lundi 20 mai 2024

La 6e édition (ou "édition finale") de Talislanta

L'univers de Talislanta  est publié depuis environ 37 ans. L'auteur Stephan Michael Secchi (qui a l'air incroyablement généreux) a mis depuis des années tous ses documents gratuitement en ligne (de la 1e à la 5e édition, avec même quelques inédits par des fans) mais il a sorti la 6e et Ultime édition (avec adaptation à la 5e édition de D&D) qui a l'air superbe. Le foulancement est fini et le nom est parfois un peu confus quand on y parle de "Talislanta 5e". 

L'idée de départ de Talislanta était un univers qui abandonne les clichés tolkiéniens (d'où le slogan "No Elves" même si j'ai toujours trouvé qu'ils devraient plutôt dire que c'est un jeu sans être humain !). L'auteur Stephan Michael Secchi, qui vivait de sa carrière musicale comme saxophoniste, écrivait ses chroniques talislantiennes comme une sorte de Marco Polo Jack-Vancien voyageant à travers des sociétés extraterrestres. Les sociétés ressemblaient souvent à des parodies poussées à l'extrême (par exemple la Théocratie d'Aaman qui est une satire anticléricale où la monnaie est une forme d'Indulgence et où les habitants dévots sont obsédés par l'idée de ne pas désobéir aux innombrables règles tatillonnes du Clergé fanatique et tout puissant). Une caractéristique de ce monde est son nombre très élevé d'espèces intelligentes distinctes. 

Un défaut peut-être à mes yeux est que c'est un monde de sword & fantasy (comme chez Leiber ou dans T&T) qui ne se fonde pas tellement sur une mythologie. Les dieux n'y sont que des démons extra-dimensionnels pour la magie, pas vraiment des principes métaphoriques ultimes de la réalité. Un autre petit reproche est que toutes les régions ne sont pas toutes aussi également originales. L'Ouest fut créé d'abord et reste le plus intéressant. L'Empire Khang en Orient est hélas une version sans grand intérêt d'un Empire mongol. Il reste que de nombreuses cités de ce monde sont sans équivalents, comme cette ville maudite de Maruk où tous les habitants sont persuadés d'avoir de la malchance et où toute l'économie est fondée sur des prétendus talismans porte-bonheur. 

L'histoire du monde a un peu évolué depuis quelques années : les raids des nomades et hommes-bêtes (Araq, Manra, Mondre Khan, Ur, Za... conduits par le Tirshata Zairat Zagor dans les années 620) ont attaqué l'Occident et certaines cités comme l'ancienne Danuvia (rebaptisée Zaran) ont été ravagées. Les nations de l'Ouest ont finalement mis fin à l'invasion de la horde. La Confédération des 7 Royaumes s'appelle désormais la Confédération des Neuf comme elle a absorbé deux nations d'Exilés chassés par les nomades, les Jakas félins et les guerrières Danuviennes. 

Les Neuf Royaumes (qui sont parfaits comme pays de départ pour les PJ, étant donnée leur stabilité) comprennent : 

Astar : Anarchie. Forêt de petites fées volantes et insouciantes appelées les Muses
Cymril : Magiocratie. Les Cymriliens sont des humanoïdes à la peau verte et font de bons sorciers. La cité de Cymril est à la fois le centre des Neuf Royaumes, port de ses nefs volantes, et la principale université magique. 
(Nouvelle) Danuvia : Timocratie/gynécocratie. Les veuves guerrières alliées aux clones de Taz qui leur ont laissé l'est de leur territoire. Leurs compagnons mâles danuviens furent tous exterminés pendant la guerre récente. 
Durne : Monarchie. Gnomes mineurs qui vivent sous la terre et doivent porter des lunettes à la surface (voir Jakar). Ils pratiquent la Cristallomancie
Jakar : Anarchie. Hommes-panthères noires. Les clans (sans chef) se sont installés récemment à la surface du royaume de Durne en fuyant le soulèvement des nomades. 
Kasmir : Ploutocratie dans un territoire aride à la frontière orientale avec les Steppes sauvages. Ascètes frugaux. Spécialistes en pièges magiques élaborés (la "Trapmagic", thereuomagie ?), ils sont les gardiens des trésors, des banques et de la Grande Muraille de l'Est. 
Sindar : Technocratie. Extra-talislantiens à deux cerveaux autonomes, ils sont géniaux mais sans magie. Leur système politique est fondé sur des tests intellectuels avec des jeux de réflexion en 4D. Chaque Sindarien est un collectionneur d'objets rares (parce qu'ils recherchent tous les épaves de leur vaisseau). 
Taz : Timocratie. Pays de clones guerriers des deux sexes, les "Serfs" (Thralls), tous indiscernables et qui se couvrent toute la peau de tatouages multicolores pour obtenir leur individualité. Ils ne peuvent pas faire de magie.  
Vardune : Oligarchie. Aviens qui vivent au faîte des arbres (divisés en Aériades verts et en Aériades bleus plus rapaces). Ils sont les meilleurs herboristes ("Botanomanciens"). Ils vivent à côté des fanatiques intolérants d'Aaman (mais ceux-ci sont surtout occupés à persécuter leur propre population). 



L'armée de la Confédération est surtout composée de Serfs de Taz, de chasseurs Jakas et de chasseurs Aeriades bleus de Vardune, ou de Vaisseaux volants de Cymril. 

