vendredi 11 juillet 2025

De vos tombeaux le tour dévotieux

Egalité

Le cimetière est un lieu moderne, né avec la démocratie. On séparait auparavant des ordres, la fosse commune, les amoncellements de squelettes dans les catacombes et les ossuaires pour la plèbe et la Crypte pour les notables. Le sépulcre n'était pas qu'un monument de la mémoire mais une demeure et le peuple n'avait pas droit à ces maisons dans l'au-delà. La propriété foncière s'accompagnait d'un droit de concession vers l'éternité. Il y avait ségrégation pour l'immortalité. La mort était retombée dans l'anonymat pour la majorité qui n'avait pas droit à la mémoire individuelle ou familiale. La fosse commune égalisait les roturiers mais le cimetière moderne stratifie désormais de manière plus graduée la mort pour tous avec des caveaux plus ou moins luxueux. 

Le sacré de notre devoir généralisé aux morts est donc, comme tant d'institutions, une invention du XIXe siècle avec la statistique et les registres de l'Etat-civil. L'Etat ancien refoulait les morts en les cachant superposés sous son sol, la Cité moderne hygiénique instaurait des devoirs familiaux, des pèlerinages réguliers vers l'inhumation excentrée en banlieue. La sécularisation du cimetière comme institution politique s'accompagnait de cette captation du sacré dans la Cité démocratique. L'ultime lieu de la transcendance était ce lieu de frontière où la politique calcule les taux de renouvellement et évacue les risques d'épidémie. 

C'est ce qu'avait expliqué Auguste Comte avec sa religion de substitution comme religion des morts : la civilisation humaine n'était pas que le culte des grands héros ou des saints mais ce qui transmet une mémoire diffuse de cette continuité avec la totalité des humains. Être humain, ce n'est pas qu'hériter, c'est parler des morts, c'est dresser ces listes interminables de noms. Désormais, il y a des noms mais ils sont si nombreux que ce sont des noms sans renommée. 

Cendre 

Près de la moitié des cérémonies funéraires sont devenues des incinérations en France (44%) à la place des inhumations. Le Feu purificateur et la cendre l'emportent sur la putréfaction au moment même où notre Terre brûle et où les sols perdent les aérations de leurs vers de terre. Nous creusons désormais plus dans les airs et les fumées des crématoires, comme dans le poème de Celan. 

Il y avait peut-être des raisons financières quand la concession de propriété du tombeau devient plus limitée. On évacue, on réduit. Certains préfèrent le Feu définitif parce qu'ils voient plus le cercueil comme une prison où ils redoutent un peu inconsciemment d'être enfermés. La demeure dans la fosse est devenue geôle alors que le Feu est devenu libérateur au lieu d'être infernal. 

Il y a aussi l'idée que ce devoir du sacré du XIXe siècle nous pèse. Il restait des os anonymes des plébéiens et à présent c'est l'inverse il ne reste que des noms avec une cendre d'ADN mélangée avec un cercueil dans une urne.

Rites 

J'assistais à une cérémonie funéraire et le maître de cérémonie laïc des Pompes funèbres affichait un empressement, une fébrilité plus ridicule que "professionnelle". Il ressemblait à un histrion qui serait conscient qu'il devait surjouer une sévérité, un sens du rituel ou de la cérémonie mais il demeurait un Moderne et un Moderne ne peut plus accepter des formalismes institués sans les désamorcer à chaque fois. Il rappelait un rituel avec gravité puis dissipait aussitôt toute gravité à la fin de chaque phrase en insinuant qu'il n'était pas dupe du fait que nous n'étions que trop conscients que ce n'étaient que des rituels contingents. Cette gravité s'excusant ou s'annulant produisait un effet pire qu'une simple insensibilité. C'était une indifférence consciente avec une certaine mauvaise foi qu'elle n'avait pas à faire l'effort d'éviter d'afficher cette indifférence et son faux pas social. 

Les endeuillés n'étaient pas des personnes dont on déplorait l'affliction, c'étaient des clients "stressés" qui risquaient d'être difficiles et qu'il fallait "gérer" comme on gère un licenciement ou comme on gère un flux de doléances. 

Bien sûr, cette déformation professionnelle a des conséquences moins graves que celle qui doit nécessairement toucher certaines professions du "soin". Le médecin devient blasé et froid sous peine de trop brûler lui aussi s'il se laissait dévorer par des excès d'empathie et d'aliénation. 

Le risque est moindre quand le commerçant de rituels liminaires ne peut tout au plus qu'indisposer les personnes survivantes par son manque de tact ou son manque d'égards. 

Le croque-mort apprend une comédie car il n'a pas l'excuse d'un savoir salvateur comme le soignant et n'a pas de prétention sacerdotale, il sait qu'il n'en est que l'ersatz. Le maintien des apparences de la cérémonie est tout ce qui lui reste, alors qu'il n'y croit plus. Mais même lui peut donc blesser les personnes endeuillées en leur rappelant que ce n'est plus pour lui qu'une fonction transitoire et une forme vide. 

jeudi 10 juillet 2025

Éclat d'étoile, un personnage pour Bûcherons & Loups-garous

 Éclat d'étoile, la Guerrière (pour le jeu de rôle Bûcherons & Loups-garous)

 

Jeune femme wendat dans une tribu dirigée par Cœur d'élanÉclat d'étoile est nommée ainsi à cause de son regard perçant et scintillant. Elle a refusé le rôle traditionnel que voulait lui imposer sa mère et est devenue Guerrière, gagnant deux plumes au combat. Elle se bat souvent contre les ennemis des Wendats comme les guerriers de la Confédération Haudenosaunee, les Mohawks ou les Onondaga

Sa meilleure amie (moins rebelle qu'elle) s'appelle Petite Corneille et elle a une relation compliquée d'admiration et émulation avec le guerrier Écureuil Gris, du Clan de la Loutre, dont elle sauvé la vie plusieurs fois et qui commence à admettre à contre-cœur qu'elle peut devenir une "Brave" de la tribu. 

Elle est une excellente archère mais a encore peu l'habitude de la chasse, redoutant encore certaines bêtes sauvages comme les Ours. 

Pourtant, on dit d'elle, non sans quelques craintes devant sa détermination et son irascibilité, que "son cœur vaillant résonne aux vents du windigo" [oui, c'est un terme algonquin, pas wendat]. Elle a parfois un chien, nommé Crocs, extrêmement intelligent. 

Adresse 7 Force 5

Esprit 5 Influence 5 Instinct 6 

Magie 4 Pureté 6

PV 5 PE 5 PB 7 

Compétences : Armes de mêlée (Lance), Armes de Jet (Arc), Artisanat (fabriquer flèches), Bagarre

Traits : Attaque en finesse, Franc-tireur, Regard perçant, Cœur au ventre

Arc : Valeur pour blesser 6

Starlight est une héroïne de comic books qui n'eut que 7 apparitions de dix pages dans Indians: Picture Stories of the First Americans n°2-8 (publié par Fiction House de mai 1950 à août 1951). Ces histoires sont maintenant dans le domaine public et sont donc disponibles en ligne (il y a aussi eu une compilation, Warrior Maiden Starlight). 

Les scénarios étaient d'une certaine "Ann Adams" et les dessins de Ralph Mayo. C'est un rare exemple avec une héroïne autochtone. Elle n'est pas particulièrement objectifiée (peut-être parce que la scénariste était une femme) et il n'y a en tout cas aucun trope du White Savior (contrairement à d'autres titres de Fiction House comme Manzar the White Indian ou Firehair). L'histoire ne mentionne même pas de contact avec les Blancs, tous les conflits étant entre Wendats et Haudenosonee (deux nations de langue "iroquoise") ou avec les Algonquins

La structure est un peu répétitive : une autre tribu attaque, Starlight n'est pas prise au sérieux mais ensuite elle contribue à résoudre cette attaque. Un défaut de l'histoire est qu'Ann Adams réduit parfois un peu le féminisme des premiers épisodes pour une comédie romantique plus traditionnelle où Starlight semble plus préoccupée par son "rival" et amoureux Grey Squirrel que par son autonomie. Les épisodes 4-5 se focalisent d'ailleurs plus sur Grey Squirrel que sur l'héroïne. 

1er épisode : Après avoir été humiliée par Grey Squirrel, Starlight désobéit au chasseur Old Turtle et elle sauve Little Raven d'un ours grizzly et (un peu par accident) Grey Squirrel d'une expédition de Kanien'kehá:ka (Peuple du Silex, les "Mohawks"). 

2e épisode : Elle est accusée à tort d'avoir agité un essaim de guêpes qui a attaqué le chef Cœur d'élan (Moose Heart). Sly Fox, un Mohawk, veut assassiner le chef Moose Heart parce qu'il espère que son successeur Brown Beaver serait plus réceptif à  une alliance martiale. Elle surprend les assassins et tente de prévenir la tribu mais Blaireau Brun refuse de l'écouter. Grey Squirrel la croit et ils sauvent tous les deux le chef Moose Heart qui récompense Starlight en en faisant une Guerrière avec une plume d'argent. 

