dimanche 27 novembre 2022

Une encyclopédie sur Namor The Submariner

 Wow, je ne me souviens pas avoir lu une entrée de blog qui soit l'équivalent d'un livre entier sur le superhéros fondateur de l'univers Timely/Marvel, Submariner (par Sim Theury, qui est aussi au Cabinet des Curiosités Marvel). 

jeudi 24 novembre 2022

L'asymétrie temporelle (suite)

Puisqu'on parlait d'asymétrie temporelle, une coïncidence me donne ce "meme", certes un peu kitsch dans son côté trop "conte gnangnan du colibri" rabhiesque. J'ignore le nom de l'auteur, je l'ai trouvé


Le meme fait allusion à un type d'histoire courante sur le voyage dans le temps avec "effet papillon" dont le cas le plus connu est A Sound of Thunder (1953) de Ray Bradbury (un voyageur dans le temps tue juste un petit papillon dans le passé et les conséquences dans le futur sont désastreuses). 

Poul Anderson avait imaginé dans Time Patrol une sorte d'anti-effet papillon où l'effet critique est plus difficile à trouver (mais il peut y avoir quand même des singularités et des points critiques). Le temps aurait une sorte d'hystéresis (un effet retard où les conséquences ne viendraient que plus tard si la cause a été assez importante) ou plutôt de la stabilité et les paradoxes seraient donc difficiles à créer (sinon, cela gâchait trop le concept de Patrouille du temps pour Anderson). L'exemple statistique est que si on tue une seule brebis dans un bétail dans un lointain passé, on aurait en fait des gènes quasiment identiques dans la population des descendants des moutons de ce groupe comme si la petite différence avait été vite résorbée dans la loi des grands nombres. Cela m'a toujours apparu assez "ad hoc" et j'imagine qu'il faudrait vraiment de grands bétails ou un temps assez long. 

dimanche 20 novembre 2022

Biais envers le futur

 Ce podcast de Noé Jacomet résume un argument de Derek Parfit dans Reasons & Persons (1984, via le livre de Kieran Setiya, Midlife: a philosophical guide, 2018). 

Il est ordinaire de parler de notre biais de faveur envers le présent contre le futur (ou temporal discounting) : nous préférons souvent un plaisir A présent, même s'il cause une peine B plus grande dans le futur à une petite peine au présent même si elle entraîne un plaisir plus grand dans le futur. 

Mais Derek Parfit inverse l'argument par une asymétrie où on aurait un biais de faveur envers le futur par rapport au passé

1 Je vais ressentir une grande peine future dans un jour prochain et on me dit qu'on m'effacera le souvenir après la douleur. Mais quand je me réveille, je ne sais pas si j'ai déjà ressenti la peine dans le passé (et l'ai oubliée) ou si cette douleur est à venir. Nous aurons alors tendance à préférer être dans le premier cas, même si la douleur future éventuelle était inférieure à la douleur passée et oubliée. 

2 Mais cela fonctionne aussi avec un plaisir. Si j'attends avec impatience un plaisir futur mais sais que je vais l'oublier après-coup, quand je me réveille je vais préférer avoir encore ce plaisir à ressentir dans le futur que l'avoir déjà ressenti, même si encore une fois ce plaisir futur encore à venir était inférieur au plaisir passé et oublié. 

L'argument qu'en tirait Kieran Setiya était qu'on serait plus heureux en cherchant une satisfaction présente qui ne soit pas que fondée sur l'objectif futur (même dans une activité qui garde un objectif futur) pour apprendre à ne pas vivre toujours uniquement dans l'espérance d'une plus grande satisfaction future. 

L'utilisation d'effaçage de la mémoire peut perturber nos intuitions sur l'identité de la personne (comme l'a bien montré Bernard Williams). J'ai des biais tellement fondés sur l'identité psychologique (critère lockien) que je me demande si j'aurais encore ce prétendu biais sur le futur si on me disait qu'on va me prélever tous mes souvenirs avant la douleur ou le plaisir et pas seulement après. Je me dirais alors que ce n'est pas vraiment moi qui vais ressentir cette peine et je deviendrai alors indifférent à la question de savoir si cette peine est encore à venir ou si le plaisir a déjà eu lieu. 

jeudi 17 novembre 2022

Judge Dredd: America

Judge Dredd: America est un album qui contient des histoires de John Wagner avec un thème politique de 1986 (Letter from a Democrat, 1986, Revolution, 1987, Politics d'Alan Grant) à 1990 (l'histoire éponyme), 1991 (The Devil You Know, Twilight's Last Gleaming, de Garth Ennis). 

