mercredi 25 juillet 2018

Empire du Trône de Pétales : The Kurt Hills Atlas


Comme je l'ai dit dans la recension du jeu Bethorm: The Plane of Tékumel, une des bonnes idées des auteurs Jeff Dee et Talzhemir était de partir d'une base locale, la cité de Katalál (Province du Ketvíru, au bord du fleuve Chaigáva) vers le centre-ouest de l'Empire de Tsolyánu (c'était sur l'Hexagone 3511 de la vieille carte, à environ 900 km de la capitale impériale Bey Sú).

Carte par Jeff Dee, dans Bethorm


Mais c'était un peu maigre. La cité avait quelques pages dans les règles (p. 249-251). Le Katalál Area Map & Gazetteer n'avait que 5 pages pour décrire juste un rayon de 50-100 km autour de Katalal, une petite portion à cheval sur l'Hexagone 3511/3611. L'erreur des auteurs était de ne pas avoir donné de factions ou détaillé de PNJ, seulement une description assez prosaïque des villages aux alentours où la seule chose qui me paraissait marquante était une Ecole de Calligraphie du dieu Thumis. Ce contexte immédiat ne suffisait pas pour faire du "sandbox" (laisser se promener ses joueurs).

Depuis, ils ont sorti deux petites aventures qui sont surtout de simples "donjons" et qui ne me semblent pas encore assez exploiter autre chose que les monstres de ce monde. Pillars of Glass (10 pages) décrit un temple de Vimúhla abandonné sous un alignement de colonnes cristallines dans le Tumulus de Súmaranchu (Hexagone 3512, sans doute à une centaine de km à l'ouest de Katalál). High and Dry (15 pages) décrit la situation tendue à Mishábar, un village cultivant le Dná à 60 km au nord-ouest de Katalál mais en dehors de la description des PNJ du village, cela reste encore un donjon assez similaire au précédent.



Tout cela a changé avec The Kúrt Hills Atlas (260 pages !), par Mme Talzhemir.

Cette fois, ce n'est plus seulement un Hexagone. Le livre décrit une zone bien plus vaste, de 100 grands Hexagones (entre les Hexagones 3510 et 4116, si je ne me trompe pas cela doit faire 860 000 km2, à peu près la superficie du Pakistan ou de la Namibie) et chaque Hexagone a droit à sa propre carte et à deux pages de descriptions. Dans l'ancienne carte, c'était cette zone au nord de Katalál, autour des Collines de Kúrt, entre Mekú et la cité sacrée de Sárku près des collines de Kráà (sur les Provinces de Ketvíru, Khósa, Mekú, Kurtúr, Alidlár, Berananga, Ssa Sárku...) :



Bien que cette région ait été assimilée dans l'Empire du Trône de Pétales depuis des siècles (en dehors de quelques occupations par les légions de Mu'ugalavyá), il y a encore des cultures locales, par exemple avec les Kurtáni et on a enfin ce qui manquait dans le petit supplément précédent, des factions, des sociétés secrètes avec Mystères (car bien entendu, chaque secte adore un aspect local assez différent des dieux du Panthéon).

Ce peuple provincial des Kurtáni assez rustique et semi-nomade pourrait permettre un compromis intéressant face à un dilemme que j'ai toujours eu pour les parties d'introduction. En effet, on est censé dans une campagne "normale" d'Empire of Petal Throne commencer avec des "barbares" ignorants et découvrir ensuite les coutumes tsolyáni en même temps que son personnage. Mais si on veut commencer à décrire la culture de ces "barbares" avant leur acculturation (au lieu de les laisser comme une sorte de page blanche commode), on en arrive à la nécessité de donner déjà des informations à apprendre aux joueurs même si elles deviendront ensuite assez inutile spar rapport à la culture impériale qu'ils assimileront. Les Kurtáni pourraient être un bon mixte : assez reculés pour expliquer les faux pas du PJ dans la culture impériale mais assez "tsolyanisés" pour qu'on puisse déjà introduire des données relativement correctes.

Par exemple, les Kurtáni sont bien plus manichéens que la moyenne des Tsolyáni et ils méprisent les Dieux du Devenir comme "maléfiques" (il y a même des sectes de fanatiques anti-Changement), ce qui risque de faire un choc culturel quand les PJ comprendront que les Dieux du Changement ont tout autant leur place dans l'Empire que les Dieux de la Stabilité. Plus au nord, autour des Collines de Kráà, on adore au contraire le dieu de la mort Sárku et les valeurs y sont donc assez inversées.

