mardi 28 mars 2023

Juanalberto Maître de l'Univers volume 4

L'artiste brésiliano-helvète José Roosevelt est un dessinateur et scénariste de BD intransigeant qui développe depuis plus d'un quart de siècle à la fois son propre univers, sa maison d'édition (les Editions du Canard) et des projets personnels où il creuse les mêmes références et clins d'oeil comme autant de refrains comme si tous ses livres se répondaient, Borges, Lewis Carroll, Carl Barks, Moebius, Druillet (ou Caza peut-être ?), l'absurde de Camus, le surréalisme de Salvador Dali avec une once de romantisme nietzschéen... Olivier Roche a fait une synthèse sur cette singularité dans la bd francophone qui me paraît moins connue que les labyrinthes d'un autre borgésien, Marc-Antoine Matthieu. Roosevelt a aussi cité le dessinateur brésilien Ziraldo (avec l'étrange personnage Saci Pererê, un génie noir unijambiste du folklore) comme un choc originel mais l'influence paraît plus diffuse. 

L'actualité de cette année est riche en trouvailles rooseveltiennes entre Caoutchouc Couinant n°5, son hommage à l'énergie du Métal Hurlant des années 1970, et le quatrième volume de sa série Juanalberto, Maître de l'Univers



Juanalberto est un canard anthropomorphe qui ressemble plus au Howard Duck de Steve Gerber qu'aux créations de Carl Barks mais dans ses différentes incarnations et avatars depuis les premières BD de Roosevelt, il est généralement plus introverti que Howard, un artiste amateur plus qu'un aventurier. Dans ses premières apparitions dans l'Horloge ou la Table de Vénus, quand il vivait dans des cases en Noir & Blanc, il était une allégorie romantique pour rêver la nostalgie d'un Art en danger face à l'utilitarisme misomuse. Il errait dans des décors de conques flottantes et évoquait des romans que nul ne pouvait plus lire, comme dans Fahrenheit 451. Roosevelt était encore avant tout un peintre surréaliste qui insérait ses huiles daliesques en couleurs dans ses cases avant d'évoluer de plus en plus vers son projet de devenir auteur de BD. Je n'ai pas encore exploré sa série monumentale CE (bd qui réapparaît en écho dans cette série) mais il est clair qu'il maîtrise peu à peu aussi la construction scénaristique de l'action et du récit, pas seulement une succession de ses toiles. 

Dans cette série très réjouissante, on est passé du conte en N&B à une saga plus Kirbyenne en couleurs. Juanalberto sait qu'il est un personnage mais il s'est affranchi de son statut. Il est une création qui a pu devenir créateur. Il a pu façonner son coin-coin du Multivers en propageant une vie autonome avec laquelle il disait espérer le moins interférer. L'oeuvre est devenue Dieu. Un Dieu à tête de canard, aussi paisible et serein qu'un Vishnou, aussi amoureux qu'un Krishna, et sans doute moins impérieux que bien des Dieux Uniques. 

Ces formes de vie qu'il a créées sont essentiellement trois (je laisse de côté les végétaux et animaux) : (1) les Ethérés, (2) les Naturels et (3) les Néo-Oralistes. 

Je ne suis pas sûr qu'on puisse faire entrer les Evolutifs Aléatoires dans cette classification commode comme ils n'ont par définition pas d'autre essence que les tâtonnements chaotiques du vivant, bien plus encore que les Naturels. Leur dirigeant est un messie mutant improbable, un enfant-dieu. 

Les Ethérés sont les intellectuels apolliniens, exemplaires du Platonisme dont ne cesse de se réclamer Juanalberto. Les Ethérés faits de lumière voulaient faire régner un ordre formel mais leur lumière s'est inversée et les philosophes sont devenus des tyrans qui reposent sur la Technologie et sur le contrôle des ténèbres (peut-être un peu comme l'Ordre des Technopères de Jodorowsky et Moebius). Ils sont devenus des ascètes hypocrites, puritains, cathares, sado-masochistes (leur libido est déplacée vers le sexe virtuel) et utilisent les Ténèbres comme leur arme au nom de la lumière. Dans ce volume, leur leader, l'Intendante Kala, dit avoir créé une nouvelle idéologie libérale d'émancipation, de démocratie et de droits individuels pour mieux déguiser leur désir tyrannique de contrôle uniformisé. Ils s'appellent désormais eux-mêmes les Inhibiteurs Photoniques, des Illuminés devenus Obscurantistes à force de dogmatisme. 

Les Naturels sont l'inverse, des hédonistes dionysiaques, nymphomanes polymorphes, de Bons Sauvages édeniques qui feignent la naïveté et refusent tout vêtement au nom du Retour à la Nature. 

Les Néo-Oralistes ont interdit tout texte théorique ou dogmatique, que ce soit la science ou la philosophie mais commencent à accepter la multiplication des textes s'ils sont des fictions littéraires. Pour l'instant, la série les a plutôt présentés très favorablement comme des héros de roman initiatique, malgré tout le sous-titre de Censure et de Mise à l'index réactionnaire de leurs interdits. C'est un peu paradoxal dans une série qui répète tout le temps que l'Art doit sauver le monde contre nos interdits fanatiques ou nos oppressions marchandes que de prendre de tels héros qui voudraient détruire les autres curiosités intellectuelles mais des indices peuvent laisser penser que cela ne sera pas aussi unilatéral par la suite. Si les Ethérés sont l'Intellect (et le refoulement), les Naturels sont le Corps et les Néo-Oralistes sont l'Imaginaire ou l'Âme, mais ces deux derniers fragments manquent aussi peut-être de quelque chose face à l'impérialisme des Ethérés. 

Juanalberto s'est créé son paradis avec son amour, Victoria qui est torturée par l'idée de ne pas être certaine de l'aimer avec son libre arbitre ou parce qu'elle ne serait en réalité qu'une création. Mais ce volume s'arrête avant que Juanalberto ait fini de répondre à cette angoisse de Victoria. 



On apprend que la cosmologie met deux soeurs au-dessus de Juanalberto : l'Aînée, l'Entropie, et la Cadette, "Elle", l'éternel féminin, source d'empathie ou de créativité. Juanalberto n'a pas pu créer son Univers sans échapper totalement au retour de l'Entropie dans le récit (et on peut deviner que c'est cette Entropie qui a commencé à faire dégénérer le totalitarisme des Ethérés. 

Limérius, le Lapin Blanc néo-oraliste, avait découvert les Arts que Juanalberto n'avait pas daigné transmettre directement à ses créatures. Il a commencé à assimiler la Musique, la Littérature et la BD. 

Cyprisse est une nymphe Naturelle, venue pour convaincre Juanalberto (éventuellement en manipulant la Déesse Victoria) de la nécessité de lutter contre les Inhibiteurs Photoniques. Elle fait son périple initiatique en croisant un(e) Ange Androgyne et en devenant hermaphrodite. Elle semble ne plus pouvoir contrôler sa forme depuis un usage abusif de psychédéliques. Son créateur Juanalberto, malgré tout son amour pour Victoria, n'est pas insensible à ses attraits. Mais Cyprisse, certes polyamoureuse, est aussi attirée par Ian. 

Ian est un Ethéré et aussi un des Avatars de "Tintin" de Hergé dans son côté angélique du Surmoi et du refoulement (il aurait des côtés qui ferait aussi plus penser au Professeur Tournesol). L'album précédent avait permis tout une exploration de la Ligne Claire retraduite dans la bd moebiusienne de Roosevelt, avec tout un jeu de miroirs décalés. L'humour de la parodie préserve du risque d'un discours préchi-précha où l'oeuvre d'art vante l'importance de l'art. 

Enfin, deux Spectres hantent l'Univers de Juanalberto, deux autres Canards comme lui, Hector Plasme et Paul Teurgaïste, en Tweedledee & Tweedledum, Dupont & Dupond qui sont venus visiter ce monde mais font allusion au fait que l'Entropie aussi va devoir y réintroduire un chaos que le Dieu placide feint de retarder. 

lundi 27 mars 2023

Das Nichts ist der zu gebärende Weltgott

La mort de Danton de Büchner (qui est montée en ce moment à la Comédie française par Simon Delétang) n'est pas qu'une opposition politique entre l'indulgent épicurien et le jacobin de la Terreur ou entre l'Eros tonitruant de l'Audacieux et le Thanatos froid de l'Incorruptible, c'est surtout pour le dramaturge une ontologie sur le Nihilisme, avant que Schopenhauer et Nietzsche n'en fassent des thèmes philosophiques sur le Mal du Siècle. 

Dans La mort de Danton, Büchner, révolutionnaire qui verra ses camarades torturés et exécutés et sera rattrapé très vite par la Faucheuse à 23 ans, ne veut plus parler seulement de l'Etat et des Révolutions, de la mort d'un homme ni même de la mort d'une espérance mais de la mort tout court. Il y a deux nihilismes dans la pièce : celui de Robespierre, nihilisme de l'idéal ascétique destructeur qui immole les corps à la vertu, mais il y a aussi celui de Danton. Danton est le nihilisme européen fatigué, consumé en dégoût mélancolique, et sa mort est aussi un suicide désabusé qui veut entraîner tout dans le néant. Danton dit à son camarade de prison Pierre Philippeaux (qui veut encore s'accrocher à une consolation en une harmonie céleste) que Dieu est mort : "le monde est chaos et le néant est le dieu du monde à naître". Curieusement, alors que Danton incarne les forces vitales dans la pièce, il est aussi le plus déprimé face à Robespierre car il est avant tout audace. Danton voudrait croire que cette virtu de l'audace du Machiavellien ne peut que l'emporter contre la vertu morale du Rousseauiste ("Ils n'oseront jamais", leitmotiv de Danton jusqu'à son arrestation). 