3e épisode :  Starlight suit en cachette les jeunes hommes qui passent l'Initiation des chasseurs et découvre ainsi leur sanctuaire sacré, interdit à tout profane et aux femmes. Mais elle est repérée et s'enfuit. Elle sauve Lone Wolf, un Onöndowa'ga ("Seneca") poursuivi par les siens et accusé d'avoir assassiné leur chef Bear Claw. Le vrai coupable est le nouveau chef de la tribu Red Hawk qui a mis un talisman, une griffe d'ours dans le tipi de Lone Wolf. Pour protéger ce dernier, Starlight le cache dans le sanctuaire sacré, mais Grey Squirrel le retrouve et veut le livrer pour éviter un conflit. Elle vole le sac wampum de Red Hawk, qui contient le talisman sacré de Bear Claw, qui prouve sa culpabilité. Lone Wolf devient le nouveau chef. Starlight est à nouveau pardonnée pour ses transgressions multiples. 

4e épisode : Starlight doit s'occuper d'enfants qui apprennent à chasser. Elle (et son chien Fang) est attaquée par deux chats sauvages. Grey Squirrel qui devait garder le village pendant l'absence des guerriers part sauver Starlight et les enfants. Des bandits Onöndowa'ga en profitent pour piller la nourriture du village. Grey Squirrel est puni pour avoir abandonné son poste et condamné à faire les activités des femmes pendant une saison. Quand les pillards dirigés par White Thunder reviennent, Grey Squirrel part les affronter seul et Starlight part l'aider. Le chien Fang part prévenir la tribu. Grey Squirrel est réintégré et Starlight reçoit une seconde plume comme récompense. La scène où Grey Squirrel doit faire les travaux féminins rappelle un peu Héraclès chez Omphale et la scénariste a l'air d'apprécier ces inversions de rôle. 


 

5e épisode :  Le chef Osohada ("Cèdre Blanc") des Onöndowa'ga vient attaquer le village pour enlever des femmes. Grey Squirrel et les autres gardes sont occupés par un ours quand les femmes se font enlever. Grey Squirrel suit leur piste et indique à Starlight qu'il est proche. Elle feint alors la folie, ce qui effraye leur homme-médecine. Quand le chef Osohada tente de sacrifier Starlight, elle s'évade et emmène le groupe des femmes. Grey Squirrel tire la flèche qui tue le chef Osohada. 

6e épisode : Starlight accueille des réfugié d'une tribu Missisauga attaqués par une tribu d'Algonquins du chef Black Snake. Mais cette hospitalité ne plaît pas à tous les Wendats. Le sorcier des Wendat prophétise qu'une tribu du nord va porter malheur et dans les semaines qui suivent une série de désastres frappe effectivement les Wendats, maladie, accidents, incendies. Le sorcier, outré de ne pas avoir été écouté par le chef, appelle alors les Wendats à attaquer les Missisaugas. Starlight et Grey Squirrel sont parmi les rares à ne pas le suivre. Le sorcier, qui venait de brûler le camp des Missisaugas, est capturé avec ses partisans par les Algonquins de Black Snake. C'est alors Starlight et les Missisaugas, pas rancuniers, qui viennent délivrer les Wendats xénophobes qui étaient venus les persécuter. Le sorcier explique que sa prophétie s'est avérée exacte mais qu'elle concernait les Algonquins et pas les Missisaugas. C'est peut-être un des meilleurs épisodes et le seul à avoir une part légèrement surnaturelle. 

7e épisode : Starlight et Grey Squirrel trouvent Deer Runner, un chef des Mohawks, qui a été attaqué par Firehand, un de ses rivaux. Firehand veut déclencher un conflit alors que Deer Hunter était opposé à la guerre. Firehand enlève trois jeunes Wendat, dont un fils du chef, comme Grey Squirrel n'est plus là pour les garder. Grey Squirrel, fils de Great Wind, est sanctionné pour ne pas avoir su protéger les enfants et il est bastonné par toute la tribu, menacé de devoir subir cette épreuve tant qu'il s'évanouira sous les coups. Great Wind, honteux, refuse de soutenir la cause de son fils. Starlight, scandalisée, enlève Grey Squirrel du totem où il est attaché et ils partent vers le camp des Mohawks où DeerRunner, blessé, réussit à vaincre son ennemi Firehand qui avait tenté de faire croire que leur chef avait été victime des Wendats.  C'est en partie un remake du 3e épisode. 

mercredi 9 juillet 2025

Mythes Algonquins & Abenakis

Il ne faut pas confondre le groupe linguistique "algonquian" au sens large qui comprend de très nombreuses cultures d'Amériques du nord (et dans la région qui nous occupe ici au Canada aussi les Abenaki) et le sous-groupe plus limité des Anishinaabe (ou Nishnaabe) qui comprend à son tour (1) à l'ouest les Chipewa-Ojibwe, Chipewa-Salteaux & Oji-Cree,  (2)  lau centre des Grands Lacs les Odawa, (3) au sud les Potawatomi, (4) à l'est les Mississaugas et (5) au nord-est les "Algonquins" au sens restreint. Le mot "Québec" vient d'un mot algonquin ("détroit, là où la rivière se rétrécit") alors que Canada vient d'un mot wendat/iroquois (kanata : village).  


 

Les Algonquins étaient au XVIIe des nomades chasseurs construisant leurs wigwams (miigiwams) en bois d'hêtre. Leur famille est patrilinéaire, contrairement aux Wendats et Iroquois. Les Clans comprennent notamment l'Aigle, le Cerf, l'Esturgeon, la Grue, la Martre, l'Ours et le Plongeur. La tribu des Weskarini (Cerfs) fut en partie détruite par les Iroquois et s'est mélangée avec les Hurons des Rochers et avec les colons français. 

La spiritualité Algonquin s'appelle "Midewiwin" (la Voie Spirituelle des Hommes-Médecine, des "Mida") et c'est le trickster Nanabozho (ou "Chipiapoos" ou "Mateguas") qui aurait créé cette tradition. Une société d'initiés plus secrète encore s'appelait la Wabanowin (Société de l'Aurore) et une autre les Jongleurs de la Tente Tremblante

Ils croient en plusieurs "manitok" (esprits) dont le Gitche Manitou ("Grand Esprit").  

Nokomis (la Grand-Mère) tomba de la Lune et eut une fille qui mourut en accouchant de Nanabozho (dans certaines versions elle mourut avec un autre frère jumeau du trickster/culture hero). 

C'est Nokomis qui éleva Nanabozho et il peut prendre plusieurs formes et notamment celle de Lièvre. Il apprit aux humains à utiliser des herbes et des "sacoches" de médecine faites de diverses peaux d'animaux.  

Comparaison avec les Abenaki 

Sur Wikipedia, l'entrée sur la mythologie abenaki est très développée (notamment les listes de petits monstres et génies) et on peut comparer avec les Algonquins car le héros culturel Nanabozho ressemble à leur Gluskap.  La confédération des Abenaki (avec les Micmacs et les Malécites) étaient alliés des Acadiens contre les Britanniques jusqu'à la défaite des Français en 1710. 

Chez les Abénakis, Tabaldak l'androgyne créa tous les êtres sauf le Géant Odziozio qui n'avait qu'une Main et se créa lui-même. Il mit longtemps à former des jambes et rampait donc sur la terre en modelant ainsi la forme des milieux comme le Lac Champlain.  

Une version dit que c'est Tabaldak qui a créé le héros divin Gluskap et son frère jumeau trickster Malsumis. Une autre dit qu'il est le fils de la Grande Tortue Agaskw l'Esprit-Marmotte ressemble beaucoup à Nokomis la Grand-Mère. 

Gluskap força l'Aigle du Vent Pamola à réduire ses hivers et ses tempêtes. 

Il réduisit la taille des Blaireaux pour qu'ils ne menacent plus les humains. 

Il apprit à sortir le sirop d'érable mais le limita pour que les humains ne passent pas leur temps à le boire. 

Mythes Hurons / Wendat

(pour continuer dans le cycle Bûcherons & Loups-garous)

Les Hurons s'appellent eux-même Wendat (aux USA les "Wyandot"), ce qui semble avoir signifié "habitants des îles" car ils vivaient dans des baies. 


 

Le pays de Wendake était la rive de l'Ontario (entre le Lac Simcoe et le Lac Huron). Les Français les avaient appelés "Huron" parce qu'ils trouvaient que leur chevelure évoquait la "hure" d'un sanglier. Ils étaient matrilinéaires et matrilocaux (les Matrones dirigeaient la "longue-maison", une cabane commune de plusieurs douzaines de mètres). Ils sont plus des pêcheurs et cultivateurs de maïs, courges et haricots que des chasseurs. Ils étaient divisés en huit Clans : Blaireau, Cerf, Faucon, Loup, Ours, Porc-épic (ou Plongeur ou Esturgeon), Serpent (ou Renard) et Tortue. Ils formèrent une Confédération de quatre nations : les Attignawantan (Ours, de loin la plus puissante), Tahontaenrat (Cerfs), Attigneenongnahac (Fabricants de Cordages) et Ahrendaronon (Rochers), plus par la suite les Ataronchronon (Marais ?). Certains de ces clans se dispersèrent et furent absorbés dans d'autres tribus dès le XVIIe siècle. 

Les tribus appelées par les Français les "Petuns" (Tabac) et les "Neutres" étaient connues pour leurs tatouages rituels. 

La fête la plus importante de toute la religion wendat était la Fête des Morts (qui suivait un cycle variable de 8-12 ans) où les nations se réunissaient à Ossossané, capitale du Wendake et où on déterrait des cadavres pour les mettre dans un grand trou. Suite aux épidémies, la Fête disparut dès la fin du XVIIe. 