Judge Dredd est un des personnages les plus ambigus de toute la littérature populaire puisqu'il a été créé par des "punks" qui voulaient se moquer du flic et que depuis des décennies il finit par héroïser vraiment le policier "sévère mais juste". 

Cela illustre le risque fréquent du mouvement punk d'aller de l'anarchisme vers un nihilisme plus compatible avec l'extrême droite (qui comprend quoi que ce soit à l'itinéraire chaotique de ce pauvre John Lydon, qui a rejoint Trump ?). 

Cette série politique avait commencé par une volonté de John Wagner de rappeler aux lecteurs plus brutalement le problème du personnage qui est soudain montré comme un véritable fasciste. Non seulement il réprime un mouvement démocratique mais il le fait en transgressant les lois communes alors qu'il semblait auparavant brutal mais rigidement orthodoxe dans son application des lois draconiennes de son univers dystopique. On avait l'impression que Wagner craignait soudain que son ironie soit devenue trop invisible pour de nombreux lecteurs. 

Je trouve cependant qu'il y va un peu lourdement (et notamment sans doute quand c'est Alan Grant qui l'écrit). Judge Dredd est d'habitude le symbole même du Lawfut Neutral et il bascule dans le Neutral Evil, prêt à déformer la Loi au nom d'un "Ordre" despotique. Il y a une histoire où Dredd organise même un faux mouvement d'extrême droite ("Les Fils de la Dame de Fer"...) qui le dépasserait pour mieux se justifier et se débarrasser de ses adversaires démocrates. 

America est un roman où Dredd apparaît à peine et John Wagner a dit que c'était son histoire favorite. L'héroïne est une militante démocrate qui est prête à aller vers la violence contre la tyrannie des Juges mais le narrateur est son ami craintif et socialement intégré qui ne partage pas sa flamme politique. C'est une tragédie mélancolique où ce narrateur se perd complètement dans sa recherche d'authenticité. 

Puis la compilation s'arrête dans une conclusion que je n'aime pas particulièrement. 

Un des procédés pour réhabiliter Dredd est de le mettre face à des Juges "ripous" qui veulent l'assassiner, et de le présenter soudain comme un rempart contre les excès de son propre mouvement (de même que Dirty Harry avait tenté de nuancer un peu son éloge du vigilantisme dans le second opus avec Magnum Force). 

La satire sur le fascisme de Dredd est inversée en une fable misanthrope par Garth Ennis. 

Dredd propose un référendum sur le retour à la démocratie et la majorité des citoyens de Mega-City ne comprend même pas les enjeux (ils n'arrivent même pas à voter du tout) et finit par acclamer massivement le maintien du "Pouvoir Judiciaire" (la concentration des pouvoirs par ces policiers qui ont de droit les pleins pouvoirs avec peu de contrôle externe en dehors d'un vague service de "police des polices", le SJS, qui fut d'ailleurs parfois assez corrompu du temps du Juge Caligula). 

Le problème de cette fin est que John Wagner me semble avoir reculé sur son ironie du début. Il humanise tant Dredd à la fin des années 1980 qu'il semble prendre son parti. L'histoire de Garth Ennis finit même par ridiculiser tout le mouvement démocratique comme une rêverie de "Belles Âmes" idéalistes face au chaos hobbesien de Mega-City. La conclusion gâche donc l'avertissement contre le fascisme : le peuple est si aliéné qu'il finit en le soutenant et en renonçant à tout idéal "utopique" d'un peu de démocratie formelle. 

