samedi 26 mai 2012

[Comics] Journey into Mystery #637




  • Un Méta-Récit

    Dans un des épisodes de la série policière Top Ten d'Alan Moore, ils enquêtent sur l'assassinat du dieu Baldur et le récit est un commentaire sur le fait que les mêmes récits sont répétés et que les dieux ne sont rien d'autre que ces variations et répétitions des récits. Cette histoire a dû en partie influencer les versions récentes de Thor et Loki chez Marvel. Au lieu de nous menacer sans cesse d'un Crépuscule des Dieux à venir (et qui arrive donc avec plus de fréquence que d'autres catastrophes comme le concours de l'Eurovision), les scénaristes de Marvel s'amusent donc à commenter sur le fait que Thor ne peut pas changer radicalement, périr ou s'altérer, que les mythes n'ont que des variations assez minimes et finissent par revenir au point de départ en un Eternel Retour.

  • Si vous avez raté les épisodes récents : la serrure de Loki

    Récemment, tout le panthéon scandinave Marvel a été recréé encore une fois, pendant la série Siège. Loki, le dieu Trompeur, demi-frère adoptif de Thor, avait manigancé la chute d'Asgard mais il finit par préférer encore, comme il le dit, l'imprévisibilité au Mal et il se sacrifie pour la sauver.

    Loki meurt mais un dieu ne peut vraiment mourir. Il a bien sûr rusé. Il revient, mais sous une nouvelle forme, un jeune Loki d'une douzaine d'années, toujours espiègle, tricheur et manipulateur, mais plus aventureux et attachant que simplement maléfique. Et contrairement au film Thor (et j'imagine à Avengers), ils ont su éviter un peu de lourdeur oedipienne, on ne nous répète pas sans cesse que Loki fils de Laufey voudrait en fait plaire à son père ou à sa mère adoptive.

    Loki le-Jeune est désormais associé de trois amis : son double, la Pie voleuse Ikol (qui garde les souvenirs du "Loki précédent", l'ancienne version plus malveillante), le jeune chiot d'enfer Thori (fils de Garmr le Cerbère) et une jeune et séduisante sorcière, Léah, assistante de Hel.

    Je passe aussi sur les événements récents sur Asgard. Óðinn a quitté Asgard pour veiller le corps de son ennemi mortel le Serpent (vaincu en partie grâce à Loki qui a réécrit son mythe en se servant d'une Plume magique forgée dans l'ombre de l'Epée du Crépuscule des Dieux). Asgard est désormais gouverné par un Conseil de Vanir, de la Triple Déesse : Iðunn la Jeune, Freyja la Femme et Gaia-Jörd la Mère, et leur pouvoir féminin est bien plus subtil pour contrôler le Fripon.

  • Des hommes et des dieux : nouveaux avatars mortels


    Cet épisode est un cross-over entre Journey Into Mystery (qui est devenu la série des aventures du nouveau Loki en Trickster héroïque, Thor a son propre magazine) et New Mutants (l'équipe des jeunes élèves des X-Men à San Francisco).

    Loki avait offert un des chiots d'enfer à Dani "Mirage" Moonstar la Valkyrie/Cheyenne mais il ignore qu'il va déclencher une série de catastrophes. Les Disir (qui sont aux Asgardiens ce que les Valkyries sont aux mortels) viennent pour chercher le héros Sigurd en fuite et celui-ci se sert d'un sortilège de Loki pour contraindre Disir et Asgardiens à perdre la mémoire et à devenir en apparence des Humains.

    Loki devient donc le jeune "Lucas", fan de heroic fantasy et de D&D (rebaptisé ici Generic Dungeon Genocide 4e edition) et ses parties solitaires de jeu de rôle conservent une part des récits du dieu asgardien qu'il était. Il est sous la garde d'une femme qui est l'avatar de Hel.

    Ce bref cross-over n'est bien entendu qu'un petit prétexte humoristique pour nous remontrer les Asgardiens dans une version encore plus picaresque et parodique. Depuis que Marvel a créé le personnage de Volstagg le Volumineux (l'Obélix asgardien, hommage à Falstaff), les dieux nordiques y sont plus des pastiches que des mélodrames crépusculaires. Et un petit Dieu-Trickster devenu plus ambigu s'adapte mieux à notre propre cynisme post-théiste que les histoires trop sérieuses de Thor (ou chez DC de Wonder Woman).

    Je ne pensais pas me remettre un jour à une version de Thor mais j'aurais encore moins deviné avant ces scénarios de Kieron Gillen (l'auteur de Phonogram) que ce serait Loki (qui était si usé comme vilain) qui me donnerait envie de lire la série.

    Kieron Gillen se sert en partie du run récent d'Hercules par Greg Pak, où le vrai personnage principal était le jeune génie Amadeus Cho et où Hercule était un faire-valoir. Le nouveau Loki fait un peu penser à un jeune Harry Potter, si ce n'est que Loki semble avoir plus de mérite dans ses subterfuges.

    Mais le pauvre Thor n'a décidément pas de chance : Hercule avait pris sa place (avec un certain succès) et à présent c'est Loki qui est bien parti pour lui voler la vedette, ce qui était après tout un des buts de l'ancien Loki maléfique.
  • jeudi 24 mai 2012

    Centre / Périphérie




  • Quand on voit à quel point les politiciens américains des différents Etats aiment attribuer à "Washington" tous les pires vices devant leurs électeurs, alors que ces Etats ont une si large unité culturelle, on ne peut pas vraiment se plaindre que nos hommes politiques de nos vieux Etats-Nations qui furent souverains rejettent tant de fautes sur Bruxelles, comme c'est encore plus récent et donc plus exotique.

  • Dans cette entrée sur Cecil Rhodes, j'apprends une évolution sémantique sur le terme de "colonialisme". A l'époque de l'Empire britannique (à en croire cet article), le "colonialisme" ne désignait pas exactement la défense de l'expansion coloniale mais le fait de donner plus d'autonomie aux colonies de peuplement, aux représentants des colons. Le terme de colonialisme s'opposait à "impérialisme" (la thèse que la métropole centrale devait prendre plus de direction sur les colons). Mais dans certains cas, l'impérialisme en ce sens pouvait mieux défendre les droits des "indigènes" que le colonialisme. L'apartheid sud-africain fut en partie une idée plus "coloniale" (d'origine Afrikaner) qu'impériale.

    Ce fut d'ailleurs un des enjeux de l'Indépendance américaine : les Coloniaux rebelles trouvaient que la Monarchie respectait trop des traités avec certaines tribus autochtones contre eux (cf. une des remontrances contre le Roi dans la Déclaration : "He has endeavoured to bring on the inhabitants of our frontiers, the merciless Indian Savages, whose known rule of warfare, is an undistinguished destruction of all ages, sexes and conditions").
  • samedi 19 mai 2012

    [comics] Du côté de chez Marvel


    On aura beau prétendre que les comic books mainstream auraient mûri avec le vieillissement de leur lectorat, un des thèmes essentiels demeure celui de la "jeunesse". Les comics DC demeurent plus liés à une conception patrimoniale des fondateurs du Genre du superhéros et les jeunes héros sont des associés, des "petits frères" qui ne cessent de dire qu'ils doivent endosser un "héritage" qui remonte à l'Âge d'or, à la toute première équipe de superhéros, la Société de Justice, puis la Ligue de Justice (les New (Teen) Titans, Young Justice, les Outsiders). Marvel Comics peut avoir cela (New Warriors, Young Avengers, Avengers Academy) mais le thème global depuis l'enorme succès des X-Men est plutôt une révolte adolescente contre le monde adulte (les New Mutants n'étant que la continuation des X-Men face au monde des adultes). Les Mutants désespèrent de naître dans des familles ou une société "qui ne les acceptent pas". Ce thème du rejet adolescent est typiquement Marvel et le récent Runaways avait poussé ce thème le plus loin avec une équipe de jeunes adolescents qui découvrent que tous leurs parents sont des supercriminels. Certes, il y a aussi souvent chez Marvel une tradition à reprendre (par exemple, le "Rêve de Charles Xavier" en substitut du Rêve de Martin Luther King, ou l'autorité charismatique de Captain America) mais les deux univers ont des accents différents. Le Multivers DC se reboote tous les deux ans mais insiste toujours sur l'idée d'une continuité filiale, sur des dynasties (qui peuvent atteindre plus de deux générations, comme les Flashs par exemple). Le problème central de DC est de savoir comment gérer le passage du temps et donc la transmission du flambeau. L'Univers Marvel est globalement plus stable dans sa diachronie (malgré quelques univers alternatifs) mais réintroduit toujours un schisme ou une rupture politique : Mutants contre non-Mutants, Individu contre Gouvernement (dont on sent souvent un aspect de transfert générationnel qui est plus psychologique que politique : enfant contre père autoritaire). Le problème principal n'est plus la tradition à perpétuer contre l'oubli mais au contraire de survivre et de s'insérer dans un monde hostile.

