vendredi 24 février 2023

Ravens Bluff

Une Cité partagée

Dans la série des survols de Cités de jeu de rôle, je voulais parler un peu de Ravens Bluff, la "Cité Vivante" de la RPGA. 

Le Réseau de la RPGA (Role-Playing Game Association) avait été organisée en 1980 par Frank Mentzer de TSR pour mener des tournois avec les jeux comme D&D. Ils éditèrent en 1981 leur magazine RPGA News qui devint au n°4 "Polyhedron". En août 1985 dans le numéro 25 de Polyhedron, ils annoncèrent qu'ils étaient à la recherche de contributions des joueurs membres de la RPGA pour une nouvelle Cité de jeu de rôle pour D&D

Le magazine britannique White Dwarf avait publié leur Irilian en 1983, Imagine, le magazine de TSR-UK, avait commencé leur propre Cité, Pelinore, depuis leur n°16 en juillet 1984, les rédacteurs de Casus Belli créèrent Laelith en décembre 1985 mais toutes ces villes avaient des auteurs "pro" alors que celle-ci viendrait en partie des fans. La Cité n'avait au début pas de nom. On l'appelait simplement "The Living City", le projet initial étant que la Cité "partagée" émergerait collectivement et évolueraient selon les "campagnes vivantes" officielles des membres de la RPGA). Par la suite, ils proposèrent de l'appeler Ravensgate (le Corbeau du titre étant peut-être un clin d'oeil à l'épervier de Greyhawk - je ne pense pas que ce soit une tentative d'exploiter le cadre gothique de Ravenloft). On apprit plus tard que la région abrite une espèce de grands corbeaux intelligents avec des pouvoirs magiques (qui peuvent maudire ceux qui les dérangent). C'est encore sous ce nom de Ravensgate qu'elle apparaît dans la première carte des Royaumes Oubliés en 1987. Mais David Nalle, le créateur du jeu de rôle Ysgarth leur fit remarquer (ou connaissant son irascibilité, en les menaçant de procès) qu'Ysgarth avait déjà un supplément mentionnant une cité nommée aussi Ravensgate (1983). 

La RPGA changea donc le nom de sa "Cité Vivante" en "Ravens Bluff". Bluff signifie ici "Falaise escarpée, Escarpement", même s'il y a peut-être aussi un jeu de mots sur bluff au sens de tromperie (en anglais canadien, cela peut aussi signifier "bosquet" mais je ne pense pas que ce soit le cas même s'il y a vraiment un lieu-dit "Ravensbluff" en Colombie britannique). La traduction française officielle de cette "Ecore aux Corbeaux" fut finalement "Corbentre", ce qui a l'avantage d'être bref mais peu clair (je ne vois pas bien ce que "entre" doit abréger). 

La Ville dans les Royaumes Oubliés : Ravens Bluff & Waterdeep

Gary Gygax avait été renvoyé de TSR en 1986 et la ville n'allait donc pas utiliser son univers de Greyhawk. Ed Greenwood venait de sortir en 1987 la Cité symbolique de son nouveau monde des Royaumes Oubliés, Waterdeep and the North. Waterdeep est un grand port sur l'océan occidental (d'environ 100 000 habitants) alors que Ravens Bluff est un port sur la mer intérieure des Etoiles Déchues, sur la côte orientale de la Dragon Reach (Bief des Dragons). C'est une cité-Etat entre les oligarchies de Sembia et Impiltur. C'est à plus de 2500 km de Waterdeep, soit environ aussi loin que la distance entre Nantes et Patras sur la côte orientale de la Grèce. Si les Royaumes Oubliés étaient cohérents, on devrait donc avoir des différences culturelles assez importantes entre les deux Cités, entre la façade Atlantique et la Mer icarienne, mais cela ne se voit pas tellement. 

Polyhedron commença par évoquer l'élaboration de la Cité au n°34 (janvier 1987) dans une aventure  située en extérieur, "On the Road to the Living City" et cela devint finalement une série régulière de lieux, temples, commerces ou PNJ "The Living City" à partir du n°37. J'ignore quand fut publiée la dernière rubrique mais je vois qu'il y en a encore en tout cas cent numéros & douze ans après dans le n°136 (1999), ce qui doit donc en faire une des villes les plus développées en quantité d'échoppes et PNJ. 