Certains lecteurs trouvent ce cynisme final intéressant mais je ne comprends pas l'intérêt de dénoncer le fascisme et de conclure que le peuple est tellement stupide qu'il mérite et désire le fascisme, voire que dans un tel état de nature, il n'y aurait aucune autre solution tant qu'on a au moins un individu aussi "honnête" que Judge Dredd. Alan Moore peut paraître naïf dans son anarchisme mais je ne pense pas qu'on puisse accuser Watchmen d'avoir finir par rendre le fascisme amoral du Comedian ou du fascisme doctrinaire de Rorschach aussi "sympathique" (malgré toute l'erreur de lecture des fans de Rorschach). 

Alim

J'avais été enthousiasmé par Azimut (une des meilleures bd lues ces derniers temps) mais je suis pour l'instant plus placide sur Alim le Tanneur (série finie de 2004-2009) du même scénariste Lupano avec de beaux dessins assez cartoony de Virginie Augustin. L'univers d'Alim est assez développé, un mélange de plusieurs références orientalisantes, entre les mille et une nuits avec un peu d'Asie. 

Mais là où Azimut me paraissait subtil et poétique sur la fuite du temps, Alim me semble moins novateur. C'est une métaphore sur le fanatisme théocratique plus prévisible, un peu comme ces vieux épisodes de Rahan où le Héros Civilisateur démystifiait à chaque fois des shamans qui manipulaient le peuple avec leurs fétiches. Azimut était plus du Lewis Carroll alors qu'Alim était plus dans un conte voltairien. 

Alim est un tanneur de peau de "sirènes" (d'antiques léviathans) et il est un hors-caste avec sa petite fille dans une société rigide qui aime le racisme, l'oppression des interdits absurdes et les châtiments corporels. C'est pas mal mais je n'y ai pas encore trouvé le même génie que dans Azimut

Un des gags que j'aime bien dans l'ironie anti-religieuse du premier volume est que les Dieux ne se seraient pas séparés des mortels par colère ou pour nous punir mais parce qu'ils nous auraient simplement oubliés et que la religion serait dès lors une tentative de leur rappeler notre existence d'orphelins abandonnés. Le Prophète de la religion locale est divinisé comme sauveur parce qu'il aurait été le Mortel qui aurait réussi à leur rappeler qu'ils nous avaient créés. Ce serait une jolie inversion de la relation prométhéenne ou de la mort de Dieu : ce n'est pas nous qui avions tué Dieu, c'est le Dieu qui s'efface dans son acosmisme. 

jeudi 10 novembre 2022

Fénelon et l'Illusion d'éviter les Illusions

On a raison de se méfier des dictionnaires de citation qui modifient ou attribuent de manière erronée tant de phrases banales ou anachroniques. Une de mes élèves a mis dans sa copie une phrase trouvée sur Internet et attribuée à Fénelon

"Il n'y a pas de plus dangereuse illusion que la notion par laquelle les gens s'imaginent éviter l'illusion."
 
Je n'ai pas pu en retrouver le contexte précis et l'élève s'est hélas égarée à en faire une interprétation quasiment nietzschéenne où ce serait notre croyance à la vérité (pour éviter l'illusion) qui serait elle-même une illusion. Elle en concluait un scepticisme et un relativisme général où toute "vérité" ne serait qu'une illusion déguisée. 

Mais il y a des chances que la citation soit authentique tant elle correspond à d'autres textes du "Cygne de Cambrai" (même si je me demande dans le passage retrouvé si "la notion" pourrait être une faute de copie pour "l'imagination" ?). 

François Fénelon a l'air d'avoir été obsédé par ce terme d'illusion qui chez lui enveloppe non seulement les erreurs, les hérésies, les péchés, les tentations mais aussi les égarements de notre intelligence. Dans son texte hyper-cartésien, Traité sur l'existence et les attributs de Dieu (II.1), il commente même le doute "hyperbolique" de Descartes en demandant si la Clarté et la Raison pourraient tout aussi bien être des illusions du Dieu trompeur et si un Néant pourrait penser, ce qui implique que seule la voie de l'être divin comme garantie de la vérité peut dépasser le simple critère de l'intuition du sujet. 

