jeudi 26 septembre 2013

Psychogéographie, Poléomancie et Oniromancie à Paris


Même si on n'est pas fan du Mythe lovecraftien, cette nouvelle idée de supplément par Robin Laws où on joue des Flâneurs Urbains & Poètes d'Avant-garde luttant dans le paysage onirique de Paris, selon les techniques de "Dérives" de la "psychogéographie" des Lettristes et Situationnistes devrait attirer tout amateur de cette ville. Au lieu de passer dans les Contrées des Rêves créées par Lovecraft, on perturbe les barrières entre la Ville rêvée et la Ville éveillée. Voir ce site sur le Paris bretonien, et il y en a d'autres sur le Paris de Debord.



Dreamhounds of Paris

System: Trail of Cthulhu
Author: Robin D. Laws
Description:
Dreamhounds of Paris is the Dreamlands book for people who hate the Dreamlands. The players are prominent surrealists, their rivals, and occult adversaries, fighting to control the Dreamlands and thus alter human consciousness. The fractious, iconoclastic surrealists were the premiere troublemakers of the intellectual scene of 1930s Paris. Andre Breton, their ideological enforcer, considered the movement not an art or avant garde pursuit, but an exercise in literally changing the human spirit. The exploration of dreams was but one part of this quasi-mystical pursuit. In Dreamhounds of Paris, top surrealists–but never the hyper-rational Breton himself–not only discover a way of breaking through to the Dreamlands by randomly walking the streets of the city. They discover that their powerful imaginations allow them to reshape its oneric geography. Soon the Dreamlands look more like something envisioned by Lautreamont than Dunsany–then they’re overrun by melting watches, ants streaming from giant hands, and bowler-hatted men whose faces can never be seen.


Le titre Dreamhounds of Paris joue allusivement avec le supplément précédent par Kenneth Hite, Bookhounds of London. Robin Laws était déjà un des plus grands auteurs de jeu de rôle mais avec cette idée (et pour imitier l'esthétique de Deleuze, il est rare de trouver des Idées en Jeu de rôle), il commence à passer dans le Panthéon des Alan Moore.

J'imagine qu'on pourrait facilement changer la période. A la place du Surréalisme des années 30, on pourrait avoir les Nuits Parisiennes de Restif de la Bretonne en pleine Révolution, les flâneries modernes de Baudelaire entre la Seconde République et le Second Empire, ou bien rejouer une autre version de Mai 68 avec des Situationnistes qui ressembleraient à des complots invisibles de Grant Morrison.

lundi 23 septembre 2013

Servants of Gaius : les Agents de Caligula

GAIVS•IVLIVS•CAESAR•AVGVSTVS•GERMANICVS (12 - 41)

Redemptio Memoriae
On aime souvent reprendre de célèbres criminels de l'histoire et les réhabiliter. Il y a eu des tentatives pour Néron ou Commode mais généralement, le court règne de l'Empereur Gaius (qu'on surnomme maintenant plutôt Caligula, "Petite Bottine") échappe à ces paradoxes tant le consensus semble se faire qu'il devait vraiment être, en partie au moins, simplement dément. Certes, les pires histoires de Suétone sont écrites 80 ans après sa mort et certains historiens n'y voient que des clichés qu'on a pu projeter sur tous les empereurs (incestes, caprices, mégalomanie). Une des sources principales des historiens antiques aurait été des écrits de Marcus Cluvius Rufus, qui aurait participé à l'assassinat de Caligula, ce qui n'en fait peut-être pas le témoin le plus impartial. Mais d'un autre côté, Philon d'Alexandrie, qui a d'autres raisons d'en vouloir au soi-disant dieu vivant, est un contemporain et son portrait dans la Légation à Gaïus est très similaire et peu flatteur.

Mais le jeu de rôle Servants of Gaius de Brendan Davis s'amuse à faire une histoire uchronique où certains faits allégués sont faux mais où d'autres sombres récits trouvent une nouvelle interprétation qui ferait de Caligula le vrai héros calomnié de tout son règne.

Notamment, une des anecdotes les plus obscures sur Caligula est celle où il aurait déclaré la Guerre à l'Océan. Suétone, Vie de Caligula, XLVI :
Postremo quasi perpetraturus bellum, derecta acie in litore Oceani ac ballistis machinisque dispositis, nemine gnaro aut opinante quidnam coepturus esset, repente ut conchas legerent galeasque et sinus replerent imperauit, "spolia Oceani" uocans "Capitolio Palatioque debita," et in indicium uictoriae altissimam turrem excitauit, ex qua ut Pharo noctibus ad regendos nauium cursus ignes emicarent; pronuntiatoque militi donatiuo centenis uiritim denariis, quasi omne exemplum liberalitatis supergressus: "abite," inquit, "laeti, abite locupletes."