Ils appellent leurs hommes-médecine des arendiwane. Certains arendiwane wendat attachent beaucoup d'importance au rêve et disent qu'ils peuvent se détacher de leur corps pendant leur transe et rejoindre le Dieu des Rêves. Ils appellent les oki (les esprits) pour savoir comment guérir les malades. Ils distinguaient 4 types de shamans : ceux qui contrôlent la météo, ceux qui guérissent, ceux qui retrouvent les objets perdus et ceux qui lisent le futur. 

La Chute et la Terre 

Atahensic la Femme du Ciel était enceinte (du Vent) et vivait dans les cieux avec le Dieu Dirigeant du Ciel (Hamendiju ou Hawenniyu ou Rawenniyu) mais elle s'approcha d'un trou dans le ciel. Elle tomba dans le Monde d'en-bas où tout n'était encore qu'eau et où il n'y avait pas de terre. 

Elle fut sauvée par des Oiseaux (Canards, Hérons et Plongeons) qui la portèrent. La Loutre l'empêcha de couler et surtout une Grande Tortue fit son sol. Ainsi naquit la Terre. 

Heh'noh (ou Héh-nijh ou Heng ou Henq) le Dieu du Tonnerre descendit du Ciel avec elle. 

Les Jumeaux 

Atahensic (ou bien, sa fille "la Terre") enfanta deux Jumeaux, Iosheka (Iouskeha/Tijuska'a/Tse'sta) le Bon Esprit et son jumeau Tawiscaraon/Taweskare le Mauvais Jumeau, qui tua sa mère à sa naissance en sortant de son flanc. Les autres Iroquois appellent le bon frère Hahgwehdiyu ou Teharonhiakwako (l'Arbuste) et le mauvais Hahgwehdaetgah ou Sawiskera (Silex). 

Avec la tête de sa mère, le Bon Jumeau (ou dans certaines versions la Petite Tortue) créa le Soleil et la Lune mais le Mauvais Jumeau créa les Ténèbres. 

C'est la mort de la Femme-Terre qui créa les différents végétaux et notamment les trois plantes associées de l'alimentation wendat (le Maïs, le Haricot et la Courge) et c'est Iosheka qui créa les Humains et leur donna la culture et notamment le Tabac sacré si central dans leurs rituels. 

Après la Fête des Morts, on peut rejoindre Atahensic et Iosheka dans la Voie Lactée (même si certaines sources disent qu'ils croyaient à la réincarnation). 

La Foudre 

C'est Hé-no le Foudroyant, descendu des cieux avec Atahensic, qui apporte la Pluie fertile par se flèches de tonnerre et protège la tribu. L'Arc-en-ciel est son épouse. Il chevauche un Aigle d'Or qui apporte la Rosée. Il tua le Grand Serpent et son corps forme les îles des Grands Lacs. Il tua les Géants de Pierre et certaines formations minérales sont leurs restes. 

Lelawela la Femme des Brumes, une femme qui refusait d'épouser un vieil homme se jeta dans les chutes du Niagara dans son canoë et un assistant de He-no vint la sauver et l'épouser. 

Bûcherons & Loups-garous

Alexandre Poitras, Bûcherons et Loups-garous 376 pages, Posidonia, avril 2023

L'auteur dit qu'à l'origine, le jeu avait commencé comme un cadre nouveau (le folklore de la Nouvelle-France du XVIIe-XVIIIe) pour un jeu médiéval fantastique bien connu avant de devenir son propre jeu assez différent (même si on reconnaît quelques traces lointaines de cette origine D&D dans ses Curés qui ressemblent à des Clercs). 

Une originalité de la présentation est d'avoir une sorte de chapitre 0 (p. 13-35) de conseils au maître de jeu au lieu de le mettre à la fin. L'histoire de la Nouvelle France mentionne en plus de compagnies commerciales comme Les Cent-Associés (dissoute en 1663 et remplacée ensuite par le Conseil souverain) une fictive Compagnie Secrète qui serait faite de sorciers et/ou de fées. 

Les divers ordres religieux catholiques de moines ou de bonnes soeurs (p. 21) ont des pouvoirs réels de miracles pour lutter contre le "Yâbe" (une des prononciations québecoises du Diable). Par exemple, les Ursulines de Marie de l'Incarnation (1599-1672) puis Mère Anne de Sainte-Agnès (1644-1711), actives à Québec dès les années 1640, y sont des guerrières (pourtant cloîtrées) en lutte contre les démons. Les Soeurs "grises" de la Charité s'occupent de l'Hôpital de Montréal mais seulement à partir des années 1740. 

Les Contes québecois sont surtout catholiques et liés au Diable. On devient un "loup-garou" par malédiction du Yâbe quand on a péché (par exemple, en n'allant pas à la messe ou en ne fêtant pas Pâque) ou quand on a directement vendu son âme au Malin. Le Yâbe envoie alors ses Chiens Noirs enlever l'âme du pécheur. Le célèbre conte de la Chasse-Galerie (p. 167) a plusieurs variantes avec des fins différentes mais ce sont des chasseurs qui voyagent sur un canoë d'écorce volant du Yâbe pour rentrer chez eux plus vite et qui vont y perdre leur âme ou rejoindre une Chasse Infernale. 

Mais il y a aussi une influence des Amérindiens ou "Autochtones", qui croient aussi à divers êtres-animaux (p. 28-30). Ils sont divisés en trois groupes : les Inuits au nord, les Algonquins (Anishinaabeg, qui forment la majorité des tribus alliées des Français autour des Grands Lacs) et les tribus de langue iroquoise (les Hurons/Wendat alliés des Français et plus au sud la Confédération Iroquoise en guerre contre les Hurons jusqu'à la Paix de 1701 et donc plutôt alliés des Anglais au début). Les Algonquins (Abénaquis, Cris / Christenaux, Malécites & Passamoquodys, Micmacs, Montagnais-Innus, Ojibwés, Outaouais, sont plutôt des Nomades (sauf les Abenaquis et Passamoquodys) et les Iroquois tous des Sédentaires. Certains peuples ont complètement disparu, sans doute à cause des épidémies, comme les nations iroquois du Saint-Laurent (disparues dès le XVIe) ou certaines tribus des Outaouais. 


 

Le shaman métis iroquois Jean-Pierre Lavalée (p. 31) est un des plus grands magiciens. Il protège la Nouvelle-France contre les Britanniques et c'est lui qui invoqua une tempête qui détruisit la flotte anglaise sur le Saint-Laurent en 1711. Du coup, le début des années 1700 est un bon cadre si on veut pouvoir rencontrer le Merlin des Iroquois après la Grande Paix de Montréal. Une légende dit que Lavalée aurait prophétisé la sécurité de la colonie pour quatre décennies jusqu'à la fin des années 1750... 

Gouverneurs généraux (appelés par les Algonquins l'Onontio, la "Grande Montagne") : Louis de Frontenac (1672-1682 puis 1688-1698), Louis-Hector de Callière (1698-1703) et ensuite Philippe de Vaudreuil (1703-1725).  

Chapitre I Règles de jeu (p. 36-60)

7 caractéristiques sur 10 : Adresse, Esprit, Force, Influence, Instinct (comprend la Perception), Magie, Pureté (la force de la Volonté pour résister aux Tentations du "Yâbe"). On commence avec 05 dans toutes les caractéristiques, modifiées à la création. Le PJ a en plus Points de vie, Points d'énergie et Points de bravoure. On tire 1d10 et on doit faire moins que sa caractéristique + bonus (un 01 est une réussite critique, un 10 est un échec critique). Il y a 13 grandes compétences générales. 

Le système a précisé plusieurs "conditions" et notamment des règles sur la folie (voir aussi les divers effets possibles de la peur et des traumatismes p. 199-202).  

Chapitre II Les personnages (p. 61-177)

Il y a 17 "classes" qui donnent des compétences et un +1 à une caractéristique (le joueur peut choisir un autre +1 à condition de baisser une autre caractéristique de -1) : Bonne sœur, Bûcheron, Chamane, ChasseurConteurCoureur des bois (trappeur qui cherche des peaux)CuréGuerrier, Habitant (= Colon), Magicien (pas nécessairement diabolique)NobleNomadePatenteux (= Inventeur)Ramancheur (= Guérisseur), SoldatSorcier (diabolique), Violoneux (peut enchanter et accélérer les autres par son violon). On tire sur 1d10 divers traits particuliers à cette classe. Les classes des autochtones sont notamment les Chamanes, les Guerriers et les Nomades. 

Le rang dans une caractéristique permet d'obtenir des Traits (des talents ou superpouvoirs, comme les "feats"). On remarque par exemple que le trait "Sang de Sasquatch" (p. 99) permet de jouer un Wolverine avec pouvoir de régénération. Comme fan d'Alpha Flight, je soupçonne même qu'on pourrait facilement y jouer plusieurs membres de l'équipe au XVIIe-XVIIIe. 


 

C'est ce chapitre qui a aussi l'équipement et les objets magiques ou les saintes reliques.  

Chapitre III Histoires en Nouvelle-France (p. 178-226)

Après des règles diverses sur la nature et le surnaturel, le livre donne de nombreux conseils pour mener des scénarios, avec des éléments de légendes que les Québecois doivent bien connaître. Je ne connaissais pas du tout cette légende du Royaume de Saguenay (ou Sagnay), un pays de cocagne utopique pleins de Cité d'Or que les premiers colons cherchaient en vain en suivant des récits de Hurons. 

Les règles ont des tableaux aléatoires pour créer des scénarios, ce qui devrait permettre un jeu en bac-à-sable assez facilement.  