Dans sa théorie du Pur Amour, l'âme doit viser à dépasser l'illusion qui est avant tout l'Amour-Propre pour se détacher et se laisser aller à recevoir le vrai amour désintéressé qui est le divin. Il n'y a de vrai que l'amour et l'illusion est l'ensemble des obstacles à cette donation, l'ensemble de la structure métaphysique qui ne cesse de nous empêcher de recevoir cette grâce. La mystique "quiétiste" prend parfois des accents bouddhistes pour dissiper ces illusions de l'attachement à l'ego. Le Pur amour, comme dépassement du Moi et éloge de la passivité ou de la réceptivité humble (se réduire pour laisser aller à soi ce don, s'anéantir en devenant disponible au don), est une sorte d'Extinction des passions imaginaires. 

Mais Fénelon ne se contente pas de l'apologie classique où l'illusion est la tentation du péché, il critique aussi (et en ce sens l'interprétation est en effet une anticipation de certains aspects de Nietzsche) une sorte d'ascétisme, un excès de dévotion qui serait aussi une illusion de l'amour-propre chez ceux qui prétendent s'en être détachés. C'est le danger que Fénelon appelle "Fanatisme", un enthousiasme tout aussi toxique pour la vraie foi selon lui que tout péché libertin. On est aussi dans l'illusion par un excès de zèle, par le poison de l'inquiétude et pas seulement en fuyant notre ennui dans le divertissement ordinaire. Pascal avait dit que même nos tâches sérieuses pouvaient être des divertissements face à l'ennui et à la conscience lucide de notre mort, mais Fénelon soupçonne que même la dévotion peut aussi garder bien des illusions et des déguisements de notre Amour-propre. C'est notre Imagination qui est la source des illusions qui accroissent nos souffrances inutilement et il faut savoir "souffrir sans se faire souffrir" (lettre de mai 1707) et sans ajouter de peines vaines et illusoires. Il y a des Croix qui ne viennent pas de Dieu mais au contraire de projections humaines de nos angoisses. Il n'y a pas à valoriser la Croix si elle n'est que notre oeuvre. Il est assez rare de trouver chez un directeur de conscience chrétien une telle mise en garde et une telle sensibilité psychologique contre l'inquiétude ascétique. 

Le quiétisme n'a rien de banal s'il doit trouver comment détourner ces tensions des tourments dont nous sommes nous-mêmes l'artisan. On comprend comment Fénelon, bien qu'il soit parti lutter contre les Réformés, peut aussi être soupçonné d'une dose d'hérésie pélagienne. 

Fénelon écrit, avec une certaine vivacité rare chez lui, dans une lettre de "parénétique" (exhortation morale) du 10 octobre 1702 à la Comtesse Marie de Montberon (née Marie Gruin de  Valgrand, épouse du Vicomte François de Montberon, gouverneur de Cambrai - Fénelon n'a pas pour elle la même tendre admiration que pour la foi de sa cousine, Mme Guyon, que Voltaire traite dans son livre d'histoire de simple "extravagante") :  

Vous avez, Madame, deux choses qui s’entre-soutiennent, et qui vous font des maux infinis. L’une est le scrupule enraciné dans votre cœur depuis votre enfance, et poussé jusqu’aux derniers excès pendant tant d’années.

L’autre est votre attachement à vouloir toujours goûter, et sentir le bien. Le scrupule vous ôte souvent le goût et le sentiment de l’amour, par le trouble, où il vous jette. D’un autre côté, la cessation du goût et du sentiment réveille et redouble tous vos scrupules ; car vous croyez ne rien faire, avoir perdu Dieu, et être dans l’illusion, dès que vous cessez de goûter et de sentir la ferveur de l’amour. Ces deux choses devraient au moins servir à vous convaincre de la grandeur de votre amour-propre.