Les Kasmiriens peuvent gêner un peu. Pas à cause de leur nom qui ressemble trop à Kashmir mais à cause des associations malheureuses en fantasy d'un peuple de banquiers avares (comme les Gobelins de Rowlings), mélange de Fremen (ils sont avares parce qu'ils vivent dans un désert et leurs noms sonnent un peu arabes, comme "Abn Qua le Prêteur") et d'Oncle Picsou (ils vivent tous dans des forteresses remplies de pièges où ils ne dépensent jamais rien). Il paraît qu'ils ont retiré dans cette 6e édition les Sarista (qui ressemblaient trop aux Roms) et peut-être aussi les Batreans (qui étaient un cliché de fantasy dans son dimorphisme sexuel). 

La carte de la 5e édition dans Hotan's History of the World était plus détaillée : 



dimanche 19 mai 2024

Ali et le Dragon

Selon une tradition chiite, leur imam ʿAlī  (ʿAlī ibn Abī Ṭālib) (600-661) aurait tué un dragon, comme St Georges et les deux mythes viennent peut-être d'une tradition perse antérieure (comme les Perses ont de nombreuses légendes où les Rois et héros tuent des Dragons comme symbole du mal, comme le Troisième Travail de Rostam, cf. le thème folklorique du Tueur de Dragon, Arne-Thompson n°300). La Perse a l'originalité d'avoir à la fois des Dragons complètement maléfiques (sans influence des serpents sages d'extrême orient) et une influence chinoise dans la manière de les représenter graphiquement. 

La légende existe par exemple dans une version recueillie par des folkloristes russes dans le nord de l'Afghanistan (région de Badakhshan), mais cela semble plus large. 

Ali affronte divers démons et rois diaboliques (parfois avec l'aide de sa femme Fatimah qui lui purifie son sabre) et il rencontre ensuite une jeune fille qui lui dit qu'elle va être sacrifiée à un Dragon. Il dit qu'il va occire le monstre mais qu'il va d'abord se reposer en se couchant à ses côtés mais il lui demande de le réveiller si le Dragon arrive. Le monstre arrive mais la jeune fille est trop paralysée par la terreur pour rien dire. Heureusement, une larme tombe de ses yeux et réveille le cousin et gendre du Prophète. Il tue alors le dragon avec son célèbre sabre Ḏū-l-Faqār. D'où la formule :

لَا سَيْفَ إِلَّا ذُو ٱلْفَقَارِ وَلَا فَتَىٰ إِلَّا عَلِيٌّ 
lā sayfa ʾillā ḏū l-faqāri wa-lā fatā ʾillā ʿAlīyun
"Il n'y a pas d'autre épée que Zulfiqar, et pas d'autre héros qu'Ali"

Les parents de la jeune fille sont au début déçus qu'elle ait survécu, croyant qu'elle n'a fait que fuir et que le Dragon est toujours vivant. Ils ne sont rassurés que lorsqu'ils comprennent que c'est Ali qui l'a sauvée. 

Ce Dragon semble n'avoir aucun lien avec la "Bête" (Dabbah) de la sourate de la Fourmi dans le Coran. Dans une version, ce Dragon d'Ali aurait sept têtes comme une Hydre. D'énormes rochers ronds seraient ce qui reste de ses yeux. 

Dans une autre version, la population locale utilisait le Dragon (ou un "serpent") pour détecter les femmes infidèles : on offrait les enfants au monstre et il ne dévorait que les enfants bâtards nés d'une union illégitime de la mère. La population aurait même reproché à Ali de leur avoir retiré ce test en tuant le dévorateur de bâtards. Il leur aurait répond que seuls les enfants légitimes reconnaîtront Ali comme l'envoyé de Dieu. 

La version de la première illustration (tirée de là) vient de l'épopée religieuse Ḵāvarān-nāma (Khāvar-nāmeh) de Ebn Ḥosām Ḵūsfī vers 1426. Il y a plusieurs cités iraniennes qui s'appelllent Khavaran. Ali y affronte aussi des loups-licornes, des fourmis géantes ou des amazones. 

’Ali contre le dragon, Farhâd Shirâzi, Khâvarân-Nâmeh, 1476-86, Palais du Golestân



Add. 
Pour comparaison : Rostam tuant le dragon avec son cheval Rakhsh



vendredi 17 mai 2024

Les Quatre Gardiens d'Islande

 Via

Le Roi Harald Gormsson à la Dent Bleue, Roi du Danemark (oui, celui dont la Rune sert de symbole pour le Bluetooth), voulait conquérir l'Islande à la fin du Xe siècle. Il envoya un magicien. 

Celui-ci se transforma en baleine et vint par l'Est de l'île au Fjord des Armes où il fut arrêté par un Dragon (Dreki), suivi par des serpents.

Il repartit vers le Nord par le Fjord de l'Île mais il fut arrêté par un Aigle (Gammur). 

Il tenta de repasser par l'Ouest par le Vaste Fjord mais il fut arrêté par un Taureau (Griðungur). 

Il repassa par le Sud, par le Fjord des Sables mais il fut arrêté par un Bergrisi (un Géant des Montagnes), qui tenait un bâton de fer. 

Le sorcier revint dire au Roi Harald que l'Islande était trop bien protégée par des esprits tutélaires. La Norvège finira par reprendre le contrôle des clans d'Islande au cours du XIIIe siècle. 

Les quatre Gardiens  (" landvættir "), Dragon, Aigle, Taureau, Géant gardent donc les quatre directions (par coïncidence un peu comme en Chine le Dragon d'azur de l'Orient, l'Oiseau vermillon du Sud, le Tigre blanc de l'ouest et la Tortue noire du nord. On remarque la ressemblance avec les Quatre Animaux bibliques (Lion, Aigle, Taureau, Ange) et Snorri, qui raconte la légende dans le Heimskringla, vit dans une période déjà christianisée depuis deux siècles. Il n'y a en revanche pas d'association "élémentaire" claire. Je me demande si la statue parisienne Le défenseur du temps (1979) est aussi une allusion (le Géant défend le Temps contre trois créatures, un dragon, un oiseau et un crabe, représentant respectivement la terre, le ciel et l'eau). 