Le premier supplément officiel paraît en 1989, LC1 Gateway to Ravens Bluff (76 pages). Il y a une quinzaine d'auteurs mais j'ai l'impression que contrairement à ce qui avait été annoncé, le projet a bien été piloté par des auteurs professionnels de TSR comme la directrice de la RPGA Jean Rabe. La Cité vivante eut ensuite 3 autres suppléments qui eurent de plus en plus de contributions des fans, Inside Ravens Bluff (64 pages, entièrement sur un cadre de cirque / fête foraine plus le quartier des diplomates étrangers), Nightwatch in the Living City (36 pages) et enfin Port of Ravens Bluff (68 pages). Si je compte bien, cela fait donc environ 240 pages au total. 

A la fin de la seconde édition d'AD&D, c'est le créateur des Royaumes Oubliés, Ed Greenwood, qui fit une nouvelle synthèse, The City of Ravens Bluff (160 pages). C'était aussi Greenwood qui avait fait le (notoirement mauvais) supplément sur la cité de Tantras en 1989 qui se trouve juste à côté de Ravens Bluff dans la région dite "The Vast" (ou Vastar). Cette zone de Vastar sera rebaptisée au siècle suivant "Vesperin" du nom du fleuve au nord, quand les Cités-Etats de Vastar s'allieront en confédération avec Calaunt comme capitale. Ravens Bluff, elle, est construite à l'embouchure d'une autre rivière, le Fleuve de Feu

Ravens Bluff a le défaut d'être globalement très générique, même par rapport à la moyenne des villes de D&D. On n'est clairement pas dans ce qu'ils ont pu faire comme Glantri ou Sigil. Ils disent eux-même que les différentes parties peuvent ainsi facilement s'intégrer dans la cité de n'importe quel monde. Ed Greenwood a des défauts mais il sait donner des sonorités assez cohérentes à ses PNJ (au point qu'ils sonnent un peu tous pareils) alors que les divers contributeurs sont si nombreux qu'ils me semblent avoir encore moins cherché de cohérence que d'habitude dans les jeux de rôle fantastiques. Certains PNJ ont des noms complètement américains contemporains qui évoqueraient plus une ville de Western, d'autres des noms de fantasy ou romains. S'ils voulaient vraiment une ville au carrefour de nombreux cadres de jeu pour que tous les joueurs puissent l'insérer dans leur campagne, ils auraient dû créer déjà quelque chose comme une Cité multiverselle comme Sigil et les incohérences auraient été beaucoup plus faciles à justifier. 

Le quartier est, avec le Château Garde de Fer dans Polyhedron n°50, 1989

La carte en couleurs dessinée par Valerie Valusek en perspective cavalière de la première édition de 1989 (que vous pouvez voir en détails sur ce site) m'a parue bien plus jolie que celle plus traditionnelle vue de haut de 1999, qui me semble aussi inspirée qu'un plan de métro. Mais d'un autre côté, la première édition ne détaillait que 8 bâtiments. La version de 1999 de Greenwood doit inclure d'autres créations dans Polyhedron, renvoie plus précisément au cadre de son monde (on reconnaît toujours les noms plus originaux des PNJ de Greenwood) et les suppléments Forgotten Realms commencent d'habitude à atteindre leur maturité seulement dans leur seconde édition. Il y a chez Greenwood une qualité qui peut devenir un défaut : il aime décrire des douzaines de familles distinctes sans qu'on voie toujours beaucoup de différences assez nettes pour justifier un nombre aussi imposant d'informations. Les autres scénarios distinguent 5-7 factions et c'est ce que notre cerveau réussit à mémoriser, Greenwood vous en donne 19 mais cette surabondance peut devenir contre-productive. 

Waterdeep avait une structure politique assez originale avec son Oligarchie secrète : ses Seigneurs se choisissaient par cooptation et demeuraient pour la plupart anonymes et masqués (ce qui avait l'avantage en jeu de rôle que les PJ ne savaient jamais quels PNJ étaient dans les dirigeants). Ravens Bluff joue beaucoup sur les intrigues politiques mais a repris la même idée d'un mélange entre aristocratie traditionnelle et  Guildes marchandes, avec un Maire charismatique au-dessus de ces conseils de notables. Le Maire O'Kane dans la première version avait été choisie après une compétition, un tournoi des champions, et avait su organiser la défense de la Cité contre les nombreux Pirates de la Mer des Etoiles Déchues (avec l'aide d'un dragon de bronze Eormenoth (Greenwood p. 93). Sa successeure, Lady Thoden, est une manipulatrice qui a institué une politique volontariste de soutien aux troupes de mercenaires : des groupes d'aventuriers peuvent recevoir gîte et traitement en échange d'un service militaire périodique pour la protection de la Cité aux Corbeaux. 

