samedi 26 octobre 2019

Salons


J'ai préféré la ComicCon au Salon du Fantastique ce week-end parce qu'il y avait Roy Thomas et que c'était mon rêve depuis mes dix ans de le rencontrer. Et la semaine prochaine, je serai (grâce à l'invitation d'un ami) aux Utopiales de Nantes.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Roy Thomas a eu une importance énorme dans l'histoire des comics.

Ce fut (pour le pire comme pour le meilleur) le premier auteur de comics à avoir commencé sa carrière comme fan de comics de l'Âge d'or avant d'avoir été auteur, ce qui lui donnait un rapport très différent des auteurs de la première génération qui étaient des auteurs frustrés qui s'étaient rabattus sur les comics par défaut. Thomas a fait des études d'Histoire et il a un rapport assez encyclopédique et érudit à la culture et au parasitage de cette culture dans les comics (c'est particulièrement clair dans sa série Young All-Stars, qui reprenaient de manière obsessionnelle diverses oeuvres obscures de pulps). Il fut, bien plus que Gardner Fox chez DC, celui qui commença à rendre un peu plus rigide le Principe de Continuité. Tout cela (manie d'ordre et érudition minutieuse sur des détails de littérature populaire) fait de lui l'Ur-Geek.

Cela avait certes des défauts. Thomas, qui avait été rédacteur en chef de Marvel, semblait parfois passer son temps à écrire des scénarios dont le vrai but était de résoudre certaines contradictions mineures entre d'autres titres. La Continuité devenait la matière et plus seulement un aspect extrinsèque de références entre les histoires. Ses derniers scénarios commencèrent à être un peu dévorés par son souci d'Historien et de cohérence et le côté régressif, nostalgique des comics a sans doute pour origine Gardner Fox (création de Terre 2) et Roy Thomas.

Thomas commença comme le remplaçant de Stan Lee. Il savait imiter son style mais il fut notamment plus célèbre en développant des personnages qu'il n'avait pas créés. Il est surtout célèbre pour Conan mais c'est aussi lui qui créa Iron Fist et surtout la Vision. J'aime beaucoup son Arak (dont j'ai déjà parlé), qui mélangeait plusieurs traditions mythiques, à la fois l'Arioste (comme Fletcher Pratt) et les Mille et Une Nuits. Il s'est même essayé à l'humour en écrivant sa version de MAD, Not Brand Ecch et c'est lui qui créa Captain Carrot.

J'étais trop timide pour lui parler longtemps (même s'il n'y avait pas trop de queue par rapport aux centaines de personnes pour des acteurs de séries TV). Je lui ai posé une question de détail qui me tournait dans la tête depuis Marvel Two-in-One #20 (1976), qui dut être un de mes premiers comics favoris (traduits dans Titans n°34, 1981). Dans ce titre, La Chose de l'univers Marvel contemporain voyage dans le temps et rencontre des superhéros Marvel oubliés de l'Âge d'or. Ben Grimm commente qu'il ne les connaît justement pas. J'ai donc demandé à Roy Thomas s'il avait caressé l'idée de créer une Terre-2 pour Marvel à l'époque mais il m'a répondu que Marvel n'en avait guère besoin, que la Terre du Squadron Supreme/Sinistre jouait très bien ce rôle et que Stan Lee n'aurait de toute manière pas été d'accord (je me demande si en 1976, Lee n'avait pas déjà pris ses distances en laissant les rênes à Thomas). Il a alors admis avoir peut-être (je cite) "joué avec l'idée" (mais après 45 ans, il était normal qu'il ne s'en souvienne pas précisément).

Je lui ai parlé d'Infinity Inc et il a dit qu'il l'associait surtout à sa femme Dani avec qui il co-scénarisait cette série. Il était très affable.

Du reste du salon, je ne dirai rien car il n'y a pas beaucoup d'éléments positifs. Le paradoxe de ce genre de convention est que la part donnée aux magasins de comics (j'en ai compté seulement trois) était presque négligeable par rapport à la place donnée aux produits dérivés, séries, gadgets, jouets, merchandising. C'est plus un salon sur l'équipement pour fans qu'un salon sur les comics et ma (très courte) expérience de conventions de comics aux USA me paraissait plus équilibrée.

1 commentaire:

artemus dada a dit…

Un bien chouette retour sur cette rencontre.
Laquelle complète d'ailleurs à merveille l'entretien qu'a accordé Roy Thomas au Point POP !
[https://www.lepoint.fr/pop-culture/roy-thomas-martin-scorsese-a-une-vision-trop-etroite-du-cinema-25-10-2019-2343470_2920.php]

Merci.