    Récemment, on a donc eu droit à la Guerre Civile sur la question de l'identification des héros, entre Captain America (droits individuels) et Iron Man (sécurité). Le camp d'Iron Man gagna largement sur le terrain mais Captain America finit par emporter la victoire morale dans une réconciliation peu crédible. Puis les X-Men se sont divisés (Schism) entre Cyclope sur la Côte Ouest (qui a une conception plus militaire des X-Men) et Wolverine sur la Côte Est (qui représente, curieusement, la fidélité à la vision de Xavier, alors qu'on aurait pu s'attendre à la relation inverse, Cyclope étant d'habitude le Surmoi et Wolverine les pulsions). La "Guerre" actuelle entre les X-Men de Cyclope et les Vengeurs est une reprise de ce thème de la Guerre civile. Elle prend pour prétexte un nouveau retour du Phénix : Cyclope veut croire qu'il est possible que le Phénix ait sa rédemption, Wolverine et les Vengeurs pensent que la sécurité collective doit avoir la priorité (ce qui ressemble au débat qui avait déjà eu lieu sur le sort du Hulk). Les scénaristes Marvel semblent fascinés par toute cette polarisation et ces divisions politiques parce que depuis les premiers scénarios de Stan Lee, les héros Marvel passent presque autant de temps à se battre entre eux que contre leurs ennemis.

    Avengers Academy #30 de Christos Gage et Tom Grummett est une introduction à cette guerre. L'équipe est censée être une Ecole, comme celle de Xavier mais pour des êtres qui ont été manipulés par Osborne pendant son règne récent. Les jeunes gens viennent déjà de se diviser dans les épisodes précédents : certains membres de l'ancienne "Initiative" ont rejoint une fondation privée (dont on devine qu'elle n'est pas philanthropique), puis les membres plus rebelles des Runaways ont incité les apprentis Vengeurs à la révolte.

    Ici, les Vengeurs et Wolverine ont confié en résidence surveillée certains des élèves de Cyclope sous la tutelle des apprentis Vengeurs. C'est donc une nouvelle raison pour les divisions : certains des jeunes Vengeurs prennent parti pour les Mutants prisonniers, alors que Sebastian Shaw (l'ancien Roi Noir du Hellfire Club) vient se venger d'Emma Frost pour tuer ses élèves.

    L'un des éléments principaux de la littérature enfantine n'est plus vraiment le fantasme de se passer d'école, l'Ecole de l'Expérience/de la Vie, mais au contraire une Ecole de plus en plus "formelle" ou rigide. Les lecteurs de Harry Potter rêvent d'être enfermés en Pensionnat. Les comics Marvel ont de plus en plus pour thème des imitations de l'école Xavier (même si les contraintes du mouvement de la BD font qu'on ne les voit pas souvent faire autre chose que du sport, en extérieur ou en en Salle des Dangers). Le fait de transformer l'impulsif Wolverine en figure du Proviseur responsable est une des bonnes idées de ce processus où les comics semblent obsédés par la question de la "formation".

    Dans les deux types d'univers, DC comme Marvel, les récits sont des "Guerres" mais  ces Guerres sont des échos de récits fondateurs. DC réécrit sans cesse la cosmogonie de Crisis on Infinite Earths, où les mondes distincts doivent s'unifier pour résister au passage dans le néant. Marvel réécrit plusieurs fois la scission du Dark Phoenix, où les héros doivent se diviser sur la question morale de savoir si l'individu peut maîtriser ses démons intérieurs ou s'il faut se montrer "utilitariste" sur le débat de la sécurité et de la liberté. Le premier a un frisson plus métaphysique alors que le second est un roman de formation, et donc aussi une question plus politique.

    vendredi 18 mai 2012

    Wonder Woman #9


    Voir numéro 7.

    Un des buts annoncés du scénariste Brian Azzarello était de mélanger la mythologie de WW avec de l'Horreur et cet épisode réussit encore une combinaison assez effrayante.

    WW a été frappée par une flèche d'Eros (enfin, une balle, car Eros s'est adapté) et a dû accepter des fiançailles avec Hadès pour délivrer la jeune Zola, enceinte des oeuvres de Zeus. On ignore quel est le but réel de Hadès (représenté en chandelle se consumant dans sa condition de finitude), comme il semble épouser sa nièce Diana plus par "ennui" que par passion.

    Une des scènes les plus inquiétante montre la malheureuse Perséphone (en Miss Frankenstein, qui n'a pas l'air de pouvoir revenir périodiquement chez sa mère Démeter), condamnée à tenter vainement de se suicider à répétition pour quitter son domaine d'ombres.

    Hermès confie Zola à la garde d'Aphrodite (qui n'est jamais représentée en entier car elle reste opposée à tout vêtement). Hephaïstos, Eros et le mystérieux Lennox (un autre fils inconnu de Zeus, dont je n'ai pas deviné l'identité réelle, s'il y en a une) vont aux noces de Hadès dans l'espoir de rompre le contrat que Diana a dû signer. Eris (en punkette gothique) et Arès (représenté en vieux vétéran nihiliste et désabusé plus que haineux) semblent aussi continuer un nouveau complot autour de la disparition de Zeus.

    Diana avait tenté (dans son plan de Wonder Woman #6) une trêve dans la succession, en partageant le pouvoir entre Héra, Poséidon et Hadès (proposant que Héra soit désormais l'épouse de ses deux autres frères en même temps). Hadès considère donc le mariage avec l'Amazone comme une sorte de "compensation" comme il ne régnera pas sur les Cieux.

    J'aime beaucoup la manière dont Azzarello se réapproprie la mythologie et personnalise les Olympiens. Son Hadès (qu'ils appellent juste "Hell"), en enfant qui torture son père, le Titan Kronos sans aucune "cruauté", est une grande réussite de la série.

    En revanche, il n'a pas le même succès avec Diana, qui est encore et toujours éclipsée par les personnages autour d'elle, et notamment ici par Héphaïstos par exemple, ou même Lennox. Il semble y avoir une vieille malédiction sur ce personnage trop "lisse" que les scénaristes ne parviennent pas à étoffer. Il faudrait qu'on lui montre un peu plus d'initiative, au lieu d'être toujours sous l'action des autres personnages. Mais qu'ils en fassent une guerrière trop martiale ou au contraire une sorte de mère moralisante, Diana semble toujours trop unidimensionnelle au point de sembler servir de simple faire-valoir pour son entourage. Il lui faudrait une sorte de hobby ou quelque chose qui puisse la faire exister (de ce point de vue, je regrette l'ancienne idée de Phil Jimenez de lui donner une demeure où elle se retirait de temps en temps pour discuter avec le Centaure Chiron).

    J'aime de plus en plus les dessins de Cliff Chiang mais ici cet épisode a été réalisé par Tony Akins (qui avait déjà fait les numéros 5-6) et sa Wonder Woman montre parfois une rare grâce pendant ces Noces infernales, dès qu'elle peut changer de son vieux costume.

    Cela reste une très bonne surprise dans l'Univers DC remodelé.

    Autres comics DC de la semaine en bref :




  • Green Lantern #9 : L'auteur Geoff Johns poursuit depuis des années l'interminable conflit entre les diverses couleurs des Lanternes. Hal Jordan découvre que les Lanternes Indigo, liées à la "Compassion" étaient en réalité tous des criminels endurcis, condamnés à une universelle empathie pour les corriger. Les Gardiens de l'Univers continuent à retomber dans le Côté Obscur et préparent un nouveau complot pour remplacer les Lanternes Vertes par un nouveau groupe (la "Troisième Armée"). C'est un peu le scénario de base des Green Lanterns : tous les dix ans, les Gardiens deviennent maléfiques ou dissolvent le Corps, jusqu'à ce qu'un nouveau scénariste vienne dire qu'ils sont globalement bons.