Waterdeep est construite sur un Méga-Donjon d'un sorcier fou et diverses ruines elfiques, Undermountain. Ravens Bluff, elle, est sur les ruines d'une ancienne Cité naine du Marteau. 

Waterdeep a son archimage, Khelben Bâton Noir Arunsun. Ravens Bluff a l'Ambassadeur Carrague, ancien diplomate de la Cité devenu ministre de contrôle des bâtiments (et mage 15e/19e Niveau), devenu un peu sénile récemment et en lutte contre le réseau criminel des Bâtisseurs. Carrague est parfois accompagné de "King", un chien célèbre dans la cité pour son intelligence (un ancien aventurier humain qui ne peut plus parler dans ce corps mais espère un jour retrouver forme humaine). Le créateur de ces deux derniers PNJ, le très prolifique Vince Garcia, avait aussi édité son propre jeu de rôle, un fantasy heartbreaker nommé Quest of the Ancients. Une idée relativement originale de la Cité (je suppose avant que Hogwarts nous ait habitués à un Ministère de la Magie) est la différence entre les sorciers de la Guilde des Sorciers (qui sert aussi d'école de magie) et ceux du "Ministère de l'Art", les sorciers du gouvernement (même si certains membres passent d'un groupe à l'autre). 

La religion officielle de la Cité admet 9 dieux privilégiés qui sont toutes de tendance "bonne" ou "neutre" (Chauntea, déesse de l'agriculture, Gond, dieu des forgerons, Helm, dieu des gardiens, Lathander, dieu de l'aurore et du renouveau, Selune, déesse de la Lune, Tempus, dieu de la guerre, Tymora, déesse de la chance, Tyr, dieu de la justice et Waukeen, déesse du commerce). La Guilde des Sorciers y ajoute Mystra, la déesse de la magie. Parmi les cultes secrets, le "Culte du Corbeau" est un ancien mystère orgiaque de sorcières dans les ruines (à ne pas confondre avec les "Chevaliers Corbeaux", qui sont l'ordre de chevalerie la plus prestigieuse de la Cité, ou avec la "Confrérie des Plumes de Sable", une guilde de Paladins servant le dieu Tyr). 

Un des critères pour choisir une Cité de jeu de rôle est de se demander quelle aventure ne pourrait être faite que dans ce cadre particulier. Mais Ravens Bluff hésite à être quelque chose de "modulaire" pour toute campagne de D&D, une collection de bâtiments et PNJ et non pas une ville unique, un peu comme la série des City Books

Pourtant peu à peu quelques spécificités se forment, comme les intrigues de la mairie ou le rôle de quelques organisations curieuses (comme les Marchands de Sable, un groupe non-gouvernemental qui veut protéger les enfants de la Cité). 

Il reste une très belle illustration de la Cité dans l'édition de 1989. 

mardi 21 février 2023

Deux mythes et deux Empereurs Tang

Dans Passagère du silence (2003), son récit sur son apprentissage de la calligraphie à Chóngqìng (qui à l'époque dans les années 1980 faisait encore partie de la Province du Sichuan), l'artiste Fabienne Verdier raconte (au chapitre 3, pp. 46-48) quelques légendes chinoises qui font souvent l'objet de représentations picturales. Mais bien que je connaisse infiniment moins la Chine qu'elle, je soupçonne qu'elle s'emmêle très légèrement "les pinceaux" avec deux mythes chinois. 