Ce qui rend le conflit moins manichéen entre ces deux Nihilismes est que les deux doutent de l'Individuation de leur personnage. Ce n'est pas seulement que tout oppose les deux mais aussi à quel point ils peuvent se rejoindre. Le Jacobin, bien sûr, est abstrait et croit instancier une vertu désincarnée. Mais son ennemi l'Indulgent dit aussi qu'il ne croit plus qu'aucun individu ne soit vraiment distinct et que dans l'Histoire leurs deux Masques, Maximilien et Georges, ne sont que Masques. Büchner a réussi avec la Révolution une scène de théâtre qui ne se limite pas à cette France de Germinal de l'An II. La Révolution devient alors à la fois lumière et nuit indistincte, un apeiron cosmique comme les premiers absolus de la métaphysique. C'est un Néant vide qui veut annihiler une autre de ses bulles et la Guillotine devient la seule idole de ce nouveau monde. 

Mais Danton a aussi un visage (et Marie-Jean Hérault de Séchelles monte à l'échafaud alors que les tricoteuses vantent les boucles de ses cheveux) et si son buste de gloire figée ne cesse de tomber de l'essence, c'est parce qu'il a assez de conatus pour vouloir rester vivre comme individu incarné (et ici, ce conatus concret est déjà métaphorisé avant tout comme la libido désorganisée de Danton aux bordels du Palais Royal). Danton cite souvent Epicure dans la pièce mais la référence est aussi spinoziste : chacun persévère dans sa nature et tous les idéaux abstraits ne sont que l'expression de ces appétits. 

La Révolution n'est pas qu'un Saturne qui dévore ses enfants et le Minotaure qu'il faut nourrir pour qu'il ne dévore pas ses pères, elle est la Gorgone qui va figer des fragments hors du monde dans cette crise, monstre qui va transformer de la mort en éternité. 



La mise en scène de Delétang insiste beaucoup sur ces Masques de Pierre. Le Jacobin voudrait être une statue de pierre et les Decemvirs du Comité du Salut Public autour de Bertrand Barère de Vieuzac (futur tombeur de Robespierre) portent des Masques pour être des idoles lointaines pour le peuple mais aussi parce que le pouvoir est devenu un lieu vide. Barère (qui fut en réalité un des pères de la Terreur) semble y accepter la Terreur plus par peur d'en être la prochaine victime. 

Même Robespierre a une belle scène de doute où il se surprend à se demander pourquoi il veut tant tuer Danton. Il se reproche alors son doute et le fait que sa conscience morale si pure ne le surveille tant qu'elle puisse même incriminer sa volonté de vertu. Ce bref moment de doute est un des rares instants d'humanité (de même que Danton ne cache pas à Julie qu'il est responsable des massacres de Septembre et que même le Tribunal révolutionnaire était vu par lui comme un moyen d'encadrer et de réduire de nouveaux Septembre). 

Cette version a retiré après la mort (et l'ajout de la fameuse phrase "Montre ma tête au peuple, elle en vaut la peine", qui, je crois, n'est pas chez Büchner) l'épilogue de Lucile, qui devant la mort de Camille, décide de crier "Vive le Roi" pour se faire arrêter. Mais il est clair dans le contexte que le Roi en question est bien la Mort et pas seulement le ressentiment contre l'échec de la Révolution. Lucile et Julie se suicident (Julie est un être imaginaire comme Marion, Danton avait perdu sa première épouse un an avant en février 1793 et venait de se remarier avec une jeune fille qui lui survécut) mais c'est la Révolution toute entière qui est en train de s'immoler dans une pulsion autodestructrice. 

jeudi 9 mars 2023

Bruit & baratin

Je suis complètement ignorant en informatique et ma connaissance de ces "Large Language Models" comme ChatGPT ne vient donc que de vulgarisation. Une chose qui me frappe en l'essayant est de comprendre pourquoi ce modèle peut à la fois (1) bluffer de manière parfois si spectaculaire du point de vue syntaxique ou même dans l'humour (vous pouvez lui demander de pasticher des textes) mais (2) ne pas se soucier du tout de la vérité, y compris sur des faits très élémentaires où le Modèle est très conciliant pour affirmer n'importe quoi selon ce que vous lui demandez (y compris en inventant des faits qui pourraient être pertinents). On pourrait croire que c'est plus difficile de faire un programme qui fait des phrases correctes que lui donner un paramètre de vérification où il cherche ce qui est vrai. Mais le LLM n'est pas du tout contrariant : si vous insistez pour qu'il vous défende quelque chose de faux ou d'absurde, il le fera aisément (sauf sur certains sujets où les programmateurs ont deviné des provocations possibles). 

L'idée - autant que je comprenne - est qu'il a accès à des millions de textes (qui peuvent se contredire dans ce qu'ils jugent vrai) et qu'il répond simplement en les combinant d'après ce qui semble le plus fréquent et probable. Donc si vous demandez un fait peu connu et donc peu contesté, il a plus de chances de vous donnez une réponse consensuelle et vraie, alors que pour un fait connu et plus victimes de délires complotistes, il sera donc plus relativiste et sera plus susceptible de donner autant de valeur aux suites de phrases fausses. Il y a tellement de pages Web où on doit citer des énoncés comme "On n'a jamais marché sur la Lune" ou "2+2 = 5" que ce genre de résultat doit avoir un certain poids et qu'il peut donc céder assez vite pour reconnaître que oui, en un sens, pourquoi pas, "2+2=5". Il n'est pas très contrariant comme cela ne le dérange pas de se contredire. 

Ce n'est donc pas seulement l'indifférence à la vérité (au "réalisme sémantique") qui est intéressant mais le fait que ce discours de "baratin" n'est que le résultat d'une émergence probabiliste à partir de textes déjà écrits. Il peut simuler une autorité ou une originalité par l'effet du nombre dans ses archives. 

Nous présupposons (peut-être un peu confusément) que la pensée claire du sujet doit être comme un système formel entièrement cohérent de propositions consistantes. Il paraît plus vraisemblable que la réalité psychologique de la pensée est nettement moins "logique". 

Au lieu de se rassurer que le Sujet est bien sûr plus profond et authentique dans son Intentionnalité Originaire que ces Modèles de Langage, il est plus vertigineux d'y voir certaines analogies entre l'original et sa simulation comme si les défauts de l'imitation révélaient une vérité ou un vide sur le modèle. Si jamais on a raison de penser que la pensée du sujet sort plutôt de processus connexionnistes en parallèle, de modules idiots "sub-cognitifs", alors la pensée peut se saisir plus comme ces émergences de Baratins sur un fond de "bruit" confus, ce qui nous fait accepter des propositions contradictoires ou mêmes des énoncés vides de sens qui ne sont rien que des successions fréquentes dans notre base de données de référence. 

L'information, le vrai ou le sensé ne sont que des épiphénomènes accidentels à la limite de ces torrents informes qui finiront par être sélectionnés soit pour certaines exaptations ou des avantages objectifs soit par des effets statistiques qui leur conféreront leur importance objective. 

Baratiner, ce n'est pas seulement vouloir persuader en disant n'importe quoi (sans se soucier de vérité), c'est aussi (pour utiliser pour une fois une métaphore qui sonne désagréablement comme du Merleau-Ponty) se laisser happer par ce flux de langage où on dit un peu n'importe quoi par manque de rigueur, par diplomatie, par suivisme, par consensus, par mimétisme, par irréflexion, par réflexe. Le sujet n'est pas qu'une activité d'effort conscient pour garder des déductions cohérentes mais plutôt ces réarrangements de termes et de phrases qui peuvent de temps en temps nous apparaître vraies ou vraisemblables parce qu'elles résonnent suffisamment avec ce bruit de fond confus. 

Être tolérant à l'égard de plusieurs types de discours confus ou avec plusieurs niveaux d'opinion plus ou moins sensée n'est peut-être pas vraiment une marque d'ouverture d'esprit mais un effet de ce baratin. Ce n'est pas le baratin rhétorique du sophiste qui veut en tirer un pouvoir, qui veut flatter, escroquer ou plaire. C'est un baratin plus généralisé au fond de toute pensée sans "volonté de pouvoir", un baratin plus "neutralisé" où la tension du scrupule de réalité et de cohérence n'apparaît plus que comme des paramètres optionnels qu'on peut plus ou moins varier. 

La différence entre ce bavardage et le discours rationnel peut ressembler à la différence entre des superpositions d'esquisses schématiques, plagiées, désorientées ou inabouties chez ceux qui ne savent pas dessiner et le trait maîtrisé des dessinateurs. Il est d'ailleurs amusant que les LLMs savent mieux structurer des phrases ou singer le logos que les "IA" graphiques ne savent dessiner le nombre correct de doigts ou même de mains dans leurs simulacres. 