Chapitre IV Bestiaire du Nouveau Monde (p. 227-332)

Le guide comprend des animaux réels comme le carcajou, des créatures surnaturelles des légendes autochtones (le Wendigo algonquin), du folklore français (lutins), du christianisme (démons) et du folklore québecois (comme le Bonhomme Sept Heures, la Dame aux Glaïeuls). La lycanthropie qui donne son nom au jeu est aussi appelée "courir la galipote". 

Scénarios : "Les Castors blancs" (p. 333-356 - aussi disponible gratuitement sur le site) 

Le jeu est très riche en atmosphère, notamment dans les règles de magie qui n'ont rien de générique. Dans quel autre jeu un rituel peut invoquer des Castors pour vous construire une hutte ? C'est assez curieux à quel point c'est dépaysant pour un Français, à la fois familier et d'une inquiétante étrangeté. Mais l'ambiance recherchée est plus celle des Contes du folklore qu'une simulation "historique" (ce qui explique peut-être pourquoi les cartes sont peu détaillées). 


Chevalier Hubert de la Pâte Feuiletée, Noble typique

Aide de jeu pour Bûcherons & Loups-garous : Liste de Noms québecois du XVIIIe

Si vous voulez jouer quelques trappeurs et coureurs des bois en Nouvelle-France dans le jeu de rôle Bûcherons & Loups-Garous, voici une petite liste des noms de famille québecois (souvent d'origine poitevine) les plus courants. Ce pdf donne les statistiques avant 1800. On a aussi une liste des prénoms (Jean-Baptiste, Joseph, Pierre, François... en gros, pour les filles, c'est Marie). Au début, je voulais utiliser un d1000 mais je n'ai que les premiers, ce qui fait presque un tiers des noms des baptisés de Nouvelle France. 

Roy 001-008
Gauthier 009-014
Gagnon 015-020
Lefebvre 021-026
Morin 027-031
Boucher 032- 036
Côté 037-041
Bélanger 042-046
Pelletier 047-051
Paquette 052-055
Gagné 056-059
Martin 060-063
Parent 064-067
Leclerc 068-071
Langlois 072-075
Renaud 076-079
Fournier 080-083
Caron 084-087
Tremblay 088-091
Perreault 092-094
Thibault 095-097
Demers 098-100
Girard 101-103
Giroux 104-106
Ménard 107-109
Ouellet 110-112
Pépin 113-115
Richard 116-118
Hébert 119-121
Dubois 120-124
Fortin 125-127
Lévesque 128-130
Cloutier 131-133
Gosselin 134-136
Martel 137-139
Vallée 140-142
Charbonneau 143-145
Archambault 146-148
Allard 149-151
Bouchard 152-154
Tessier 155-157
Robert 158-160
Beaudoin 161-163
Petit 164-166
Proulx 167-169
Houde 170-172
Dupuis 173-175
Fortier 176-177
Leduc 178-179
Bédard 180-181
Bergeron 182-183
Bernier 184-185
Poirier 186-187
Dubé 188-189
Leblanc 190-191
Lavoie 192-193
Blais 194-195
Desjardins 196-197
Charbonneau 198-199
Couture 200-201
Audet 202-203
Benoit 202-203
Gervais 204-205
Beaulieu 206-207
Beaudoin 208-209 
Landry 210-211
Plante 212-213
Raymond 214-215
Lapointe 216-217
Dubois 218-219
Mercier 220-221
Simard 222-223
Lemieux 224-225
Rousseau 226-227
Hamel 228-229
Lemay 230-231
Tessier 232-233
Therrien 234-235 
Labelle 236-237
Fontaine 238-239
Michaud 240-241
Saint-Pierre 242-243
Nadeau 244-245 
Bertrand 246-247 
Lambert 248-249
Gravel 250-251 
Goulet 252-253 
Beauchamp 254-255 
Poulin 256-257
Dion 258-259
Trudel 260-261
Provost  262-263 
Lacroix  264-265
Tetreau  266-267
Legault  268-269
Lussier 270-271
Brunet 272-273 
Boisvert 274-275
Picard 276-277
Houlé 278-279
Blanchet 280-281

 Add. Elle est vraiment chouette cette carte de la Nouvelle-France et de l'Acadie de 1744

jeudi 3 juillet 2025

Politique thaïlandaise

La modernité est née de l'idéal régulateur que le pouvoir devait être limité par la souveraineté du peuple et ne plus dépendre seulement des conflits entre des factions ou des familles. Mais de fait, les démocraties parlementaires restent dominées par des oligarchies financières et il y a encore des oligarchies héréditaires ou des autocraties absolutistes. La Thaïlande offre depuis un siècle une politique assez originale en Asie puisque la Monarchie (les Rois Rama IX pendant toute l'après-guerre et aujourd'hui Rama X) y est restée une des plus puissantes en dehors du monde pétro-despotique et que cette institution presque théologico-politique (on n'a pas le droit de dire que le Roi est mortel) doit négocier avec des factions aristocratiques, différents clans dans l'Armée et quelques immenses fortunes civiles comme la famille de Thaksin Shinawatra qui a fondé depuis le XXIe siècle son pouvoir sur un prétendu "populisme" (quoi que ce terme obscur signifie dans ce contexte), en dehors de ce culte de la Monarchie. 

Il doit être déprimant d'être "de gauche" en Thaïlande ou même simplement "démocrate". Soit vous vous faisiez tuer par les militaires du temps de la menace communiste aux alentours, soit vous ne jouez aucun rôle parlementaire important puisque tout se décide entre diverses tendances de droite plus ou moins monarchiste, plus ou moins violemment réactionnaire ou plus ou moins kleptocratique. La structure anthropologique thaïlandaise ou bien une propagande idéologique semblent avoir institué une acceptation fanatique des inégalités sociales. 

La Thaïlande a un record de douzaines de coups d'Etat et l'Armée y a souvent fait exécuter des manifestants ou des opposants, discrimine ou réprime ses minorités ethniques, sans que sa bonne image touristique semble en avoir été affectée. 

Pour un Européen, on peut imaginer la politique thaïlandaise un peu comme un choix entre (1) des officiers qui feraient penser à Franco ou Georgios Papadopoulos (voir la politique grecque), des militaires fascisants alliés à la Monarchie traditionnelle et (2) des Berlusconi (milliardaire entré en politique avec un programme "populiste") ou peut-être plutôt le Général Juan Perón (pour son côté conservateur "social").  

La Révolution de 1932 et la Monarchie constitutionnelle

Alors que la Dépression des années 1930 frappait le pays qui s'appelait encore "le Siam", le roi Rama VII (roi de 1925 à 1935) essaya de lancer quelques réformes fiscales mais l'aristocratie et notamment sa propre famille des Princes royaux s'opposait à lui sur ces impôts. Quand le Roi commença à annoncer en plus des réformes politiques (une Constitution), le "Conseil suprême" de ses cousins menaçait de se soulever contre lui. En juin 1932, le Parti du Peuple, des étudiants mais aussi des militaires, attaqua le Palais et imposa une Révolution sans violence et une Constitution au Roi. Un an après, en avril 1933, la noblesse royaliste tenta un nouveau Coup d'Etat mais les officiers de l'armée proches du Parti du Peuple réussirent à battre cette Contre-Révolution. Il y eut une deuxième tentative royaliste en octobre 1933. Le Parti du Peuple qui avait fait la Révolution de 1932 était lui-même maintenant divisé en deux, une Junte militaire au pouvoir (le Maréchal Phibunsongkhram) et une aile civile, plus socialiste (Pridi Banomyong). 

La Régence et le régime du Maréchal Phibun (1938-1944) : sous Rama VIII

Sous la pression du Parti du Peuple, le Roi Rama VII dut abdiquer en 1935. Son jeune neveu âgé de dix ans qui arriva sur le trône du Siam sous le nom de Rama VIII mais celui-ci reste en exile et le vrai pouvoir appartenait désormais aux régents et au gouvernement contrôlé par le Parti du Peuple

Le Maréchal Phibunsongkhram ("Phibun", 1897-1964), Régent et Premier Ministre en 1938, crée un régime autoritaire inspiré des fascistes et s'aligne avec le Japon, considérant que l'ennemi du Siam est la Chine, même si la monarchie avait mené une politique plutôt pro-américaine. Il développe une propagande ultra-nationaliste de l'ethnie Thai, persécute les minorités sinophones et change le nom du pays en Thaïlande en 1939 parce que le nom "Siam" était un terme étranger. Il profite de la Seconde Guerre mondiale pour annexer une partie du territoire français d'Indochine avec l'aide des Japonais et soutenir l'armée japonaise contre les Britanniques en Malaisie et Birmanie. Un Mouvement des Thai Libres se soulève contre lui. Après la défaite japonaise, Phibun est écarté du pouvoir en 1944. Cela va permettre aux Alliés de traiter la Thaïlande comme un Etat occupé par les Japonais et non pas un membre de l'Axe. 

L'Après-guerre et le retour du Maréchal Phibun (1948-1957) : le début de Rama IX

Un des leaders du Parti du Peuple, Khuang Aphaiwong devient le nouveau chef du gouvernement et fonde ce qui va devenir le principal parti de droite royaliste "libéral", le Parti Démocrate

Le Roi Rama VIII, maintenant âgé de 20 ans, revient en Thaïlande à la fin de l'année 1945 et quelques mois plus tard, il est retrouvé tué par balles sans qu'on ait jamais su qui était l'assassin. Plusieurs de ses assistants furent jugés très rapidement et exécutés pour régicide. 