  • Green Lantern Corps #9 : John Stewart (le Green Lantern, pas Jon du Daily Show) fait remarquer que c'est toujours à lui qu'arrivent ces drames où il doit tuer des gens dans l'exercice de ses fonctions et doit ensuite culpabiliser et se torturer (il échoue à sauver Xanshi pendant Cosmic Odyssey, détruit Mogo, tue le Lantern Kirrt pour trahison). Quand le scénariste lui-même fait dire que son script est une répétition d'intrigues déjà trop vues, la faute avouée n'est pas vraiment pardonnée. Le Corps Alpha (les cyborgs, police des polices des Lanternes) se retrouve en guerre avec les autres membres pour le sort de John. J'aime de moins en moins cette série alors que j'avais certains espoirs sur ce scénariste Peter Tomasi et que j'aime vraiment les dessins de Fernando Pasarin.

  • Legion of Superheroes #9 : L'ancienne race des Dominateurs a un gros problème : on voit toujours qu'elle avait été créée à l'origine comme une image raciste des Japonais de la Seconde Guerre mondiale. Ils reviennent une nouvelle fois mais en ayant manipulé génétiquement des membres de leur peuple pour créer un début de leur propre Légion de "Superdominateurs" avec des pouvoirs variés (qui ne sont pour l'instant pas très clairs).


  • Récapitulons : les Green Lanterns passent leur temps à lutter contre des Anti-Lanternes ou des Lanternes d'autres couleurs. La Légion va bientôt affronter une Anti-Légion. Wonder Woman épouse Hadès. Cherchez parmi ces scénarios lequel a fait quelques efforts d'inventivité.

    jeudi 17 mai 2012

    [JDR] Un nouveau jeu sur l'Inde


    Ah, enfin l'Inde commence à devenir à la mode en jeu de rôle après des années de domination par le Japon médiéval. Je vois via Bat in the Attic que cet hurluberlu de "RPGPundit" (l'ex-"Nisarg" qui s'est fait bannir de RPG.net pour diverses insultes et a déjà publié un quasi-clone) prépare une version de D&D dans une Inde antique parallèle, Arrows of Indra. Cela a l'air assez intéressant. La carte réalisée par Conley représente le nord de l'Inde autour de la vallée du Gange. J'aurais dû moins procrastiner sur Bhāratavarṣa mais je n'aurais jamais pu approfondir tous ces détails.

    [Comics] Le hasard et l'intention des origines


    Un jeune lecteur de comic books n'a généralement pas (à moins d'avoir déjà un esprit scientifique remarquablement avancé) de problème avec l'idée de tous ces superhéros qui obtiennent leurs pouvoirs par hasard, par une simple combinaison aléatoire de quelques éléments chimiques ou par une quelconque radiation.

    Le premier modèle dut sans doute être le Flash (Flash Comics #1, janvier 1940). Jay Garrick était un étudiant qui acquit sa supervitesse en absorbant des vapeurs d'eau "lourde" (eau minéralisée dans la première version...). Par la suite (même si les origines habituelles de l'Âge d'Or étaient plutôt magiques ou extraterrestres), ce genre d'accident pseudoscientifique devint un cliché pour de nombreux héros (comme Plastic Man, 1941, Dr Mid-Nite, 1941 et ensuite tant d'autres héros Marvel de l'Âge d'Argent comme Spider-Man, les Quatre Fantastiques, Daredevil ou le Hulk).

    Mais il semble y avoir une sorte de "loi" dans l'évolution des comics (comme de tout récit). Un scénario suppose une intention, une direction vers un dénouement satisfaisant et toute coïncidence, toute contingence devient une anomalie gênante, une sorte d'erreur qui semble dénuée de fonction. Dans des feuilletons longs sur des décennies et qui aiment tant multiplier les origines "rétroactives", tout doit finir par trouver un sens (pistolet de Tchekhov), il semble donc très probable que tout hasard finisse par être nié.

    Par exemple, dès les années 1980, le Flash (qui avait l'habitude de voyager dans le temps et s'était même marié au XXXe siècle) eut droit à un paradoxe temporel. Il découvrit que ce qu'il croyait être un accident avait été en réalité déclenché par... lui-même voyageant dans le temps. Comme cette force plus rapide que la lumière (la "Speedforce") était liée à un phénomène temporel complexe, le Flash était dans une boucle où il s'était créé lui-même. On ne peut pas imaginer une révélation plus claire pour retirer toute déclinaison contingente : la victime en était en réalité l'artisan, l'accident avait pour dessein secret son résultat. L'homme moderne a un problème d'être aussi dépendant d'un coup de dé à sa naissance et le héros s'est littéralement fabriqué lui-même.

    Un autre problème des anciennes explications pouvait être l'évolution de la compréhension populaire des radiations ou de la génétique. Même un jeune lecteur pouvait finir par se dire que respirer de l'eau lourde, s'exposer à des Rayons Gamma, des Rayons cosmiques ou une araignée radioactive donneraient plus un Cancer que des capacités surhumaines. Il n'y a rien de plus déprimant que de se rendre compte que toutes ces origines de bandes-dessinées devenaient un conte refoulant nos craintes de la maladie, craintes de nos propres cellules violentées par notre environnement technologique.

    Récemment, les jeux de rôle post-apocalyptiques comme Gamma World (où être exposé à des radiations créait des mutations instantanément) ont dû être révisés dans ce sens et ce sont des Nanomachines transformant les gènes qui jouent le rôle des anciens rayonnements. A chaque fois, c'est la nouvelle technologie un peu inquiétante (la Nanotechnologie à la place de la Bombe A) qui doit jouer le rôle de Deus Ex Machina.

    Même le hasard des mutations a été en partie retiré dans les comics Marvel récents où l'Intelligent Design est devenu littéralement vrai (du moins sur la Terre Marvel) : les Célestes (des êtres extraterrestres VonDänikeniens qui viendraient d'un univers d'avant le Big Bang) ont modifié génétiquement les espèces vivantes dans la Préhistoire pour permettre l'arrivée future de Mutants. Dans un monde où Dieu est mort, les comics américains semblent trouver quand même un peu de satisfaction à l'idée que leurs histoires dévoilent sans cesse de grands horlogers, même si ce sont plus des desseins peu bénéfiques et non pas une Providence divine. La version d'Earth X explique que les Célestes n'ont fait cela que pour former des sortes d'anticorps qui les aideraient (notamment contre une forme de prédateur comme Galactus). Les vies des mutants ont donc une "intention" mais cela ne dissiperait pas l'impression angoissante d'une vie impitoyable où l'organisme des Célestes n'a fabriqué nos formes que comme de simples instruments.

    Dès le film The Hulk (2003) d'Ang Lee, on retrouvait cette réticence à l'égard de l'accident radioactif, grâce à un Prométhée caché. Le Dr Bruce Banner découvre qu'il ne développe sa personnalité de Mr Hyde après les rayons Gamma que parce qu'il est lui-même un "OGM" : son père avait modifié son ADN avec des Nanomédicaments radioactifs avant sa naissance. Le Dr Banner n'est donc plus le jouet du hasard, sa mutation a été pré-déterminée par son père et tout le film finit d'ailleurs par transformer toute la métaphore habituelle du Hulk sur notre crainte de l'inconscient en lourde exploration du Complexe d'Oedipe. Le fils veut d'autant plus tuer son mauvais père que c'est ce dernier qui a mis en lui tout ce potentiel destructeur qui va faire s'exprimer son parricide.

    Dans le film Spiderman (2002), la version était encore un vrai accident (où l'araignée radioactive avait certes été aussi modifiée génétiquement avant l'accident pour ajouter une couche de pseudoscience dans le hasard).

    Mais dix ans après, je vois que dans la nouvelle nouvelle version cinéma de Spiderman de 2012 (qui, je crois, reprend la version des comics Ultimate), cet accident devient le problème à résoudre dans le scénario. Si j'ai bien compris la bande-annonce [qui GÂCHE LA FIN], Peter Parker va découvrir qu'il n'y a pas eu complètement d'accident et que le Lézard comme lui sont en fait des résultats d'expériences menées avant même sa naissance par son père disparu (pour la compagnie d'Osborne).