Les 4 gardiens sont sur le blason officiel des armoiries du pays et sur les Couronnes Islandaises. 




Mais le blason de l'équipe de football d'Islande avec les landvættir déplace un peu l'ordre par souci de symétrie graphique entre l'Aigle et le Dragon, en mettant le Géant en haut et pas au sud ou le Taureau au sud au lieu de l'ouest. 


mardi 14 mai 2024

Les icônes vieillissent aussi

Oui, Bobby le Barbare a pris quelques années dans cette illustration par Dmitry Burmak pour la prochaine édition du Player Handbook de D&D (via) - les trois autres sont Hank le Ranger, Diana l'Acrobate et Presto le Magicien. 

Je n'aime même pas tellement D&D et ce dessin animé n'était pas terrible (notamment le choix absurde d'utiliser en priorité les classes d'Unearthed Arcana comme le Cavalier et l'Acrobat parce que Gygax voulait faire de la pub pour le pire de tous ses suppléments) mais je trouve cette illustration très efficace dans son utilisation de la fantaisie de portail (異世界) et le rapport à l'enfance : le groupe de ces enfants tombés dans l'univers de D&D a tout de suite un aspect allégorique (même si DIE l'a rendu assez sinistre). Ce ne sont pas des "aventuriers", ce sont des PJ

Ils étaient déjà apparus dans les illustrations du récent Starter Set Dragons of Stormwreck Island (avec l'ajout de ce qui semble être une cleric à la place de Sheila la Voleuse ?). 






Le Faire semblant et la simulation mathématique

C'est en partie un accident historique que les jeux de rôle aient été d'abord nerdy et matheux dans les années 1970-1990 parce qu'ils dérivaient plus de la représentation du Kriegspiel que du théâtre d'improvisation. Peut-être que le ressentiment de certains joueurs old school (Gygax dénonçant ce qu'il appelait "amateur thespianism") devant l'arrivée des goths des jeux White Wolf venait en partie de cet élargissement enfin accompli avec une nouvelle base - bien que ces jeux puissent paraître encore assez "simulationnistes" aujourd'hui. 

Mais même dans la plupart des jeux dits "narrativistes" ou même des jeux sans dé, l'idée de représentation mathématique demeure assez centrale dans notre idée moderne d'un "jeu". 

image trouvée


samedi 11 mai 2024

Zeppelins over New York

 c'est un genre (déjà parlé ). Je préfère les versions où ce n'est pas encore l'Hindenburg (1936-1937) avec sa svastika (la couverture du New Yorker est de mai 1930 en revanche). 





Dans cette liste de catastrophe d'aéronefs (où l'Hindenburg n'est qu'un élément parmi d'autres, le crash de l'USS Akron en 1933 fit bien plus de morts), on lit que la même année 1902, le dirigeable Pax tomba sur Paris (seuls les deux passagers moururent) et que quelques mois plus tard une nacelle de ballon tomba sur la ville de Stains avec à son bord le diplomate allemand Baron Ottokar Bradský von Labouň (1866-1902). 

The Green Lantern (2019-2021)

Grant Morrison écrivit (avec l'excellent dessinateur britannique Liam Sharp) environ 25 épisodes de Green Lantern (repris en 4 TPB, Intergalactic Lawman, The Day the Stars Fell, The Green Lantern Season Two Volume 1 et Volume 2: Ultrawar) et je ne connais pas de meilleure analyse de son run que ce long fil sur twitter par le critique Darren Mooney que j'aurais du mal à résumer. 

J'avais bien remarqué que Grant Morrison commençait par une parodie de série policière et une reprise de nombreuses histoires oubliées de l'Âge d'argent mais je n'avais pas vu l'importance de la parodie politique où Morrison semble dire à la fois qu'il garde de l'affection pour les vieux comics de superhéros mais reconnaître de manière "méta-référentielle" le reproche d'Alan Moore selon lequel les comics de superhéros (et peut-être plus encore les comics DC) se sont enfermés dans une boucle toxique,  et réactionnaire dans sa "nostalgie". 


DC est tellement "méta-réferentiel" que tout son multivers ne semble plus parler que de lui-même et Morrison semble moins optimiste que dans son si obscur Final Crisis sur la possibilité de sortir de ce trou noir créatif où Green Lantern recycle et consomme à nouveau les mêmes histoires. 

Add. C'était un peu bref. 

Le run de Morrison part de Green Lantern en policier - mais comme Morrison se dit anarchiste, il veut changer ce "policier" de l'espace en une force du Libre arbitre contre l'Ordre oppressant (et parasitaire - Morrison est obsédé par le thème des vampires) des Contrôleurs. 

Tout le côté si décrié de Hal Jordan, son apitoiement sur lui-même, ses tergiversations où il n'arrive jamais à se stabiliser devient dès lors assez métaphorique comme Scott Free dans Mister Miracle. Hal ne peut pas se stabiliser, il n'a rien d'un Judge Dredd, il finit souvent en clochard nomade. Hal Jordan n'est pas seulement un Dirty Harry, le flic qui brise les codes formels au nom de sa conception individuelle du bien et qui finirait donc de l'anarchisme vers le fascisme. Hal devient une goutte de Chaos dans la fonction de l'Ordre.  Hal explique que sa fonction prévue par les Gardiens est de se rebeller contre leur autorité. Superman ou Wonder Woman sont fondamentalement bons, Batman est juste, Green Lantern, en tant qu'avatar de la Volonté, est l'aspect de liberté dans la Loi. 