Son petit-frère Bhumibol, âgé de 18 ans et qui avait grandi en exil, devient le nouveau Roi Rama IX. Une des nombreuses rumeurs ou théories pour expliquer pourquoi l'enquête fut si bâclée était que Bhumibol aurait tué son frère aîné accidentellement en jouant avec un revolver ! Ce Neuvième Rama devait avoir le plus long règne d'un monarque d'Asie, de 70 ans, de 1946 à 2016. Le pays s'enrichit énormément et le Roi Rama IX, qui savait se servir au passage, mourut comme un des monarques les plus riches du monde. La population du pays a à peu près triplé, elle passe pendant cette période d'environ 20 millions d'habitants à près de 70 millions. 

Deux ans après ce mystérieux meurtre de Rama VIII, le Général Phibun revint au pouvoir en 1948 avec le soutien de l'Armée et devait le garder pendant 10 ans. Son nouveau Régime n'était plus aussi ostensiblement fasciste que pendant la Guerre mais plutôt un régime autoritaire pro-occidental, en redonnant à la figure du Monarque bien plus de pouvoir que dans la Constitution de 1932, mais avec une pratique tolérant des "doses" de liberté d'expression symbolique avec des élections manipulées. Ses rapports avec le Roi Rama IX se détériorent quand le Monarque veut prendre plus de contrôle et Phibun est renversé par un coup d'Etat en 1957. Il meut en exil au Japon, décidément fidèle à son allié de la Guerre. 

Les juntes des Maréchaux et les coups d'Etat (1957-1973)

Après le Maréchal Phibun, c'est toujours l'Armée qui a le pouvoir avec d'abord avec deux Maréchaux Sarit Thanarat (1908-1963) de 1957 à 1963 et son allié Thanom Kittikachorn (1911-2004) de 1963 à 1973. Les Partis sont dissous et ensuite très encadrés. La politique est toujours pro-américaine, anti-communiste et même anti-républicaine. Thanom et sa famille utilisent parfois des coups d'Etat militaire pour consolider son pouvoir et mieux réprimer les révoltes. Le Parti de Thanom s'appelle "Parti Socialiste National" mais c'est un parti de droite militariste habituel pour représenter sa faction dans l'armée. 

Les Trois ans de tentative de démocratisation (1973-1976) 

En 1973, des émeutes anti-Thanom réussirent à faire partir son clan au pouvoir. Le Roi Rama IX voulut tempérer les choses en nommant le Juge de la Cour Suprême Sanya Dharmasakti, un juriste libéral "modéré" pour qu'il écrive une nouvelle Constitution. 

Mais l'épisode démocratique fut bref. Après les élections de 1975 et l'arrivée au pouvoir de modérés du Parti démocrate, la nouvelle Constitution vite suspendue. Après la défaite américaine au Vietnam et les victoires communistes en Asie du Sud-Est, l'Armée craignait que le Juge Sanya ne soit pas assez ferme contre les étudiants et communistes. 

Plusieurs Juntes militaires en conflit (1976-1988/1988-1991/1991-2001) 

L'Armée reprit le pouvoir dès 1976 et écrasa le court interlude constitutionnel. L'Amiral Sangad Chaloryu (1916-1980) occupa le pouvoir avec une Junte en 1976-1980 et fut remplacé à sa mort par le Maréchal Prem Tinsulanonda (1920-2019) qui eut le pouvoir de 1980 à 1988 en formant des coalitions entre les Partis. 

Après les élections de 1988, le Maréchal Prem doit laisser la place à un autre militaire, le Maréchal Chatichai Choonahavan (1920-1998), qui dirige le Parti de la Nation Thai, un autre parti encore plus anti-communiste qui représente d'autres clans à l'intérieur de l'armée. Chatichai était le fils d'un autre Maréchal allié de Phibun, renversé en 1957. Malgré ce qui est en effet une première "alternance" parlementaire au lieu d'une sélection directe par la Junte, c'est un jeu de rapports de forces entre les grandes familles de la noblesse et des officiers supérieurs. Pourtant, le Maréchal Chatichai (connu pour sa corruption) commence aussi une politique de détente avec les pays communistes de la région. Le Parti de la Nation Thai représente aussi une faction dans les hommes d'affaires thaïlandais. 

Chatichai est vite renversé par un coup d'Etat en 1991. Une Junte possède le vrai pouvoir mais des politiciens plus "présentables" pour l'extérieur reçoivent le pouvoir légal comme Anand Panyarachun (né en 1932), un ancien diplomate et banquier, qui écrit la Constitution de 1997, ou Chuan Leekpai (né en 1938), qui représente le Parti démocrate, la droite royaliste classique. Mais après la grande Crise économique asiatique de 1997, le régime doit nécessairement se réformer et les élections de 2001 vont conduire à un choc, la victoire d'un nouveau parti issu de la "société civile". 

L'arrivée du Clan Shinawatra (2001-2006) 

Thaksin Shinawatra (né en 1949) est un homme d'affaires thaïlandais d'origine chinoise (un "Hakka", une des minorités sinophones, 14% de la population thaïlandaise aurait des origines dans une ethnie chinoise). Il a fait fortune dans les Télécoms, au point de devenir l'Homme le Plus Riche de Thaïlande. En 2001, son parti nationaliste populiste,Thai Rak Thai ("les Thaïs aiment les Thaïs") gagne les élections et il est même réélu en 2005. C'est la première fois qu'un Premier ministre thaïlandais élu démocratiquement échappe ainsi à un coup d'Etat pendant tout son mandat. 

En 2006, la droite monarchiste réagit contre le populisme du milliardaire avec le Mouvement des Chemises Jaunes qui déclenche une révolte contre ce qui est perçu comme une atteinte au respect au Monarque. L'Armée (peut-être toujours sous l'action du vieux Maréchal Prem Tinsulanonda qui était au pouvoir pendant les années 1980) prend le prétexte de ces désordres pour lancer un coup d'Etat qui renverse Thaksin Shinawatra et l'envoie en exil. La junte du Général Sonthi (chef de l'armée et milliardaire aussi, né en 1946) prend le pouvoir avec l'aide de la droite thaïlandaise. 

La Crise de 2008

Thaksin Shinawatra est en exil mais deux ans après, son parti TRT devient le PPP (Parti du Pouvoir du Peuple). Ses partisans ont lancé contre la Dictature militaire un nouveau mouvement nommé les Chemises Rouges. Le PPP va revenir au pouvoir en 2008, sous la direction de Samak Sundaravej (1935-2009). Ce Samak est un ancien leader de la droite militaire et star de la télévision thaïlandaise (il dirigeait une émission de cuisine). Samak ne va être chef de gouvernement que pour peu de temps. La Cour Constitutionnelle va notamment l'accuser d'avoir cumulé ses fonctions du gouvernement et son émission de cuisine à la télévision... Les émeutes contre Samak se multiplient et l'Armée menace d'un nouveau Coup. Il est destitué et s'enfuit. 

Le PPP passe à Somchai Wongsawat (né en 1947), le mari d'une soeur de Thaksin Shinawatra, qui ne sera Premier ministre que pendant trois mois avant d'être attaqué par des émeutes des Chemises Jaunes. Le Beau-Frère est à son tour destitué pour corruption comme il possède aussi des actions dans plusieurs entreprises qu'il soutient. Le PPP change à nouveau de nom et devient le PTP (le Parti Pour les Thais). 

C'est le retour de la droite "traditionnelle" du Parti démocrate avec Abhisit Vejjajiva (né en 1964) pendant deux ans et demi. C'est le seul Premier ministre du XXIe siècle qui n'ait été ni un militaire ni un membre de la famille Shinawatra. 


Le Clan Shinawatra : Thaksin, Paetongtarn, Yingluck

 

En 2011, une autre soeur de Thaksin Shinawatra, Yingluck Shinawatra (née en 1967 - oui, elle a 28 ans de moins que son frère...), qui dirige pendant son exil le Parti pour les Thais mais aussi une partie de son empire industriel (et des intérêts chinois), est nommée Première Ministre. C'est la première fois qu'une femme dirige le pays. Son gouvernement durera lui aussi deux ans et demi.   


Yingluck montrant sa déférence devant la Princesse Sirindhorn en 2011

 

La Dictature du Général Prayut (2014-2023) : Rama X 

Elle est renversée en 2014 par un coup d'Etat du Général Prayut Chan-o-cha et elle s'enfuit en exil à son tour comme son grand-frère. 


 

Le Général Prayut devient un dictateur autoritaire traditionnel pendant 5 ans (2014-2019) et finit par organiser des élections qu'il perd en 2023. 

C'est sous le mandat autoritaire du Général Prayut que le vieux Roi Rama IX, au pouvoir depuis 1946 meurt enfin. Son fils Vajiralongkorn Boromchakrayadisorn Santatiwong Thewetthamrongsuboribal Abhikkunupakornmahitaladulyadej Bhumibolnaretwarangkun Kittisirisombunsawangwat Boromkhattiyarajakumarn devient Roi sous le nom légèrement plus bref de Rama X (même si des sources préfèrent juste "Vajralongkorn"). 


Chapeau-Rama : Vajralongkorn & Bhumibol

 

La situation actuelle depuis les élections de 2023 

Dans la carte ci-dessus l'orange est (pour simplifier) la gauche, le rouge est le PTP et les nuances de bleu sont la droite militaire ou la droite civile. 