    On a ainsi une solution économe pour expliquer à la fois son statut d'orphelin, l'araignée radioactive, l'hostilité envers le Green Goblin et le fait que tous ses ennemis ont tant d'accidents liés à divers Totems animaux. L'écriture moderne des scénarios (depuis au moins Roy Thomas) consiste notamment à réunir plusieurs éléments sans explication pour leur donner une unité. La Nature fait bien des choses en vain, mais (pace Agathôn - Ethique à Nicomaque VI, iv) l'Art n'aime plus le hasard.

    mardi 15 mai 2012

    [JDR] Un personnage pour Tales of Gargentihr


    Un deuxième épisode sur Tales of Gargentihr. Hier, on a pu survoler les peuples civilisés d'Agasha mais aujourd'hui, je voudrais passer vers les règles, avec un exemple de personnage (j'imite ici MadCat, qui avait créé un marin-bateleur en suivant le système des carrières).

    Autant que possible, je vais essayer de créer un "Kyromancien".




  • Nom
    Il y a une liste p. 265 dans le Library Data Digest. Il sera de l'éthnie Karro (les colons) et s'appellera Vylan Suvall.

  • Caractéristiques
    Il y en a dix (notées 1-10) : Force, Santé, Agilité, Manipulation, Discrétion, Combat, Sens, Connaissance, Kai et Dalshra. Le Kai est en gros l'empathie, l'estime de soi, la "santé mentale" et le charisme (on gagne du Kai en faisant des actions honorables) et le Dalshra est la capacité à manier les courants de "Sa", l'énergie magique de Gargentihr.

    En tirant les caractéristiques, on doit choisir lesquelles sont favorisées ou défavorisées (sachant que le Dalshra est automatiquement "défavorisé" par défaut pour les Humains). Chaque caractéristique favorisée se paye par une autre défavorisée. Vylan va se spécialiser vriament, on va donc favoriser deux fois le Dalshra, favoriser la Connaissance, et défavoriser la Force, la Discrétion et le Combat. Voyons le résultat des d20.

    Force 4
    Santé 6
    Agilité 6
    Manipulation 4
    Discrétion 2
    Combat 2
    Sens 3
    Connaissance 8
    Kai 8
    Dalshra 8

    De bons tirages en moyenne, même si je suis un peu inquiet pour le score en "Sens" (Perception). Vylan doit être très myope (même s'il a une bonne empathie vu son Kai). Heureusement, cela ne semble pas être un pré-requis par la suite, sinon j'aurais été refusé dans les promotions de Kyromanciens. Contrairement à Traveller, on ne tire pas son engagement, il suffit d'atteindre un score minimal.

    En tant que Karro, Vylan a les compétences culturelles de départ suivantes : Parler Gévurien 6, Alphabétisation (Lathmirien) 4, Connaissance de la culture gévurienne 2.

  • Origines sociales
    Résultat du d20 : 6. Zut, Vylan Suvall est un orphelin abandonné dans les taudis des marais de Rol-Katel (une des villes les plus polluées de la République gévurienne, à l'entrée du pays ha'esh). Compétences : Se mouvoir en foule 3, Se faufiler 2, Se bagarrer 1. Fortune de départ 2 (Pauvre).
    Il est très jeune, seulement 13 ans au départ.

    Plutôt de bonnes origines si je voulais en faire un voleur dickensien. Mais on a décidé d'en faire un Magicien et avec son 2 en Discrétion il serait refusé par n'importe quel gang. Il va falloir expliquer comment il a été remarqué par l'Ecole de Kyromancie à Jevin (à l'est de la République alors que Rol-Katel est au nord). Et Vylan n'a que 6 périodes d'apprentissage pour y parvenir.

  • Apprentissage

    1er cycle : 3 ans à Rol-Katel (40 points de compétences).
    Evénement : Explosion dans l'Académie des Sciences Nouvelles. Un Prêtre dément de l'Eglise de Sanctologie, qui hait les valeurs représentées par l'Académie, est le vrai responsable mais il réussit à faire accuser Vylan qui risquait de le dénoncer. Le Prêtre le soupçonne aussi - à raison ! - de montrer les premiers signes d'un Syndrome de Dyce, la terrible maladie magique qui risque de désintégrer l'organisme.
    Il faut dire qu'avec un score en Manipulation de 4, Vylan avait d'abord été refusé à l'examen d'entrée de l'Institut et qu'on pouvait donc le soupçonner d'avoir été maladroit dans ce laboratoire. Il a donc dépensé 8 points de compétence pour passer à 5 en Manipulation et être accepté. Mais après cette explosion, il garde une mauvaise image dans l'Académie. Il faut dire qu'il commence à souffrir des premières phases du Syndrome de Dyce. Il décide de partir pour être soigné (le seul endroit valable étant à Jévin) mais part d'abord sur la route de Treth, la Capitale de la République au sud. [Note : Il aurait le droit d'aller directement à Jévin, je crois, mais je veux un peu varier]

    Bibliothèque 4
    Science 3
    Parler Gévurien 6

    2e cycle : 2 ans à Treth (32 points)
    Evénement : Vylan fait la connaissance d'un chercheur, membre de la Société Chronologique. Mais cet Historien se révèle aussi être un drogué (aux baies de Bonrêve p. 185) et devient un rival de Vylan à l'Ecole des Erudits de Treth dans l'étude du peuple des Myrdalls. A nouveau, Vylan s'est fait un ennemi adversaire !
    La célèbre Ecole des érudits de Treth est plus centrée sur l'histoire et la géographie de l'Agasha et moins sur les sciences naturelles. Vylan, après ses études de physique, avait rencontré des Myrdalls dans la ville cosmopolite de Rol-Katel et il commence à étudier plus sérieusement leur langue rocailleuse à Treth.
    Mais le Syndrome de Dyce de Vylan s'aggrave et il n'a plus le choix quand les Chasseurs de Sorciers de l'Eglise lui font passer une épreuve. Les Chasseurs le jugent valide et l'envoie en thérapie à Jévin pour ne pas tomber dans le plan spectral.

    Connaissance de la culture gévurienne 5
    Cartographie 2
    Connaissance des Gemmes 2
    Parler Myr 2
    Lire/Ecrire Myr 2

    3e Cycle : 2 1/2 ans à Jevin (36 points)
    Evénement : Vylan  devient l'ami d'un intrépide marin Chinté F'har, un peu irresponsable mais qui lui apprend la Navigation du Limon au niveau 3.
    Après l'inspection par l'Eglise de Sanctologie, les Grands Chirurgiens de Jevin soignent Vylan à 18 ans. Il commence son apprentissage avec la Kyrotechnologie, la greffe aux ondes-Sa qui lui permet de ne pas succomber à son Syndrome de Dyce. Il reçoit son Kyroscaphandre en cuirasse de sarakern et commence à manier les premiers Kyroéquipements. Il rejoint la faction du Kyros Ebon, faction minoritaire qui cherche surtout à soigner les fléaux de leur condition.
    En plus de son Kyroscaphandre, il apprend à se servir du Filtre Optique (pour voir dans le monde physique) mais surtout du Transformateur de Dyce qui lui permet de manier le Sa.
    Contrôler - Transformateur de Dyce 6
    Connaissance des Gemmes 4

    4e Cycle : 1,5 an à Jevin (28 points)
    Evénement : Pendant une grande mutation magique, Vylan se lie d'amitié avec plusieurs "Clondis". Hélas, il n'arrive pas à les sauver tous face à des créatures mutées mais il commence à fréquenter cette Société secrète de Clondis et leur promet de les aider.
    Il se fait installer le "Sous-vocaliseur" qui permet de servir de la "Voix" pour manipuler les émotions. Il apprend aussi à mieux connaître les Ha'esh des jungles.
    Contrôler - Sous-vocaliseur 5
    Parler Ha'esh 4

    5e Cycle : 1 an à Jevin (24 points)
    Evénement : Cette année-là, les Marchands des Vents descendent de leur sarakern volante sur Jevin et Vylan protège leur Marché d'un voleur. Pour le remercier, ils lui offrent une gemme, une "Pierre-Kra" (p. 281, détecte les gemmes à moins de 2 mètres).
    Il apprend à se servir de l'Interprète Hassique, le module de traduction.
    Contrôler - Interprète Hassique 5
    Rhétorique 2

    6e Cycle : 1,5 an (28 points)
    Evénement : Dans un tripot de Jevin, Vylan joue avec un Ja'Hansh farceur qui lui promet un sauf-conduit dans la Cité de la Connaissance de Ne'Hal.
    Il reçoit un ultime Kyroéquipemetn, la Distorsion de Tyson, qui permet de la télékinésie.
    Contrôler - Distorsion de Tyson 5
    Parler Jerrick (langue des Ja'Hansh) 3

  • Voilà, c'est terminé. Vylan Suvall a plus de 23 ans et il a terminé ses études de Kyromancie. Il n'a que peu d'économies (170 Cyls), mais plusieurs Kyroéquipements : Kyroscaphandre, Filtre Optique, Transformateur de Dyce, Sous-vocaliseur, Interprète Hassique, Distorsion de Tyson (il a droit d'en greffer encore plus jusqu'à un maximum égal à son score en Dalshra).