Les Gardiens sont d'habitude trop souvent réduits à des figures d'autorité pleines d'hubris. Ils perdent ici un peu de leur volonté de puissance panoptique face aux Contrôleurs et à leurs "Etoiles Noires" (qui remplacent avantageusement Darkseid comme figure de l'annihilation de la liberté).

Morrison reprend un McGuffin omnipotent, la Machine à Miracle (créée à l'origine par les Contrôleurs dans la Légion des superhéros). La Machine à Miracle devrait être la négation de toute histoire comme elle ne se contente pas de quelques modifications, elle peut altérer toute la réalité, rebooter tout le Multivers. Hal Jordan devient une volonté libre qui veut s'affirmer face à cette Puissance absolue. Rarement Morrison sera autant revenu vers les thèmes métaphysiques aussi directs à la Jim Starlin. 

La "Lanterne d'Or" est un Don Quichotte cosmique de l'univers de Terre-11. C'est assez amusant de remplacer le "Merlin" Omniversel tyrannique (chez Alan Moore et Marvel dans Captain Britain) par un Don Quichotte fou qui se prend à tort pour un Arthur multiversel. Le thème du McGuffin ou du Saint Graal devient dès lors ridiculisé quand Hal Jordan dévoile que la Lanterne d'Or ne semble au début avoir aucun Graal. 

Le thème des Vampires est réactivé avec les Mangeurs de Soleil, dont on apprend qu'ils sont l'évolution ultime des Vampires cosmiques (mais je ne vois pas bien en quoi des parasites qui craignent la lumière peuvent devenir des parasites des soleils). On avait déjà dans Final Crisis comment les Monitors étaient devenus des parasites en consommant en fait les Terres qu'ils devaient "contempler" et la Dame Belzebuth de cette série est révélée comme la fille du Mandrakk de Final Crisis. Les Contrôleurs utilisent les Mangeurs de Soleil comme l'arme ultime et ils parasitent donc les vampires en les élevant comme leurs monstres. Les Contrôleurs sont une évolution de la Justice vers une forme de nihilisme (j'ai déjà fait remarquer les analogies entre le Nekron de Green Lantern et le personnage de Judge Dredd créés simultanément et avec le même dessinateur Brian Bolland). 

Il faut reconnaître une chose dans ce run, les Guerres cosmiques qui se succèdent (Guerre contre les Mangeurs de soleil, Guerre contre les Etoiles noires...) réussissent à maintenir quelque chose d'épique malgré le risque de la répétition. 

Add. 2 Hal le Womanizer


La série revisite de nombreuses ex-petites amies de GL et semble même s'en servir pour articuler les chapitres. Hal Jordan a changé tellement de relations amoureuses (un peu comme Peter Parker) que cela en devient une de ses caractéristiques, une marque ce son instabilité chaotique qui vient compenser la Loi en lui. 

Le tableau ci-dessus ordonne Sept amies selon un "spectre" des couleurs de la création. Depuis le choix de Geoff Johns de créer plusieurs couleurs de Lanterne en plus des saphir-violets ou des anneaux-jaunes, le spectre des couleurs visibles est censé représenter aussi une catégorisation des affects fondamentaux de l'univers. 

En commençant par le rouge, on a donc d'abord Olivia Reynolds (Green Lantern 71, 1969), qui eut le rapport le plus agressif et conflictuel avec Hal comme sa rivale commerciale avant qu'on découvre qu'elle abritait en elle une puissance psychique qui ne pouvait s'y trouver que tant qu'elle restait inconsciente (et Morrison a réutilisé les histoires où Hal était vendeur de jouets et s'opposait à Olivia). Joan Colby est la fille d'un patron d'hôtel dans l'Idaho dans Green Lantern n°50 (1967) qui semble fournir un très éphémère "rebound" après la séparation avec Carol Ferris. Jill est Jillian Pearlman, une femme pilote du passé de Hal (mais créée seulement en 2005 dans un des reboots de GL) qui serait donc le double de Hal dans son aspect aventureux. Carol Ferris est mise la plus au centre comme la femme la plus importante de la vie de Hal et membre du Corps. Eve Doremus fut créée dans Green Lantern n°58, 1968 et est réapparue au début du run de Morrison et elle était encore (comme Joan ou Carol) une fille d'un riche entrepreneur. Dorine Clay (Green Lantern n°36) était une extraterrestre qui résistait au contrôle mental des tyrans télépathes de sa planète et est donc associée à la force de la volonté mais aussi au voyage spatial (elle l'accompagne un peu dans GL 160-162). Et enfin, Kari Limbo (Green Lantern n°117, 1979) était une femme dotée de pouvoir pré-cognitif et l'ex-fiancée de Guy Gardner qui faillit même épouser Hal Jordan (dans Green Lantern n°122) avant que Hal ne retrouve la trace de Gardner qu'on croyait mort. 

Il en manque bien sûr plusieurs, comme Arisia (la Green Lantern de Graxos IV) que les scénaristes et lecteurs de GL préfèrent oublier depuis qu'une histoire a décidé qu'elle était mineure quand elle avait rencontré Hal. On pourrait même compter une brève histoire avec Power Girl au moment de Justice League International (Justice League of Europe n°50, 1993) et Zero Hour n°2 (1996) même si elle a dû être annulée (et même l'enfant de Power Girl fut ensuite retconné comme une parthénogenèse issue du matériel génétique d'un démon du Chaos - c'était l'époque où la Kryptonienne de Terre 2 était censée être un avatar d'un Seigneur atlante de la Loi et où le scénariste Gerard Jones imita une des pires histoires de Marvel concernant Ms Marvel). Dans la série de Morrison, Hal a une brève aventure avec Olaqua une infirmière extraterrestre assez peu humanoïde sur l'hôpital de Sector General/Hippocrates et même avec une Vampire destructrice. On ne peut pas reprocher à Hal Jordan du spécisme, dans ses attirances sexuelles, ce qui est peut-être normal pour un Green Lantern. 