On ne sait même pas si cette histoire de Suétone est authentique mais elle est énigmatique. Certes, Germanicus, le père de Caligula, avait vu sa flotte couler en Mer du Nord pendant une tempête en l'an 16 (quand Caligula avait 4 ans) pendant sa Campagne de Germanie, Annales II, 24, et Germanicus avait même failli se suicider devant ce désastre. Soit l'anecdote n'est qu'un écho de celle de Xerxès au début de la Seconde Guerre médique quand il fit fouetter la mer (et Suétone attribue aussi un pont géant de 2,6 km à Caligula pour franchir à cheval toute la baie entre Baïes et Pouzzoles, comme le pont de Xerxès sur l'Hellespont), soit Caligula était simplement malade (et selon Suétone, c'était aussi par couardise ou forfanterie pour s'assurer un triomphe facile), soit (dans une hypothèse peu plausible mais charitable) il aurait fait ramasser les coquillages de la Manche pour humilier des légions qui auraient refusé de s'embarquer pour envahir la Bretagne.

Le jeu imagine une nouvelle hypothèse fantastique : Caligula aurait vraiment protégé l'Empire contre un sombre complot abyssal de ce qu'on appelle "Neptune" et ses monstres marins, Hydres, Méduses ou Cyclopes. La vraie nature de cette divinité des eaux reste d'ailleurs en partie ouverte pour le meneur de jeu. Et ces êtres protéiformes ont pu prendre la forme d'Humains et se substituer à la place de bien des figures célèbres (je ne révélérai pas les noms pour ne pas gâcher le suspense, il y a quelques surprises intéressantes).

Dans cette version, Caligula a bien fait étouffer celui qu'on prenait pour son grand-oncle et père adoptif, l'Empereur Tibère avec l'aide du Garde prétorien Macro, mais ce n'était plus le vrai Tibère mais un Sosie, et Caligula n'est donc absolument pas impatient ou ambitieux. De même, toutes les victimes innocentes qu'on lui attribue seront soit des pions volontaires de ce Culte de "Neptune", soit des doubles qui auraient pris leur place. Et comme l'auteur est fan de I, Claudius de Robert Graves, on apprend que, même avant Caligula, les empoisonnements commis par Livia ne visaient justement que de tels agents infiltrés et qu'elle était aussi vertueuse et héroïque que son descendant, le fils de Germanicus.

Les Personnages-joueurs sont parmi les rares dans l'élite romaine en l'An 38 après JC (791 Ab Urbe Condita) à être au courant de ce complot neptunien et on imagine peu de contexte aussi paranoïaque puisque n'importe qui parmi leurs proches peut être remplacé par un traître inhumain. Ils devront toujours se demander qui est vraiment de leur côté à la Cour, au Sénat ou dans l'Armée.

Et tout ce que dit Caligula est vrai. Dans cette version, il n'a jamais commis d'inceste avec sa soeur Drusilla (celle qu'il déifia après sa mort sous le nom de "Panthea"), mais elle est manipulée par son mari Lepidus. Gaïus est vraiment en train de connaître une Apothéose de son vivant. Et c'est parce qu'il devient un Dieu que son corps semble parfois si enfiévré et avec des besoins étranges. C'est aussi peut-être pour cela que celui qu'on appelle "Neptune" veut tant le renverser.

Un des rares reproches que je ferais au jeu est le nom de cette organisation : "Serviteurs de Gaius" (Servi Gaii). Les Romains avaient un tel mépris pour le mot infamant de "serviteur" qu'ils n'auraient pas choisi ce terme, même par modestie ou par flatterie envers César - même si ces Serviteurs de Gaius peuvent venir de toute origine sociale et certains sont même recrutés parmi des esclaves. On pourrait remplacer par quelque chose d'autre qui est proposé à un moment, "Custos" (custodes au pluriel), "Gardien" (surtout que le rôle est clairement de court-circuiter la Garde Prétorienne, qui, depuis Séjanus, est aussi infiltrée par le Culte de Neptune, même si Caligula n'imagine pas à quel point).

Le jeu propose un futur possible qui semble à peu près suivre l'histoire réelle jusqu'à la chute de Néron, où, si les personnages échouent, le Culte de Neptune fera tomber tout l'Empire romain dès le milieu du Ie siècle (à peu près au moment de la grande éruption du Vésuve sous Vespasien, trente ans après le début de la campagne).

Une grande latitude est laissée au Meneur de jeu sur les vraies motivations de la secte de Neptune. Sont-ils simplement maléfiques et nihilistes comme des cultes de Cthulhu ? Sont-ils plutôt motivés par une opposition au Principat et à la hubris de la Gens Julia, et y a-t-il même des Républicains sincères ? Certains continuent-ils même un complot vieux de 200 ans, du dieu punique Melqart depuis la Chute de Carthage (y compris, ironiquement, dans les anciennes familles des Cornelii, qui étaient celles des Scipion) ?