    Cela donne le résultat final :


    Vylan Suvall, Kyromancien

    Force 4
    Santé 6
    Agilité 6
    Manipulation 5
    Discrétion 2
    Combat 2
    Sens 3
    Connaissance 8
    Kai 8
    Dalshra 8

    Initiative : 13

    Langues et cultures
    Parler Gévurien 6, Alphabétisation (Lathmirien) 4, Connaissance de la culture gévurienne 5, Parler Ha'esh 4, Parler Jerrick (langue des Ja'Hansh) 3, Parler Myr 2, Lire/Ecrire Myr 2

    Kyromancie
    Contrôler - Transformateur de Dyce 6, Contrôler - Sous-vocaliseur 5, Contrôler - Interprète Hassique 5, Contrôler - Distorsion de Tyson 5

    Autres
    Bibliothèque 4, Connaissance des Gemmes 4, Navigation du Limon 3, Science 3, Cartographie 2, Rhétorique 2, Se mouvoir en foule 3, Se faufiler 2, Se bagarrer 1 


    Pour se faire une idée du score, il suffit d'additionner la caractéristique et la compétence sur 20. Par exemple, il a 14 (Dalshra + Compétence) en Contrôler-Transformateur mais seulement 3 en Combat à mains nues. Le jeu a le défaut d'avoir beaucoup trop de compétences.

    Ce qui est agréable est qu'on se retrouve avec un personnage qui a déjà un passé assez fouillé, avec deux ennemis (le Prêtre fou à Ro-Katel et un Historien toxicomane à Treth), et plusieurs alliés (un marin Chinté Fahr, un Jan'Hansh joueur et la société Clondis). En revanche, il est absolument nul en combat et je ne lui ai même pas donné une "Kyrolame" pour se défendre.

    lundi 14 mai 2012

    [JDR] Retour vers Gargentihr


    A la demande de Gianni, je reviens à nouveau sur le jeu de rôle écossais de fantasy Tales of Gargentihr (1994) dont j'avais parlé le mois dernier.

    Je ne reprends pas ce que j'ai dit dans la brève notice précédente mais je corrigerai deux inexactitudes : (1) en relisant le livre, les colons du continent me semblent plus Victoriens que XVIIIe siècle (en dehors de l'importance de l'épée) et (2) j'avais oublié à quel point les indigènes font surtout penser à des Japonais, avec peut-être une petite touche de Fremen (mais des Fremens des Marais, pas des Fremens du désert) - ils ont l'iris de leur oeil qui change (par un rituel magique, selon leur statut social, du bleu au blanc pour leur chef).

    Gargentihr est le nom de la planète. Comme les continents se déplacent sur des Mers de Limons vaseux (à une vitesse d'environ 8km par an, soit 30 mètres par jour), il n'y a aucune carte globale et les communications entre continents sont d'ailleurs rares s'ils ne se rapprochent pas. Les collisions sont évitées car dès que deux continents se jouxtent, leurs bords se solidifient et deviennent des gués franchissables mais les continents sont ensuite repoussés par l'effet de ce durcissement. Cela fait donc plusieurs décennies (45 années gargentihriennes) que les nouveaux colons Karro ont perdu tout contact avec leur métropole et qu'ils doivent donc gérer leur indépendance en recréant une société nouvelle.

    Je vais commencer aujourd'hui par décrire les principales civilisations connues sur le continent d'Agasha. Si je n'en ai pas oublié (et en laissant les créatures monstrueuses plus isolées), il doit y en avoir environ une douzaine. Un des grands plaisirs des scénarios est de visiter l'ethnologie de ces peuples qui sont pour la plupart peu manichéens.



  • Les Quatre Peuples humains d'Agasha
    Les colons équivalents des Européens s'appellent les Karro, les indigènes colonisés les Ha'esh. Les Karro ne sont arrivés qu'il y a environ 90 "années" (je laisse le fait qu'une année sur Gargentihr ne dure que 256 jours, soit environ 0,7 an terrestre : cela ne ferait donc que 63 ans chez nous, disons trois générations).  Ils n'ont colonisé que le sud du continent d'Agasha et dominent presque tous les villages ha'esh. Leur République de Gévurie est dirigée par une oligarchie représentant les "Sociétés" des Karro, les différents organismes comme l'Eglise, la Société de Géographie (les explorateurs du Continent) ou l'Institut scientifique. Chaque Cité est une province à part avec son propre Conseil et il y a un Conseil confédéral.

    Il y a en revanche deux autres peuples humains en dehors de la colonie karro sur Agasha qui ont leurs domaines souverains : les Roquans et les Jouks. Les Roquans, qui vivent au nord-ouest, sont une gynocratie très sexiste et se remarquent à leur iris entièrement noir (je ne sais si cela suggère un lien lointain avec les Ha'esh). Les Roquans pratiquent une forme de magie, comme les Ha'esh mais elles l'ont apprise des non-humains Ja'Hansh. Elles sont les ennemies jurées des Jouks, qui règnent sur le nord du continent et les avaient déplacées de leurs territoires. Les Jouks, autre peuple de "colons", arrivés près de deux siècles avant les Karro, sont des colosses de 2m-2,40m, à la peau sombre. Ils sont très sensibles aux courants et ondes magiques (qui déclenchent chez eux des réactions comme des saignement du nez et d'oreilles ou une sorte de flegme dans la gorge) mais ils ont complètement interdit l'usage de la magie après s'être récemment libérés d'un tyran Archimage qui avait déclenché l'invasion d'Agasha.

  • Les Sept Peuples non-humains d'Agasha
    Le peuple non-humain le plus ancien du continent semble être les Myrdalls, des géants de pierre, au sang de lave, qui ont un lien avec les courants telluriques des cristaux. Leur antique civilisation s'est écroulée (on trouve des ruines de leurs cités dans les déserts centraux) et les Myrdalls actuels semblent être des brutes barbares (au point qu'on pense que les Myrdalls servaient en réalité un autre peuple inconnu).

    Venus de l'ouest, à côté de leurs alliées Roquans, les Ja'Hansh sont des créatures qui ressembleraient à des tortues humanoïdes ou aux "Mystiques" du film Dark Crystal. Ils sont connus pour leur sagesse et leur désir de connaissance mais une catastrophe magique fait que certains de leurs enfants naissent mutants. Ce sont les Je'Khan, des nomades agressifs qui sont abandonnés à la naissance et ont formé toute une culture martiale, fondée sur l'honneur et la haine contre leurs "frères" Ja'Hansh et contre toute autre civilisation. (Un peu comme si dans Jorune, les Ramiens étaient des Thriddles mutants, ou plutôt si les Klingons étaient des fils abandonnés des Vulcains). Les Je'Khans ont même osé lancer leurs razzias sur les cavernes abyssales des Myrdalls, ce qui les a sortis de leur sommeil. Des mercenaires d'autres peuples protègent parfois les Ja'Hansh contre les massacres de leurs cousins Je'Khans. Mais les Ja'Hansh sont devenus nomades à cause de ces assauts et plusieurs vivent plutôt en orient, chez les Khostras, où ils ont construit leur Cité de la Connaissance

    Les Ryamis sont un peuple mystérieux, loin au nord-ouest. Ils ressemblent à des hommes-chauves-souris et sont constamment en symbiose avec des sortes d'essaims de mouches autour de leur corps, qui se nourrissent sur leur fourrure nauséabonde. Les humains ont donc une hostilité assez irrationnelle contre eux à cause de leur apparence de Nosferatu et de leur odeur atroce (un peu comme le peuple de Ceux Qu'on Evite, The Shunned Ones, sur Tékumel).

    A l'est, les Khostras ressemblent à de très grands humanoïdes aux os protubérants (même taille que les Jouks) qui leur donne un crâne en forme de croissant de lune. Forgerons et métallurgistes, ils ont une haute technologie, qui semble même dépasser sur certains points la République des Karros (avec des horloges et même des sortes de "serviteurs mécaniques" !).