Vous avez passé votre vie à croire que vous étiez toujours toute aux autres et jamais à vous-même. Rien ne flatte tant l’amour-propre, que ce témoignage qu’on se rend intérieurement à soi-même de n’être jamais dominé par l’amour-propre, et d’être toujours occupé d’une certaine générosité pour le prochain. Mais toute cette délicatesse qui paraît pour les autres est dans le fond pour vous-même. Vous vous aimez jusqu’à vouloir sans cesse vous savoir bon gré de ne vous aimer pas ; toute votre délicatesse ne va qu’à craindre de ne pouvoir pas être assez contente de vous-même. Voilà le fond de vos scrupules. Vous en pouvez découvrir le fond par votre tranquillité sur les fautes d’autrui. Si vous ne regardiez que Dieu seul et sa gloire, vous auriez autant de délicatesse et de vivacité sur les fautes d’autrui, que sur les vôtres. Mais c’est le moi qui vous rend si vive et si délicate. Vous voulez que Dieu aussi bien que les hommes soit content de vous, et que vous soyez toujours contente de vous-même dans tout ce que vous faites par rapport à Dieu. 

D’ailleurs vous n’êtes point accoutumée à vous contenter d’une bonne volonté toute sèche et toute nue. Comme vous cherchez un ragoût d’amour-propre, vous voulez un sentiment vif, un plaisir qui vous réponde de votre amour, une espèce de charme et de transport. Vous êtes trop accoutumée à agir par imagination, et à supposer que votre esprit et votre volonté ne font point les choses, quand votre imagination ne vous les rend pas sensibles. Ainsi tout se réduit chez vous à un certain saisissement semblable à celui des passions grossières, ou à celui que causent les spectacles. À force de délicatesse on tombe dans l’extrémité opposée, qui est la grossièreté de l’imagination. Rien n’est si opposé non seulement à la vie de pure foi, mais encore à la vraie raison. Rien n’est si dangereux pour l’illusion, que l’imagination, à laquelle on s’attache pour éviter l’illusion même. Ce n’est que par l’imagination qu’on s’égare. Les certitudes qu’on cherche par imagination, par goût et par sentiment, sont les plus dangereuses sources du fanatisme.
Je ne comprends pas bien cette formulation de la phrase "Rien n’est si dangereux pour l’illusion, que l’imagination, à laquelle on s’attache pour éviter l’illusion même." 
Ne veut-il pas plutôt dire "Rien n’est si dangereux que l’illusion [ou bien comme illusion], que l’imagination, à laquelle on s’attache pour éviter l’illusion même". 
On s'approche en tout cas bien de la citation recherchée. 

Voir aussi sur la même période, les deux bouts de la chaîne du grand rival de Fénelon, l'Aigle de Meaux ; comme le dit l'étrange animal érudit de Victor Hugo dans l'Âne et Kant
"Champ de foire, Babel,  chaos ? auquel entendre ?
Bossuet est féroce et Fénelon est tendre."

lundi 7 novembre 2022

Sodalitas

 Sodalitas de Jan Van Houten est un mini-jeu de rôle en "une" page, mais dense, disons deux pages, avec quelques pages de suppléments et illustrations à 4 euros avec mise en page par Nicolas Folliot. C'est conçu pour jouer avec des joueurs jeunes et nombreux car le créateur, professeur de mathématiques, l'utilisait avec 7-8 élèves de collège pour des parties de moins d'une heure. 

C'est si bref que j'ose à peine parler des règles sans avoir l'impression de tout recopier et divulguer. Mais même en le paraphrasant, je ne rendrais pas compte des dessins de l'auteur et de son atmosphère qui valent bien la peine de débourser les 4 euros. Les personnages sont donc rondement esquissés avec trois-quatre mots clefs du genre "orque scalde charmant" ou "milliardaire mythomane et autodestructeur", plus une capacité particulière, plus précise mais la "protection de niche" (la singularisation) compte peu comme on doit permettre à tous de briller à son tour. 

Le tour de parole

Pour mieux répartir la parole dans une assemblée nombreuse et éviter l'effet d'un leader qui monopoliserait l'attention, il y a un tour de jeu où la joueuse a la main jusqu'à ce qu'elle ait pris une décision ou lancé les dés, et ensuite on passe obligatoirement à la suivante (mais on peut aussi faire voter la table entière à main levée pour une décision collective). C'est une idée assez simple à reprendre dans les jeux d'initiation avec des joueuses parfois inhibées. Les joueuses sont les seules à lancer les dés et l'arbitre n'intervient que face aux échecs des joueuses pour interpréter les réactions de l'environnement. 