Système de jeu
Le jeu utilise un nouveau système baptisé "Network". Il n'y a pas de listes de caractéristiques mais plutôt six grands secteurs de compétences où on répartit des points : Combat (e.g. Lutte, Mélée, Projectiles), Défenses (e.g. Dérobée, Parade, Résolution), Mental (e.g. Détecter, Persuader, Raisonner...), Physique (e.g. Endurer, Nager, Chevaucher...), Compétences spécialisées (e.g. Divination, Médecine, Poison, Sorcellerie...), Connaissances (e.g. Histoire, Langage, Philosophie, Religion...). On a ainsi un score dans une compétence, souvent entre 0 et 3 (sauf les Défenses), qui est simplement le nombre de d10 qu'on peut lancer (les divers bonus peuvent faire monter cela jusqu'à 6d10). On choisit le meilleur résultat dans ces dés et il doit franchir un seuil (entre 5 et 10, ou bien le score pertinent en Défense de l'adversaire), avec quelques subtilités pour le combat où un 10 naturel au dé permet des bonus.

La règle qui semble spécifiquement adaptée au contexte est la caractéristique centrale "Auctoritas", qui représente à la fois le Statut social et le charisme pour obtenir des faveurs de personnages puissants.

Un de mes défauts de vieux joueur qui a trop d'habitudes anciennes est que je n'aime pas tellement les probabilités sur des ensembles de dés, comme Shadowrun ou Vampire. Si j'essayais ce jeu, je pense que je préférerais l'adapter à un autre système, comme le très bon BRP Rome, Life & Death of the Republic de Pete Nash, par exemple (qui sera sans doute adapté un jour pour sa nouvelle version de Runequest).

Il faudrait vraiment tester le système de Servants of Gaius mais je crains qu'il ne pousse trop à négliger des compétences peu utilitaires car elles risquent de faire perdre des points dans les secteurs les plus indispensables au personnage-joueur comme les compétences en Combat ou Défense. Il n'y a pas de classe de personnage mais les personnages devront sans doute se créer ensemble pour éviter d'avoir une équipe trop déséquilibrée.

La Magie est réelle mais très limitée (pages 24-25). En dehors de la Divination, la sorcellerie ne peut guère que préparer des potions d'amour, maudire ou bénir et déclencher des effets psychologiques comme de la peur (dans I, Claudius, Germanicus est d'ailleurs victime d'un tel sortilège pour le terrifier avant sa mort). Le surnaturel joue donc plus dans les prières aux Dieux que dans la Magie directe.

Description du cadre de jeu
Le livre est relativement court (environ 110 pages, règles comprises) mais j'ai surtout apprécié quelques détails comme le nombre de Personnages non-joueurs décrits. On a même une liste des Gouverneurs de chaque Province par exemple, ce qui est important pour un jeu d'espionnage et d'intrigue politique. Sur la couverture, je pense que celui qui se tient à côté de Gaïus doit être le célèbre Hérode Agrippa, tétrarque de Batanée, Trachonitide, roi d'Iturée.

Des suppléments régionaux sont prévus et il y en a déjà un sur l'Egypte et Alexandrie, Pomponius Mela's Guide to Aegyptus, où on apprend plus sur les plans occultes d'Apion et du Préfet Aulus Avilius Flaccus.

Si l'Empire de l'An 38 est bien décrit, j'ai été étonné de ne pas trouver de carte de Rome. Cela n'est certes pas difficile à chercher ailleurs mais il faut retirer tout ce que les Empereurs Claude et Néron vont bâtir, par exemple. Ce site a une version très détaillée de la Ville de Rome sous Auguste et cela doit à peu près correspondre. On y note par exemple les bâtiments n°17 et 30 qui sont des Temples de Neptune/Poséidon.

L'aspect surnaturel du Complot des Neptuniens me paraît plus intéressant que les clichés lovecraftiens de Cthulhu Invictus (qui se déroule par défaut sous l'Empereur Claude, ou bien sous les Flaviens) ou que le contexte légèrement plus réaliste du joli jeu de rôle français (sous Néron) Praetoria Prima de Mercutio (sauf si justement vous êtes allergique au mélange de fantastique et d'historique). La période est proche mais ce dernier jeu dispose d'une carte de Rome sous Néron avec l'écran (Praetoria Prima a eu aussi un supplément sur la Gaule que je n'avais hélas pas remarqué).

Le jeu de rôle italien de 1993-2003, Lex Arcana, est sans doute plus beau et plus complet, mais le contexte de l'Antiquité tardive est moins original que ce Caligula alternatif. On y joue des membres d'un groupe d'élite, les "Custodes" de la Cohors Auxilaria Arcana dans un Empire romain uchronique qui ne s'est pas converti au christianisme et qui continue encore son essor sous l'Empereur fictif au nom suève, Théodomir, en 1229 Ab Urbe Condita (476 A.D., donc quatre siècles après le contexte de Servants of Gaius). Il y avait au moins trois suppléments en plus de l'écran (Italie, Germanie, Carthage) mais ils doivent être quasiment impossibles à trouver aujourd'hui.