Les lecteurs (s'ils ne sont pas des robots de moteurs de recherche) auront deviné que le texte ci-dessus est d'ailleurs auto-référentiel. Je crois qu'il a (plutôt) un sens mais ce jugement n'est pas le mieux placé pour s'analyser. 

lundi 6 mars 2023

Η ΠΌΛΙΣ – ΚΩΝΣΤΑΝΤΊΝΟΣ ΚΑΒΆΦΗΣ



Είπες· «Θα πάγω σ’ άλλη γη, θα πάγω σ’ άλλη θάλασσα.
Tu as dit ceci : « J'irai vers une autre terre, vers une autre mer.
 « Μια πόλις άλλη θα βρεθεί καλλίτερη από αυτή.
Où, une ville différente, une ville meilleure, je trouverai.
Κάθε προσπάθεια μου μια καταδίκη είναι γραφτή·
 Une peine et une douleur, chaque effort que je fais ;
κ’ είν’ η καρδιά μου — σαν νεκρός — θαμένη.
mon cœur est mort – mort et enterré.
Ο νους μου ως πότε μες στον μαρασμόν αυτόν θα μένει.
Mon esprit quand je suis ici se retrouve au cœur de ce lieu désolé.
Όπου το μάτι μου γυρίσω, όπου κι αν δω
Partout où mon œil se pose, partout je vois
ερείπια μαύρα της ζωής μου βλέπω εδώ,
les tristes et sombres ruines de ma vie, où ma foi
που τόσα χρόνια πέρασα και ρήμαξα και χάλασα.»
j’ai passé tant d’années, où je l’ai ruinée, où je l’ai brisée. »

*

Καινούριους τόπους δεν θα βρεις, δεν θάβρεις άλλες θάλασσες.
D’autres lieux, d’autres mers, tu ne trouveras.
Η πόλις θα σε ακολουθεί. Στους δρόμους θα γυρνάς
La ville te poursuivra. Au travers des rues, tu erreras
τους ίδιους. Και στες γειτονιές τες ίδιες θα γερνάς·
Et dans tes quartiers tu vieilliras ;
και μες στα ίδια σπίτια αυτά θ’ ασπρίζεις.
et dans ces mêmes maisons, grisonnant, tu deviendras.
Πάντα στην πόλι αυτή θα φθάνεις. Για τα αλλού — μη ελπίζεις—
Toujours, dans cette ville, tu reviendras. Pour les autres villes, n’espère pas –
 δεν έχει πλοίο για σε, δεν έχει οδό.
car de bateau pour toi, de traversée, pour toi, il n’y aura.
Έτσι που τη ζωή σου ρήμαξες εδώ
Alors ta vie, celle que tu as brisée en ce lieu,
στην κώχη τούτη την μικρή, σ’ όλην την γη την χάλασες.
dans cette petite maison, tu l’as brisée en tout lieu.

Constantin Cavafy (1863-1933), La ville. La traduction ci-dessus est par J. Lavauzelle

Autre traduction par Marguerite Yourcenar

Tu as dit : « J’irai vers un autre pays, j’irai vers un autre rivage,
pour trouver une autre ville bien meilleure que celle-ci.
Quoique je fasse, tout est condamné à tourner mal
et mon cœur – comme celui d’un mort - gît enterré.
Jusqu’à quand pourrais-je laisser mon esprit se déliter en ce lieu ?
D’où que je me tourne, d’où que je regarde
je ne vois que les sombres ruines de ma vie, ici,
là où j’ai passé tant d’années, gâchant ma vie, détruisant ma vie.
 
Tu ne trouveras point d’autre pays, tu ne trouveras point d’autre rivage.
Cette ville te poursuivra toujours.
Tu traîneras dans les mêmes rues, tu vieilliras dans les mêmes les quartiers, et grisonneras dans mêmes maisons.
Toujours tu termineras ta course dans cette ville. N’espère point autre chose ;
il n’y a aucun bateau pour toi, il n’y a aucune route.
Maintenant que tu as dévasté ta vie ici, dans ce petit coin perdu,
tu l’as détruite partout dans le monde.



Animum debes mutare, non caelum

dimanche 5 mars 2023

L'Anneau Unique, Boite d'Initiation

J'ai mené pour un groupe de 4 joueurs débutants (entre 9 et 13 ans) la petite campagne qui se trouve dans la boite d'initiation de l'Anneau Unique (2e édition). La boite contient les dés spéciaux du jeu (2d12 + 6d6) de très, très courtes règles (24 pages, autant dire que c'est trop allusif souvent pour un MJ débutant), une longue description de La/Le Comté (Shire, 52 pages), une aventure, quelques cartes d'objets avec leurs caractéristiques, une grande carte de la Comté, une carte de l'Eriador (la partie ouest des Terres du Milieu) et 8 personnages pré-tirés (les règles étant du crippleware sans création de personnage). 

Rorimac Brandybuck

Ces 8 pré-tirés sont deux aventuriers "vétérans" (Bilbo Baggins et le Nain Balin fils de Fundin), plus 6 PJ débutants, tous des Hobbits : Drogo Baggins (2908-2980) & Primula Brandybuck (2920-2980, les futurs parents de Frodo), Paladin Took (2933 - , futur père de Peregrin Took) et sa soeur  Esmeralda Took (2936- , future mère de Meriadoc Brandybuck), Rorimac Brandybuck (2902-3008, frère de Primula et futur beau-frère à la fois de Drogo et d'Esmeralda) et enfin Lobelia Bracegirdle ("Sanglebouc" en vf, 2918-3020). Bilbo (né en 2890) a 70 ans, Rorimac 58 ans, Drogo 52 ans, Lobelia 42 ans, Primula 40 ans, Paladin, 27 ans, Esmeralda 24 ans. 

On est censé être une vingtaine d'années après l'expédition du Hobbit en Erebor, vers 2960, et je croyais comprendre que Lobelia (d'après même le texte de présentation de la fiche) devrait déjà être compromise dans l'affaire où les cousins Baggins ont tenté de voler Bag-End à Bilbo à son retour, mais la campagne semble présupposer que Lobelia n'est pas encore officiellement fiancée à Otho Sackville-Baggins et que Bilbo n'a en tout cas pas perdu toute confiance en elle (leur fils Lotho ne naît qu'en 2962). Soit vous décidez de ne pas faire jouer Lobelia si vous ne voulez pas trop de tensions dans le groupe, soit il pourrait être intéressant d'aller directement plus loin en en faisant un agent double qui travaille pour les Sackville-Baggins. Il est vrai que Lobelia connaît un "arc de rédemption" tout à la fin du Seigneur des Anneaux dans le roman mais on comprend mal dans ce scénario pourquoi elle accepterait de participer à des missions avec ce vieux fou de Bilbo alors qu'il la soupçonne de lui avoir volé son argenterie pendant son absence. 

Je ne parlerais que peu des scénarios et des règles. 

La petite campagne est une suite de scénarios pour apprendre à explorer la Comté. Le site est censé être banal, assez idyllique et sans danger et les "missions" y ont donc souvent un petit côté assez "plat" pour des joueurs habitués aux conventions de la fantasy, ne serait-ce que pour créer un contraste avec le monde aventureux des Terres Sauvages dès qu'on s'en éloigne. Il y a bien 2-3 monstres en ballade mais les PJ doivent s'attendre à une introduction assez lente. Le grand avantage est que Nepitello connaît vraiment très bien les détails de cet univers et qu'on a rarement autant approfondi ce petit monde des Hobbits. Mais pour l'apprécier, je pense qu'il faut des fans du LotR sans quoi ils vont s'ennuyer. Le guide de la Comté est joli mais ne me convainc pas vraiment qu'on puisse y mener longtemps une campagne. 

Les règles ne m'ont pas emballé. J'ai trouvé les jets de dés très hasardeux et difficiles à maîtriser. Parfois un personnage sacrifiait un point d'espoir, avait droit à de nombreux dés mais ratait alors qu'un autre pouvait avoir soudain par hasard une réussite automatique avec un niveau moindre de compétences. Les PJ ont de nombreux points d'endurance et je crains des combats un peu longs (mais au moins ces règles d'initiation ont déjà quelques options dans l'interprétation des réussites critiques). 

Le scénario laisse beaucoup de latitude au MJ mais cela me paraît un peu trop difficile parfois pour un débutant. Par exemple, ils peuvent rencontrer un Troll et la rencontre peut mal se passer pour les PJ s'ils ne devinent pas qu'ils peuvent tenter une approche originale sans violence directe. Mais c'est aux joueurs d'inventer cela, et je ne vois pas très bien en pratique comment bluffer ce Troll, même en le supposant incroyablement stupide. 

Un petit détail féérique est qu'il est plusieurs fois impliqué que les bêtes parlent et ont une forme d'intelligence (là aussi, des PJ doivent parfois deviner qu'ils peuvent tenter de négocier avec eux) et en dehors de quelques créatures comme les Grands Aigles, je ne me souviens pas tellement que la Terre du Milieu était si proche d'un conte fabuliste de ce genre. 

Add. Mithriel a une recension

vendredi 24 février 2023

Ravens Bluff

Une Cité partagée

Dans la série des survols de Cités de jeu de rôle, je voulais parler un peu de Ravens Bluff, la "Cité Vivante" de la RPGA. 

Le Réseau de la RPGA (Role-Playing Game Association) avait été organisée en 1980 par Frank Mentzer de TSR pour mener des tournois avec les jeux comme D&D. Ils éditèrent en 1981 leur magazine RPGA News qui devint au n°4 "Polyhedron". En août 1985 dans le numéro 25 de Polyhedron, ils annoncèrent qu'ils étaient à la recherche de contributions des joueurs membres de la RPGA pour une nouvelle Cité de jeu de rôle pour D&D

Le magazine britannique White Dwarf avait publié leur Irilian en 1983, Imagine, le magazine de TSR-UK, avait commencé leur propre Cité, Pelinore, depuis leur n°16 en juillet 1984, les rédacteurs de Casus Belli créèrent Laelith en décembre 1985 mais toutes ces villes avaient des auteurs "pro" alors que celle-ci viendrait en partie des fans. La Cité n'avait au début pas de nom. On l'appelait simplement "The Living City", le projet initial étant que la Cité "partagée" émergerait collectivement et évolueraient selon les "campagnes vivantes" officielles des membres de la RPGA). Par la suite, ils proposèrent de l'appeler Ravensgate (le Corbeau du titre étant peut-être un clin d'oeil à l'épervier de Greyhawk - je ne pense pas que ce soit une tentative d'exploiter le cadre gothique de Ravenloft). On apprit plus tard que la région abrite une espèce de grands corbeaux intelligents avec des pouvoirs magiques (qui peuvent maudire ceux qui les dérangent). C'est encore sous ce nom de Ravensgate qu'elle apparaît dans la première carte des Royaumes Oubliés en 1987. Mais David Nalle, le créateur du jeu de rôle Ysgarth leur fit remarquer (ou connaissant son irascibilité, en les menaçant de procès) qu'Ysgarth avait déjà un supplément mentionnant une cité nommée aussi Ravensgate (1983). 