Add. 3 La fantasy

Athmoora est une planète du secteur 2814 (étoile 61 Cygni à 11,4 années-lumière de Sol), bloquée à une étape médiévale (Green Lantern n°16, 1962). Je crois que c'est surtout l'occasion pour Morrison de permettre à l'incroyable Liam Sharp de développer son propre style personnel, qui tient plus ici d'une fantasy britannique dans le style de Simon Bisley. 

Morrison fait l'effort de créer toute une carte développée de ce monde médiéval d'Athmoora. 



Shānxī & Shǎnxī ; Carpes & Dragons

Comment ne plus confondre la province du Shānxī (山西, 1e ton, haut et long) et le Shǎnxī (陝西, 3e tonalité, ton qui descend et qui remonte) ? 

Le Shānxī est plus au nord (nord-est) que le Shǎnxī. 

(cliquer sur la carte pour voir les 2 Provinces)


Le Shānxī 山西 est retranscrit simplement Shanxi et signifie "Ouest des Montagnes" (en l'occurrence des Montagnes Tàiháng, 400 km qui séparent Shānxī et Héběi - "Nord du Fleuve [Jaune]" et Hénán - "Sud du Fleuve [Jaune]". De même, plus à l'est, le Shāndōng signifie "Est des Montagnes".

Le Shǎnxī 陝西 est retranscrit en français "Shaanxi" (ce qui pourrait se discuter comme l'autre son en première tonalité est long). Le nom signifie "Ouest de la Passe(ou du Plateau) de Shan", région en Hénán sur la rive sud du grand Huáng Hé (Fleuve Jaune). Ce caractère Shǎn 陝 peut aussi être lu comme "vallée". 

On ne peut pas tellement les distinguer par la population ou la taille, relativement similaires. Le Shānxī a aujourd'hui une population de 35 millions d'habitants (17e province de la Chine en population sur 22) et une superficie de 156 000 km2 (taille du Bangladesh ou du Népal). Le Shǎnxī a une population de 40 millions d'habitants (15e population sur 22) et une superficie de 205 000 km2 (taille de la Biélorussie ou du Sénégal). 

Historiquement, la différence est plus considérable. 

Le Shānxī correspond à peu près à l'ancien état de Jìn. Au centre de l'actuel Shānxī , on trouve la cité de Tàiyuán (Grande Plaine), qui fut parfois utilisée comme une capitale impériale.

Le Shǎnxī a été plus central dans l'histoire de la Chine, comme un des Berceaux de cette civilisation puisque c'est là que se trouvait notamment la célèbre capitale impériale de Xī'ān "Paix de l'Ouest", aussi appelée Cháng'ān sur le Fleuve Wèi,un des affluents du grand Fleuve Jaune à partir de la Passe de Tóngguān au croisement de Shānxī, Shǎnxī et Hénán. Cette région de la capitale comprend aujourd'hui aussi pas très loin Xiányáng, l'antique capitale de la dynastie Qín - en revanche d'autres grandes capitales impériales comme Luòyáng ou Kāifēng se trouvent plus à l'est sur le Fleuve Jaune, dans la Province de Hénán.

La Légende de la Porte des Dragons

A l'origine, je cherchais à retenir la différence entre les deux Provinces parce que je ne voyais pas bien la région précise de cette légende. Il y a de très nombreux endroits appelés "Portes des Dragons (Lóng Mén) en chinois mais l'un des plus célèbres serait dans le Shānxī, mais juste à côté du Shǎnxī !

Près de l'actuelle ville de Héjīn (ce qui signifie "Gué" du Fleuve Jaune), juste au nord-ouest de la métropole de Yùnchéng se trouve les Gorges de Lóngmén 龍 門 et la passe de Yǔ ménkǒu 禹门口. On remarque qu'on n'est pas très loin non plus du carrefour des trois Provinces, juste avant que le Fleuve jaune rencontre la rivière Fen. On est à environ 200 km au nord-est de Xī'ān et aussi à 200 km au nord-ouest de Luòyáng.  


C'est là que le Roi divin le Grand (dieu des irrigations), qui avait taillé cette passe pour faire passer le Fleuve Jaune, offrit aux Poissons la possibilité de devenir un Dragon s'il remontait cette porte, ce qu'on appelle en chinois "gravir ou plutôt sauter la Porte du Dragon". Une Carpe (ou dans certaines versions un thon ou un poisson-chat) réussit et fut ainsi métamorphosée en un Lóng

La légende daterait de la dynastie des Hans vers le IIe siècle. Une interprétation confucéenne sans surnaturel (les érudits chinois tentant toujours de détruire leur propre mythologie) prétend que c'est en réalité une allusion historique au ministre sage et intègre Lǐ Yīng (qui fut exécuté par l'Empereur Hàn Líng en l'an 169 à cause des manoeuvres des Eunuques de la Cour). Ceux qui obtenaient une rencontre avec ce grand ministre étaient dits "avoir réussi à gravir la Porte des Dragons". 