En conclusion, je pense que même si j'aurais envie de changer de système de jeu, Servants of Gaius a une idée de départ assez surprenante et paradoxale, qui peut lancer une bonne campagne entre intrigue historique et fantastique. On pourrait en arriver à se lasser vite des complots des Neptuniens mais les idées de scénarios sont plus faciles à écrire que dans d'autres contextes pseudo-historiques.

Lrotèéop ?


Ok, ce logo utilise une version absurde d'alphabet grec et, en plus, je déteste les jeux de plate-forme mais les illustrations d'APOTHEON, tirées des céramiques mélanomorphes (figures noires, le style archaïque des vases avant la mode des figures rouges, comme chez Euphronios) me donnent envie d'un jeu vidéo pour la première fois depuis... depuis... Dragon's Lair (1983) ? Pac-Man ?

vendredi 20 septembre 2013

Une Chouette

Oui, elle tient une lance et un bouclier (skyphos Louvre CA 2192, Ve siècle avant notre ère).




lundi 16 septembre 2013

[Ecailles] Portals of Torsh


Ce petit module (48 pages) chez Judge Guild, 1980, est passé dans l'oubli et on peut le comprendre car il manque de détails, même si on aime les "bacs-à-sable" à développer soi-même (l'auteur tient même à préciser qu'on n'a pas à craindre d'être contredit par un supplément futur car il ne reviendra jamais sur ce monde). L'auteur est Rudy Kraft, qui écrivit de nombreux suppléments D&D ou Runequest chez Judge Guild et participa ensuite au célèbre Griffin Mountain avec Paul Jaquays et Greg Stafford.

Le concept de départ porte sur une visite d'autres mondes par des Portails inter-dimensionnels. Les personnages trouvent un Portail qui les conduit dans le monde de Lazan, sur l'île tropicale de Torsh, dont la population autochtone est composée d'Hommes-Lézards civilisés (mais qui gardent un certain goût pour l'anthropophagie) et d'innombrables dinosaures. Ces Hommes-Lézards ne sont pas vraiment détaillés, mais ils ont quand même quelques relations commerciales avec des groupes humains arrivés sur Torsh, dans la cité saurienne de Gnitrax, au nord-est de Torsh.

En effet, cette île de Torsh a deux particularités.

Premièrement, même si la population est avant tout reptilienne, l'ile a été aussi colonisée par un groupe d'humains venus par un Portail (aujourd'hui détruit), et on trouve encore de nombreux autres Portails de téléportation à travers l'île, dont certains ne fonctionnent plus très bien et ont des effets aléatoires (le plus souvent légèrement négatifs) sur ceux qui les empruntent. On tire 1d20 et on obtient la "couleur" actuelle de la Porte, couleur brumeuse (comme dans Rêve de Dragon) qui a une durée variable et qui détermine s'il marche et comment il agit. Les personnages devront apprendre à retenir la signification des couleurs, qui ne sont pas toujours claires. Il existe des clefs spéciales, amulettes serties de plusieurs gemmes, qui permettent de mieux les détecter et de les faire mieux fonctionner. Certaines Portes sont à sens unique et d'autres sont à destination aléatoire.

Les Humains sont arrivés dans les ruines de la cité de l'Ancienne Neshfal, au sud-ouest de Torsh, qui reste encore aujourd'hui en majorité inoccupée. Ils ont dû user de magie (en sacrifiant leur chef, le Mage Iormand) pour réussir à transformer les végétaux de la région en plantes comestibles car toutes les formes de vie indigènes étaient toxiques pour leur espèce. Les quelques douzaines de milliers d'Humains de Torsh dépendent donc de cette zone viable autour du Plateau de Neshfal, qui est gouverné par une puissante Illusionniste, Naji, descendante d'Iormand. Mais les personnages des joueurs, allogènes, risquent fort de s'empoisonner petit à petit en ignorant ce péril de l'environnement.

La seconde particularité est que Torsh est très pauvre en métal - cela, plus la végétation toxique, rappelle bien entendu le monde de Tékumel, que les Humains avaient dû (partiellement) terraformer. Le fer y est une matière précieuse et les Hommes-Lézards n'ont quasiment accès qu'à l'os ou au bois, sauf dans une cité mythique, la Cité de Métal, hantée par des Hommes-Lézards maudits qui sont devenus intangibles au fer.

