Et c'est le grand retour de... Valda, la Pucelle de Fer.
Si vous ne connaissez pas encore Valda et mes propres obsessions sur ce personnage d'Arak, il s'agit d'une guerrière du IXe siècle créée par Roy Thomas en se servant de sources originales, la Matière de France carolingienne (mais plutôt dans la version italienne de l'Arioste). Valda est la fille du chevalier sarrasin converti Roger et de la célèbre femme-paladin, Bradamante, elle-même sœur de Renaud de Montauban (et qui, dans cette version, est morte à Roncevaux avec d'autres Pairs de France). Le nom de Valda vient peut-être de Velleda, la prophétesse germanique du Ier siècle (sous Vespasien) ou bien de la druidesse gauloise inspirée de la précédente chez Chateaubriand au début du IVe siècle (sous Dioclétien). Son apparence est plus inspirée par Jeanne d'Arc même si elle vit 600 ans avant. Bradamante avait tenté de lui cacher le métier des armes (comme la mère de Perceval) mais Valda apprit le combat auprès du spectre d'Amadis des Gaules invoqué par son parrain Maugis l'Enchanteur (qui semble réconcilié avec l'Empereur). Devenue Chevalier à la Cour de l'Empereur Charlemagne, elle devint la compagne de l'Amérindien élevé par des Vikings Arak et l'accompagne dans son voyage de tour du monde, de l'Empire franc jusqu'à l'Amérique par l'Orient.
En dehors de ses aventures dans les cinquante numéros d'Arak (1981-1985) et de quelques apparitions pendant la Crise des Terres infinies (dans All-Star Squadron n°54-55 ou ensuite dans des flashbacks dans Young All-Stars 20 et encore récemment dans une scène représentant la Crise dans Justice League vol. 2, n°40, 2015), Valda est demeurée dans les Limbes des personnages oubliées. Depuis 35 ans, elle n'est (à ma connaissance) plus jamais réapparue avec un vrai rôle "parlant" (et aucune couverture depuis 1986), elle n'a eu droit qu'à des scènes d'arrière-fond avec des foules de personnages assez obscurs :
(1) dans War of the Gods n°4 (1991) uniquement comme une des zombies invoquées par Circé dans l'Hadès, sans qu'on sache si ce n'est pas qu'un simulacre.
(2) Comme cliente de l'Auberge inter-temporelle pour créatures surnaturelles (sans qu'on comprenne d'ailleurs bien pourquoi une guerrière carolingienne sans magie peut s'y balader), dans "l'Oblivion Bar", dans Day of Vengeance n°1 (2005), Shadowpact n°1 & n°5 (2006) et Teen Titans vol. 3, n°42 (2007).
Il est normal qu'elle n'apparaisse plus, même dans les histoires de voyages dans le temps. Les voyages temporels des histoires américaines ne vont guère (1) que dans la Préhistoire (2) l'Angleterre arthurienne (3) la Guerre d'Indépendance (4) la Conquête de l'Ouest (5) la Seconde Guerre mondiale. Les personnages de comics (à part Rip Hunter n°3, n°6 & n°8) n'ont guère de raisons d'aller à Aix-la-Chapelle sous Charlemagne...
Ici, la Valda qui apparaît à Wonder Woman est extraite de son époque sans doute avant d'avoir rencontré Arak, qu'elle ne mentionne jamais. Son épée est brisée en duel par celle de Diana, ce qui laisse donc penser qu'il ne s'agit pas de Floberge, l'épée de son oncle Renaud (mais je ne crois pas que Roy Thomas lui avait attribué une épée particulière - le singe Detective Chimp pourrait lui prêter l'Epée de la Nuit...). Valda a peu de traits singularisants et elle peut en partie être vue simplement comme une nouvelle version de la Red Sonja que Roy Thomas avait créé pour Conan, si ce n'est que Valda est un peu moins objectifiée que la Louve d'Hyrcanie.
Von Gunther & Devastation
Le scénariste Steve Orlando a commencé à reprendre WW depuis à peu près deux ans (Wonder Woman #51-55, 73, 82-83, 750 et Wonder Woman Annual n°3). J'avais trouvé son arc précédent sur Cheetah plutôt raté parce qu'il voulait seulement représenter Diana en martyr prête à se sacrifier pour sauver son ennemie/amie Minerva. Diana doit être différente de Superman et Batman mais les scénarios la réduisent souvent à ces thèmes d'amitié où ce sont finalement ses ami(e)s et son entourage qui sont détaillées à la place de Diana.
Le nouvel arc avec Valda voit aussi le retour de deux supervilaines : Paula von Gunther et Devastation.
La Baronne von Gunther est la plus célèbre et plus ancienne des amies / ennemies de WW, rattachée aux origines scabreuses de ce comic à l'époque où elle représente les fantasmes de bondage saphique de son créateur. Elle a commencé comme savante et espionne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale (Sensation Comics n°4, avril 1942), avant d'être vite convertie (Wonder Woman n°3, février 1943) et de rejoindre l'Île des Amazones comme une scientifique (on expliqua alors son comportement maléfique passé par le fait que sa fille Gerta était otage des Nazis). Les versions récentes de Von Gunther ont assez peu changé ces origines en dehors du fait qu'elle était plutôt une magicienne ou occultiste qu'une scientifique et qu'une version avait été possédée par une démone d'une autre Terre qui se trouvait être une "homologue" de Donna Troy, Dark Angel, et donc une copie de copie de Wonder Woman.