    Le peuple le plus hostile de tout le continent (plus encore que les clans des Je'Khans) sont les Sha-Shens, de sinistres êtres végétaux qui peuvent fabriquer des plantes de toute forme pour toute fonctions. C'est le seul peuple avec lequel il n'y ait même pas de relation commerciale car leur but est clairement l'expansion de leurs jungles d'extrême orient et l'éradication des êtres intelligents non-végétaux.

    Enfin, on trouve des peuples qui ne vivent pas seulement sur ce continent. Les Chinté F'har sont des sortes de canidés humanoïdes qui ont trouvé des moyens pour naviguer entre les continents dans les Mers des sables (si Tales of Gargentihr est inspiré par Traveller, les Chinté ont un léger côté Vargr). Leurs Clans exploitent ce quasi-monopole de navigation et ce sont surtout des commerçants, mais aussi des pirates le long des côtes occidentales ou méridionales d'Agasha. Ils ne faut pas les confondre avec le mystérieux peuple des Marchands des Vents, une race complètement inhumaine (qui feraient penser à Cthulhu ou aux Sombres Savants de Talislanta) qui voyage sur des sortes de cités volantes organiques bâties sur des animaux à carapace. Communiquant en ultra-sons, ils ne parlent jamais mais acceptent parfois de commercer avec les espèces de la surface avec des marchés incompréhensibles (je les imagine un peu comme des Vorlons de Babylon 5).

  • vendredi 11 mai 2012

    Jeu de la théorie

    La performance Jeu de la théorie (2008) de Patrice Maniglier (où on formalise un peu une sorte de joute oratoire) doit être au moins en partie inspirée par Les aventures extraordinaires du Baron Munchausen, si ce n'est qu'il y a un "Maître de jeu"

    jeudi 10 mai 2012

    [JDR] Age of Treason

    Age of Treason a commencé à l'origine par une vieille campagne de Jonathan Drake utilisant les règles de RuneQuest et ce cadre vient de devenir l'an dernier un univers pour la nouvelle version générique Mongoose, Legend.

    Age of Treason utilise un monde qui serait relativement proche des hypothèses de départ de RuneQuest (comme l'importance des Cultes ou une magie à la fois omniprésente mais relativement peu puissante), mais sans aucune espèce non-humaine et avec une ambiance encore plus nettement antique, entre l'Empire romain et le Moyen-Orient parthe. Pour ceux qui connaissent bien Glorantha, cela ferait donc penser au fait de jouer des Lunaires en Carmanie mais sans aucun Troll, Elfe ou Dragon (et aussi sans aucune "Rune").

    On est par défaut citoyen de l'Empire Taskien, qui est un peu une confédération romaine de Cités-Etats, où un Spartacus serait ensuite devenu Cyrus ou Auguste.

    Nous sommes en l'an 1216 du calendrier korantin. Il y a douze siècles, les royaumes occidentaux se sont divisés en deux entités politiques et deux cultes célestes opposés : le Dieu du Soleil de Korantis (Lanis) a divorcé de la Déesse lunaire des Jekkarenes. L'Ancien Empire Korantin a régné pendant des siècles avant d'être en partie submergé par les flots. Les Jekkarenes qui adorent la Déesse-Lune sont une gynocratie.

    Il y a environ 200 ans, un orphelin d'origine jekkarene, Zygas Taga, devint un mercenaire et finit par unifier autour de la cité de Taskay tout un Empire. Zygas Taga abolit l'esclavage mais transforma tous les citoyens en ses sujets. Avec l'aide des anciens alchimistes de Sorandib, il atteint l'immortalité et fut déifié. Dès lors, son enveloppe terrestre immortelle vit enfermée dans la Cité interdite de Taskay et on ne peut voir de lui que son émanation, une gigantesque statue qu'on appelle le Simulacre et qui aurait une partie de l'âme de l'Empereur-Dieu.

    Le premier Simulacre, construit en marbre, fut détruit dans un désastre militaire il y a un siècle et le dirigeant visible actuel est le Simulacre de Fer, un golem insensible qui est considéré comme le Fils de l'Empereur ou bien son délégué. Il doit être périodiquement rechargé par des Mages pour fonctionner.

    Zygas Taga a épousé symboliquement la Déesse-Lune Jekkara et a ainsi absorbé l'ancienne gynocratie de ses origines comme protectorat ou "Etat-Client" de son Empire. Tous les mages et toutes les légions adorent Zygas Taga et c'est donc son Culte qui est la source principale des enseignements ésotériques, avec plusieurs Collèges de sorciers. Mais l'Empire garde en plus de l'Empereur-Dieu de nombreux cultes locaux propres à chaque Cité, comme Jekkara, Tarsen, dieu du négoce, Thesh, dieu du feu, Machank, dieu de la violence ou Basat (un dieu à mystère solaire qui rappelle un peu Mithra).

    Aujourd'hui, la nouvelle Ligue Korantienne (les derniers restes de l'Ancien Empire au nord-ouest) s'oppose encore à l'Empire Taskien et il y a de nombreux peuples barbares et cités à l'orient qui ne se sont pas encore soumis à l'Empereur-Dieu (dont un peuple humain de nomades qu'on appelle "les Orcs").


    Les joueurs seront le plus souvent des agents du Culte impérial ou d'autres alliés et la campagne incluse dans le jeu prend au départ de jeunes légionnaires pré-générés dans la métropole de Zarina (la cité la plus importante, à côté de la capitale de Taskay). Les aventures les entraînent des différentes Cités-Etats orientales jusqu'aux Frontières des déserts. Mais pour l'instant, ces scénarios d'introduction ne conduisent pas encore les jeunes guerriers vers les plus hautes intrigues politiques dans les Cultes et Sociétés que suggère le titre d'Age of Treason. On devine que l'Empire vieux de 200 ans et dont l'Empereur immortel enfermé cherche à achever son Apothéose pourrait bien être en danger à l'intérieur comme à l'extérieur, mais ces complots demeurent encore un peu vagues.

    Je ne parlerai pas du système. Une différence avec l'ancien RuneQuest est l'abandon des Runes mais il y a toujours une Magie shamanique pour les barbares, une Magie divine et une Sorcellerie. Le Culte impérial privilégie les deux dernières et les Artificiers de Sorandib savent créer d'autres sortes de Golems comme on invoque des Familiers.

    Age of Treason a sa propre identité, un peu de Rome au Proche-Orient, et vise plutôt un jeu dit de "low fantasy", avec une magie quotidienne mais sans effets spéciaux aussi spectaculaires que dans D&D. Contrairement aux barbares habituels de RuneQuest, où on joue souvent des tribus rebelles orlanthis, on est d'emblée plus "civilisé", plus encadré par les Cités. Même si Artesia ressemble plus au XVe/XVIe siècle qu'à l'Antiquité orientale, il y a certaines ressemblances entre ces deux univers sans non-humains dans la manière d'individualiser un peu ces Cités, avec certains plans et détails dans la campagne. Jonathan Drake a fait des études d'Histoire ancienne à l'Université de Bristol et de Londres, et cela se voit. Le livre a assez peu d'illustrations mais a au moins des plans très bien faits. Bien que ce soit publié par Mongoose, je n'ai pas vu d'erreurs typographiques gênantes, peut-être parce que l'auteur a su s'auto-éditer avec vigilance.

    C'est un essai assez original et si je n'avais pas déjà tellement d'autres projets de campagne de fantasy antiquisante, je crois que je m'y mettrais, ne serait-ce que pour comparer une expérience un peu différente. J'attends de voir si le Companion annoncé sur le blog renforce cette bonne première impression. Il y a déjà en ligne une Introduction pour les joueurs (avec la carte de Zarina), Ce que Mon Père m'a dit.

    mercredi 9 mai 2012

    Les contrefactuels signifient que vous avez toujours raison


    Il y a tout un usage des énoncés dits contre-factuels assez courant en politique : "Oui, le chômage a augmenté mais si nous n'avions pas été au pouvoir, cela aurait été encore pire". Et cela peut donner des querelles historiques sans fin comme celle qui existe entre Paul Krugman et des éditoralistes républicains sur le New Deal : ceux-ci affirment que le New Deal a échoué en 1938 (2e récession) parce que le Keynésianisme ne marchait pas, Krugman pense au contraire que le New Deal avait été mis en danger parce que FDR avait trop renoncé au (proto)Keynésianisme (que l'équipe de FDR ne connaissait de toutes manières pas). Mais sur ce point, tout le monde est d'accord pour dire que la Guerre a mis fin à la Dépression, ce qui conforte en réalité la thèse de Krugman sur le rôle des investissements publics.