Selon le principe des "bacs-à-sable", il n'y a pas de scénario mais juste des tables de rencontres (des tas et des tas de dinosaures), quelques pistes, des cartes au trésor, quelques Personnages Non-Joueurs comme la Reine Naji de Nashfal, un Homme-Lézard sorcier (anonyme) qui contrôle les Dinosaures ou un Homme-Lézard vampire (comme dans le module Tomb of the Lizard King, 1982). Le but des personnages-joueurs peut être aussi simple que de trouver un Portail pour rentrer chez eux, ou bien de chercher quelques reliques magiques dans la Cité de Métal. Pour pousser les personnages à emprunter ces Portails, il serait peut-être mieux de mettre plus de sites sur la carte, un peu trop vide (il n'y a quasiment que les deux villes de Gnitrax et Nashfal).

Rudy Kraft a d'ailleurs écrit une sorte de suite, Portals of Irontooth (1981), qui inversait ce contexte de Torsh. Ce second monde est tout aussi couvert de Portails de téléportation, laissés par une mystérieuse civilisation (les Mnorens de The Fantasy Trip?) mais est au contraire extrêmement riche en fer. L'air y est saturé de limaille de fer, le sol est rougi par les dépôts ferreux et même les formes de vie, appelées "Dents de Fer", sont affectées. La flore comprend des arbres à l'écorce de fer, mais aussi des Dryades de fer ou des Ents de fer. De même, la faune a de nombreux animaux au squelette de fer, des Limons de rouille, des Gorgones qui transforment en statue de fer à la place de la pierre, ou un clan de Dragons de Fer (mais les Constructeurs des Portails auraient bloqué d'autres créatures qui se nourrirait de métal). Ce Fer crée une résistance totale à la magie (du moins à ses effets directs, y compris le Soin), ce qui devrait compliquer le passage de personnages de D&D dans cet univers (sauf si les personnages trouve une relique magnétique qui peut annuler cette résistance). Des Gnomes y exploitent les mines et n'apprécient pas l'arrivée de prospecteurs humains (même si le Fer est facile à trouver dans les os de toute la faune pour les mineurs-trappeurs).

Il serait peut-être tout aussi simple de situer ce second univers des Dents de Fer dans la Cité de Métal mentionnée plus haut. Il resterait alors à expliquer pourquoi les ancêtres reptiliens ou les Constructeurs de Portails ont ainsi concentré le Fer. Etait-ce parce qu'il gênait le réseau des Portails ? Avaient-ils pillé magnétiquement tout le Fer pour bâtir un projet précis dans cette Cité de Métal, qui contient peut-être un Dieu-Golem, à la manière de la Cité Cliquetante de Glorantha ? Ou bien étaient-ce des Êtres féériques qui redoutaient le Fer ("froid") ?

vendredi 13 septembre 2013

Space Opera et Médecine

Je n'ai pas de goût pour les séries médicales (sauf peut-être House M.D. qui a pu me faire rire même si cela se répétait vite) mais j'ai depuis longtemps le rêve de faire une campagne de jeu de rôle de SF dans un Hôpital Spatial. Cela retirerait sans doute beaucoup du défaut militariste du space opera habituel mais poserait des problèmes de crédibilité. Comme presque tous mes projets de jeu de rôle, je ne le ferai probablement jamais mais je vais quand même faire une petite liste d'inspis (voir aussi ce post et l'entrée Medicine dans la SFE).

(AJOUT, via Fabien Lyraud) Le (tristement) célèbre L. Ron Hubbard a eu (sous son pseudonyme René Lafayette) une série d'aventures dans Astounding Science Fiction avec un héros médecin, Ole Doc Methuselah. Ce Doc Mathusalem appartient aux "Soldats de la Lumière", ordre de Médecins quasi-immortels réputés dans toute la galaxie et il se promène comme une sorte de Ranger ou de cow-boy de l'espace à traver l'univers pour soigner les mondes, avec son compagnon extraterrestre semi-intelligent, Hippocrate. Les sept nouvelles ont l'air en partie au moins parodiques (ce qui prouve que Hubbard pouvait avoir de l'humour tout en étant un dangereux escroc mégalomane).

  • "Ole Doc Methuselah", Astounding Science Fiction, October 1947 ;
  • "Her Majesty's Aberration", Astounding Science Fiction, March 1948 ;
  • "The Expensive Slaves", Astounding Science Fiction, November 1947
  • "The Great Air Monopoly", Astounding Science Fiction, September 1948
  • "Plague!", Astounding Science Fiction, April 1949,
  • "A Sound Investment", Astounding Science Fiction, June 1949
  • "Ole Mother Methuselah", Astounding Science Fiction, January 1950
Cette critique (qui compare avec Leinster) a une remarque excellente sur un passage où Hubbard semble déjà annoncer par avance qu'il va devenir lui-même un de ces dangereux bonimenteurs et charlatans vendant de la poudre de perlimpinpin et exploitant le besoin de médecine quand il créa cyniquement sa secte :
"My man," said Ole Doc, "It wasn't 'air' you were selling but a phony, second-rate drug that costs about a dollar a barrel. They'd take a little and needed more. You were clear back in the dark ages of medical history-- about a century after they stopped using witches for doctors. Ragweed, ephedrine-- but they were enough to wreck the lives of almost everyone on this planet." (108)

A few months after the publication of the last Doc Methuselah story, the first of L. Ron Hubbard's Dianetics articles was published in _Astounding_. What do you suppose Doc Methuselah would say about that?