La RPGA changea donc le nom de sa "Cité Vivante" en "Ravens Bluff". Bluff signifie ici "Falaise escarpée, Escarpement", même s'il y a peut-être aussi un jeu de mots sur bluff au sens de tromperie (en anglais canadien, cela peut aussi signifier "bosquet" mais je ne pense pas que ce soit le cas même s'il y a vraiment un lieu-dit "Ravensbluff" en Colombie britannique). La traduction française officielle de cette "Ecore aux Corbeaux" fut finalement "Corbentre", ce qui a l'avantage d'être bref mais peu clair (je ne vois pas bien ce que "entre" doit abréger). 

La Ville dans les Royaumes Oubliés : Ravens Bluff & Waterdeep

Gary Gygax avait été renvoyé de TSR en 1986 et la ville n'allait donc pas utiliser son univers de Greyhawk. Ed Greenwood venait de sortir en 1987 la Cité symbolique de son nouveau monde des Royaumes Oubliés, Waterdeep and the North. Waterdeep est un grand port sur l'océan occidental (d'environ 100 000 habitants) alors que Ravens Bluff est un port sur la mer intérieure des Etoiles Déchues, sur la côte orientale de la Dragon Reach (Bief des Dragons). C'est une cité-Etat entre les oligarchies de Sembia et Impiltur. C'est à plus de 2500 km de Waterdeep, soit environ aussi loin que la distance entre Nantes et Patras sur la côte orientale de la Grèce. Si les Royaumes Oubliés étaient cohérents, on devrait donc avoir des différences culturelles assez importantes entre les deux Cités, entre la façade Atlantique et la Mer icarienne, mais cela ne se voit pas tellement. 

Polyhedron commença par évoquer l'élaboration de la Cité au n°34 (janvier 1987) dans une aventure  située en extérieur, "On the Road to the Living City" et cela devint finalement une série régulière de lieux, temples, commerces ou PNJ "The Living City" à partir du n°37. J'ignore quand fut publiée la dernière rubrique mais je vois qu'il y en a encore en tout cas cent numéros & douze ans après dans le n°136 (1999), ce qui doit donc en faire une des villes les plus développées en quantité d'échoppes et PNJ. 

Le premier supplément officiel paraît en 1989, LC1 Gateway to Ravens Bluff (76 pages). Il y a une quinzaine d'auteurs mais j'ai l'impression que contrairement à ce qui avait été annoncé, le projet a bien été piloté par des auteurs professionnels de TSR comme la directrice de la RPGA Jean Rabe. La Cité vivante eut ensuite 3 autres suppléments qui eurent de plus en plus de contributions des fans, Inside Ravens Bluff (64 pages, entièrement sur un cadre de cirque / fête foraine plus le quartier des diplomates étrangers), Nightwatch in the Living City (36 pages) et enfin Port of Ravens Bluff (68 pages). Si je compte bien, cela fait donc environ 240 pages au total. 

A la fin de la seconde édition d'AD&D, c'est le créateur des Royaumes Oubliés, Ed Greenwood, qui fit une nouvelle synthèse, The City of Ravens Bluff (160 pages). C'était aussi Greenwood qui avait fait le (notoirement mauvais) supplément sur la cité de Tantras en 1989 qui se trouve juste à côté de Ravens Bluff dans la région dite "The Vast" (ou Vastar). Cette zone de Vastar sera rebaptisée au siècle suivant "Vesperin" du nom du fleuve au nord, quand les Cités-Etats de Vastar s'allieront en confédération avec Calaunt comme capitale. Ravens Bluff, elle, est construite à l'embouchure d'une autre rivière, le Fleuve de Feu

Ravens Bluff a le défaut d'être globalement très générique, même par rapport à la moyenne des villes de D&D. On n'est clairement pas dans ce qu'ils ont pu faire comme Glantri ou Sigil. Ils disent eux-même que les différentes parties peuvent ainsi facilement s'intégrer dans la cité de n'importe quel monde. Ed Greenwood a des défauts mais il sait donner des sonorités assez cohérentes à ses PNJ (au point qu'ils sonnent un peu tous pareils) alors que les divers contributeurs sont si nombreux qu'ils me semblent avoir encore moins cherché de cohérence que d'habitude dans les jeux de rôle fantastiques. Certains PNJ ont des noms complètement américains contemporains qui évoqueraient plus une ville de Western, d'autres des noms de fantasy ou romains. S'ils voulaient vraiment une ville au carrefour de nombreux cadres de jeu pour que tous les joueurs puissent l'insérer dans leur campagne, ils auraient dû créer déjà quelque chose comme une Cité multiverselle comme Sigil et les incohérences auraient été beaucoup plus faciles à justifier. 

Le quartier est, avec le Château Garde de Fer dans Polyhedron n°50, 1989

La carte en couleurs dessinée par Valerie Valusek en perspective cavalière de la première édition de 1989 (que vous pouvez voir en détails sur ce site) m'a parue bien plus jolie que celle plus traditionnelle vue de haut de 1999, qui me semble aussi inspirée qu'un plan de métro. Mais d'un autre côté, la première édition ne détaillait que 8 bâtiments. La version de 1999 de Greenwood doit inclure d'autres créations dans Polyhedron, renvoie plus précisément au cadre de son monde (on reconnaît toujours les noms plus originaux des PNJ de Greenwood) et les suppléments Forgotten Realms commencent d'habitude à atteindre leur maturité seulement dans leur seconde édition. Il y a chez Greenwood une qualité qui peut devenir un défaut : il aime décrire des douzaines de familles distinctes sans qu'on voie toujours beaucoup de différences assez nettes pour justifier un nombre aussi imposant d'informations. Les autres scénarios distinguent 5-7 factions et c'est ce que notre cerveau réussit à mémoriser, Greenwood vous en donne 19 mais cette surabondance peut devenir contre-productive. 

Waterdeep avait une structure politique assez originale avec son Oligarchie secrète : ses Seigneurs se choisissaient par cooptation et demeuraient pour la plupart anonymes et masqués (ce qui avait l'avantage en jeu de rôle que les PJ ne savaient jamais quels PNJ étaient dans les dirigeants). Ravens Bluff joue beaucoup sur les intrigues politiques mais a repris la même idée d'un mélange entre aristocratie traditionnelle et  Guildes marchandes, avec un Maire charismatique au-dessus de ces conseils de notables. Le Maire O'Kane dans la première version avait été choisie après une compétition, un tournoi des champions, et avait su organiser la défense de la Cité contre les nombreux Pirates de la Mer des Etoiles Déchues (avec l'aide d'un dragon de bronze Eormenoth (Greenwood p. 93). Sa successeure, Lady Thoden, est une manipulatrice qui a institué une politique volontariste de soutien aux troupes de mercenaires : des groupes d'aventuriers peuvent recevoir gîte et traitement en échange d'un service militaire périodique pour la protection de la Cité aux Corbeaux. 

Waterdeep est construite sur un Méga-Donjon d'un sorcier fou et diverses ruines elfiques, Undermountain. Ravens Bluff, elle, est sur les ruines d'une ancienne Cité naine du Marteau. 

Waterdeep a son archimage, Khelben Bâton Noir Arunsun. Ravens Bluff a l'Ambassadeur Carrague, ancien diplomate de la Cité devenu ministre de contrôle des bâtiments (et mage 15e/19e Niveau), devenu un peu sénile récemment et en lutte contre le réseau criminel des Bâtisseurs. Carrague est parfois accompagné de "King", un chien célèbre dans la cité pour son intelligence (un ancien aventurier humain qui ne peut plus parler dans ce corps mais espère un jour retrouver forme humaine). Le créateur de ces deux derniers PNJ, le très prolifique Vince Garcia, avait aussi édité son propre jeu de rôle, un fantasy heartbreaker nommé Quest of the Ancients. Une idée relativement originale de la Cité (je suppose avant que Hogwarts nous ait habitués à un Ministère de la Magie) est la différence entre les sorciers de la Guilde des Sorciers (qui sert aussi d'école de magie) et ceux du "Ministère de l'Art", les sorciers du gouvernement (même si certains membres passent d'un groupe à l'autre). 

La religion officielle de la Cité admet 9 dieux privilégiés qui sont toutes de tendance "bonne" ou "neutre" (Chauntea, déesse de l'agriculture, Gond, dieu des forgerons, Helm, dieu des gardiens, Lathander, dieu de l'aurore et du renouveau, Selune, déesse de la Lune, Tempus, dieu de la guerre, Tymora, déesse de la chance, Tyr, dieu de la justice et Waukeen, déesse du commerce). La Guilde des Sorciers y ajoute Mystra, la déesse de la magie. Parmi les cultes secrets, le "Culte du Corbeau" est un ancien mystère orgiaque de sorcières dans les ruines (à ne pas confondre avec les "Chevaliers Corbeaux", qui sont l'ordre de chevalerie la plus prestigieuse de la Cité, ou avec la "Confrérie des Plumes de Sable", une guilde de Paladins servant le dieu Tyr). 

Un des critères pour choisir une Cité de jeu de rôle est de se demander quelle aventure ne pourrait être faite que dans ce cadre particulier. Mais Ravens Bluff hésite à être quelque chose de "modulaire" pour toute campagne de D&D, une collection de bâtiments et PNJ et non pas une ville unique, un peu comme la série des City Books

Pourtant peu à peu quelques spécificités se forment, comme les intrigues de la mairie ou le rôle de quelques organisations curieuses (comme les Marchands de Sable, un groupe non-gouvernemental qui veut protéger les enfants de la Cité). 