C'est vraiment très bien fait et regorge d'informations. Je ne vois aucun équivalent précédent en dehors des scénarios solo qu'avait écrits Barker pour faciliter l'introduction (Adventures on Tékumel). Talzhemir a fait un travail remarquable et je crois que pour la première fois on peut avoir un vrai sandbox relativement facile d'accès (même si le MJ doit avoir déjà une bonne connaissance du standard de l'Empire pour apprécier toutes ces petites différences de ces Provinces du centre-ouest).

EPT avait commencé en décrivant succinctement une Cité, Jakálla (qui, curieusement, n'était pas la capitale), et ici, on a pour la première fois un approfondissement de la vie rurale de l'Empire. Si je devais conseiller un ouvrage indispensable aux MJ débutants en dehors d'un livre de règles ou du Tékumel Sourcebook, je donnerais donc maintenant The Kúrt Hills Atlas. Il y a de quoi jouer pendant longtemps.

Le petit risque de tout Atlas que je vois pour l'instant est que la quantité d'informations pourrait pousser le jeu plus vers une dimension "picaresque" du sandbox où on décrirait chaque rencontre de manière trop pointilleuse au lieu de sauter tout un périple en disant "après une semaine de voyage...". Un des aspects originaux est que la région choisie n'est pas une zone de "frontière" de l'Empire, mais bien son "centre agricole" alors que la Frontière est d'habitude un peu le lien de tous les cadres de jeu de rôle. C'est donc un peu comme si dans un jeu sur l'Empire romain on choisissait non pas la Britannia, l'Egypte ou Palmyre mais Lugdunum.

Une autre conséquence est que comme on décrit uniquement le nord de Katalál, il vaut mieux que les PJ n'aient pas envie d'aller au sud de la cité.

Deux liens pour l'Empire du Trône de Pétales





Le Pecháno semble assez "petit" relativement aux Cinq Empires (l'Empire du Trône aux Pétales est plus vaste que toute l'Europe) mais si je compte bien ces grands hexagones de 133 km de long, il a en fait à peu près la taille, disons d'un grand Etat-Nation moderne, comme la Roumanie ! Sa couleur héraldique est le Saffran (cf. les codes couleur). Le pays est surtout important parce qu'il est le voisin des pires ennemis de l'Humanité, les tanières des Ssú. Il n'a jamais pu s'étendre car il est pris en étau entre l'immense Empire de Salarvyá et le territoire des xénomorphes d'Alien. Barker a raconté sur The Blue Room que les ruines de Ssúganar, près de la frontière avec le Ssuyal, contenait une cité antique des Anciens qui avait été si soulevée que les parois des tours étaient à présent toutes inclinées.



J'ai déjà mentionné dans un autre post leur religion.
Les Pecháni ont un panthéon de Sept Dieux, dont six correspondraient à peu près aux 5 fonctions du Panthéon de Pávar :
Royauté : Qoth aux Nombreux Yeux,
Fertilité : Sehta,
Destruction : Vihar,
Connaissances : Tsomeq & Kazherh,
Mort : Su'urkha 
mais le septième est un Héros guerrier local (Nyesset des Pinacles).

Bien que leur culture soit originellement plus proche des Salarvyáni (plus féodale et moins centralisée que Tsolyánu), les Pecháni sont alliés aux Tsolyáni contre leur grand voisin. Cependant, cette alliance est peu importante comme les armées des Pecháni sont concentrées sur leur Guerre perpétuelle avec les Ssú.

 Le Tékumel Sourcebook parle un peu de l'économie du pays en 1.735 (p.  68 = volume II, p. 33) et de l'organisation politique en 1.810 (p. 75 = vol. II p. 52).