Le collectif

Le jeu insiste sur le groupe (La "Guilde") et le soutien que les PJ doivent s'apporter entre elles pour réussir, ce qui devrait beaucoup plaire à un fan de Fairy Tails ou aux amateurs de Poneys volants qui ne cessent de parler des vertus de la Camaraderie et de l'Amitié (d'où le titre du jeu, un sodalis étant en latin un compagnon, complice, conjuré, confrère ou collègue). On est censé lancer la Devise de la Guilde quand on s'entr'aide. 

Le système d'alea vient des PbtA. On lance 2d6 et on interprète le résultat entre l'échec total (2), la réussite partielle (10-11 "Oui mais") et la réussite totale (12). Il n'y a pas de points de vie mais des points de Stress pour représenter la tension dramatique pour chaque participant. Un échec normal fait gagner 1 point de Stress et aider une autre PJ ou utiliser une capacité spéciale coûte aussi un point de Stress. A 3 points, on est épuisé pour cette session (on rappelle que c'est censé être pour des parties courtes). 

Un des arguments originaux est de développer un peu sa Guilde avec ses capacités qui viennent des figurants qu'on peut y ajouter, un peu comme l'Alliance dans Ars Magica. Le lieu du QG à construire est aussi un système d'expérience original : selon les caractéristiques de la Guilde, les PJ pourront en tirer divers nouveaux avantages (par exemple de nouveaux équipements) entre chaque aventure. Le PJ qui a été la Meilleure Camarade (et donc doit être la plus épuisée) peut aussi en tirer un avantage supplémentaire. 

Je n'ai pas encore lu la douzaine d'aventures en une page, souvent de brefs donjons un peu excentriques ou loufoques mais j'aime bien le fait qu'elles soient aussi localisées sur une carte commune comme un jeu de bac à sable. Elles ont parfois une ambiance bizarre féérique à la Rêve de Dragons

dimanche 6 novembre 2022

Jeu de Rôle Junior

 JdR Junior (Fleurus) est un jeu de rôle créé par Denis Hamon et illustré par Arnaud Boutle ou par Jules Dubost. Il y a eu pour l'instant 4 livrets autonomes avec les règles quasiment similaires sur 4 univers : heroic fantasy (Au Royaume des Dragons, le seul, je crois, qui existe aussi en version "de luxe" avec boite), école de magie (mélange de Hogwarts et des X-Men, un peu comme l'école de Pan), sf (Star Wars) et enquête pour adolescents (Stranger Things ?). Je n'ai acheté que les deux premiers. 

Chaque livret a un écran rigide (la couverture), 12 feuilles de personnages pré-tirés illustrés et recto-verso (avec du background), des jetons représentant les points de vie, les points de magie et éventuellement d'autres choses comme des objets magiques. Chaque jeu-univers est une mini-campagne avec 4 scénarios, et coûte seulement 10 euros (mais il est vrai que le starter de D&D n'est qu'à 20 euros, avec un seul scénario mais plus détaillé dans ses conseils). 

Avertissement : j'ai lu mais n'ai pas testé en jeu avec des enfants. 

Les personnages ont 4 caractéristiques : Agilité, Charisme, Corps, Esprit, notées de 1 à 3, plus des points de vie (5-6 généralement pour les pré-tirés) et éventuellement points de magie (4-5). La valeur de la caractéristique est le nombre de dés à 6 faces qu'on lance et une réussite est un 4-6 (les capacités, qui sont des sortes de compétences, donnent une réussite automatique). En cas d'opposition, on doit compter les réussites et les dégâts au combat dépendent plus des réussites que de l'arme. On aussi droit à un "point d'éclat" qui donne une réussite automatique une fois par séance (j'imagine qu'on pourrait accorder plus de points d'éclat en récompense à un PJ mais il n'y a pas beaucoup de jetons prévus pour cela si on n'a acheté qu'un seul livret). 