Elle relate rapidement l'histoire des deux dieux Gardiens des Portes (ménshén) Qín Shūbǎo & Yùchí Gōng (qui protégeaient l'Empereur contre le spectre d'un Roi-Dragon). Elle dit qu'ils vivaient sous l'Empereur Xuánzōng (685-762), septième Empereur de la dynastie Táng mais la légende habituelle dans Voyage vers l'Ouest dit que ces événement surnaturels arrivèrent un siècle avant, sous le second Empereur des Táng Tàizōng (598-649). Il faut ajouter quelques précisions à sa version : (1) que le Premier Ministre Wèi Zhēng (580-643), qui fut aussi divinisé comme un Gardien, venait punir le Roi Dragon de la Rivière Jīng par ordre de l'Empereur de Jade, sans quoi on ne comprend pas pourquoi son autorité dépasserait celle de Taizong, qui règne à Cháng'ān, au confluent de la rivière Jīng et de la rivière Wèi (2) que c'était le devin Yuán Shôuchéng qui avait voulu sauver le Roi-Dragon en demandant le soutien de l'Empereur humain Taizong, malgré toute la perfidie du Dragon contre lui, (3) que l'Empereur Taizong n'avait pas prévu que le ministre Wei Zheng s'endormirait pendant leur partie et que son esprit désincarné irait accomplir quand même la sentence de l'Empereur de Jade contre le Roi-Dragon de Jīng ; (4) que le Roi-Dragon de Jīng en voulait à Taizong parce qu'il croyait à tort que l'Empereur humain l'avait trahi en laissant faire sa décapitation. 

En revanche, F. Verdier raconte aussi juste avant la légende de Zhōng Kuí, le Roi des Fantômes aux Cinq Chauves-Souris, grand exorciste de spectres. Or Zhong Kui, lui, serait mort sous le premier Empereur des Tang, Gaozu, mais serait ensuite revenu au siècle suivant comme divinité sous le règne de l'Empereur Xuanzong, ce qui doit expliquer la confusion entre les deux Tang. C'est Xuanzong, rendu malade par des fantômes, qui aurait institué le culte de Zhong Kui, alors que c'est Taizong qui aurait été assiégé par le fantôme du Roi-Dragon et aurait institué le culte des deux Gardiens des Portes. 

dimanche 5 février 2023

Utiliser des dés non-transitifs en jeu de rôle

Des dés non-transitifs ressemblent à Pierre-Papier-Ciseaux et permettent d'illustrer un paradoxe de probabilité où A peut l'emporter sur B, B sur C mais C sur A. 

Soit par exemple les 3 dés suivants : 

A (que j'appellerai Attaque Prudente) 3 3 3 3 3 3 6

B (Attaque Brutale) : 2 2 2 5 5 5 5

C (Attaque Sournoise) : 1 4 4 4 4 4

Je ne sais pas si les adjectifs choisis sont adéquats (vous pourriez préférer inverser le nom de brutal et sournois ?). 

En gros, A a 60% contre B, B 60% contre C et C 60% contre A. 

Dans un jeu à classes de personnages, on peut aussi décider que les classes comme Mage donnent des dés A, la classe de Guerrier des dés B et la classe des dés C par exemple. 

Mais là où ces dés sont plus gênants est que la probabilité s'inverse si on additionne deux dés de ce type : 2dA sont inférieurs à 2dB qui sont inférieurs à 2dC. Soit on accepte l'addition de dés et cela devient peu intuitifs (mais on peut considérer que cela fait partie du plaisir du choix), soit on ne compte les blessures qu'un dé contre un dé, ou on utilise une autre répartition comme celle des dés d'Effron qui n'a pas cette propriété (mais qui a un des 4 distributions ennuyeuse avec un résultat constant 333333). 

jeudi 2 février 2023

Margaret la Cygne

Dans Naming & Necessity, quand Kripke veut expliquer sa théorie de l'identité à travers les changements ("la nécessité des origines"), il dit que si celle que nous appelons la Princesse Margaret est bien ce qu'elle est censée être (seconde fille de Georges VI et d'Elizabeth Bowes-Lyon) alors elle ne pourrait pas ne pas être issue de cet oeuf fécondé qui sert à fixer son identité dans notre monde réel. Elle pourrait avoir eu des propriétés différentes après cette fixation de son identité mais pas avant. On pourrait comprendre une phrase comme "Margaret aurait pu mourir jeune" ou "Margaret aurait pu épouser Townsend" mais pas "Margaret aurait pu être la fille de Charlie Chaplin et de Greta Garbo" ou "si Margaret avait été un oeuf mollet". Mais à ce moment-là, Kripke plaisante en disant que si les lois de la nature étaient différentes, elle pourrait avoir été métamorphosée en cygne (ou en canard, je ne me souviens plus, je cite de mémoire) mais donc pas que NOTRE Margaret pourrait avoir été depuis toujours un cygne (ou un canard). 