Il reste une très belle illustration de la Cité dans l'édition de 1989. 

mardi 21 février 2023

Deux mythes et deux Empereurs Tang

Dans Passagère du silence (2003), son récit sur son apprentissage de la calligraphie à Chóngqìng (qui à l'époque dans les années 1980 faisait encore partie de la Province du Sichuan), l'artiste Fabienne Verdier raconte (au chapitre 3, pp. 46-48) quelques légendes chinoises qui font souvent l'objet de représentations picturales. Mais bien que je connaisse infiniment moins la Chine qu'elle, je soupçonne qu'elle s'emmêle très légèrement "les pinceaux" avec deux mythes chinois. 

Elle relate rapidement l'histoire des deux dieux Gardiens des Portes (ménshén) Qín Shūbǎo & Yùchí Gōng (qui protégeaient l'Empereur contre le spectre d'un Roi-Dragon). Elle dit qu'ils vivaient sous l'Empereur Xuánzōng (685-762), septième Empereur de la dynastie Táng mais la légende habituelle dans Voyage vers l'Ouest dit que ces événement surnaturels arrivèrent un siècle avant, sous le second Empereur des Táng Tàizōng (598-649). Il faut ajouter quelques précisions à sa version : (1) que le Premier Ministre Wèi Zhēng (580-643), qui fut aussi divinisé comme un Gardien, venait punir le Roi Dragon de la Rivière Jīng par ordre de l'Empereur de Jade, sans quoi on ne comprend pas pourquoi son autorité dépasserait celle de Taizong, qui règne à Cháng'ān, au confluent de la rivière Jīng et de la rivière Wèi (2) que c'était le devin Yuán Shôuchéng qui avait voulu sauver le Roi-Dragon en demandant le soutien de l'Empereur humain Taizong, malgré toute la perfidie du Dragon contre lui, (3) que l'Empereur Taizong n'avait pas prévu que le ministre Wei Zheng s'endormirait pendant leur partie et que son esprit désincarné irait accomplir quand même la sentence de l'Empereur de Jade contre le Roi-Dragon de Jīng ; (4) que le Roi-Dragon de Jīng en voulait à Taizong parce qu'il croyait à tort que l'Empereur humain l'avait trahi en laissant faire sa décapitation. 

En revanche, F. Verdier raconte aussi juste avant la légende de Zhōng Kuí, le Roi des Fantômes aux Cinq Chauves-Souris, grand exorciste de spectres. Or Zhong Kui, lui, serait mort sous le premier Empereur des Tang, Gaozu, mais serait ensuite revenu au siècle suivant comme divinité sous le règne de l'Empereur Xuanzong, ce qui doit expliquer la confusion entre les deux Tang. C'est Xuanzong, rendu malade par des fantômes, qui aurait institué le culte de Zhong Kui, alors que c'est Taizong qui aurait été assiégé par le fantôme du Roi-Dragon et aurait institué le culte des deux Gardiens des Portes. 

dimanche 5 février 2023

Utiliser des dés non-transitifs en jeu de rôle

Des dés non-transitifs ressemblent à Pierre-Papier-Ciseaux et permettent d'illustrer un paradoxe de probabilité où A peut l'emporter sur B, B sur C mais C sur A. 

Soit par exemple les 3 dés suivants : 

A (que j'appellerai Attaque Prudente) 3 3 3 3 3 3 6

B (Attaque Brutale) : 2 2 2 5 5 5 5

C (Attaque Sournoise) : 1 4 4 4 4 4

Je ne sais pas si les adjectifs choisis sont adéquats (vous pourriez préférer inverser le nom de brutal et sournois ?). 

En gros, A a 60% contre B, B 60% contre C et C 60% contre A. 

Dans un jeu à classes de personnages, on peut aussi décider que les classes comme Mage donnent des dés A, la classe de Guerrier des dés B et la classe des dés C par exemple. 

Mais là où ces dés sont plus gênants est que la probabilité s'inverse si on additionne deux dés de ce type : 2dA sont inférieurs à 2dB qui sont inférieurs à 2dC. Soit on accepte l'addition de dés et cela devient peu intuitifs (mais on peut considérer que cela fait partie du plaisir du choix), soit on ne compte les blessures qu'un dé contre un dé, ou on utilise une autre répartition comme celle des dés d'Effron qui n'a pas cette propriété (mais qui a un des 4 distributions ennuyeuse avec un résultat constant 333333). 

jeudi 2 février 2023

Margaret la Cygne

Dans Naming & Necessity, quand Kripke veut expliquer sa théorie de l'identité à travers les changements ("la nécessité des origines"), il dit que si celle que nous appelons la Princesse Margaret est bien ce qu'elle est censée être (seconde fille de Georges VI et d'Elizabeth Bowes-Lyon) alors elle ne pourrait pas ne pas être issue de cet oeuf fécondé qui sert à fixer son identité dans notre monde réel. Elle pourrait avoir eu des propriétés différentes après cette fixation de son identité mais pas avant. On pourrait comprendre une phrase comme "Margaret aurait pu mourir jeune" ou "Margaret aurait pu épouser Townsend" mais pas "Margaret aurait pu être la fille de Charlie Chaplin et de Greta Garbo" ou "si Margaret avait été un oeuf mollet". Mais à ce moment-là, Kripke plaisante en disant que si les lois de la nature étaient différentes, elle pourrait avoir été métamorphosée en cygne (ou en canard, je ne me souviens plus, je cite de mémoire) mais donc pas que NOTRE Margaret pourrait avoir été depuis toujours un cygne (ou un canard). 

Ce passage est bizarre dans cet exemple (de même que je me demande toujours la part de Private Joke de Princeton sur Gödel) mais je viens de voir lire une lettre de l'écrivaine britannique communiste Jessica "Decca" Mitford (1917-1996) qui dit que lorsqu'elle était jeune elle avait essayé de faire courir la rumeur qu'à cause d'une anomalie génétique, Margaret (tout comme sa soeur la reine Lilibet) était née avec des pieds palmés qu'elle cachait au public. Est-ce que Kripke faisait allusion à cette plaisanterie de "Decca" ? 

Bon, finalement, juste les 12 premiers épisodes de Space Ranger alors....

Oui, vous aviez deviné que ma dénonciation n'était que prétérition.

Space Ranger est construit sur le modèle du Lone Ranger (créé en 1933), mélange de sheriff texan et de héros masqué à identité secrète. Ricky Starr est un super-capitaliste, fils de Thaddeus Starr, un magnat d'Allied Solar dans le système solaire du XXIIe siècle. Comme tous les Scarlet Pimpernel ou Zorro, il cache son héroïsme à son père (et il est parfois impliqué que son père n'est pas enthousiasmé par l'indolence de son héritier) mais la petite différence est qu'il n'a pas seulement Bernardo / Kato / Alfred, mais sa fiancée/secrétaire Myra Mason (un peu comme Pepper Potts pour Tony Stark). Cette Myra a le même nom et prénom que la petite amie du Dr Midnite (tuée par un tueur en série après la 2e Guerre mondiale, dans JSA #40). Comme les comics détestent les coïncidences, il doit y avoir une connexion ou un paradoxe temporel entre les deux Myra. Une autre ressemblance avec Tony Stark/ Iron Man est l'importance des gadgets : Starr n'a pas de pouvoirs mais il a des douzaines d'armes et même (dans Tales of the Unexpected 46) un arsenal de divers costumes dans sa base secrète sur un astéroïde où il cache aussi son vaisseau, Solar King. Il collabore avec la Patrouille spatiale malgré son statut de vigilante caché (les héros sous le Comic Code Authorrity des années 50 sont des figures de l'ordre proche des autorités, c'est Edgar Hoover qui avait demandé à ce que cela reste le cas) mais il faut alors supposer qu'il n'a pas envie de partager ses inventions avec elle car sinon il perdrait sa singularité. 

Cryll l'extraterrestre polymorphe rosâtre qui accompagne le Space Ranger (comme l'Indien Tonto pour Lone Ranger) ressemble un peu à Otho l'androïde plastique de Captain Future mais il annonce surtout le petit Proty (qu'Edmond Hamilton créera 6 ans plus tard dans Adventure Comics #308 (mai 1963). Il incarne un comic relief mais n'est pas qu'un faire-valoir comme il est plutôt courageux et très efficace comme la faune extraterrestre lui permet d'obtenir presque tous les pouvoirs possibles. Il dit dans les premiers épisodes qu'il est devenu l'ami fidèle après avoir été sauvé par le Space Ranger mais il semblerait que d'autres histoires aient inversé ce scénario et que ce soit lui qui l'ait sauvé. 

La série jouit d'une grande continuité artistique : c'est Bob Brown (1915-1977) qui dessina presque toute la série avec Jim Mooney (1919-2008). En revanche, on ignore quelle est la part respective de Gardner Fox et Edmund Hamilton dans les premiers épisodes (ou d'autres scénaristes de DC Comics). 

Le Space Ranger n'est pas réapparu tel quel dans les comics récents mais dans la série Justice League Odyssey #15-25 (2020) créée par Dan Abnett, on découvre une nouvelle version, une certaine "Gamma Knife". Elle tire son nom d'une sorte de super-scalpel laser et se présente comme Suzi Starr, fille de Ric Starr. Dernière des Space Rangers créés par son père, elle a voyagé dans le temps en aidant l'étrange Epoch Lord of Time (qui a l'air complètement déphasé et incohérent) et aide les membres de la Ligue de Justice à lutter contre Darkseid. Elle est entourée de plusieurs Drones intelligents (un peu comme le nouveau Mr Terrific mais ce sont des débris de son ancien robot modifié par Epoch) mais il n'y a pas de trace de Cryll... Elle est finalement détruite dans un paradoxe temporel complexe. 