C'est donc devenu un proverbe chinois : 

鲤 跃 龙 门
Lǐ yuè Lóng Mén
La Carpe Bondit au-dessus de la Porte au(x) Dragon(s)

Métaphoriquement, cela veut dire pouvoir avoir une ascension sociale en réussissant les Concours Impériaux : celui qui devient un Magistrat change de statut et rejoint les Dragons, comme le poisson transformé, celui qui échoue aux Concours ne reste qu'un poisson dans l'eau parmi d'autres. Le Dragon a donc bien aussi une métaphore de mobilité sociale et pas seulement de statut noble inné. 

Voilà un petit documentaire de CCTV sur ces Gorges de la Porte aux Dragons où on peut voir les eaux calmes du Fleuve Jaune et les marches gravées sur ces falaises escarpées mais aucune trace de rapides ou de chutes d'eau. Je me demande si la Carpe est censée sauter au-dessus de chutes comme je l'imaginais ou plutôt au-dessus des Montagnes ?

 

vendredi 10 mai 2024

Alþing & Inis

Essayé deux jeux de plateau à deux avec mon fils Mellon, le premier au thème scandinave, Althing, et le second au thème celtique, Inis, et il a gagné les deux. 

Althing est un petit jeu de course et de "deckbuilding" où on doit utiliser un paquet de cartes pour réunir les ressources (Or, Bois et Os) pour progresser vers l'élection au Thing en tant que Roi. Les cartes de la main de départ donnent surtout de l'Or (cartes Óðinn), des attaques (carte Þórr) ou des défenses (carte Freyr) et on recrute avec de l'or de nouveaux soutiens qui peuvent apporter des artisans avec du bois et de l'os. On a une petite main à chaque tour (4 cartes) et si on se laisse polluer son deck avec des cartes trop faibles on peut avoir du mal à continuer dans la progression. Une des attaques, le Troll, ajoute une carte inutile dans le deck de l'adversaire et le Géant des Tempêtes empêche de recruter ou d'avancer sur les étapes. Il y a eu des efforts pour que le jeu ne se répète pas (on peut changer la piste des étapes dans la course à chaque partie) mais je crains que cela reste un peu répétitif. Une grande différence avec le jeu de deckbuilding Star Realms est qu'on ne commence pas qu'avec des cartes "faibles" (mais qu'on a quand même besoin des cartes nouvelles pour progresser). J'avais voulu faire un deck trop généraliste avec Bois et Os trop tôt et je manquais ensuite trop d'Or pour avancer. 

Un petit détail remarquable est un choix d'illustration sur les dieux : les cartes Odin, Thor, Freyr représentent symboliquement le chef en train d'être soutenu par le dieu, jamais aucun dieu. 

Inis est un jeu avec petites figurines sur des tuiles, sans dé où on joue des clans celtiques explorant et colonisant une île. A chaque tour, on drafte avec des cartes les actions qu'on aura le droit de faire (placer une tuile, créer des clans, créer des sanctuaires, bouger des clans...). La carte Geis permet de bloquer une action de l'autre et la carte Druide (qui me paraît souvent assez puissante) permet d'aller rechercher une carte déjà défaussée. La subtilité est les conditions de victoire qui paraît assez difficile et longue à réunir : on doit à la fois être présent sur plusieurs tuiles avec des sanctuaires (facile) mais on doit aussi être majoritaire dans une ou plusieurs tuiles où il y a au total un minimum de six autres clans présents. Ecraser les autres comme dans Risk a donc peu d'intérêt car on ne doit pas trop repousser hors de ses territoires trop d'autres clans. Si on possède seul de très nombreux territoires mais sans aucun autre peuple présent comme minoritaire, on ne gagnera pas, sauf en accumulant quelques "jokers" pour condition de victoire qui sont les "exploits". On atteint assez vite le maximum de clans possibles et on se laisse parfois tuer des clans rien que pour pouvoir espérer y gagner d'autres avantages comme des "exploits". Les combats ont donc des rôles assez indirects. Cela se renouvelle bien malgré tout le drafting à chaque tour mais peut-être un peu long à mon goût quand on a déjà placé tous les clans possibles (il y a une option qui accélère la fin mais en donnant une place prépondérante au combat pour la tuile-capitale). Une des richesses des jeux est les très nombreuses cartes appelés "Récits épiques" qu'il faut gagner pour obtenir des effets plus imprévisibles. Les dessins de Jim FitzPatrick sont superbes. 

Les deux jeux font des efforts pour être un peu thématiques dans les noms des cartes mais Inis y arrive mieux. Les conditions de victoire d'Inis font que le jeu pourrait durer bien plus longtemps. 

mercredi 8 mai 2024

Les 5 soldats de bambou


Éliane Jaulmes, brillante mathématicienne, a été rôliste avant d'être romancière et elle avait écrit pour des fanzines, aussi bien pour Rêve de Dragon que pour Glorantha. J'avais pu jouer avec elle (et son mari, Philippe) à une campagne de Heroquest sur Glorantha il y a plus d'une douzaine d'années. 

Elle a rédigé depuis 2018 plusieurs romans de fantasy historique : Le Crépuscule des Veilleurs (sur des magiciens au début du XVIe, inspirés en partie par Sorcerer's Crusade - mais son éditeur Onyx a hélas disparu sans publier ce roman qu'ils avaient accepté), le cycle de L'oeil du Dieu serpent (inspiré d'une campagne de Capitaine Vaudou sur des pirates dans les Caraïbes à la fin du XVIIe siècle) et enfin la duologie aux éditions Plume Blanche des Cinq Soldats de Bambou


Ce roman de wuxia fantastique se déroule en Chine, à l'époque des Sept Royaumes Combattants au IIIe siècle avant JC, mais ne vient pas directement du jeu de rôle sur cette période Qin, plutôt en partie d'un déplacement métaphorique de certains aspects de Glorantha - son prochain roman sera scandinave.