Ce passage est bizarre dans cet exemple (de même que je me demande toujours la part de Private Joke de Princeton sur Gödel) mais je viens de voir lire une lettre de l'écrivaine britannique communiste Jessica "Decca" Mitford (1917-1996) qui dit que lorsqu'elle était jeune elle avait essayé de faire courir la rumeur qu'à cause d'une anomalie génétique, Margaret (tout comme sa soeur la reine Lilibet) était née avec des pieds palmés qu'elle cachait au public. Est-ce que Kripke faisait allusion à cette plaisanterie de "Decca" ? 

Bon, finalement, juste les 12 premiers épisodes de Space Ranger alors....

Oui, vous aviez deviné que ma dénonciation n'était que prétérition.

Space Ranger est construit sur le modèle du Lone Ranger (créé en 1933), mélange de sheriff texan et de héros masqué à identité secrète. Ricky Starr est un super-capitaliste, fils de Thaddeus Starr, un magnat d'Allied Solar dans le système solaire du XXIIe siècle. Comme tous les Scarlet Pimpernel ou Zorro, il cache son héroïsme à son père (et il est parfois impliqué que son père n'est pas enthousiasmé par l'indolence de son héritier) mais la petite différence est qu'il n'a pas seulement Bernardo / Kato / Alfred, mais sa fiancée/secrétaire Myra Mason (un peu comme Pepper Potts pour Tony Stark). Cette Myra a le même nom et prénom que la petite amie du Dr Midnite (tuée par un tueur en série après la 2e Guerre mondiale, dans JSA #40). Comme les comics détestent les coïncidences, il doit y avoir une connexion ou un paradoxe temporel entre les deux Myra. Une autre ressemblance avec Tony Stark/ Iron Man est l'importance des gadgets : Starr n'a pas de pouvoirs mais il a des douzaines d'armes et même (dans Tales of the Unexpected 46) un arsenal de divers costumes dans sa base secrète sur un astéroïde où il cache aussi son vaisseau, Solar King. Il collabore avec la Patrouille spatiale malgré son statut de vigilante caché (les héros sous le Comic Code Authorrity des années 50 sont des figures de l'ordre proche des autorités, c'est Edgar Hoover qui avait demandé à ce que cela reste le cas) mais il faut alors supposer qu'il n'a pas envie de partager ses inventions avec elle car sinon il perdrait sa singularité. 

Cryll l'extraterrestre polymorphe rosâtre qui accompagne le Space Ranger (comme l'Indien Tonto pour Lone Ranger) ressemble un peu à Otho l'androïde plastique de Captain Future mais il annonce surtout le petit Proty (qu'Edmond Hamilton créera 6 ans plus tard dans Adventure Comics #308 (mai 1963). Il incarne un comic relief mais n'est pas qu'un faire-valoir comme il est plutôt courageux et très efficace comme la faune extraterrestre lui permet d'obtenir presque tous les pouvoirs possibles. Il dit dans les premiers épisodes qu'il est devenu l'ami fidèle après avoir été sauvé par le Space Ranger mais il semblerait que d'autres histoires aient inversé ce scénario et que ce soit lui qui l'ait sauvé. 

La série jouit d'une grande continuité artistique : c'est Bob Brown (1915-1977) qui dessina presque toute la série avec Jim Mooney (1919-2008). En revanche, on ignore quelle est la part respective de Gardner Fox et Edmund Hamilton dans les premiers épisodes (ou d'autres scénaristes de DC Comics). 

Le Space Ranger n'est pas réapparu tel quel dans les comics récents mais dans la série Justice League Odyssey #15-25 (2020) créée par Dan Abnett, on découvre une nouvelle version, une certaine "Gamma Knife". Elle tire son nom d'une sorte de super-scalpel laser et se présente comme Suzi Starr, fille de Ric Starr. Dernière des Space Rangers créés par son père, elle a voyagé dans le temps en aidant l'étrange Epoch Lord of Time (qui a l'air complètement déphasé et incohérent) et aide les membres de la Ligue de Justice à lutter contre Darkseid. Elle est entourée de plusieurs Drones intelligents (un peu comme le nouveau Mr Terrific mais ce sont des débris de son ancien robot modifié par Epoch) mais il n'y a pas de trace de Cryll... Elle est finalement détruite dans un paradoxe temporel complexe. 