Murray Leinster (William Jenkins 1896-1975) a écrit MedShip, (ou Doctor to the Stars), une série de nouvelles et deux novelas dans les années 1950-1960 sur un héros médecin de l'espaaaace, Calhoun des Services Médicaux Interstellaires, et son compagnon Murgatroyd, sorte de félin intelligent au système immunitaire surpuissant dans leur vaisseau spatial l'Aesclepius XX. La série, qui a été compilée en 2002, est, paraît-il, assez "juvénile" ou proche de comic books. Les épidémies de chaque planète ne sont que des prétextes pour de l'action assez traditionnelle, sans énigmes scientifiques, sur des corporations cupides qui veulent exploiter la crise sanitaire.

Med Ship, edited by Eric Flint and Guy Gordon, Baen, 2002.
  • "Med Ship Man", Galaxy, October 1963
  • "Plague on Kryder II", Analog, December 1964
  • "The Mutant Weapon", Astounding, August 1957 as "Med Service"
  • "Ribbon in the Sky", Astounding, June 1957
  • "Tallien Three", Analog, August 1963 as "The Hate Disease"
  • "Quarantine World", Analog, November 1966
  • "The Grandfathers' War", Astounding, October 1957
  • "Pariah Planet", Amazing, July 1961 (also known as This World is Taboo)
Alan E. Nourse (1928-1992) était médecin et a écrit plusieurs histoires avec des thèmes médicaux dont le roman (encore une fois pour un public assez jeune) Star Surgeon (1959). Il inverse le cliché habituel du Terrien allant sauver d'autres planètes car son héros Dal Timgar est un extraterrestre qui tente de faire son Internat de médecine sur une Terre xénophobe, dont la médecine est devenue une spécialité dans la Confédération Galactique. Une des particularités (qu'on pourrait exploiter pour un jeu de rôle) est que l'organisation suit des codes de couleurs devant le nom de chaque docteur : le service "bleu" est le Diagnostic, le service "rouge" est la Chirurgie, le service "vert" est la Médecine générale mais la hiérarchie de la Planète Hôpital est commandée par le service "noir", l'Anatomie Pathologique.

James White (1928-1999) a écrit une série plus célèbre, à partir de 1957, sur un hopital qui comprend de multiples espèces et même plusieurs environnements, Sector General. La série comprend 12 volumes et il y a plusieurs collections différentes de ces romans (le second tome a le même titre que le roman d'Alan Nourse). L'Hôpital du Secteur Général est aussi (un peu comme le Corps des Green Lanterns en un sens) une fable sur la réconciliation des différentes cultures (White est nord-irlandais et il a lui-même soutenu qu'il y avait bien une métaphore pacifiste sur sa propre région). 

  • Hospital Station (1962)
  • Star Surgeon (1963)
  • Major Operation (1971)
  • Ambulance Ship (1979)
  • Sector General (1983)
  • Star Healer (1985)
  • Code Blue - Emergency (1987)
  • The Genocidal Healer (1992)
  • The Galactic Gourmet (1996)
  • Final Diagnosis (1997)
  • Mind Changer (1998)
  • Double Contact (1999)

La brève série télévisée Mercy Point (1998, 8 épisodes) devait en partie être inspirée de Sector General (ou peut-être plutôt de Babylon 5/Deep Space 9, mais ces dernières étaient déjà influencées par Sector General).

F. Paul Wilson (1946-) est aussi un médecin américain. Il écrit plutôt de la fantasy, mais son cycle des années 1970, la Fédération de LaNague, a un héros médecin immortel en symbiose avec un extraterrestre et luttant contre une épidémie cosmique. La série a l'air d'être de la propagande libertarienne pénible sur les Gentils Médecins du Secteur Privé qui sont le seul rempart contre l'Ogre socialiste de la médecine étatisée. Je n'ai pas envie d'essayer en fait, tant pis.

Nancy Kress (1948-) a réuni trois de ses nouvelles sur la médecine dans une collection récente The Body Human (2012). Mais je crois que ce n'est pas du space opera, plutôt une réflexion de ribofunk et cela sort donc de cette liste.