 Showcase 15, août 1958 
"The Great Plutonium Plot" Jarko le pirate jovien et Gurph le pirate martien volent du plutonium sur Venus et sur la Lune. Ricky Starr fait exprès de se faire voler son plutonium pour suivre la piste des pirates avec des traces d'audium qui émet des vibrations. Il retourne sur son astéroïde avec Cryll, son ami polymorphe qu'il a sauvé sur Pluton. Il trouve leur chef humain Zandor, sur Ganymède, qui avait besoin de voler tout ce plutonium pour faire fonctionner son téléporteur qui lui permettrait de voler ensuite toutes les ressources n'importe où. 

"The Robot Planet" Rick, Myra et Cryll partent vers Sirius parce que des machines gravitationnelles venues de cette étoile (α Canis Majoris, à 8,6 années-lumière) déstabilisent tout le système solaire. Elles sont contrôlées par le Cerveau et ses robots qui ont asservi la population des Shans, revenus à un niveau technologique primitif. Après avoir essayé divers rayons, Rick trouve le moyen de détruire le Cerveau et de délivrer la planète de Sirius. 

Showcase 16, septembre 1958
"Secret of the Space Monster" Rick découvre que des Korthiens (de longs avians bleus venus de Procyonα Canis Minoris est à 11,5 années-lumière) utilisent des illusions de monstres spatiaux pour détourner les vaisseaux près de leur base sur Ganymède (encore !). Ce sont des rebelles contre le gouvernement korthien et Rick vient sur Korth pour les dénoncer (comment a-t-il deviné que leur rébellion est illégitime ?) mais il est capturé par le ministre qui soutient l'insurrection et qui veut utiliser les illusions pour faire un coup d'Etat. Rick s'évade avec l'aide de Cryll (en "félin neptunien" qui peut dévorer du métal) et sauve le gouvernement khortien en leur révélant le subterfuge. Cet épisode ressemble beaucoup trop au précédent. 

"Riddle of the Lost Race" Des bandits (dont un insectoïde Plutonien) attaquent le Musée de l'espace et volent un ancien livre trouvé sur Mars. Rick, déguisé en chasseur Mercurien, espionnent les bandits et les suit dans la Vallée des Glaces sur Saturne où se trouve un peuple primitif et des ruines d'un peuple ancien qui permettrait de déchiffrer la carte au trésor du livre. Puis le Plutonien part voler le Joyau sacré des Vénusiens qui doit servir de clef pour le trésor, qui se trouve dans le Sphinx mercurien. (je crois donc compter 5 planètes différentes dans cette histoire). Dans cet épisode, Myra Mason n'est pas qu'une assistante et est même assez efficace, ce qui sera hélas souvent oublié par la suite. 

Tales of the Unexpected #40, août 1959

"Last Days of the Planet Mars" Zike, un savant fou martien, s'est enfui de l'astéroïde prison et a promis de détruire sa planète natale. Rick poursuit un de ses hommes de main (l'un d'eux ressemble au Plutonien insectoïde de l'épisode précédent) jusqu'à Jupiter et crée une illusion pour faire croire à Zike qu'il a détruit la vraie Mars. 

Tales of the Unexpected #41 sept. 1959 
"The Destroyers From The Stars"
Rick poursuit des extraterrestres (petites créatures bleues) qui cherchent sur Ganymède (c'est la 3e fois) des restes d'un ordinateur des Grands Anciens. Il arrive à les faire arrêter avec l'aide de leur propre peuple mais l'ordinateur du peuple perdu est détruit dans le combat et ses secrets disparaissent avec lui. Ces histoires se répètent beaucoup, non ? 

Tales of the Unexpected #42 octobre 1959 
The Secret of the Martian Helmet
Pour capturer un groupe (interplanétaire) de pirates qui utilisent une arme dangereuse volée à la compagnie Allied Solar de son père, Rick fait croire qu'il a pu faire fonctionner l'antique Casque du Héros martien Kolan Varr qui donnerait des pouvoirs psis. Rick prétend qu'il en tire des pouvoirs télékinésiques. Les Pirates viennent voler le casque et c'était le vrai but de Rick pour les faire arrêter dans leur base cachée sur Venus. Un (léger) intérêt de cet épisode est que c'est la première fois qu'on représente une vie quotidienne de la Fédération solaire avec des espèces mélangées dans les différentes classes de la vie sociale comme des journalistes ou des membres de la Patrouille Spatiale. 

Tales of the Unexpected #43 Nov., 1959 
Riddle of the Burning Treasures
Solan de Titan fait voler plusieurs reliques : le Livre des Martiens bleus de Walleron, l'épée de Tartaron de Venus et le collier de la Reine Cléon de Jupiter et fait croire à chaque fois que les objets ont été détruits à cause de Ricky. C'est la première fois qu'on voit les Vénusiennes, des piscoïdes aux écailles de couleur aubergine/prune alors que le dessinateur Jim Mooney a l'air de surtout dessiner des Mercuriens à la peau verte et des Martiens à la peau rouge. 

Tales of the Unexpected #44 Dec., 1959 
The Menace of the Alien Indians
Un épisode qui serait assez "problématique" aujourd'hui dans les clichés de Western. Un peuple venu du système Procyon (mais différent des Korthiens vus dans Showcase 16) a absorbé les coutumes des Premières nations nord-américaines et attaquent le système solaire pour réunir des ressources pour l'armement. Space Ranger découvre leur village sur Rhea, lune de Saturne et les pillards de ressources sont arrêtés par d'autres tribus de Procyon. 

Tales of the Unexpected #45 janvier 1960 
The Army of Interplanetary Beasts
Space Ranger lutte contre Zakk Tor, un extraterrestre (caché sur Io, lune de Jupiter) qui contrôle toute une ménagerie de créatures aux pouvoirs divers : Dragons Griffus Uraniens, Oiseaux Messagers Martiens, Oiseau Géant Jovien, Ours Energétiques Vénusien, Lapins Somnifères Martiens, plus un Singe Télépathique Mercurien... Un indice qui peut faire penser que l'histoire est d'Edmond Hamilton est qu'il a utilisé un concept très proche de ce dresseur d'animaux à superpouvoirs avec le Monster Master contre la Légion des Superhéros dans Adventure Comics 309, juin 1963. 

Tales of the Unexpected #46 février 1960 
The Challenge of the Alien Champion
Space Ranger est enlevé sur Uranus par des aliens venus d'un autre monde, Illyrion. Zak Tal, partisan de la guerre contre la Terre, veut le forcer à se battre en duel contre son champion, Kragon. Il le bat avec l'aide de Cryll. Les Illyrions ressemblent un peu à des hérissons avec leurs piquants mais aussi à l'étrange gorille-robot dans Robot Monster, nanar de 1953. 

Tales of the Unexpected #47, mars 1960
The Invasion of the Jewel-Men
Un cristal extraterrestre géant tombé sur Mars produit des hommes de cristal indestructibles pour piller des ressources qui lui permettent d'en fabriquer encore plus. Space Ranger découvre que certaines vibrations peuvent les détruire mais c'est Cryll à nouveau qui le sauve en se transformant en "vibrodeer" saturnien

Tales of the Unexpected #48 avril 1960 
The Beast from the Invisible World
Un monstre géant invisible désintègre les usines d'Allied Solar sur Terre et menace New Chicago. Space Ranger échoue à le vaincre mais est aidé par des policiers invisibles venus du monde d'Ulix dans une autre dimension. C'est en voulant éliminer la créature qu'ils l'ont envoyée dans notre dimension où ils ne peuvent être présents que sous une forme invisible. Une variation sur Forbidden Planet (1956). 
'Dans ce même numéro, en dehors de Space Ranger, une inversion pas mal du thème des Skrulls et qui évoque peut-être Martian Manhunter créé en 1955 : Throg un alien naufragé sur Terre (qui a le pouvoir de créer des vibrations qui détruisent le métal) se bat contre son frère Xiarg avant de le convaincre d'aider les humains aussi. 

Tales of the Unexpected #49 mai1960 
The Alien Wizard
Zastro, un criminel mercurien à la peau verte vient voler dans la Bibliothèque solaire un plan pour trouver le livre secret du sorcier Ptark sur Uranus et ensuite les ingrédients qu'on trouve sur Jupiter. La sorcellerie a l'air de créer surtout des illusions. Le livre de Ptark est détruit à la fin. Cryll se transforme en divers animaux dont un singe télépathique mercurien, un rare exemple de continuité comme il avait déjà utilisé cette forme dans le #45. 

Tales of the Unexpected #50 juin 1960 
Menace of the Sun-Creature
Explorant le système Achernar (Alpha Eridani, 139 années-lumière), Space Ranger aide la police alien à combattre un monstre solaire qui dévore l'énergie. 

mercredi 25 janvier 2023

Pourquoi je ne ferai probablement pas de résumé de Space Ranger

Space Ranger fut aussi créé par Edmond Hamilton comme Chris KL-99 (en s'inspirant trèèès directement de Lucky Starr d'Asimov, qui était lui-même une parodie du Lone Ranger, un cowboy à travers notre système solaire) mais il ne resta pas durablement et comme les scénarios ne sont pas signés, on ignore quelles histoires seraient vraiment de lui. 

Une différence entre Lucky Starr et Ricky Starr est que le premier avait reçu un masque d'anciens Martiens qui pouvait le faire passer inaperçu alors que la visière de Ricky Starr ne semblait servir à rien d'intéressant. Un détail bizarre est que sa petite amie et secrétaire (au XXIIe siècle) a le même nom et prénom que la petite amie du Dr Midnite (en 1942...). 

La plupart des histoires furent écrites par Gardner Fox puis par Bob Haney (qui est quand même un des pires scénaristes de DC des années 60) ou par Arnold Drake, qui est certes meilleur mais qui a déclaré à quel point il haïssait ce personnage quand DC lui demandait d'écrire la suite de ses aventures. 