Pecháno is similar to Salarvyá, except that its king (Pechani: Chaegosh) is both sane and more fully in control ofhis subjects. The king is actually the senior most oligarch of the Beneshchán lineage of Mechanéno, and he presides over the Assembly of High Lords in which the Beneshchan and their rivals, the Rekhmél family of Teshkóa, predominate.
Lands belonging to these two ruling houses are divided into smaller and smaller fiefs amongst descending tiers vassals. The system is carried even farther than it is in Salaryvá: every landowner, no matter how minor, is someone's vassal, and if he sells (technically "enfeoffs") a piece of his land to another, he then becomes that person's feudal overlord.
Even the priests of the Seven Deities of the Rising Peaks (Sec . 1 .610) are vassals because they own the land upon which their temples stand and must thus be responsible to somehigher suzerain. The same is true of professional clans which own their shops and clanhouses. Only those who are not landholders - i .e . clerks, employees, retainers, etc. - are not vassals and hence have fewer rights under the system. It may be noted that the prieshoods have comparatively little power in Pecháno.

mardi 24 juillet 2018

D'Anthès & Dantès


Je n'avais pas remarqué à quel point cette chronologie est resserrée.

- février 1837
Le jeune officier légitimiste Georges d'Anthès, 25 ans, qui s'est exilé en Russie parce qu'il refuse de soutenir Louis-Philippe, tue en duel le grand poète Pouchkine (qui est le mari de sa belle-soeur dont il est épris).
Ayant reçu un grand héritage d'un noble hollandais (ainsi que son titre qui fait de lui le Baron de Heeckeren), Georges d'Anthès rentre en France et deviendra un député conservateur sous la Seconde République et ensuite, en trahissant son légitimisme de jeunesse, bonapartiste.

- 1838
Parution posthume de l'histoire (déjà très romancée et sur laquelle on n'a aucune autre source) de François-Pierre Picaud dans les Mémoires tirés des archives de la police, vol. 5, Chapitre "Le Diamant et la Vengeance" par Jacques Peuchet (1758-1830).
Si ce "Pierre Picaud" a vraiment existé, il semblerait être à peu près âgé de 35 ans vers 1815, et donc un peu décalé par rapport à la chronologie de Monte-Cristo.  Picaud servira de modèle assez direct à Dumas. Les différences principales sont
(1) que le trésor de Picaud est un diamant unique de 50 000 Francs légué par un prisonnier, un noble anglais nommé Newton et non un abbé italien,
(2) que Picaud ne renonce pas à se venger, il réussit mais il est assassiné par un ancien complice qui veut lui voler sa fortune (la date de l'assassinat n'est pas indiquée mais l'assassin meurt ensuite en 1828 et Peuchet, sans grand souci de vraisemblance, prétend tirer ses sources d'une ultime confession du meurtrier à un prêtre).

- 1843
Le tandem Alexandre Dumas (41 ans)-Auguste Maquet (30 ans), qui ont déjà aussi commencé Les Trois Mousquetaires, lancent à partir du livre de Peuchet le projet du Comte de Montecristo et appelle son personnage Edmond Dantès. Le feuilleton commence à apparaître en 1844.
Ce Dantès est né en 1798, donc plus près de la génération de Dumas que de celle de Picaud (qui serait plutôt né vers 1780, vingt ans après Peuchet) ou que d'Anthès (né en 1812).
La scène de la vengeance commence plus près de l'actualité, sous la Monarchie de Juillet (en 1838) et non pas sous la Restauration comme pour Picaud (où la date a l'air d'être entre 1815 et 1828 sans précision).
L'Abbé Faria est Italien dans le roman mais en fait directement inspiré d'un vrai abbé du même nom (1756-1819) qui était portugais et connu pour ses théories sur l'Hypnose (tout comme "Cagliostro" qui fera l'objet d'un autre roman de Dumas, Joseph Balsamo).

Donc dans Monte-Cristo, l'histoire est presque entièrement inventée par Jacques Peuchet, dramatisée par Dumas et en grande partie rédigée par Maquet.

Mais comment savoir si la mort de Pouchkine en 1838 avait pu faire assez de bruit pour que Dumas ait entendu parler de Georges D'Anthès quand il choisit le nom de Dantès ?

D'Anthès a certes une vie romanesque digne d'un vrai héros balzacien : il hérite d'un titre et d'une fortune hollandaise à la Cour de Russie en séduisant un vieux seigneur sans enfant. Militaire charmant, il devient un Baron par adoption comme Dantès deviendra "Comte" en trouvant un trésor italien. Alors que Dantès est victime des machinations entre Napoléon et la Restauration, D'Anthès soutient la Restauration et s'exile sous la Monarchie de Juillet (Dumas ne peut pas savoir que quelques années après la publication du feuilleton D'Anthès ralliera Napoléon le Petit).