 Showcase 15, août 1958 
"The Great Plutonium Plot" Jarko le pirate jovien et Gurph le pirate martien volent du plutonium sur Venus et sur la Lune. Ricky Starr fait exprès de se faire voler son plutonium pour suivre la piste des pirates avec des traces d'audium qui émet des vibrations. Il retourne sur son astéroïde avec Cryll, son ami polymorphe qu'il a sauvé sur Pluton. Il trouve leur chef humain Zandor, sur Ganymède, qui avait besoin de voler tout ce plutonium pour faire fonctionner son téléporteur qui lui permettrait de voler ensuite toutes les ressources n'importe où. 

"The Robot Planet" Rick, Myra et Cryll partent vers Sirius parce que des machines gravitationnelles venues de cette étoile (α Canis Majoris, à 8,6 années-lumière) déstabilisent tout le système solaire. Elles sont contrôlées par le Cerveau et ses robots qui ont asservi la population des Shans, revenus à un niveau technologique primitif. Après avoir essayé divers rayons, Rick trouve le moyen de détruire le Cerveau et de délivrer la planète de Sirius. 

Showcase 16, septembre 1958
"Secret of the Space Monster" Rick découvre que des Korthiens (de longs avians bleus venus de Procyonα Canis Minoris est à 11,5 années-lumière) utilisent des illusions de monstres spatiaux pour détourner les vaisseaux près de leur base sur Ganymède (encore !). Ce sont des rebelles contre le gouvernement korthien et Rick vient sur Korth pour les dénoncer (comment a-t-il deviné que leur rébellion est illégitime ?) mais il est capturé par le ministre qui soutient l'insurrection et qui veut utiliser les illusions pour faire un coup d'Etat. Rick s'évade avec l'aide de Cryll (en "félin neptunien" qui peut dévorer du métal) et sauve le gouvernement khortien en leur révélant le subterfuge. Cet épisode ressemble beaucoup trop au précédent. 

"Riddle of the Lost Race" Des bandits (dont un insectoïde Plutonien) attaquent le Musée de l'espace et volent un ancien livre trouvé sur Mars. Rick, déguisé en chasseur Mercurien, espionnent les bandits et les suit dans la Vallée des Glaces sur Saturne où se trouve un peuple primitif et des ruines d'un peuple ancien qui permettrait de déchiffrer la carte au trésor du livre. Puis le Plutonien part voler le Joyau sacré des Vénusiens qui doit servir de clef pour le trésor, qui se trouve dans le Sphinx mercurien. (je crois donc compter 5 planètes différentes dans cette histoire). Dans cet épisode, Myra Mason n'est pas qu'une assistante et est même assez efficace, ce qui sera hélas souvent oublié par la suite. 

Tales of the Unexpected #40, août 1959

"Last Days of the Planet Mars" Zike, un savant fou martien, s'est enfui de l'astéroïde prison et a promis de détruire sa planète natale. Rick poursuit un de ses hommes de main (l'un d'eux ressemble au Plutonien insectoïde de l'épisode précédent) jusqu'à Jupiter et crée une illusion pour faire croire à Zike qu'il a détruit la vraie Mars. 

Tales of the Unexpected #41 sept. 1959 
"The Destroyers From The Stars"
Rick poursuit des extraterrestres (petites créatures bleues) qui cherchent sur Ganymède (c'est la 3e fois) des restes d'un ordinateur des Grands Anciens. Il arrive à les faire arrêter avec l'aide de leur propre peuple mais l'ordinateur du peuple perdu est détruit dans le combat et ses secrets disparaissent avec lui. Ces histoires se répètent beaucoup, non ? 

Tales of the Unexpected #42 octobre 1959 
The Secret of the Martian Helmet
Pour capturer un groupe (interplanétaire) de pirates qui utilisent une arme dangereuse volée à la compagnie Allied Solar de son père, Rick fait croire qu'il a pu faire fonctionner l'antique Casque du Héros martien Kolan Varr qui donnerait des pouvoirs psis. Rick prétend qu'il en tire des pouvoirs télékinésiques. Les Pirates viennent voler le casque et c'était le vrai but de Rick pour les faire arrêter dans leur base cachée sur Venus. Un (léger) intérêt de cet épisode est que c'est la première fois qu'on représente une vie quotidienne de la Fédération solaire avec des espèces mélangées dans les différentes classes de la vie sociale comme des journalistes ou des membres de la Patrouille Spatiale. 