Drake raconte dans cette interview de 1999 que les scénaristes de DC se disputaient pour ne pas être forcés de faire Space Ranger. 

Arnold Drake : Space Ranger was funny: none of the writers liked the character. So you did Space Ranger as a kind of punishment. 

Sequential Tart: What didn't they like about it? 

Arnold Drake: Cornball. Space Ranger had an alien pet which we thought was very cornball, too. So I had a little song I made up. Whenever it was my turn to do Space Ranger, I'd sit down at the typewriter and I would sing, " Spaaaace Ranger, I hate you. Spaaace Ranger, you're miiiine."

Cela ne me donne pas tellement envie, quel que soit mon kitsch ou mon goût pour les histoires où le système solaire est habitable, de me plonger dans les 42 numéros de Tales of the Unexpected (même si la partie anthologie de nouvelles sans personnages récurrents a parfois des histoires vraiment charmantes). 

mardi 24 janvier 2023

Chris KL-99

J'ai déjà parlé plusieurs fois de ma tendresse pour Edmond Hamilton (1904-1977), un auteur des pulps qui fut un des fondateurs du Space Opera (avec son Crashing Suns, dès 1928). Après avoir créé le super-héros de sf Captain Future en 1940, (en cours de traduction française par Pierre-Paul Durastanti aux éditions du Bélial), Edmond Hamilton passa aux comic books où il devint un des principaux scénaristes de Superman et de la Légion des super-héros des années 1950 au début des années 1960. 



En septembre 1950, Hamilton crée pour DC Comics un personnage dans le premier numéro du nouveau magazine d'anthologie Strange Adventures, Chris KL-99. Il n'écrira que 8 épisodes (dans les numéros 1, 2, 3, 5, 7, 9, 11 et enfin le n°15 en décembre 1951) et le personnage tombera à peu près dans les limbes de l'oubli à part une brève apparition 35 ans après aux côtés de Superman dans DC Comics Presents 78 (février 1985) ou un retcon/reboot discutable de son passé dans Secret Origins 43 (1989). Par rapport à d'autres personnages récurrents comme Adam Strange (l'imitation de John Carter par Gardner Fox), Captain Comet (le superhéros mutant de John Broome) ou Space Ranger (un autre super-héros du futur de Hamilton inspiré du Lucky Starr d'Isaac Asimov), Chris KL-99 resta donc très peu populaire alors que je le trouve sur certains points plus original. 

Chris KL-99 est souvent présenté comme une nouvelle version de Captain Future (alias Curtis Newton, que Hamilton avait essayé de relancer dans une douzaine de numéros de Startling Stories après la Guerre). Comme ce dernier, Chris a trois partenaires pas totalement "humains" : Curtis Newton a Otho l'androïde (Mala dans l'anime), Grag le Robot et Simon Wright le Cerveau dans une Cuve, Chris KL-99 a deux extraterrestres humanoïdes, Jero le savant Vénusien (petit reptilien aquatique), Halk le gigantesque aventurier Martien rouge (qui a même droit à des origines dans le n°9 "The Exile of Space") et Loopy un "chien-caméléon" qui change de couleurs selon ses émotions (bleu pour peur, blanc pour fierté...). Ils partagent tous les trois un vaisseau décrit comme "minuscule" (tiny rocketship), le Pioneer (le vaisseau de Newton s'appelle le Comet). L'autre point commun avec Captain Future est que Newton cherchait à venger ses parents assassinés et que Chris enquête pour les retrouver dans les premiers épisodes (ce qu'il ne racontera que dans le n°7 sur ses origines). 

Les héros de comics de Hamilton tendent à être encore plus "sf molle" que ses romans de Space Opera habituels (ce qui n'est pas peu dire). Une autre différence est que Captain Future est plutôt un justicier du système solaire alors que Chris KL-99 n'est pas censé être un justicier mais un explorateur, un éclaireur obsédé uniquement par l'idée de répertorier de nouvelles planètes loin de notre système (voir les beaux textes d'Apollonios de Rhodes ou de Sénèque sur l'ouverture des horizons). Il lutte certes contre des dangers et des tyrans (pas tellement contre des envahisseurs extérieurs) mais sa motivation première reste la découverte, l'extension des cartes pour recouvrir le monde connu et réduire les zones obscures. 

Et là où Chris est encore assez moderne est dans une idée simple de "Prime Directive" de Star Trek avant la lettre : alors qu'il fut nommé en l'honneur de "Christophe Colomb", il en incarne l'idéal opposé de cet impérialiste esclavagiste comme il passe une partie de son temps à vouloir défendre les habitants indigènes de tout pillage ou déprédation. Il n'explore pas pour exploiter & exterminer mais pour préserver les mondes contre des colons moins respectueux que lui (même s'il faut reconnaître que l'interférence réapparaît quand il aide les populations contre leurs propres dirigeants). Ce n'est pas encore un thème aussi éculé qu'aujourd'hui et les autres séries de SF de cette époque avaient plus d'invasions d'extraterrestres au lieu de protection contre la colonisation. On sait que c'est la période où le genre dominant du Western va finir par se retourner contre son propre mythe de la Frontière (ce qui va finir par le faire disparaître de la représentation américaine la décennie suivante). 

Résumé des 8 épisodes

Strange Adventures #1 (septembre 1950): "The Menace of the Green Nebula!"
Dessins de Howard Sherman (1909-1993)
Chris KL-99 vit au XXIe siècle (Space Ranger sera reculé, lui, au XXIIe siècle) et est le premier Terrien né dans l'espace dans un vol entre la Terre et Mars. Il a été nommé Chris en hommage à Colomb et 99 comme un titre honorifique car il obtint un record 99% sur son score de cadet de l'Académie spatiale. Il cherche des planètes habitables et cartographie dans le système Alto une planète hyper-magnétique et un monde aquatique peuplé de phoques humanoïdes. Il fait d'ailleurs remarquer que la Terre aussi a été recouverte par les océans au XXe siècle. Cela me semble être une allusion à une autre histoire dans le même magazine, "The Second Deluge" de son collègue Gardner Fox où un savant a déclenché un déluge qui a recouvert la Terre en 1971 suite à une tentative de lutter contre la sécheresse (ou alors c'est un paradoxe temporel et Hamilton est en train de faire un cross-over avec la Cité des eaux mouvantes dans Valérian et Laureline...). Une des scènes récurrentes de la série est le fait que Chris aime disposer des modèles en 3D anti-gravité des systèmes solaires qu'il a explorés dans le Grand Cartulaire de The Hall of Worlds. Jan Varden, un autre explorateur, tend alors un piège à Chris. Il envoie une sonde téléguidée dans la Nébuleuse Verte avec un faux message d'appel à l'aide pour que Chris se sente obligé d'entrer dans cette zone dangereuse. Même Chris n'a pas osé y aller à cause des périls de la zone, des tourbillons et des formes de vie électriques (appelées des "Electrae" dans l'épisode de Strange Adventures n°9). Le Pioneer réussit à passer sans savoir qu'il ouvre ainsi la voie au vaisseau de Jan Varden, venu piller le radium du Monde de la Nébuleuse. Les habitants de ce monde se nourrissent de radium et Chris réussit à communiquer avec eux avec un traducteur télépathique. Il comprend alors la supercherie de Varden et le fait arrêter. Le monde des hommes de radium est déclaré hors-limites. 


Strange Adventures #2 (novembre 1950): "The World of Giant Robots!" 
Chris, Halk et Jero visitent un monde de plantes géantes et un monde désynchronisé où les habitants vivent au ralenti. Puis ils arrivent dans un monde où un savant nommé Karath a construit des Mechas géants pour réparer la planète qui menaçait d'être détruite par son activité volcanique (idée à laquelle n'avait pas pensé Jor-El pour Krypton !). La population a fui dans l'espace le temps que les Méchas re-"terraforment" leur planète, mais Zuur, un tyran, a pris le contrôle de ces Robots géants pour asservir sa population quand elle reviendra de son exil. Grâce à Loopy, Chris détourne l'attention des Robots et reprend le contrôle d'assez de machines pour vaincre les troupes de Zuur. La population revient et Zuur est arrêté. 

La manière dont les robots sont dessinés (avec à la place de la tête des sphères transparentes de pilotage qui font penser à des distributeurs de bonbons) rappellent la forme des robots hostiles de Computo dans l'histoire que Hamilton fera plus tard pour la Légion des superhéros (Adventure Comics 340, janvier 1966). 

Strange Adventures #3 (décembre 1950): "The Metal World!"
Le trio d'explorateurs survolent un monde avec des forêts de cristal et un monde creux habité sous une apparence désertique. Mais ils sont rappelés et trouvent un monde "nomade" (Gypsy World) dont les habitants pillent les métaux à travers l'espace connu. Leur monde a en effet perdu tout son métal face à une forme de vie metallivore qui a détruit toute leur civilisation (je crois me souvenir qu'il y avait aussi des metallivores dans un épisode de Captain Flam). Chris les aide à capturer une planète inhabitée riche en métal mais qui était trop proche d'un soleil rouge. Le monde nomade repart en emportant la planète de métal avec eux et en rendant les ressources qu'ils avaient volées. 

Un des défauts de cette série est la réticence de Hamilton à donner des noms propres. Il cite cependant un monde dans cet épisode Quorat le Monde du Brouillard sans visibilité. 