    Patrick Buisson dit que malgré l'échec de Sarkozy, le résultat confirme toute la validité de sa stratégie. Si Sarkozy a perdu, ce n'est pas parce qu'il aurait trop joué avec le Halal, les 700 Mosquées, les Frontières, l'Identité, ce serait au contraire parce que son entourage (c'est toujours la faute de l'entourage) aurait été trop centriste. Autrement dit, non seulement il avait raison, mais même l'échec prouve qu'on ne l'a pas assez écouté, selon lui. Sa tactique de polarisation et de clivage inspirée de Karl Rove en 2004 aurait donc pu fonctionner si Sarkozy avait suivi plus clairement une ligne plus homogène à droite. D'où la phrase si méprisante et si curieusement contre-productive de Buisson sur l'électeur centriste « lâche » qui « se soumet à la force, et qu'on ne récupère pas en se recentrant ».

    Naïvement, j'aurais plutôt pensé l'inverse mais n'ai pas les analyses qualitatives et les nombreux sondages si coûteux de Buisson. L'Ouverture de 2007 était certes très impopulaire à droite et avait un peu brouillé l'image de Sarkozy dans la droite "décomplexée" qui jugeait déjà que Jacques Chirac aurait été trop au centre (Buisson/Zemmour, agents dormants du lepenisme à l'UMP). Mais même si Bayrou a baissé à 9% et si Le Pen est demeurée au stade assez élevé à 18%, qui dit que ce n'est pas la stratégie même de Buisson qui a fait monter Le Pen ? Selon Buisson, c'est l'inverse, si Sarkozy s'était recentré, il aurait été "balladurisé" et aurait connu un 21 Avril à l'Envers en laissant tout ce terrain à Le Pen.

    Le vrai problème de base était l'extrême impopularité de l'exécutif. Si Sarkozy avait été encore un peu populaire, il aurait pu suivre la stratégie de Juppé, se recentrer avec Bayrou et devenir un protecteur plus "rassurant" et conciliateur sans redevenir ce Marchand de Peur attisant les angoisses.

    Même il a choisi de "polariser", de "cliver". Si Bayrou a pu voter Hollande en partie pour des raisons très locales à Pau (le PS était très puissant dans sa circonscription), il n'avait pas vraiment le choix après les provocations et dérapages du premier et du second tour. Cela ne semble pas avoir vraiment joué sur son électorat (qui votait déjà pour près de la moitié pour Hollande).

    Mais Buisson est un expert étrange car il est aussi biaisé et non pas désintéressé. La tactique qu'il défend comme efficace et gagnante coïncide aussi comme par hasard avec la position qu'il préfère fondamentalement dans son maurassisme. L'imagine-t-on suggérer un cap moins droitier, même si cela pouvait être optimal ? Il espère conserver un électorat populaire grâce à des arguments identitaires pour faire face aux difficultés économiques. Il croit que si le gouvernement ne peut (ou ne veut) rien faire contre une émigration des entreprises, l'électeur pourra toujours craindre plus l'immigration que d'en vouloir à ceux qui peuvent profiter de ces délocalisations.

    Sarkozy ne croit en rien, ou comme le dit Emmanuelle Mignon elle-même sans cacher son arrogance, il n'a "aucune colonne vertébrale". Comme il le dirait, c'est un pragmatique sans aucune conviction (en dehors de ses solides affinités ploutocratiques). Il peut être un communautariste favorable au vote des étrangers pour brouiller les pistes en 2006, un libéral si Mignon le veut, un colbertiste si Guaino insiste, un Déroulède prêt à renier l'unité nationale et mépriser la République dès que Buisson tire les fils de la marionnette si douée.

    On est dans une des pires situations pour l'UMP de Juppé ou Borloo (et même de Fillon). Non seulement l'UMP a perdu mais Sarkozy a perdu de tellement peu qu'il risque de revenir. L'Aile Buisson-Peltier-Luca pourrait très bien être encore renforcée par la remontée si réussie dans les dernières semaines de la campagne dans les pires moments de rhétorique identitaire. La question n'est plus de savoir si l'UMP va négocier avec le FN mais si elle le fera sans trop éclater avant. Il est presque certain que ceux que Zemmour et Buisson vomissent comme des "bobos droits-de-l'hommistes" du centre-droit finiront par se trouver mal à l'aise.

    Add. Marine Turchi a sur Mediapart une bonne formule sur la prophétie auto-réalisatrice de Patrick Buisson. Son analyse s'est d'autant mieux confirmée qu'il avait causé lui-même les conditions pour que sa stratégie devienne nécessaire. Les électeurs UMP ont été de plus en plus convaincus de la nécessité d'une alliance avec le FN après le discours de Grenoble quand leur dirigeant charismatique lui-même a validé les notions fondamentales du FN.

    lundi 7 mai 2012

    Dévisager la vacuité



    Il était une fois une Normalienne qui avait proposé (autant que je me souvienne, cela remonte à loin) une Thèse de philosophie sur Lévinas et la figure de l'Altérité et de l'Accueil de l'Autre ou de l'Hospitalité ou un machin de ce genre. Je crois qu'elle ne l'a jamais soutenue (et je ne saurais lui jeter la pierre), parce qu'elle a connu le succès par des romans encore plus débiles que son projet.

    Et après avoir voulu méditer sur l'Autre avec un grand A, l'Etranger avec un E majuscule et sur l'HOSPITALITE en CAPITALES, elle a signé un appel à voter pour Badinguet (l'alphabet fait qu'elle est première de la liste), après tout son décalage vers la xénophobie caractérisée.

    Cela confirme la vacuité de tout ce genre de discours prétendument éthique sur le Visage du Radicalement Autre et l'Infini de l'Intersubjectivité.

    On l'a échappé belle



    Mais ça y est, la ministre-mascotte de ce blog, Marie-Luce Penchard, la Secrétaire d'Etat puis Ministre des DOM-TOM (2009-2012) qui professait son intention d'avantager dans l'exercice de ses fonctions son propre Département de Guadeloupe par rapport à la Martinique ou à la Guyane, quittera enfin le Gouvernement, grâce à la victoire de la gauche.

    Rappelons à nos compatriotes en stage à l'EPAD qui ne l'auraient pas remarqué que quelle que soit la gaffe "vénielle", n'importe quelle République avec un zeste de sens de la dignité lui aurait suggéré de partir depuis longtemps.

    Mais il s'en est fallu de peu, hein, seulement 1 131 000 voix sur 35 millions d'exprimés. 3%.

    Selon les chiffres définitifs du ministère de l'Intérieur portant sur 46 millions d'inscrits, plus de 18 millions de votants ont porté leur choix sur François Hollande, 16,9 millions sur Nicolas Sarkozy, 2,1 millions d'électeurs ont voté blanc ou nul et 9 millions de personnes se sont abstenues.


    Bon, en dehors de cela, un Président démagogue et instable, un ministre de l'Intérieur qui croit malin de présenter la discrimination comme un choix moral courageux, et toute une équipe dangereuse partiront aussi en passant. Et dire qu'en 2002, on avait pu rassembler 82% des votes exprimés contre le lepenisme et qu'ici, ce n'est plus que 51,6%. Cela ne relativise pas la victoire elle-même (contrairement à ce que voudraient les trolls sarkozystes) mais cela rappelle que le contexte n'était pas favorable et qu'il a fallu beaucoup de rejet du Ploutocrate de la République pour que l'alternance soit possible.

    J'aimerais bien clore définitivement la rubrique "Badinguet" de ce blog et ne jamais plus parler de ses frasques de téléréalité, mais comme il a plus ou moins laissé dire qu'il allait faire autre chose et qu'il est complètement marteau, cela signifie qu'il va revenir se venger du peuple et nous casser les pieds comme un recours en 2017. Il sera plus collant qu'un VGE, qu'une bande adhésive ou qu'une parasitose latente. Tu trouves qu'on "t'a déjà beaucoup donné" ? Bien, pars prendre ta Dolce Vita chez Gazprom et on t'implore de ne plus nous donner de nouvelles. Non, on ne veut même rien connaître de ton statut conjugal. Prends l'oseille (puisqu'on sait bien que tu ne seras jamais inquiété) et tire-toi.

    dimanche 6 mai 2012

    Galimafrée



  • Dans le calendrier positiviste d'Auguste Comte, nous serions le 15 César (Jour de Junius Brutus, le fondateur de la République romaine). C'EST UN SIGNE.
  • Les sondages de l'institut Phersu.ru donnent déjà le gagnant de ce soir aux élections présidentielles françaises : à la surprise de nombreux médias sans doute trop partisans, ce serait Vladimir Vladimirovitch Poutine à 63,6%.