Le premier Parti aux élections de 2023 est "Aller de l'avant" (Phak Kao Klai), un parti réformiste qui allie la gauche socialiste au centre-droit libéral (151 sièges sur 500). Ce Parti qui demandait le changement était leader dans le nord urbanisé (notamment à Bangkok) et réussit à attirer le désir de changement qui se portait auparavant sur le PTP. La base des Shinawatra est plus les pauvres en zone rurale. 

Le PTP des Shinawatra, arrivé deuxième mais avec peu de différence (141 sièges sur 500), tenta une alliance avec "Aller de l'Avant" mais préféra finalement s'allier avec des partis liés à certaines factions dans l'Armée (le Parti du Général Prawit Wongsuwon qui était au pouvoir pendant la dictature, 40 sièges mais aussi le Parti du Général Prayut, 36 sièges). 

Le mouvement "Aller de l'Avant" est donc resté dans l'Opposition et a été ensuite dissous par la Cour Constitutionnelle pour avoir demandé la fin des Lois liberticides de Lèse-Majesté, ce qui a été considéré comme... de la Lèse-Majesté (toute critique contre le Monarque étant interdite). Le Mouvement "Aller de l'Avant" a été re-fondé sous le nouveau nom Parti du Peuple (Phak Prachachon).  

Comme Thaksin Shinawatra et Yingluck Shinawatra sont en exil, c'est un autre milliardaire d'origine Hakka, Srettha Thavisin (né en 1962, promoteur immobilier) qui dirige le PTP et dirige le Gouvernement. Il permet enfin à Thaksin de revenir de son exil (mais sa soeur Yingluck est toujours poursuivie pour corruption). 

Quand Srettha Thavisin est poursuivi à son tour et invalidé par la Cour Constitutionnelle, c'est la fille de Thaksin et nouvelle Leader du PTP, Paetongtarn Shinawatra (née en 1986), qui devient en 2023 la nouvelle Première ministre à 37 ans. On la surnomme "Ung Ing". 

La Cour Constitutionnelle (qui semble avoir développer une certaine habitude à le faire depuis 20 ans) vient de "suspendre" Paetongtarn Shinawatra en juillet 2025. Il y a depuis des gouvernements transitoires. Le prétexte utilisé fut l'enregistrement d'un appel téléphonique où la Première ministre Paetongtarn Shinawatra discutait avec l'ancien Premier Ministre cambodgien Hŭn Sên en tenant des propos jugés trop familiers ou déplacés sur des officiers et politiciens thaïlandais et en impliquant que certaines territoires disputés depuis un siècle (la région autour du Temple khmer de Preah Vihear) pouvaient être négociés (le conflit dure depuis un siècle mais a été réactivé en 2008). 

Lord Hŭn Sên (né en 1952, il a été anobli par le Roi du Cambodge) est un vieux politicien khmer qui s'est battu successivement pour les Khmers rouges, puis du côté des Vietnamiens en étant au gouvernement cambodgien presque en continu depuis 40 ans. C'est Hŭn Sên qui a décidé de diffuser l'enregistrement de l'appel sur les réseaux sociaux, même si son intérêt n'est pas si clair en dehors du fait qu'il prouve sa puissance de nuire. Des nationalistes thaïlandais accusent donc Paetongtarn de quasi-trahison envers l'Armée - mais la Cour de Justice internationale a tranché en faveur du Cambodge. 

A l'heure actuelle, même si "Ung Ing" est "suspendue", c'est toujours sa coalition qui est au pouvoir, alliée à la plupart des Partis de droite.  

mardi 1 juillet 2025

[Traveller] Mais vous venez d'où ?

J'imagine qu'avec un jeu aussi ancien que Traveller, quelqu'un a déjà fait le même travail avant (Imaginos doit savoir) mais voilà un petit système simple pour déterminer votre probabilité de venir d'un "sous-secteur" dans les Spinward Marches (les "Marches Directes"). 

D'après la 1e édition du supplément sur les Spinward Marches, il y aurait au total 872 milliards d'habitants dans toutes les Marches, y compris hors des Mondes impériaux (sans distinguer par espèce mais il y a une large majorité d'humains) mais c'est très inégalement réparti : 5 sous-secteurs impériaux (Mora, Regina, Rhylanor, Trin's Veil, Aramis) à eux-seuls sur les 16 ont 86% de la population. Je ne compte là que la population et pas d'autres facteurs pertinents pour entrer en aventure comme le Niveau Technologique. 

Cela donnerait à peu près cela (je ne recopie pas tous les chiffres bruts, ou personne ne lira la table).  

Tirez un d100. 

01-25 Mora

26-45 Regina

46-60 Rhylanor

61-73 Trin's Veil

74-86 Aramis

87-90 Sword Worlds

90-93 Lunion

94-96 Darrian

96-98 Jewell

99 Querion

100 Les Six Autres secteurs (Glisten, Cronor, Lanth, District 268, Vilis, Five Sisters)

Cela demanderait ensuite plus de boulot pour aller faire la même chose par sous-secteur. D'après le Spinward Campaign, rien que dans le sous-secteur Mora (221 milliards d'habitants), le système de Fornice a 20 milliards, le monde éponyme Mora a 10 milliards d'habitants, Heroni 7 milliards, Palique 3 milliards.  

Traveller: Riftbreaker n°2

Voir l'épisode 1. Comic de SF dans l'univers du jeu de rôle Traveller, écrit par Chris Giffen, qui écrit aussi Far Trader


 

Le Capitaine Revo Sanderson est un ancien Eclaireur impérial traumatisé, fait prisonnier 3 ans avant par les "Mondes des Epées" à Lanth pendant la Cinquième Guerre Frontalière (en 1107 de l'Imperium) et il cherche à explorer les zones mystérieuses et peu cartographiées de la "Fissure" (Rift) pour trouver de nouvelles voies. Son Vaisseau Scout a Saut-2 et il a deux membres d'équipage, la pilote Vargr Dzhande ("Sandy") et l'ingénieur Bwap nommé Wasata

Ils se retrouvent dans les milieux interlopes sur Helifil (D 3 1 0 7 2 4 – 8), juste avant la zone de la Fissure, à la recherche d'informations. 

Mais alors que le trop candide Revo échappe de peu à une embuscade de voleurs et est sauvé par des inconnus, il trouve dans un étrange musée une carte 3D qu'il cherchait. Il y a plusieurs gags et "oeufs de Pâques" dans ce musée (comme un exemplaire du livre de la Société de l'Octogone tiré d'Adventure 3 Twilight's Peak). 

Pendant ce temps, quelqu'un tente de pirater l'ordinateur de son Vaisseau et on découvre que "Foren", l'IA dans un drone, a une autre partie de cette carte. 

On n'est donc toujours pas dans l'exploration et toujours dans la mise en place du décor. Cela devient très obscur : d'où vient la soudaine intelligence de ce drone et qui veut manipuler Revo pour l'envoyer vers les Comètes de la Fissure ? 

Le numéro comprend les caractéristiques (mais aussi les secrets) de tout l'équipage. 

Comme dans le numéro précédent, je trouve le dessin d'Iannelli plus à l'aise quand il dessine le Bwap que sur les autres personnages humanoïdes. 

lundi 30 juin 2025

[Glorantha] La Provincia Lunaris (4) : Imther


Episodes précédents : 

(1) Chronologie des 400 ans de l'Empire lunaire

(2) Provincia (1) : le Royaume de Tarsh

(3) Provincia (2) : le Reinaume de Holay 

(4) Si par hasard, en s'baladant en Balazar

(5) Provincia (3) : Le Royaume d'Aggar

b

 

Quatrième Royaume provincial dans notre survol, Imther a une chance extraordinaire dans toutes les Provinces Lunaires : c'est la région où Harald Smith a décidé de jouer sa campagne commencée avec Runequest III en 1987 ! Or, peu d'auteurs (ou auteurs-fans) ont autant marqué une région de Glorantha. Smith a été un des créateurs les plus prolifiques et originaux, avec un des meilleurs suppléments régionaux, Edge of Empire (2022), qui donne beaucoup de mythes nouveaux et des conseils pour y jouer en "bac-à-sable". Cela fait des décennies qu'il travaille dessus. Il produisit même en 1995-1996 son propre fanzine sur cela, le New Lolon Gospel. Dans ce qui suit, je ne distinguerai pas ce qui est 100% officiel et ce qui vient de Harald "Jajagappa" Smith. 

Géographie 

Imther, au nord de Holay, est assez petit. Il y a plus d'une centaine de km de long entre Hilltown (Hougueville ? Moncelville ? Collinebourg ? Villemont ?) et le Temple Yelmalion de Kareiston ou plus au sud vers Hortugarth et plus de 200 km de large entre Nouvelle Lolon (Vanch) et Bac aux Soldats (annexée par Holay). Le pays a environ 50 000 habitants, soit deux fois moins que Sartar et trois fois moins que Vanch. 90% sont ruraux, il y a 3 000 personnes à Moncelville et 2000 à Hortugarth. A ces 50 000 humains, il faut ajouter presque autant de Mostali, 30 000 Nains dans le Montagne d'Imther (plus un royaume encore plus important de Nains plus au nord de Tork, dans le Mont Jord). Le Roi de Moncelville commerce avec les Nains de Jord et toute la richesse du Royaume dépend de cette relation privilégiée avec les Mines d'Imther (j'imagine donc un peu Imther comme "Dale" par rapport à "Erebor" chez Tolkien). Les Nains doivent pouvoir voyager aussi sous le sol et donc en dessous du Califat Dément de Tork pour passer. Le sommet d'Imther, le Mont Géant, était aussi un pic sacré d'Orlanth.