Strange Adventures #5 (février 1951): "The World Inside the Atom!" 
Le Bureau de la Science a capté un message d'appel à l'aide venu de la planète "Ruun". Chris découvre que Ruun est un monde dans un atome (la nouvelle "The Girl in the Golden Atom" de Ray Cummings date de 1919 mais Cummings l'avait déjà adaptée pour Timely dans Captain America) et il miniaturise son équipe pour y aller. A l'intérieur de ce micro-monde, Chris utilise la différence d'échelle pour se dissimuler et il libère le savant qui a créé un nouveau soleil nucléaire artificiel pour remplacer l'étoile mourante. Le savant a été remplacé par son frère jumeau qui veut utiliser ce soleil artificiel pour prendre le pouvoir (oui, Hamilton réutilise encore un scénario ruritanien qu'il reprend aussi dans The Star Kings). Chris réussit à rallumer le soleil et sauver Ruun. Il découvre que le temps relatif de Ruun ne s'écoule pas au même rythme que dans notre "macro-vers" (et cela est déjà évoqué dans le roman de Cummings aussi). Au lieu de mettre une maquette ou une simulation de ce monde dans le Musée de ses trophées, il y met l'atome lui-même. 

Strange Adventures #7 (avril 1951): "The Lost Earthmen!"
Dessins Carmine Infantino
L'épisode sur les origines de Chris KL-99 change de ton et devient soudain bien plus sombre. Chris semblait auparavant seulement enthousiaste et presque naïf dans son désir de collectionner les mondes à explorer alors qu'il est décrit maintenant comme un homme obsédé, isolé, habité par ce désir infini d'exploration. Même son équipage se pose des questions sur sa recherche insatiable de nouveaux mondes à cartographier. En fait, le vrai but de Chris n'était pas que la découverte mais retrouver ses parents disparus, explorateurs comme lui. Jon ST-94 et son épouse étaient partis il y a 20 ans dans leur vaisseau, The Starfarer. Chris retrouve enfin leur trace dans un monde où un phénomène nommé le "courant d'éther" a créé un cimetière d'épaves (j'ignore pourquoi Hamilton feint encore de croire à l'éther un demi-siècle après Michelson-Morley et Einstein mais je soupçonne une nostalgie pour ce terme poétique). Ses parents sont morts mais Chris sauve les autres survivants de l'équipage face aux astéroïdes (qui détruisent la sépulture de ses parents et la change en une nouvelle étoile, un "bûcher funéraire"). Revenu sur Terre, il veut abandonner l'exploration jusqu'à ce qu'il trouve un message de ses parents défunts lui demandant de continuer sa quête, "tant que l'humanité n'aura pas trouvé tous les secrets de l'univers". 



Strange Adventures #9 (juin 1951): "The Exile of Space"
Dessins Murphy Anderson
Alors que le Pioneer suit une comète dans l'espace pour répondre à un appel à l'aide et suivre les traces de cristal énergétique, Halk le Martien raconte ses origines. Il avait tenté d'augmenter la puissance d'un cristal d'énergie qui alimentait le pompage des canaux martiens. Son expérience échoua et sans cette source, la planète se dessécha. Halk partit alors en exil pour expier sa faute. 
L'équipage arrive dans une planète lointaine où un tyran utilise un réseau de satellites cristaux d'énergie pour dominer la planète (on reconnaît le même thème que dans l'épisode du n°2 et du n°5, un tyran fondant ses pouvoirs sur un avantage technologique). Chris aide les indigènes à se révolter en détruisant certains des cristaux. Halk peut enfin rapporter un cristal pour réparer sa faute sur Mars mais il décide de continuer à voyager avec Chris même si son exil a pris fin. 



 
Strange Adventures #11 (août 1951): "The Missing Moon!"
Chris découvre que la Terre avait jadis deux lunes et que l'une d'elles fut perdue dans l'espace par le recul d'une arme qui avait détruit leurs rivaux sur l'autre Lune. Il retrouve la lune errante et la sauve de la percussion avec un astre, en réutilisant les mêmes armes qui avaient envoyé le satellite dans le vide. 

Ce genre d'histoire de grandes catastrophes cosmogoniques semblait plus occuper la sf des années 30 mais le livre de Velikovsky, Worlds in Collision, venait à peine de sortir en 1950. Hamilton aimait utiliser des données astronomiques assez périmées : il y a encore une planète Vulcain dans Captain Future alors que cette planète fictive avait été réfutée depuis le début du siècle. Voir aussi ces étapes dans l'histoire du Space Opera

Strange Adventures #15 (décembre 1951): "The Rival Columbus of Space!"
Dessin Carmine Infantino
Shan Kar arrive de la planète Zor et devient un rival de Chris pour explorer une nébuleuse obscure. Chris n'a révélé à personne qu'il y est déjà allé. La planète contient des joyaux mais aussi un effet qui rend gigantesques ceux qui y atterrissent. Shan Kar devient un géant qui ne peut plus entrer dans son vaisseau et est bloqué dans la planète. Chris doit y sauver Shan Kar en utilisant un scaphandre qui lui permet de garder sa taille et de guérir son rival. (Dans Star Kings, l'ennemi cynique de l'Empire Galactique s'appelle Shor Kan). 

Ces deux derniers épisodes ne sont pas très réussis, ce qui laisse penser que Hamilton commençait à se désintéresser de son personnage. Cela explique peut-être pourquoi la série fut si courte. Je pense que le Strange Adventures n°7 sur les origines de Chris reste l'un des meilleurs tant il présente bien l'opposition entre lui et les héros traditionnels. 

Goodbye, Columbus

La version de Chris KL-99 dans Secret Origins 43 (1989), écrit par Joey Cavalieri est en rupture nette avec les origines qu'on trouvait dans Strange Adventures n°7. Cette fois, son vrai nom est plus simplement "Chris "Columbus" Ambler". Le nom "KL" n'a plus rien à voir avec "Columbus" et vient d'un peuple extraterrestre, les 98 K'Ls, qui a envoyé ses connaissances dans le cerveau de Chris quand il était encore enfant, ce qui fait de lui le "99e K'L", occupé par les données de ces Aliens en lui. Les K'Ls l'avaient choisi parce qu'il était plus ouvert et réceptif à la nouveauté de leurs messages. 




C'est plus intriguant sans doute et ce changement sur son baptême rend Chris bien plus inhumain, comme un Superman inversé adopté par les dieux étrangers. Peut-être que les scénaristes modernes trouvent ces noms alphanumériques à la Zamyatine trop datés ou ridicules (de même que Kal-El devait s'appeler "Kal-L" à l'origine). 

Chris est toujours le premier Terrien né dans l'espace (comme Virginia Dare fut la première Britannique née en Amérique) et il fit l'objet d'une propagande à ce sujet depuis sa naissance avant d'être enlevé et éduqué par le peuple télépathique des K'L's. 

Mais cette version de KL très xénophile qui prend parti pour ses mentors extraterrestres contre les Humains qui ont voulu les éliminer, et même contre ses parents génétiques doit en fait plus tenir de Valentine Michael Smith dans Stranger in a Strange Land (1961) de Robert Heinlein, plus que de l'explorateur originel d'Edmond Hamilton. Le Chris originel pouvait défendre les droits des Aliens mais cette seconde version semble devenu aussi misanthrope que Gulliver quand il revient de chez les Houyhnhnm. L'explorateur est devenu étranger à son monde de naissance. 

jeudi 5 janvier 2023

Naturalisme et Narration en cartographie imaginaire

 Cette vidéo sur les cartes imaginaires en jeu de rôle m'a fait comprendre quelque chose qui doit paraître assez évident aux illustrateurs : que le naturalisme d'une carte peut être un obstacle car cela ne fait pas assez saillir des lignes de force pour le récit. Il faut une illustration qui suggère des choix, qui donne immédiatement une ambiance et des informations qui échappent à l'échelle de la représentation. On doit plus chercher des récits possibles et des énigmes que la simple vraisemblance. 

La vidéo cite notamment cette très belle carte du Nord, la Carta Marina de l'Archevêque Olaus Magnus vers 1540, saturée de créatures étranges qui semblent enfuies d'une Tentation de Saint Antoine ou d'un enfer de Bosch. Les capitales n'y sont pas des points mais des trônes avec le portrait du roi et son blason qui feraient des centaines de kilomètres si on était à l'échelle.  

mardi 3 janvier 2023

ChatGPT scénariste de jeu de rôle

J'ai demandé à Chat GPT-3 (Generative Pre-trained Transformer, la nouvelle "IA" de conversation qui peut être parfois si bluffante) d'écrire une aventure se passant dans les Terres du Milieu et voilà ce qu'a été l'échange : 

Sure! Here is a short adventure set in Middle-Earth:

It is a dark and stormy night in the land of Middle-Earth. The wind howls through the trees and lightning illuminates the sky. You are a brave adventurer, traveling through the forest on your way to the kingdom of Rohan.

As you make your way through the forest, you hear a faint cry for help. It sounds like it's coming from a clearing up ahead. As you approach, you see a group of orcs surrounding a lone figure. The figure is a hobbit, and he is clearly in trouble.

Without hesitation, you draw your sword and charge towards the orcs. The hobbit sees you coming and uses the opportunity to escape. You fight bravely, but there are too many orcs. Just when it seems like all is lost, the sound of horns fills the air. The orcs turn and flee, and you see a group of riders charging towards you.

The riders are the Rohirrim, a noble people who are sworn to protect the kingdom of Rohan. They thank you for your bravery and invite you to come back to their kingdom with them. You happily accept and join them on their journey.

As you ride through the green fields of Rohan, you feel a sense of pride and accomplishment. You have completed your adventure and helped protect the kingdom from the forces of evil.


Ok, ce n'est pas encore terrible (c'est même invendable comme c'est médiocre) mais je suis impressionné de la vitesse (deux secondes) avec laquelle il a interprété correctement la demande (si ce n'est qu'aventure semble pris plus comme une nouvelle qu'un scénario de jeu de rôle). Rien qu'avec les mots "aventure de jeu de rôle" et "Terre du Milieu", le modèle a identifié les clichés les plus immédiats. 

Je décide donc de prendre ma retraite et d'externaliser désormais tous mes posts à cette AI (mais il n'est pas certain qu'on verra la différence).