La couverture avec son Dragon brillant est par Roxane Millard. Je la trouve très réussie (même si j'ajouterais une cinquième griffe en plus aux pattes de ce Dragon pour rester dans le thème). 



Ce premier volume des Cinq Soldats de Bambou (五竹兵), "Lumière éternelle" a une intrigue dense avec deux lignes temporelles et de nombreux personnages :


 

Vers 264 avant JC, nous sommes à Línzī, capitale du Royaume de (le royaume de l'Est), connu notamment pour sa célèbre Académie de Jìxià. Le Prince de Qí nommé d'abord "Second Fils" puis le Roi Tián Jiàn (280-221) va réunir une équipe de six autres héros, dont un certain mercenaire cynique qui aime beaucoup citer Sūnzǐ, "Mille Ruses". Les Sept Héros vont permettre de stabiliser le Royaume de Qí derrière plusieurs défenses magiques liés aux cinq éléments et à cinq animaux en luttant contre un certain "Sorcier au Bi (璧) de Jade". C'est Mille Ruses qui raconte ce récit enchâssé. 

En 239, le Roi de réunit à nouveau les cinq héros survivants. Il s'agit de contrer les manoeuvres de Lǚ Bùwéi (291-235), le Premier ministre du Royaume de Qín, qui connaît bien des secrets sur ces cinq défenses magiques et sur les trésors cachés de Qí. Un des agents de Qín, Trois Yeux, est un sectateur d'Èrláng Shén. La narratrice n'est plus Mille Ruses mais une érudite philosophe (qui synthétise taoïsme et confucianisme à l'école de Jìxià), Cíqiǎo (辞巧, "Parole Habile" - désolé si le 3e Ton ǎ apparaît toujours séparé sur ce blog). Dans sa jeunesse, elle était prêtresse de Wénchāng Wáng (en théorie, cette divinité est censée avoir été humain 500 ans après, au IVe siècle après JC mais le nom peut être utilisé pour une de ses nombreuses autres incarnations comme c'est une sorte de fonction de divinité de la culture). Elle sait aussi lire les signes dans le Yì Jīng
[En passant, dans notre campagne de Heroquest en Kethaela il y a deux décennies, le personnage joué par Éliane Jaulmes, Kalliope, était déjà une prêtresse d'un aspect d'une divinité esrolienne de la connaissance avec plusieurs autres agents du Roi-Dieu du Pays-Saint.] 

Les autres amis de Cíqiǎo recouvrent plusieurs classes sociales et ils comptent l'aubergiste Hǔníng (虎甯, Tigre paisible), la courtisane Měifèng(美鳳, Joli Phénix), le shaman pêcheur Tāo (濤, Vague) et le Juge Zhúgāng (竹槓, Tige solide de Bambou). 

Une partie du mystère du roman est de voir comment on apprend progressivement ces secrets passés des cinq "Soldats de Bambou" sur ce qui leur est arrivé vingt-quatre ans auparavant et l'ironie que cela jette sur le récit de Mille Ruses. Un des plaisirs est de décoder les indices sur l'identité changeante de tous ces personnages comme dans une sorte d'enquête du lecteur dans l'enquête du roman. Elle a su créer ainsi avec finesse un jeu d'interprétation dans la lecture même. Elle peut susciter une tension dans le lien entre ces deux trames. 

Je ne vais pas divulgâcher trop en avant mais on découvre très vite que le Roi de Qí, surnommé "Lumière éternelle" n'est plus l'humain qu'il était et est en fait un Dragon, le Qìlóng, 氣龍, lié à son Royaume. Chacun des cinq "Soldats de Bambou" est relié à son souffle et sans doute aussi en partie à un des cinq éléments.  

Le travail d'Éliane Jaulmes est approfondi et impressionnant. On plonge dans un dépaysement total dans cette Chine fantastique où le surnaturel a l'air quotidien, avec un univers chinois qui n'a rien à envier à un cadre imaginaire. 

Le second volume des 5 soldats de bambou (intitulé "Ombre éphémère") doit paraître bientôt et j'ai hâte de voir après mille pages de cette vaste épopée comment les relations entre les cinq héros et entre les Royaumes vont évoluer. 


Hexagrammes en jeu de rôle ?

Quelqu'un sait-il s'il existe un jeu de rôle qui utilise les 64 hexagrammes (8 x 8 trigrammes) du Yì Jīng comme système de résolution général ? Ce serait assez facile avec 1d8 x 1d8 (1d88 comme on dit) ou plus simplement avec 64 cartes. 

Le jeu de rôle de fantasy wuxia Swords of the Middle Kingdom (1999) utilisait des sortes de trigrammes mais dans mon souvenir seulement pour les sorciers pour lancer les sortilèges, en combinant des éléments un peu comme les verbes et actions dans Ars Magica

dimanche 5 mai 2024

Théologie et pédopsychiatrie bowlbyenne

14 César, jour d'Alexandre.

Il fut une époque dans mon enfance où j'ai cru en une divinité surnaturelle. J'ai perdu cette hypothèse vers onze ou douze ans en me demandant si je n'y croyais que parce que je trouvais plus confortable de croire ainsi en une projection idéalisée. Je suis reconnaissant d'avoir pu éprouver une telle croyance-désir sans quoi je ne sais pas si je pourrais facilement avoir de l'empathie avec la majorité de l'espèce humaine qui continue d'avoir ce type de pensée. Ceux qui ont toujours vécu dans l'athéisme doivent avoir du mal à éviter une condescendance méprisante. C'est une difficulté majeure pour tout le monde que de pouvoir conserver cette empathie qui est nécessaire pour être humain. D'un autre côté, certains ex-croyants peuvent aussi être plus agressifs et militants que ceux pour qui la religion n'a jamais eu d'effet direct sur leur enfance. 