Jody Lynn Nye (1957-) a écrit quelques volumes d'une série, Taylor's Ark., avec une héroïne, Dr. Shona Taylor, médecin/véto/xénobio itinérante, Taylor, accompagnée de ses animaux intelligents et de son vaisseau, Sibyl, dont elle doit rembourser l'achat (oui, on dirait un mélange de Docteur Quinn et de Han Solo). Comme pour Murray Leinster, le public visé doit être assez juvénile.
  • Taylor's Ark (1993)
  • Medicine Show (1994)
  • The Lady and the Tiger (2003)

S.L. Viehl (Sheila Kelly, 1961-) a aussi une série continue de dix romans, StarDoc, avec une superxénobiologiste (qui a été génétiquement modifiée), la xénophile Dr. Cherijo Grey Veil Torin et ses aventures médico-sentimentales. Ca a l'air d'être du space opera de série B écrit rapidement, avec de la romance à l'eau de rose (plus Grey's Anatomy qu'ER) et très "soft science" d'après les résumés.

  • Stardoc (2000)
  • Beyond Varallan (2000)
  • Endurance (2001)
  • Shockball (2001)
  • Eternity Row (2002)
  • Rebel Ice (2006)
  • Plague of Memory (2007)
  • Omega Games (2008)
  • Crystal Healer (2009)
  • Dream Called Time (2010)
Elle a aussi (entre le 5e et le 6e) d'autres romans dans le même univers et avec ses obsessions sur des héroïnes génétiquement modifiées :  Blade Dancer (2003), Bio Rescue (2004), Afterburn (2005) - les deux derniers utilisent des urgentistes de l'espace.

Collections ou Anthologies

Groff Conklin (ed.), Great Science Fiction About Doctors (1963). 18 nouvelles, dont du Murray Leinster et James White.

Jacques Goimard, Demètre Ioakimidis et Gérard Klein (dir.), Histoires de médecins, 1983. 17 nouvelles :

  • Robert SILVERBERG, Les Amours d'Ismaël (Ishmael in love)
  • Theodore STURGEON, Ne sous-estimez jamais... (Never underestimate)
  • Cyril M. KORNBLUTH, La Petite sacoche noire (Little black bag)
  • Cyril M. KORNBLUTH & Frederik POHL, La Réunion (The meeting)
  • Sonya DORMAN, Greffe de vie (Splice of life)
  • Catherine L. MOORE, Aucune femme au monde... (No woman born)
  • Graham CHARNOCK, Les Boîtes chinoises (The chinese boxes)
  • James Jr. TIPTREE, En épargnant la douleur (Painwise)
  • Damon KNIGHT, Masques (Masks)
  • John BRUNNER, La Substance des songes (Such stuff)
  • Alan NELSON, Le Dévoleur (The shopdropper)
  • Fritz LEIBER, Des filles à pleins tiroirs (A deskful of girls)
  • Kit REED, La Ferme à bouffe (The food farm)
  • Sonya DORMAN, La Vie au bout (The living end)
  • Philip José FARMER, Lavez pas les carats ! (Don't wash the caracts)
  • R. A. LAFFERTY, Vieux pied oublié (Old foot forgot)
  • Gene WOLFE, Ile du docteur mort et autres histoires (The island of doctor death)


Gary Westfahl, George Slusser (ed.), No Cure for the Future: Disease and Medicine in Science Fiction and Fantasy, Greenwood Press, 2002, n'est pas une anthologie de nouvelles mais d'articles de critiques de SF sur ce thème (dont une étude sur James White et sa série Sector General).

Monstres de la Mer d'Islande

Vous connaissez sans doute déjà cette jolie carte de 1585 de l'Islande qu'on trouve chez Abraham Ortelius (et aussi dans le récent supplément BRP Mythic Iceland par exemple).



Mais j'ignorais avant que Thoul's Paradise ne le détaille aujourd'hui, que chaque monstre dans le dessin n'est pas que décoratif et a sa propre description. Voir son site qui reprend le texte de ces descriptions.

J'en profite du coup pour mettre un lien vers le nouveau livre sur les Monstres Marins des Cartes, dont cette image de la Mer du Nord dans une autre carte de 1572, la Carta Marina d'Olaus Magnus. On peut aussi lire des annotations pour chaque créature (dont on retrouve certaines dans la version d'Ortelius), de la Baleine-Tourbillon au Rhinocéros de Mer, Serpent de Mer, Porc de Mer recouvert d'yeux, Arbres à Canards, Homards géants.




samedi 7 septembre 2013

Cycles australiens


La victoire, qui semble assez écrasante, de Tony Abbott et du Parti libéral (la droite australienne) était prévisible et assez normale (comme les dernières élections de 2010 avaient été très serrées pour la gauche travailliste), mais elle peut laisser un goût amer en partie parce qu'Abbott avait longtemps semblé trop extrême et simpliste, y compris aux yeux des Libéraux et parce que l'Australie est plutôt en bonne santé économique. Même The Economist avait appelé à voter contre lui, en le jugeant trop conservateur sur les questions d'immigration (bon, ils lui reprochaient aussi un programme chrétien social trop ambitieux de congés de maternité, qu'Abbott lançait pour atténuer sa réputation de machiste). Mais d'un autre côté, presque tous les médias australiens - encore liés à l'Empire Murdoch - soutiennent toujours les Libéraux. La regrettée ex-Première ministre travailliste Julia Gillard avait réussi à rendre publics certains des défauts de Tony Abbott dans une scène célèbre il y a encore peu de temps, avant d'être elle-même évincée par son vieux rival Kevin Rudd.

