C'est le moment difficile des confessions.
Je déteste Lovecraft. Non, pas seulement l'individu nazi, lui, tout le monde le déteste. Non, je commence aussi à saturer de son oeuvre, de ses prétendus pseudo-"dieux" en ET géants avec l'intelligence d'un blob de Kaiju et des noms orientalistes forgés par un antisémite pour rejeter dans l'Altérité radicale tout ce qui n'était pas WASP de Providence. En fait, le seul truc que je sauverais de tout Lovecraft, ce sont les BD d'Andréas comme Rork...
La culture populaire (et pas seulement les jeux de rôle) sur-utilise tellement le Mythe Lovecraftien qu'elle finit même par lui porter préjudice. Je crois qu'on exagère un peu son originalité (qui fut de fonder l'Horreur non plus sur le Gothique religieux mais au contraire sur un nihilisme athée - le Néant à la place du Diable) mais elle a existé (et de même, tout le monde reconnaît que les jeux de rôle cthulhuoïdes avaient la grande vertu d'avoir les meilleures aventures à une certaine époque aux origines - notamment les aventures courtes dans les revues).
Mais on revoit tellement Cthulhu partout qu'il finit par être plus un gag récurrent qu'une angoisse métaphysique. D'ailleurs, j'imagine que les vrais fans d'Horreur s'en détournent parce que toute la structure des scénarios est devenue trop caricaturale et répétitive.
Regardez ce comic book de Zorro sorti récemment. C'est peut-être très bien fait, je ne l'ai pas lu mais je n'ai même pas la curiosité d'essayer. On demande aux auteurs de relancer Zorro, personnage vieux d'un siècle et qui est censé vivre encore un siècle avant et les scénaristes ne trouvent donc rien de mieux que de lancer le Robin des Bois de la Californie coloniale contre Cthulhu (personnellement, je l'aurais plutôt utilisé face au Mythe de William Blake, cela aurait eu plus de résonance entre Red Orc et Zorro).
Cthulhu est devenu maintenant une sorte de symbole d'un vide créatif où on l'insère n'importe où. Il est peut-être temps d'un moratoire, ne serait-ce que pour préserver le Mythe lui-même.
Cthulhu est devenu maintenant une sorte de symbole d'un vide créatif où on l'insère n'importe où. Il est peut-être temps d'un moratoire, ne serait-ce que pour préserver le Mythe lui-même.
Bienvenue au club ! :-)
RépondreSupprimer(mais je suis certainement beaucoup plus "radical" que toi)
Et effectivement, le Ketulu foutu partout à toutes les sauces me gonfle prodigieusement. Il va même y avoir un livret spécial Ketulu dans le nouveau Laelith (s'il parait un jour...). :-(
J'ai encore de la nostalgie pour les premières aventures que j'aie pu lire dans les magazines de jeu de rôle, peut-être parce que c'était la première fois que je lisais de l'enquête.
RépondreSupprimerMais un défaut de l'Horreur depuis les débuts de ces scénarios en jeu de rôle est que c'est souvent très dirigiste. J'ai même vu des MJ vanter le fait que cela relevait d'un plaisir masochiste du joueur que de se laisser abandonner à des manipulations du MJ. Il serait peut-être plus angoissant de laisser bien plus d'indétermination au lieu d'une simple quête aux indices pour empêcher l'Invocation du Méchant.
De ce côté, je trouve que Les Masques de Nyarlathotep sont finalement assez décevants, à part quelques épisodes un peu inquiétants. On peut changer l'ordre de certaines séquences mais cela reste assez prévisible.
Les vieux modules bac à sable de Traveller ou dans une certaine mesure Griffin Mountain étaient au contraire fondés sur des contextes ouverts.
Le running gag Cthulhu n'est même plus drôle depuis longtemps, et en effet, en termes de jdr, malgré des collections sans fin de beaux bouquins, l'intérêt du truc est quasi-nul. Dommage tout de même, de se brider ainsi l'imagination pour cause d'intouchabilité du "maître".
RépondreSupprimerMerci pour ton article, le crossover avec Zorro m'a fait sourire.
C'est dommage cette aversion, j'aurais bien aimé lire une critique de la dernière BD de Smolderen & Clérisse, justement intitulé "Une année sans Cthulhu".
RépondreSupprimerUn album qui se déroule dans l'univers des rôlistes (dans les années 1980).
Je suis sûr que sur ce blog, la critique aurait été très intéressante à lire.
Lovecraft écrivait des romans de gare "Pulp"... du coup c'est de l'Horreur facile d'accès, mais on s'y est tellement habitué qu'il est difficile de mettre côté l'esprit critique...