Tales of the Unexpected #43 Nov., 1959 
Riddle of the Burning Treasures
Solan de Titan fait voler plusieurs reliques : le Livre des Martiens bleus de Walleron, l'épée de Tartaron de Venus et le collier de la Reine Cléon de Jupiter et fait croire à chaque fois que les objets ont été détruits à cause de Ricky. C'est la première fois qu'on voit les Vénusiennes, des piscoïdes aux écailles de couleur aubergine/prune alors que le dessinateur Jim Mooney a l'air de surtout dessiner des Mercuriens à la peau verte et des Martiens à la peau rouge. 

Tales of the Unexpected #44 Dec., 1959 
The Menace of the Alien Indians
Un épisode qui serait assez "problématique" aujourd'hui dans les clichés de Western. Un peuple venu du système Procyon (mais différent des Korthiens vus dans Showcase 16) a absorbé les coutumes des Premières nations nord-américaines et attaquent le système solaire pour réunir des ressources pour l'armement. Space Ranger découvre leur village sur Rhea, lune de Saturne et les pillards de ressources sont arrêtés par d'autres tribus de Procyon. 

Tales of the Unexpected #45 janvier 1960 
The Army of Interplanetary Beasts
Space Ranger lutte contre Zakk Tor, un extraterrestre (caché sur Io, lune de Jupiter) qui contrôle toute une ménagerie de créatures aux pouvoirs divers : Dragons Griffus Uraniens, Oiseaux Messagers Martiens, Oiseau Géant Jovien, Ours Energétiques Vénusien, Lapins Somnifères Martiens, plus un Singe Télépathique Mercurien... Un indice qui peut faire penser que l'histoire est d'Edmond Hamilton est qu'il a utilisé un concept très proche de ce dresseur d'animaux à superpouvoirs avec le Monster Master contre la Légion des Superhéros dans Adventure Comics 309, juin 1963. 

Tales of the Unexpected #46 février 1960 
The Challenge of the Alien Champion
Space Ranger est enlevé sur Uranus par des aliens venus d'un autre monde, Illyrion. Zak Tal, partisan de la guerre contre la Terre, veut le forcer à se battre en duel contre son champion, Kragon. Il le bat avec l'aide de Cryll. Les Illyrions ressemblent un peu à des hérissons avec leurs piquants mais aussi à l'étrange gorille-robot dans Robot Monster, nanar de 1953. 

Tales of the Unexpected #47, mars 1960
The Invasion of the Jewel-Men
Un cristal extraterrestre géant tombé sur Mars produit des hommes de cristal indestructibles pour piller des ressources qui lui permettent d'en fabriquer encore plus. Space Ranger découvre que certaines vibrations peuvent les détruire mais c'est Cryll à nouveau qui le sauve en se transformant en "vibrodeer" saturnien

Tales of the Unexpected #48 avril 1960 
The Beast from the Invisible World
Un monstre géant invisible désintègre les usines d'Allied Solar sur Terre et menace New Chicago. Space Ranger échoue à le vaincre mais est aidé par des policiers invisibles venus du monde d'Ulix dans une autre dimension. C'est en voulant éliminer la créature qu'ils l'ont envoyée dans notre dimension où ils ne peuvent être présents que sous une forme invisible. Une variation sur Forbidden Planet (1956). 
'Dans ce même numéro, en dehors de Space Ranger, une inversion pas mal du thème des Skrulls et qui évoque peut-être Martian Manhunter créé en 1955 : Throg un alien naufragé sur Terre (qui a le pouvoir de créer des vibrations qui détruisent le métal) se bat contre son frère Xiarg avant de le convaincre d'aider les humains aussi. 

Tales of the Unexpected #49 mai1960 
The Alien Wizard
Zastro, un criminel mercurien à la peau verte vient voler dans la Bibliothèque solaire un plan pour trouver le livre secret du sorcier Ptark sur Uranus et ensuite les ingrédients qu'on trouve sur Jupiter. La sorcellerie a l'air de créer surtout des illusions. Le livre de Ptark est détruit à la fin. Cryll se transforme en divers animaux dont un singe télépathique mercurien, un rare exemple de continuité comme il avait déjà utilisé cette forme dans le #45. 

Tales of the Unexpected #50 juin 1960 
Menace of the Sun-Creature
Explorant le système Achernar (Alpha Eridani, 139 années-lumière), Space Ranger aide la police alien à combattre un monstre solaire qui dévore l'énergie.