    Il n'était certes pas favori au premier tour, ni même candidat.

    Saluons la participation, grande gagnante à 1234567899%.
  • Le 6 mai 1932, le Président de la République Paul Doumer, ancien député radical, ancien gouverneur de l'Indochine au tournant du siècle et ancien Président du Sénat, élu un an avant, est assassiné par un Russe Blanc, Pavel Timofeyevich Gorgulov.

    Gorgulov voulait punir la France pour ne pas avoir assez lutté du côté de Kornilov et Denikine contre la Russie soviétique. Bien qu'il ait semblé manquer de discernement (on venait de le condamner pour exercice illégal de la médecine à Nice), il fut jugé responsable de ses actes et guillotiné.
  • C'est aussi un 6 mai 2002 que l'homme politique neerlandais Pim Fortuyn fut assassiné. Sociologue venant à l'origine de la gauche et affirmant publiquement son homosexualité, Fortuyn n'était pas exactement du même type que les politiciens d'extrême droite des autres pays. Son mouvement populiste, fondé notamment sur le rejet de l'immigration et surtout de l'Islam, eut soudain en 2002 un énorme succès, notamment juste après le meurtre.

    Son assassin van der Graaf était un militant des droits des animaux et il fut condamné à 18 ans de prison (ce qui signifie qu'il pourrait être libéré entre 2014 et 2020). Le succès de Fortuyn favorisa en partie l'essor de l'extrême droite du Partij voor de Vrijheid (PVV) et de Geert Wilders. En 2004, pendant une émission télévisée sur le plus grand Neerlandais de l'Histoire avec vote par Internet, une campagne efficace (et l'assassinat du réalisateur Théo van Gogh) eut comme résultat de faire de Pim Fortuyn le numéro 1, devant Guillaume d'Orange, Erasme ou Rembrandt...
  • C'était (via) cette nuit la Superlune, coïncidence entre la Pleine Lune en syzygie (alignement soleil-Terre-Lune) et le périgée (plus grande proximité de la Lune à 350000 km au lieu de 400000 km en apogée).

    La photo d'Associated Press montre la Lune devant le Temple de Poseidon au Cap Sounion, le cap au sud d'Athènes où d'après la mythologie Egée se serait jeté dans la mer qui porte son nom.

    Add. Le Monde a d'autres photos de la Super-Lune.
  • Les types de Χρυσή Αυγή, l'Aube d'Or, le parti néo-nazi grec, feignent de s'étonner qu'on confonde le symbole grec (le "Méandre") qu'ils ont choisi avec une svastika. Cela fait penser à l'imagination qu'utilisaient les mouvements d'extrême droite afrikaaner en Afrique du Sud.

    L'autre parti d'extrême droite plus traditionnel est l’Alerte populaire orthodoxe (Laïkos Orthodoxos Synagermos, dont les initiales forment LA.O.S. — "le Peuple"). Au moins cela permet de se souvenir que "laïkos" n'a rien à voir avec "laïc" en français.
  • Bon anniversaire aussi aujourd'hui (5 ans) à Rue89.

  • jeudi 3 mai 2012

    Sarkozyficateur

    Vous pouvez faire attaquer votre compte Twitter par un Président sorti.

    Anaphore


    J'ai essayé de parler du débat présidentiel hier soir sur mon compte twitter mais le moment le plus marquant, du moins pour un auditeur de l'opposition, devait être le discours sur le "style présidentiel" où Hollande énumère les défauts politiques et moraux du style sarkozyen - l'autre camp a préféré retenir son agacement quand il crie à la calomnie et qu'il n'a jamais eu le moindre rapport avec Berlusconi ou avec les collectes de fonds dans l'hôtel Bristol.



    Certes, les 13 ou 15 (je n'ai plus compté) "Moi, Président de la République, je n'aurais pas..." sont un chouïa trop longs mais le début avait du souffle et semblent vraiment réussir à faire passer une différence essentielle. On s'est habitué à l'anormal en cinq ans, comme tous ces cas où Sarkozy invitait officiellement tous les députés de la majorité et seulement eux (le seul bémol de Sarkozy : il n'y avait pas seulement l'UMP mais aussi le Nouveau Centre !) parce qu'il voulait aussi s'inviter à l'Assemblée nationale comme chef de la Majorité. La Présidence "décomplexée" et "sans hypocrisie" remettait ainsi en cause une fiction qui est finalement assez utile : le Président devrait feindre un peu de ne plus être que ce chef de la Majorité. Mitterrand n'osait même plus se rendre physiquement à des réunions du PS en 1988 et Chirac savait encore entretenir cette convention protocolaire qui ferait du parti présidentiel une sorte de rassemblement parmi d'autres qui se trouvait comme par coïncidence s'identifier avec le chef de l'Etat.

    La version remixée en Daft punk de ce passage n'a aucun intérêt comme c'est la fin de chaque période qui faisait l'intérêt de la répétition, pas l'anaphore elle-même. [Correction : J'ai tort. Ils commencent à diffuser la suite des phrases à partir de 3 minutes environ. ]

    Je ne me fais pas d'illusion sur le débat, qui n'a pas bougé une situation où Hollande gagnait déjà. Il suffisait que Hollande réussisse à se défendre et il y eut même des cas où son ton combatif parvenait à agacer son adversaire et où il me semblait l'emporter clairement, quand le Président en était réduit à mentir de manière éhontée. Mais tous ceux qui sont déjà convaincus ne répondront que selon leur propre préjugé, il suffit donc que Hollande n'ait pas donné prise pour effrayer une minorité de centristes qui hésiteraient réellement.

    Ségolène Royal avait échoué en 2007 dans sa tentative d'énerver Sarkozy et elle était donc apparue fébrile et agressive quand elle expliquait sa "juste colère". En revanche, on voyait que l'arrogant Sarkozy retrouvait ses spasmes de nervosité face à Hollande en 2012, sans que Hollande ait besoin de trop en rajouter dans l'indignation.

    Hollande a pu être imprécis sur certains chiffres (sur le déficit, il était maladroit d'être approximatif), mais je ne pense pas qu'il ait pu semblé incompétent aux modérés. Sarkozy a fait certains mensonges énormes sur le Bristol (c'est vraiment facile à vérifier, c'est absurde), sur les syndicats allemands (qui appellent encore plus à voter pour la SPD, il ne connaît décidément rien à l'étranger, c'est plutôt la France qui est originale dans le caractère prétendument apolitique des Confédérations syndicales, ce qu'il sait bien quand il drague la CGT de Fessenheim), sur l'éducation nationale (1/6 à la place d'1/2 de la fonction publique), etc..

    Add. Schneiderman a compté, c'est 16 répétitions dans l'anaphore.

    Trois minutes vingt, le temps d'une chanson, pour effacer, venger, cinq ans d'appropriation, cinq ans de gloutonnerie, d'anomalie et au total d'humiliation. Comme on regrettait, pendant ces trois minutes vingt, l'interdiction des plans de coupe, qui nous privait de la réaction du sortant, dénoncé en creux, sans jamais être nommé ! Dès le lendemain matin, jeudi, Hollande assurait que cette tirade, dans sa forme, n'avait pas été préparée. 

    mercredi 2 mai 2012

    Le genre où le clip est meilleur que les films


    J'aime beaucoup les comics de superhéros mais je n'ai jamais compris l'intérêt de les adapter au cinéma. En un sens, ce clip synthèse de 182 (!) extraits de films de superhéros  l'illustre par ses qualités : il est plutôt réussi mais justement à cause des limitations de ce qu'il réussit très bien à résumer. Parce que les comics arrivent à construire des histoires, alors que les films de superhéros ne jouent souvent que sur une gradation vers quelques instants de Wow.



    Mais je suis hypocrite : maintenant, j'ai un peu envie de voir certains des pires navets dans cette liste de 182 films. Oui, même le (paraît-il abominable) Daredevil. qui apparaît à 0'25, 2'32, 3'02, 3'43 et 4'06.

    Le meilleur reste Condorman (2'46).