RépondreSupprimer"alors comme ça en Antarctique il y a une ville oubliée? Mouais..."
Tu as raison de dire que "les Masques" sont surestimés, mais c'est une campagne qui a 30 ans et qui répondait aux poncifs Indiana-Jonesiens de l'époque (archéologie-exotisme...). Je pense qu'il faut la voir ainsi.
Toutefois, ayant coécrit 3 scénars publiés pour AdC, je peux t'assurer qu'il est possible de briser le carcan, en mélangeant le Mythe et l'Espionnage ou le Mythe et les multinationales p.ex. Pense aussi à la révolution que fut Delta Green, et aux possibilités de Cthulhu Fin des Temps
> Patate des Ténèbres
RépondreSupprimerCela doit être possible de se renouveler en le prenant pour base mais cela paraît vain. Et même Alan Moore, qui doit quand même être le Meilleur de tous les Scénaristes, me paraît assez inintéressant quand il adapte du Lovecraft.
> artemus dada
Ah, je n'avais même pas vu passer cela. Il faudra que je regarde.
> Régis
Oui, tu as pu trouver des contextes et des époques moins usitées, ce qui crée de nouvelles atmosphères. Mais est-ce que le Mythe est encore utile ? (Je n'ai rien contre le système de CoC d'ailleurs).
Mais je suis de mauvaise foi car je ne dois pas trop aimer l'Horreur en général. Vermine, par exemple, me paraissait vraiment dérangeant par rapport à Cthulhu, mais cela ne me donnait pas très envie d'y jouer malgré toute l'originalité.
La surutilisation du Mythe, dont je suis effaré qu'elle puisse encore susciter autant de productions chaque année, effectivement, c'est généralement assez consternant. Le plus agaçant, c'est cette impression que la popularité de Lovecraft voile tout le reste du genre, souvent beaucoup plus intéressant (Machen, M. R. James, Campbell... pour ne rien dire d'Aickman) !
RépondreSupprimerCela dit, moi, le Mythe, je m'en fiche, mais j'aime bien Lovecraft. J'ai tout relu en anglais il y a sept ou huit ans, m'attendant à trouver ça fort mauvais, et ai été surpris de me retrouver très sensible à une authentique atmosphère onirique (malgré d'occasionnelles abominations stylistiques, bien sûr). Quelqu'un comme Ligotti, également, a su faire évoluer ça dans une direction extrêmement intéressante.
Et puis pourquoi refaire sans arrêt du Mythe? Ouais, il y a le manque d'imagination, la fixation un peu régressive sur ce qu'on a connu plus jeune, les tendances de la culture de masse en général et de la culture geek en particulier à recycler en permanence ses propres productions... mais pas seulement, je dirais. Quand tu vois que même Borges a écrit une nouvelle lovecraftienne (certes pas une de ses meilleures...) J'ai l'impression que pour un certain type d'esprit, tu ne peux pas lire ça sans te dire "Ohh, il y a une véritable Grande Idée, là-dedans, je vois ce qu'on aurait pu en tirer, ce serait si bien avec un écrivain à la hauteur!", et tu essaies de refaire le Mythe "comme il aurait dû être écrit".
Généralement, bien sûr, ça rate complètement.
Guillaume veux-tu écrire quelque chose là-dessus pour ptgptb.fr? on voudrait faire un ebook spécial Lovecraft en 2020. :)
RépondreSupprimersi oui contacte-nous à ptgptbvf chez free point fr
Je pense que Lovecraft est complètement incompris, d’un point de vue littéraire comme d’un point de vue rôlistique.
RépondreSupprimer1) C’était un immense écrivain, comme s’en rendent compte tous ceux qui le lisent en v.o.
2) Il utilisait le mythe de manière complètement décousue et incohérente, réutilisant les noms des déités et des ouvrages impies uniquement pour leur sonorité effrayante et pour ajouter une touche de mystère (comme RW Chambers avec Le roi en jaune et le Signe jaune). La grande erreur de Derleth et de ses épigones a été de vouloir systématiser quelque chose qui ne devait pas l’être.
3) Il était au fait de toutes les dernières découvertes scientifiques, et ses nouvelles sont toujours ancrées dans les tout derniers événements scientifiques. C'est pour cela que jouer à l’AdC dan les années 20 est un non-sens : pour respecter l’esprit de l’œuvre de Lovecraft, il faudrait jouer dans un environnement le plus contemporain possible [ce que fait Sandy Petersen dans ses one-shots au Kraken].