Depuis Wonder Woman Annual n°3 l'an dernier, Steve Orlando a recréé une nouvelle version de Paula von Gunther (appelée aussi "WarMaster") en inversant ses origines classiques.
Au lieu d'être une ex-Nazie devenue meilleure amie de Diana, cette Von Gunther était une jeune fille recueillie enfant par WW et confiée à des parents adoptifs. Elle devint une super-agente d'ARGUS (un des organisations secrètes détruites pendant le cross-over Leviathan et liée au nouveau Steve Trevor) mais découvrit ensuite que ses vrais parents avaient été des Néo-Nazis américains, tués lors d'une prise d'assaut de leur blockhaus, et que WW lui avait caché ses origines. Autrement dit, son parcours est à rebours de celui de l'ancienne Paula : une ex-amie de WW (et même quasiment une fille adoptive) devenue Nazie. Puis elle apprit qu'elle descend d'une lignée de Valkyries (dont Gerta, qui se trouve être son ancêtre et plus sa fille) qui sont dans une guerre de représailles contre les Amazones de Thémiscyra depuis des siècles.
Avoir choisi d'en faire une superposition de Nazie et de Valkyrie, peut mieux mettre en opposition non seulement deux sortes de guerrières mais aussi les idéologies (WW représente maintenant une sororité d'intégration) et les panthéons (la mythologie nordique étant un peu plus liée à l'imaginaire de l'extrême droite que la Grèce classique). Le fait que les Valkyries soient aussi des personnages positifs récurrents chez Marvel Comics est aussi un clin d'oeil.
En revanche, il y a un risque de redite comme la seconde Silver Swan (Vanessa Kapatelis) était aussi une adversaire de WW qui avait été quasiment considérée comme une fille adoptive qui se retourna contre elle en se considérant "trahie".
Devastation a été créée bien plus récemment (1999) comme une sorte de double inversé de Wonder Woman (ce qui est un des clichés de l'univers DC, de l'Anti-Flash à Bizarro). Deva a été créée comme un golem ou une "Pandora", tout comme Diana, mais par le Titan Kronos avec l'aide des autres Cronides, les autres enfants qu'il a vomis pour mieux lutter contre Zeus.
Entre Valda, qui sert ici à la fois d'archétype de Jeanne d'Arc et de la Guerrière d'Heroic Fantasy à la Red Sonja, Paula von Gunther qui renvoie plus à Brynhildr et Deva comme l'Autre ou l'Ombre de Wonder Woman, le scénario a l'air de préparer une convergence de femmes guerrières et je ne prévois pas encore bien quelles vont être les autres invitées (mais Silver Swan vient de réapparaître lors du numéro anniversaire du n°750).
Comme d'habitude avec Wonder Woman, je redoute toujours un peu que les adversaires et les autres personnages secondaires se substituent à Diana parce qu'elle doit rester avec une psychologie de perfection un peu formelle ou inhumaine (en dehors de quelques conflits parfois avec sa mère parthénogénétique un peu étouffante). Elle est certes décrite par des vertus, comme la loyauté en amitié ou le courage paradoxal de l'attachement à la paix dans la guerre (ce qui la rend finalement assez distincte des exigences plus martiales d'une Athéna par exemple). Une des rares choses que je regrette de l'un des multiples reboots récents était la période où elle était devenue la maîtresse de Superman, tant Steve Trevor (même en super-agent d'ARGUS) n'arrivera jamais à être assez intéressant pour fonder un ancrage pour WW.
Zut, je viens de lire mercredi 11 mars le n°753 qui conclut déjà cette histoire de manière hyperbâclée et je suis très déçu. Je retire toute recommandation qui pouvait sembler impliquer dans ce retour de Valda. Je me demande même si le scénariste a reçu des instructions improvisées pour hâter la conclusion, qui paraît complètement téléphonée en une ellipse ratée.
RépondreSupprimerLa deuxième partie voit un monstre (le taureau, qui est appelé Dragon sur la couverture) avec une armure "d'énergie quantique" et WW doit calculer assez vite le choc optimal pour que "l'énergie quantique" renvoie Valda dans son époque. A la place d'une histoire, on a une rapide question d'éthique où on se demande si WW aurait pu considérer comme juridiquement responsable une ressortissante du IXe siècle.
Au moins, cela me retire tout complexe sur la médiocrité de mes scénarios et de mes dei ex machina.
Quant à "WarMaster" (la nouvelle Paula Von Gunther) en Valkyrie qui joue sur l'imagerie nazie en se disant absolument non-nazie, alt-nazie ou post-nazie, elle a parfois des scènes ridicules où elle est censée être pleine d'autorité et de gravité mais où elle sonne quand même comme un cliché. Et WarMaster ne me semble pas un nom qui marche très bien, surtout que WW a déjà affronté tellement de fois Arès.
Ah, en passant, Valda dit à un moment qu'elle est "Charlemagne's Daughter". J'espère que c'est une métaphore (la Fille de l'époque carolingienne) car elle était clairement la fille de Roger / Ruggiero de l'Arioste !