SPOILER ALERT
SPOILER d'Action Comics #900
Le numéro d'Action Comics #900 publié hier a de quoi rendre (encore plus) hystériques les Républicains et conservateurs qui avaient déjà hurlé quand le Faucon s'était moqué des Tea Parties (Captain America #602), quand un personnage du dernier film Superman avait dit "Truth, Justice and all that stuff" ou quand un allié de Batman avait été un Français d'origine algérienne ( Detective Comics Annual #12).
Cette fois, dans ce numéro spécial de 96 pages (dans un scénario de David Goyer, l'auteur du film The Dark Knight de 2008, qui prépare aussi un nouveau film Man of Steel), Superman, soutenant des manifestants iraniens et étant attaqué par le régime de Téhéran comme un pion de Washington, annonce qu'il renonce à sa citoyenneté américaine pour ne plus être vu seulement comme "un instrument de la politique US". Je ne suis pas vraiment sûr en quoi cela va renforcer la cause de l'opposition iranienne mais c'est un signe intéressant pour le superhéros originel.
De même que les comics tuent les personnages tous les ans pour mieux les ressusciter ensuite, j'imagine déjà que cette histoire sera annulée un an après, après une suite d'épisodes nauséeux où Superman se reconnectera avec le coeur du Kansas profond ET avec l'Amérique Réelle de son enfance, blablabla.
Mais en attendant, passez moi le pop corn pour voir tous les Frank Miller des comics s'étrangler que DC Comics est sous le contrôle d'élitisteslibérauxmondialisés cosmopolites dhimmibobo qui haïssent les tartes au pommes et les Vraies Valeurs Familiales (curieusement, John Byrne, que j'imaginais plus bouillant, a l'air de s'en moquer).
Add. Les fans explosent de rage de manière stupidement prévisible mais je suis déçu par la réaction de la plupart des trolls sur Fox News Nation, qui disent en gros, bon débarras, c'était un immigré "sans papier" (il se peut que ce soit une parodie). Le nativisme des Birthers a l'air de l'emporter sur l'appropriation de ce vieux symbole de 1938 qu'ils doivent juger trop lié à Franklin Delano Roosevelt...
Add. 2
J'avais oublié mon vieux post : Superman avait déjà accepté la nationalité de tous les pays de l'ONU dès Superman #146, July 1961 (reconfirmé dans une nouvelle version de ses origines dans Amazing World of Superman #1 (1973) / Limited Collectors' Edition Vol 1 C-31 (nov. 1974)).
Via The Guardian, un Conservateur (qui connaît assez les comics pour dire que cela ne va durer) en tire un argument moral sur la nécessité de l'enracinement. L'identité de Superman serait tellement liée à sa dévotion morale à l'Amérique que s'il prétendait la dépasser dans le cosmopolitisme, il ne pourrait que basculer dans le nihilisme et ne plus avoir aucun trait individuel et de limites morales en raison même de son immense pouvoir :
Why is it stripping Superman of his American-hood so stupid? Because without it, he’s Doctor Manhattan. (...) Once he’s a “citizen of the universe” what, exactly, will he believe in? Heck, what does “citizen of the Universe” even mean? Will Superman now adhere to the Tamaran code of honor? Will he follow the Atlantean system of monarchy? Does he believe in liberté, égalité, fraternité, or sharia? Does he believe in British interventionism or Swiss neutrality? You see where I’m going with this: If Superman doesn’t believe in America, then he doesn’t believe in anything.
And if an invulnerable demigod doesn’t believe in anything, then what he really believes in is himself—his own judgments, foibles, preferences, and partialities. At which point he is drained of every last bit of dramatic interest. He’s Doctor Manhattan and all he can do is exile himself to the moon and let the little people carry on with the hurly-burly of earth.
La fin serait presque une formulation communautariste du Soi moral, qui doit s'attacher à sa situation contingente pour ne pas devenir un individu abstrait. Il cite Madison mais on peut aussi penser au célèbre texte de Jean-Jacques Rousseau dans l'Emile, Livre I où il dit "Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins." (texte qu'on adore citer aujourd'hui, du socialisme tory de Michéa à la réacosphère zemmourienne, dans des utilisations parfois très discutables, comme si le cosmopolitisme hypocrite abstrait de "salon" devait suffire à prouver la valeur définitive des formes de nos Etats-Nations)
Mais je ne suis pas sûr de voir la force de l'argument de "l'Enracinement" : Kal-El peut se dire influencé par la condition américaine du XXe siècle (il ne désavoue pas ses parents du Kansas), garder le souci d'un sujet moral intègre, sans demeurer légalement soumis au gouvernement usonien. Même si on concédait pour l'argument que le pouvoir immense de Superman le rendrait moins intéressant sans ses repères moraux, son nouveau caractère apatride n'en ferait pas pour autant un solipsiste. Ce serait sa responsabilité même de ne pas se limiter à l'instrument d'un gouvernement quelconque.
Mais j'arrête là, comme disait VfV sur Ozymandias, les situations des comics sont si extrêmes et absurdes (que devriez-vous faire si vous étiez vous-même une Arme de destruction massive absolue ?) que ce sont finalement des métaphores qui ne sont pas si intéressantes pour des discours prétendument "politiques".
De Vrais Avocats discutent la nationalité de Kal-El, immigré et la modalité de la "Renonciation" : son alter ego Clark Kent demeure-t-il américain si Kal-El renonce à sa nationalité ??
RépondreSupprimerCe qui me gêne le plus, c'est que l'on ne soit même pas sûr que tout cela soit "canon", et peut être que ce n'était qu'un teaser pour le film de goyer à venir, ou un simple "backup" pour un numéro anniversaire. C'est même plus probable, vu la discrétion de DC sur l'affaire, non ?
RépondreSupprimerSur le fond de l'affaire, c'est vraiment le gros problème des superhéros, que du fait des conditions de leur naissance ils sont en permanence pris entre la défense de l'humanité globale et des décors/histoires à 99% américano américaines (c'est pourquoi Batman Inc. est vraiment bienvenu). Quand la grande association de superhéros s'appelle JLA,
Nekron, le dieu de la mort, vient s'installer à Coast City, et que Star City est le lieu où toute vie sur Terre est sauvée, difficile de ne pas voir la myopie américaine en jeu.
autre commentaire intéressant : http://blog.newsarama.com/2011/04/29/three-thoughts-about-supermans-us-citizenship-shocker/
Le déracinement supposé de Super-man n'est -il pas faussé par les fondements "enlighted" de la SDN moderne à laquelle seule il rendrait alors des comptes ? On peut pragmatiquement/américainement douter de l'action morale de l'ONU, homme malade du monde global, (et faire la vendetta en Irak) mais on ne peut en nier les prémisses.
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