dimanche 30 août 2009

Elections législatives japonaises



Je n'ai plus parlé de politique japonaise depuis l'arrivée au pouvoir en septembre 2007 de Yasuo Fukuda. Il faut dire que la politique japonaise est l'une des plus ennuyeuses de toutes les démocraties. Fukuda avait à l'époque battu à l'intérieur du Parti conservateur le plus charismatique et plus à droite Tarō Asō, qui lui succéda comme Premier ministre exactement un an plus tard.

Il semble donc d'après les sondages que ces élections législatives du 30 août 2009 vont enfin voir une alternance nette et peut-être même une victoire écrasante de l'Opposition.

Il y avait déjà eu la dernière fois une brève Coalition d'août 1993 à janvier 1996 (et encore, le Parti social-démocrate avait fait coalition avec le Parti libéral-démocrate pendant le gouvernement de Tomiichi_Murayama depuis juin 1994, ce qui les avait durablement décrédibilisé : un peu comme si DSK s'alliait à l'UMP contre le MoDem).

L'avantage de l'alternance - même symbolique si les programmes sont assez similaires - est que le pays a une chance d'atteindre enfin un système à deux partis alors que les coalitions de l'Opposition n'ont jamais réussi à lutter longtemps contre le Parti libéral-démocrate (Jiyū-Minshutō, PLD) de l'oligarchie japonaise, le Parti conservateur le plus continûment au pouvoir de toutes les démocraties de la planète (sauf si on comptait le Mexique comme une "démocratie").

Le Parti démocrate du Japon (Minshutō) a été formé en 1998 sur les ruines de la brève coalition de 1993-1994. Le Parti démocrate (PDJ) a d'anciens membres centre-droit du PLD mais se veut plus "social-démocrate" (le vrai Parti social-démocrate (Shakai Minshu-tō) a glissé dans l'obscurité à cause d'une position trop pacifiste et conciliatrice vis-à-vis de la Corée du Nord, atteignant seulement 7 sièges). Le PDJ a aujourd'hui 113 sièges sur 480 à la Chambre des Représentants (Shūgiin) et est devenu majoritaire à la Chambre Haute de la Diète (Sangiin).

Tarō Asō, 69 ans, le dirigeant du PLD, appartient à la haute aristocratie du Japon, et a même des liens avec la famille impériale. Son arrière-arrière grand-père, "le dernier Samourai", dirigea la modernisation du Japon à la fin du XIXe siècle et son grand-père fut Premier ministre après la Guerre. Asō est d'ailleurs Catholique comme ce grand-père (1% des Japonais se disent chrétiens aujourd'hui). Il hérita d'un empire industriel (bâtiments et mines, des prisonniers de guerre travaillèrent même dans ses mines pendant la Seconde Guerre mondiale) et il est connu pour des propos radicaux et militaristes, contre toute demande d'excuses pour l'impérialisme japonais.

Yukio Hatoyama, 62 ans, dirigeant du PDJ, est le petit-fils d'un Premier ministre PLD dans les années 50 (rival du grand-père de Tarō Asō) et fils d'un ministre PLD des Affaires étrangères. Il hérite d'un empire industriel (les Pneus Bridgestone) et son petit frère Kunio Hatoyama est entré en politique avant lui. Hatoyama fut longtemps universitaire avant de succéder à son père sur l'île d'Hokkaido. Hatoyama quitta le PLD en 1993 (Kunio l'a rejoint avant de revenir au bercail en 2000), l'année de la coalition centre-socialiste, et il fut l'un des fondateurs du PDJ, dont il représente une des factions dominantes au centre-droit, même si son Parti démocrate semble bien avoir évolué plus à gauche (ce qui expliquerait en partie que son frère Kunio Hatoyama soit devenu Ministre de la justice de Tarō Asō). Yukio Hatayama devient chef du PDJ en mai 2009 quand son prédécesseur doit partir pour corruption et va donc sans doute devenir le nouveau Premier ministre sans trop dépendre des hasards d'une coalition.


(Yukio Hatayama avec le programme de son Parti)


Autrement dit, un héritier richissime ex-PLD va succéder à un héritier richissime PLD. Mais c'est pourtant une rupture politique.

Le Japon traverse une longue crise qui a commencé bien avant la Récession actuelle. La population de 127 millions d'habitants vieillit et va décroître (Hatoyama a promis une hausse des allocations familiales de 26000 ¥ (200 €) par mois). Le chômage est à un sommet historique à 5,7%. L'Etat japonais est le pays industrialisé le plus endetté du monde (avec une dette publique qui représente entre 175% et 200% de son PIB, la France ou les USA sont à 60-65%, l'Italie à 105%), mais il y a des réserves de capitaux et d'épargne.

Le PDJ n'a pas de réforme révolutionnaire en dehors du discours Obama sur le Changement mais promet un soutien au protectionnisme agricole et une hausse du salaire minimum (qui varie selon les secteurs autour de 5000¥ par jour, 37€, soit environ la moitié du nôtre).

Asō a essayé de gêner Hatoyama et le PDJ en interdisant la campagne sur Internet, parce que l'électorat PDJ est plus jeune. Mais même l'électorat centre-droit semble enfin prêt à tenter le Changement contre le monopartisme.

Le système est un mélange de proportionnelle et de majoritaire à un tour : sur les 480 sièges, 300 sont des circonscriptions uninominales comme dans le système britannique et 180 (37%) viennent de 11 grandes circonscriptions au scrutin de liste proportionnel. Le PDJ pourrait gagner jusqu'à 240 circonscriptions (contre 52 en 2005) et près de 90 au système proportionnel (contre 61 en 2005).

On s'attend (d'après ce sondage) à ce que le PDJ passe de 113 sièges à plus de 300 sur 480. Il n'aurait donc même pas besoin d'attirer le petit parti centre-droite Kōmeitō du mouvement bouddhiste Sōka Gakkai, ni le Parti social-démocrate, désormais complètement marginalisé derrière le Parti communiste. La vraie rupture n'est donc pas seulement qu'il y ait alternance mais qu'elle se fasse autour d'un seul Parti d'opposition, bien plus unifié que les coalitions précédentes.

2 commentaires:

  1. Bon, le Minshutō a gagné. Le rêve de Bayrou se réalise au Japon : un parti centriste qui a absorbé une fraction de l'ancien PS et recyclé plein de personnalités de droite remporte les élections.

    Au fond, c'est un peu le même schéma qu'en Italie: une première phase avec un parti de droite ultra dominant (la DC en Italie le PLD au Japon). Puis, une gauche divisée qui finit par estimer que sa seule chance d'accéder au pouvoir est de disparaître en s'alliant à une partie de la droite dans un parti centriste.

    Pour le moment le scrutin majoritaire préserve la France de cette évolution.

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  2. Oui, bonne analogie entre Italie et Japon qui ont connu le même monopartisme avec une ooposition trop dispersée. Si ce n'est que l'évolution de l'opposition italienne ne semble pas encore aussi réussie qu'au Japon, malgré un système qui est fait pour favoriser une coalition très unie.

    Il y a en effet peu de chances que cette évolution se déroule en France, c'est pourquoi Bayrou (qui n'a pas une structure centriste assez puissante) mise plus sur les Présidentielles que sur une alliance législative.

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