Le Commonwealth d'Australie a environ une vingtaine de millions d'habitants, soit à peu près autant que la Syrie ou Taiwan. La Fédération comprend 6 Etats (en comptant l'île de Tasmanie) : Nouvelles Galles du Sud (Sydney, 30% de la population totale), Victoria (Melbourne, 25%), Queensland (Brisbane, 20%), Australie Occidentale (Perth, 10%), Australie du Sud (Adelaide, 7%), Tasmanie (2%), plus plusieurs territoires (comme les vastes Territoires du Nord, quasi-désertiques, 1% et la Capitale Fédérale Canberra 1%).

La démocratie australienne a plusieurs originalités du point de vue "pséphologique" comme (1) l'obligation de voter (depuis 1925, cela pourrait d'ailleurs être remis en cause), (2) des systèmes de représentation comme le vote préférentiel à la Chambre, qui avantage donc plutôt un système à deux partis (Libéraux / Travaillistes). Le Sénat a un système proportionnel plus complexe qui favorise un peu plus de dispersion. Chaque Etat peut aussi avoir des différences, notamment pour les primaires partisanes.

Les Travaillistes australiens gagnèrent les élections du Queensland dès la fin du XIXe siècle (premier parti socialiste à arriver démocratiquement au pouvoir d'un Etat dans le monde) mais ils ne gagnèrent les élections fédérales qu'à partir de la Seconde Guerre mondiale.

Depuis cette date, voici les alternances parlementaires simplifiées pour comprendre le contexte général de la politique nationale (et pour reprendre une vieille tradition d'un ancien blog) :
      1943-1949 Travaillistes
      1949-1972 Libéraux
      1972-1975 Travaillistes
      1975-1983 Libéraux
      1983-1996 Travaillistes
      1996-2007 Libéraux
      2007-2013 Travaillistes

Soit donc depuis 70 ans, environ 42 ans pour la droite et 28 ans de gauche.

D'après les cartes du Guardian, on est passés en trois ans de cette carte où Droite et Gauche étaient à égalité  (un point bleu est une circonscription libérale, un point rouge une circonscription travailliste) :


à cette nouvelle carte (encore incomplète) :

Les Travaillistes tiennent relativement en Australie du Sud mais ils perdent beaucoup de sièges dans l'Etat de Victoria et la province décisive des Nouvelles-Galles du Sud autour de Sydney.

La droite australienne était divisée sur la question de l'immigration. Le milliardaire Clive Palmer, qui était membre de l'ancien Parti libéral du Queensland (au nord-est), a fondé le "Palmer United Party" (PUP), sur des positions habituelles de la droite sur les questions économiques (relativement plus "libertarien" que les Libéraux) mais aussi plus "libéral" sur les droits des réfugiés. Il aurait lui-même gagné un siège à Fairfax (nord de Brisbane) à la Chambre et son parti serait un allié nécessaire pour la Coalition conservatrice pour le contrôle du Sénat. Le Queensland a d'ailleurs aussi une autre faction de la droite, le Katter's Australian Party (KAP) qui a aussi quitté la Coalition sur des positions légèrement plus centristes en économie, contre les privatisations.

Julian Assange et son Parti WikiLeaks ont échoué au Sénat dans l'Etat de Victoria, et ils semblent avoir fait des choix tactiques de circonstances assez curieux dans le système de vote préférentiel, mettant certains partis de droite devant les Verts - peut-être parce qu'ils risquaient d'être en concurrence avec eux.

Add. 
Pour comparer, les Néo-Zélandais ont eu les Travaillistes au pouvoir dès 1935 mais ceux-ci n'ont pas vraiment plus dominé que ceux d'Australie.

1935-1949 Travaillistes
1949-1957 Parti national
1957-1960 Travaillistes
1960-1972 Parti national
1972-1975 Travaillistes
1975-1984 Parti national
1984-1990 Travaillistes
1990-1999 Parti national (+ Coalition depuis le système proportionnel)
1999-2008 Travaillistes
2008-2014 Parti national

Sur environ 80 ans, cela donne 35 ans de gauche et 45 ans de droite, mais les Travaillistes n'ont jamais pu maintenir une majorité aussi longtemps que pendant les années 30-40.