Son talent et sa chance furent de paraître assez inconnu pour représenter un vide dans lequel l'électeur pouvait se projeter (Hope & Change) mais pas assez inconnu pour en devenir inquiétant (la Crainte du risque était la stratégie choisie par la Campagne McCain). Au contraire, il sut paraître rassurant tout en appelant au Changement, contrairement à la prétendue "Rupture Tranquille" qu'essayait Sarkozy et qui restait anxiogène.

    Add.

    En parlant de "projection" interprétative, Stanley Fish, célèbre spécialiste d'herméneutique et de John Milton, voit dans le succès d'Obama un écho de Jésus dans le Paradis Perdu, victoire d'une sérénité surnaturelle sur le cercle vicieux des attaques personnelles. La comparaison avec Fred Astaire (ou Monsieur Spock) me parle un peu plus.