J'aime : les scénarios d'Au Royaume de Dragons ne sont pas si génériques, Denis Hamon a veillé à se détourner de certains clichés. Il y a à chaque fois un petit élément d'enquête qui s'écarte du simple donjon. On joue un groupe de paladins plutôt "démocrates", adorant des dragons face à leur propre aristocratie et face à un Etat théocratique monothéiste qui mène une guerre sainte contre les anciens cultes draconiques. Ce début d'aventure pourrait permettre des intrigues politiques, ce qui est assez rare dans les scénarios de débutants (je pense que je changerais le début pour que les PJ puissent participer au débat politique sur l'avenir du Royaume avec leur Charisme). Les pouvoirs assez ouverts des magiciens de l'Académie de Magie peuvent pousser à improviser des effets imprévus et une des aventures est assez déroutante en allant explorer l'intérieur de l'esprit d'un des enseignants de l'école. J'aime bien aussi les jetons pour les jeux pour débutants, cela permet un passage en douceur à partir des jeux de plateau, mais il n'y a pas de pions ou de plans très détaillés. J'aime aussi les feuilles de PJ pré-tirés en couleurs même si le système de jeu ne différencie peut-être pas tant que cela les personnages (il faudra quand même veiller à ce qu'il y ait un Soigneur, je crois). Certes, le défaut des fiches illustrées avec les enfants est qu'ils risquent de choisir le PJ plus en fonction du dessin que d'autre chose. 

J'aime moins : certains scénarios sont écrits comme si les joueurs allaient les lire et qu'il fallait leur cacher la vérité. Ils me semblent parfois trop allusifs pour des débutants et des pistes sont complètement laissées de côté. On parle de mystères qu'on ne résout pas (par exemple, à moins que j'aie mal lu, il ne me semble pas que la situation initiale du premier scénario soit jamais éclaircie sur les responsables de l'assassinat, entre la piste intérieure et la piste des ennemis extérieurs). Certains PNJ sont décrits trop vite (je ne connais même pas l'étendue des pouvoirs de la chef de l'école de Magie). Le Finale d'Au Royaume des Dragons est à modifier : il a une partie intentionnellement beaucoup trop difficile pour les PJ et ensuite un Deus Ex Machina qui risque de donner l'impression aux PJ qu'ils ne sont pas les vrais héros. 

Le choix de ce jeu d'introduction est d'être assez bref pour ne pas noyer les jeunes joueurs sous des pages qu'ils ne liraient pas mais Denis Hamon va peut-être un peu trop loin dans la concision si l'ambition est vraiment l'initiation sans un MJ déjà expérimenté. Mais avec un peu d'aide et de guidage, cela devient un bon tremplin. 

vendredi 4 novembre 2022

Azimut

Azimut écrit par Wilfrid Lupano et dessiné par Andreae est une série merveilleusement réussie de 5 albums parus de 2012 à 2019 et je m'en veux de ne pas l'avoir découverte avant. C'est un genre de bd fantastique qui pourrait rappeler d'autres séries poétiques fantastiques françaises sur des univers différents avec de la magie et quelques gouttes légèrement steampunk, un peu comme L'Autre Monde (1990-) de Rodolphe et Florence Magnin, La Nef des Fous (1993-) de Turf, Horologiom (1994-2014) de Fabrice Lebeault ou Le Mur de Pan (1995-1998) de Philippe Mouchel. Mais les détails et l'inventivité humoristique de faune imaginaire font plus penser à une cohérence onirique, à des clins d'oeil à Lewis Carroll, au garage hermétique de Moebius ou bien aux jeux de mots érudits d'Alain Ayroles. La série retombe sur ses pattes d'oiseau en 5 tomes en achevant l'intrigue et en résolvant plusieurs mystères qui étaient semés au fur et à mesure des histoires. 

Le thème central est celui du temps, entre les divers Chronoptères, coucous, phénix, et le Voleur de Temps ou la recherche de l'Immortalité. Au début, le monde a perdu le Nord magnétique et les boussoles sont toutes désorientées mais l'explication de ces pertes de repères spatiaux ne trouveront de solution qu'après quelques paradoxes temporels. 

Sécurité informatique

Mon ami Goodtime me signale que son antivirus classerait ce blog comme "site malveillant". J'ai déjà effacé les spams mais je ne sais pas si c'est suffisant si un logiciel est installé à mon insu ?