Les Orlanthis des Collines sont divisés en deux tribus : les Wilktar à l'ouest du Mont Imther (ce sont des éleveurs de bovidés laineux des montagnes et ils adorent plus Barntar qu'Orlanth aujourd'hui) et les Laramites au sud (Laram fut un époux elmali de la déesse-cheval Redaylde Crinière-Rouge et les Laramites sont des Yelmalions). Hortugarth (ancienne "Tor Vara") adorait un dieu local de la fertilité, Verhil, fils et époux d'Ernalda. Verhil est probablement une sorte de "Fils de l'Année", un Roi Sacrificiel comme cela a pu exister aussi en Esrolie. A Tor Balur, Verhil Genertsson était le fils-mari de Balurga (qui a l'air d'être une Babeester Gor locale). Harald Smith a développé toute une mythologie imthérienne centrée sur l'opposition entre divers aspects de la Terre et diverses visions du dieu Yelmalio et "Khelmal" (voir par exemple ce qu'il écrit ici sur Verhil).

Contrairement aux Orlanthis du sud qui ont des tabous sur les chèvres (associées aux Broos), les Orlanthis de la région sont des éleveurs de chèvres connus pour leurs fromages. 


 

Mythe & Histoire

Imther est classée comme une culture orlanthie mais elle est nettement moins traditionnelle qu'Aggar et avec des influences solaires plus profondes. Dans la vision de Smith, si Ernalda est toujours aussi importante (sous le nom de Nealda), Orlanth y joue en revanche un rôle plus mineur : sous le nom d' "Orlantio "("fils d'Orlanth"), il a été réduit à la figure d'Eurmal le Fripon (voire avec des aspects des mauvais vents comme Vadrus). C'est un dieu trickster qui a volé la flamme de Khelmal pour faire la foudre et c'est Khelmal, l'aspect local de Yelmalio, qui est devenu la figure centrale d'autorité de la mythologie imthérienne. 

C'est à l'époque de l'Empire Dragon il y a 600 ans qu'Imthus, un fermier et initié de Khelmal, vint fonder le Village de la Colline, épouser une Reine de la Terre et faire des pactes avec les Nains. C'est la naissance d'Imther.  

Imther fut célèbre au XIIIe siècle comme la patrie d'où venait le grand héros Jannisor. Il chevauchait un hippotrague, était allié à des Elfes et fut un des premiers à battre temporairement le nouvel Empire Lunaire naissant avec l'aide d'Onstheus (Vanch prétend que Jannisor venait de chez eux, bien sûr). Quand la Chauve-Souris Pourpre fit perdre la raison à tout le Califat de Tork, ce fut Jannisor le Lieur-du-Chaos qui enferma les Torkites déments dans son Filet avec l'aide de démons ou de Gargouilles, mais il fut finalement vaincu par les Lunaires et emprisonné sur la Lune rouge. 

Lors du Deuxième Décours (début XIVe), Hwarin Dalthippa la Fille Conquérante construisit sa Route Chantante jusqu'à Moncelville (1347). Le Roi du Village de la Colline devint un des principaux intermédiaires pour acheter des métaux et des gemmes aux Nains. La Lunarisation commence donc dès le milieu du XIVe. 

Pendant la période des invasions de Sheng Seleris (XVe), Imther redevint temporairement indépendant, comme Holay, avant de devenir officiellement une Province lunaire en 1545 (officiellement, par libre choix du Roi et sans avoir été conquis). C'est à cette période que le Roi fou des Wilktar Helegal essaye de piller les Nains et sera banni. Les Mostali envoient comme châtiment le Fléau des Gremlins mais gardent leur confiance au reste de la dynastie royale. Imther est d'autant plus dangereux que les Lunaires y laissent parfois se nourrir la Chauve-Souris Pourpre. C'est d'Imther que les Lunaires commencent à s'intaller dans la Citadelle d'Elkoi en Balazar

Dans les années récentes, le Royaume d'Imther a été marqué par une guerre civile (1605-1610) entre deux frères, le Roi Firon III Yeux-de-feu (qui a le soutien des Wilktar) et le Roi Margor IV le Boiteux (qui a le soutien des Laramites mais aussi des Nains de l'Armée de Fer). En 1610, Margor IV l'emporte mais le prix à payer est lourd pour le soutien des Lunaires : en 1612, Nouvelle Lolon est donnée à Vanch et le Bac-aux-Soldats à Holay. 

Dans la campagne de Harald Smith, la grande révolte des cultes de la Terre et des Tempêtes se dresse contre le Roi Margor dès 1622. Imther est déjà en rébellion avant même l'éveil du Dragon Brun ou l'arrivée d'Argrath. Les Armes divines de la Terre et la grande Epée des Vents perdue en Balazar vont déclencher la fin de la dynastie des Rois pro-lunaires d'Imther, malgré tout le soutien des Nains. Mais les Nains vont cesser dès lors tout commerce et ruiner les marchands d'Imther. 

 Autres dieux locaux en plus de Khelmal, Nealda ou Imthus : Arahar (l'Etoile polaire), Brachus (dieu de Nouvelle Lolon), Hortus (dieu de Hortugarth), Isildon & Imaron (dieux de la rivière). 


H. Smith, Edge of the Empire p. 75

 

Petite Bibliographie haraldsmithienne (sur Imther)

Runequest Con Compendium (1994) : Les combats de Yelmalio dans la Quête de la Colline d'Or (p. 9). 

New Lolon Gospel n°1 (1995) : Ralaska la déesse du Foyer (équivalent de Mahome, voir Edge of the Empire p. 48), Mythes de Khelmal, de Kareiston

New Lolon Gospel n°2 (1998) : Lokarma, dieu du commerce (équivalent de Lokarnos, il s'appelle maintenant "Alakarma" EoE p. 44), les Gemmes, les mythes de Fripon d'Orlantio.  

Runequest Con-2 Compendium (1995) : Séminaire sur Imther de Smith avec le défunt James Polk (1956-2016).  

Codex n°3 (1995) : Les fromages d'Imther, introduction générale à Imther (les noms sont assez différents de la version actuelle, plus "romains"), plusieurs factions politiques comme la Rose (pro-lunaire) et l'Orbe (pro-monarchie traditionnelle yelmalione). Le texte parle de "Lokarnus". 

Tales of the Reaching Moon n°16 (1997 : "The Singing trail" p. 44 (avec carte) + "A Storm Upon the Singing Trail" où les PJ rencontrent un rituel magique entre Imther et Jillaro p. 45-47. 

Enclosure n°2 (1998) : la Géographie de Vanch (p. 12-13), la Chute de Heliakal (une légende vanchite sur la Quête de la Colline d'Or, Heliacal est un allié de Khelmal, p. 41-42). 

Des notes de H. Smith sur Imther sur BRP Central(avec un plan de Collineville).  


dimanche 29 juin 2025

[Glorantha] Des Lignées & des Songes




Suite de notre campagne en Kralorela, où je joue Wú Áo le Chat Rêveur. 

Résumé des épisodes précédents : Nous enquêtons sur une secte, les Huit Démons de la Fertilité Perverse. Les 8 dirigeants ont des Masques leur permettant d'entrer dans les Rêves. Nous avons pu confisquer deux masques et nous avons quitté notre ville de Lur Nop. Après un voyage par terre et par mer avec les nomades yaks Lo-Fak, nous sommes partis dans la Province de Puchai ("le Pays Etroit"), à la recherche d'une certaine "Liên", une des Huit, qui a son propre Masque et résiderait dans la Cité frontalière de Jiā Yù Guān



La Cité de Jiā Yù Guān est sur la Rivière Teshnan. Elle garde la voie qui conduit à la Passe Xīmàn et aux Forts de Fer qui protègent l'Empire contre les Nomades Pentiens. La Cité est dirigée par le Duc Sen et nous faisons la connaissance de Sen Lim, son frère, conseiller et Illuminé de Metsyla l'Aigle-Phénix, et de son fils Sen Saw. Cette Maison Sen descend de Sen Hluh, un aventurier qui avait vaincu les Hordes de Sheng Seleris il y a plusieurs siècles et qui avait été récompensé en étant anobli. Le Duc Sen est assez indépendant dans cette frontière pour avoir peu d'égard pour le Sceau de la Grande Inquisitrice qu'avait présenté Sa Seigneurie, Notre Magistrat, le Juge Wū Láng Fāt. Le conseiller du Duc Sen Lim nous a pris toutes nos armes mais nous a laissés libres d'enquêter depuis une auberge. 

Nous avons pu voir au loin des incendies dans des villages plus à l'est mais nous avons évité d'y aller, et nous avons visité un village d'indigènes à la peau reptilienne qui adorent un dieu éléphant nommé Tchut

source de l'illustration

L'Aldryami Ombre Rouge, qui nous accompagne depuis la traversée des Monts Shān Shān, a repéré que la Cité a été construite par les Ducs Sen sur des carrières profondes. Officiellement, les entrées et les tunnels ont été comblés après la construction de la ville. On part sonder s'il y a des quartiers de la ville qui seraient au-dessus de parties encore creuses. Notre Apprenti Shaman Zūn Zàng demande à son épouse-fantôme A Rang d'interroger les esprits des alentours. 

Nous allons au temple de Vashanti (ou "Washangdi") , un des Grands Dragons liés aux Connaissances, et ce sanctuaire sert aussi des Archives de la ville. Dans la mythologie kraloreli, ce sont les rituels de Vashanti qui ont guéri le monde et ont distingué le Jour et la Nuit tirés des Grandes Ténèbres. 

Gōng (Sire Wū Láng Fāt) croise la Dame Gwok, Grande Archiviste, et ils deviennent amis, même assez intimes (ce qui conduit à certains quiproquos quand le Chat Wú Áo croit qu'elle a enlevé le Juge et tente de fouiller sa demeure, qui est une aile des Archives). Dame Gwok lui révèle qu'elle aussi possédait dans sa famille un des Masques. L'héritier du Duc, Sen Saw, l'avait séduite mais l'a abandonnée dès qu'il lui a pris son masque. 

De retour dans l'Auberge qui nous accueille, un serveur dit que ce jeune noble Sen Saw a acquis depuis peu une mauvaise réputation et qu'on le dit en mésalliance avec une "étrangère" (au sens d'une Kralori venue de l'extérieure de cette Cité isolée). Pourrait-elle être cette Liên que nous recherchons ? Elle résiderait non loin du Temple de Washangdi. Comment a-t-elle "corrompu" l'héritier du Duc, qui a abandonné le culte de Metsyla Fènghuáng.

 ***

Petite Note sur Vashanti : Le nom de ce Dragon de Kralorela fait très indien et certes, on sait que ce n'est pas la peine de chercher une cohérence linguistique sur Glorantha, mais je trouve drôle de voir si on peut tenter de le faire un peu. 

Google me propose de "siniser "Vashanti" en 瓦尚蒂 Wǎ shàng dì. Or, il se trouve par coïncidence que cela est la retranscription en chinois de "Vishanti", la triade des Dieux "bons" dans le Doctor Strange (Oshtur, Hoggoth & Agamotto). Stan Lee avait créé tous ces noms comme son mythe lovecraftien personnel. Le Grimoire magique le plus puissant de l'Univers Marvel est Le Livre des Vishanti. Je n'ai pas l'impression que Stafford cite beaucoup de comics (à part peut-être Howard the Duck...). 

Ou alors cela peut venir du nom du dieu chinois 上帝 Shàngdì, qui, par une autre coïncidence, était l'un des dieux principaux de Viridistan

[Glorantha] 5e partie de Gods War

Voir parties précédentes : (1) 5 factions : Dieu Invisible, Yelm, Kyger Litor, la Déesse rouge & Magasta. Victoire des Trolls. (2) 4 factions : Air, l'Eau, la Lune et la Terre. Victoire de Magasta. (3) 3 factions : Air, Soleil, Ténèbres. Victoire des Trolls. (4) 3 factions : Terre, Mer, Lune. Victoire de Magasta

Nous étions cette fois (pendant le samedi après-midi chez E.V.) 5 panthéons à nouveau : Déesse rouge, Dieu Invisible,  Kyger Litor, Magasta et Orlanth

On jouait aussi avec 5 factions des Races Aînées (Aldryami, Mostali, Géants, Archers de Pierrevierge et Vadeli) mais les alliances n'intéressèrent pas grand-monde, seulement deux furent activées (les Nains et les Elfes). Le Géant est puissant mais il exige de sacrifier un ambassadeur pour l'obtenir. 

Voici la carte à la fin du jeu (je ne me souviens plus, 5e-6e tour ?).  


 

Je jouais (fort mal, comme d'habitude) les Ténèbres. J'ai voulu bâtir beaucoup, assez vite pour avoir une ziggourat et un Château de Plomb (construit aux Enfers), me disant que personne ne viendrait me le prendre là. Du coup, je n'avais pas joué assez agressivement et je n'avais pas beaucoup d'unités en dehors de mes Trolls sur l'île de l'aube, une Ombre en Errinoru et Rocaraigne aux Enfers. 

Les flots furieux de Magasta ont envoyé trois Serpents de Mer aux Enfers et m'ont tout repris. Je me retrouvais assez désemparé dans ma stratégie et avec beaucoup moins de Temples que les autres comme j'avais donné la priorité aux Enfers par rapport à la Surface. Les Serpents de Mer ne pouvaient pas ressortir des Enfers mais il me faudrait beaucoup de temps pour aller reprendre les deux Temples de Magasta qui y avaient remplacé les miens.   

La Déesse rouge dominait très largement pendant presque tout le jeu et il y eut vite une grande alliance des Sorciers, de Magasta et des Orlanthis contre elle, pendant que j'essayais de survivre loin derrière. Un des pouvoirs terrifiants de la Déesse rouge est la Brulure lunaire qui détruisit bien des Temples de Magasta. 

Magasta avait submergé tout Jrustela sous les eaux et les Mostali vivaient maintenant sous des Dômes aquatiques. Les Brithini ont conclu une alliance avec les Mostali, ce qui a accéléré la construction de châteaux et cathédrales. 

J'ai donc conclu une alliance avec les Aldryami de la Jungle d'Errinoru (alliance automatique dès que les Mostali ont déjà une alliance) mais elle n'a servi qu'à protéger mon second Château de Plomb. Quand j'ai enfin réussi à invoquer ma déesse des ténèbres Kyger Litor et l'envoyer reconquérir les Enfers, je commençais ma contre-offensive contre l'Océan. Je commençais enfin à avoir assez de points de Pouvoir pour agir plus sereinement. Mais surtout, comme j'étais le dernier, je n'étais plus une menace pour personne et ce jeu a des mécanismes pour permettre au dernier de remonter un peu la pente. J'ai donc plus remonté par la pitié des autres que par une réussite stratégique. 

Orlanth reçut la Rune d'Acos, la Loi, qui permet d'interdire une action. Il interdit à la Déesse rouge de modifier son cycle lunaire alors qu'elle était en Lune mourante (sous peine de perdre un point de Victoire). Bloquée en Lune mourante, la Déesse perdit alors beaucoup de sa puissance (même si sa devise pourrait être, comme celle de Leibniz, "inclinata resurget").  

Mes troupes issues des Ténèbres, même après tous mes raids vengeurs contre l'Océan, n'auraient absolument pas pu tenir contre la puissante terrifiante des Tempêtes qui concentrait en une seule armée un Orlanth ayant accompli toutes ses quêtes et tous ses frères et fidèles et si le jeu avait pu continuer un tour de plus, Orlanth aurait sans doute déferlé sur moi. Mais les trois autres Dieux se liguèrent contre la Déesse rouge (pendant que mes Trolls envahissaient des sanctuaires de l'Air et des Eaux) et le dieu de l'Océan Magasta l'emporta, de quelques points. Nouvelle victoire pour l'Océan, décidément assez efficace dans les 5 parties auxquelles j'ai participé. 

lundi 23 juin 2025

Josh Johnson: Flower Tour

Je suis allé voir le spectacle de l'humoriste Josh Johnson (qu'on voit parfois au Daily Show) au Théâtre de l'Alhambra (il a un second spectacle mercredi 25 à la Cigale). J'aime beaucoup sa façon de sembler improviser une méditation profonde où il feint de s'émerveiller de quelque chose de familier. Tous les humoristes utilisent cette technique d'étrangeté du quotidien mais il réussit à donner cette impression qu'il est en train d'élaborer avec nous cette surprise même quand c'est en fait très travaillé. Il donne vraiment une impression de réflexion vivante et sans vouloir l'écraser dans la comparaison, il a quelque chose de philosophique comme l'avait souvent George Carlin (mais sans sa colère, avec plus de distance ou de détachement). Carlin était un cynique sarcastique (au sens réel du cynisme) alors que Johnson est un ironiste qui ne semble pas vraiment vouloir vous donner des leçons (ce qui le rend un peu moins politisé bien qu'il parle de politique si souvent). L'amertume de Johnson est pleine d'empathie alors qu'on dit d'habitude que l'empathie risque de nuire à l'humour. 

D'après les nombreux extraits de son Flower Tour dans chaque ville, il semble changer énormément de "routine" au point qu'on peut se demander si c'est le spectacle qui est itinérant ou si c'est une succession de spectacles distincts. 

Je m'attendais à des blagues assez politiques comme il a fait des séries de sketchs sur Musk encore la semaine dernière, comme celui à Detroit sur la fin de DOGE et ici il n'a même pas abordé le sujet. Son sketch brillant sur les (prétendues) "IA" était à Londres, si je me souviens bien. 

Il a même été presque réticent sur Trump, esquissant quelques blagues indulgentes sur Macron, sur la durée des repas, sur les Parisiens ou sur les Retraites ("la retraite pour un Français, cela doit être être Français mais au carré"). Quand il évoque Trump, on dirait que c'est toujours plus un sentiment de honte collective qui domine qu'un sentiment de colère ou de crainte. On dirait qu'il parle d'un aïeul embarrassant ("Quand on le voit au G7, c'est un peu comme regarder votre père ivre qui se met à taper sur d'autres pères pendant un match de baseball") et pas un pourri fasciste. 

Dans les tranches de vie, le sketch sur les bizarreries du train new-yorkais marchait moyennement ("à Paris, vous vous sentez en sécurité sauf si vous avez par hasard eu la malchance de vous faire voler, à New York vous vous sentez inquiet même s'il ne se passe strictement rien qui puisse mériter d'appeler la police") mais un sketch encore plus banal sur les embarras du regard dans les transports reposait entièrement sur son génie comique. C'était un exemple où un autre humoriste ne pourrait pas réussir à lui voler cette blague ou la raconter avec les mêmes effets. Même chose pour le sketch du pilote qui demande en mariage son amie en plein vol.