Hier, dans un kiosque de journaux, il y avait une revue chrétienne (d'une association catholique du culte marial) qui s'appelait "1000 raisons de croire" et le sujet en couverture était quelque chose du genre "Savez-vous que la Vierge Marie est déjà apparue 4236 fois au cours de l'Histoire ?" (je ne me souviens plus du nombre et je ne sais pas si ce nombre est censé compter comme seulement une des mille "raisons" en question). 

Malgré mes efforts d'empathie, j'ai du mal à comprendre ces croyances où un dieu omnipotent peut intervenir (et même 4236 fois) mais choisit quand même de ne le faire que de temps en temps sans qu'on comprenne pourquoi. Le miracle semble le comble de l'arbitraire pour l'idée d'un être parfait censé représenter ce qui serait la source de tout ce qui est bon ou juste dans la réalité. Cela semble presque pire que l'existence du Mal, le fait qu'il puisse utiliser une puissance infinie mais au cas par cas. Dans ce magazine, l'intercesseur divin (la remplaçante des anciennes divinités maternelles de la fécondité) décide de visiter trois bergers à Fatima ou une femme à Lourdes mais d'abandonner des millions d'autres innocents dans la souffrance et l'injustice. 

Même à l'époque où je croyais en un Dieu, je ne pouvais que croire à une divinité de type leibnizien qui ne peut pas vouloir perturber les lois de la nature sinon on se demanderait sans cesse pourquoi il n'essaye pas de sauver tant d'innocents. J'avais plus de problème avec la possibilité de plusieurs miracles au cours du temps qu'avec un seul miracle à la Création (l'idéalité du temps est peut-être une solution pour Leibniz pour faire comme s'il continuait de justifier l'existence possible de plusieurs miracles). 

Je ne comprends pas en quoi la possibilité des miracles est censée rassurer les croyants : il y a vraiment un Dieu omnipotent mais il est si mystérieux et incompréhensible qu'il pourrait te sauver à n'importe quel moment mais qu'il choisit quand même de ne pas le faire, peut-être parce que c'est en réalité de ta faute. 

Ma première discussion philosophique (autant que je me souvienne) fut avec un prêtre à qui je disais que les miracles ne pouvaient être que des récits métaphoriques ou des sortes de conditionnels irréels (Dieu serait un être tel que s'il le voulait, il pourrait même remettre en cause les lois qu'il a choisi d'instituer) et que ce serait même une sorte d'insulte impie que d'y croire. Je ne me croyais même pas libre penseur original ou ironique, je pensais ne faire que dire en petit comité un truisme qu'on n'osait simplement pas trop manifester publiquement, un peu comme de parler à voix haute du Père Noël dans une école maternelle. Le prêtre, qui paraissait étonné plus que scandalisé, me dit qu'il y croyait tout à fait au premier degré alors que je pensais qu'aucun adulte n'était sérieux à ce sujet. Nous étions chacun déçu de la déception de l'autre.  

Mais si on croit en un(e) Dieu/éesse qui ne peut pas intervenir du tout (Deus absconditus et otiosus, Dieu caché qui ne veut pas se montrer et qui n'agit donc pas), on est sans doute déjà nécessairement dans une pente vers l'athéisme comme cela ne fait plus tellement de différence. 

Pour rester croyant, il faut donc cette position psychologique où on croit à un Dieu qui agit mais d'une manière mystérieuse et incompréhensible. "L'amour" purement quiétiste en un Principe du Bien et la confiance en une sorte d'analogue d'amour "pur" qui n'agira jamais dans l'expérience visible (que je peux comprendre) doit se mélanger avec un "amour" plus ambivalent, plus masochiste (je ne dois pas mériter Son amour puisque je souffre), avec un ressentiment larvé (si Iel peut intervenir, pourquoi ne le fait-Iel pas ? qu'ai-je donc fait de mal ?) et un peu terrorisé devant cette violence arbitraire, une sorte d'attachement insecure (attachement anxieux-ambivalent) comme dirait la théorie de Bowlby où la divinité est un Parent très ambigu, plus cruel et inquiétant que le Dieu plus distant des philosophes. Le croyant est alors d'autant plus "collant" et exubérant dans son enthousiasme qu'il ne cesse d'être inquiet de ne pas mériter cette grâce injustifiable. 

Mais on pourra rétorquer que dans cette classification psychologique, le quiétisme de certains mystiques et des philosophes serait alors un attachement "avoidant", d'où la voie vers l'athéisme. Le croyant ordinaire se soucie d'espérer que son affection sera partagée, le déiste a un rapport très neutralisé dès lors qu'il dit qu'il sait bien déjà que la "relation" est dénuée de tout effet. 

Je vois donc peu de milieu entre un despote arbitraire (un sujet avec une volonté) et un simple néant où Dieu n'est plus qu'un nom fétiche pour les lois de la nature. 

mercredi 1 mai 2024

Traveller: Far Trader #2

En septembre dernier, j'avais parlé du n°1 de Far Trader, la bd dans l'univers de Traveller. Via Imaginos, je vois que le n°2 est paru



Rappelons l'histoire du premier numéro (25 pages de bd + 10 pages d'information), écrit par Chris Griffen (qui est aussi un des auteurs de la nouvelle édition de Traveller chez Mongoose) et dessiné par Xavier Bernard. La Capitaine Susa dirige le vaisseau Far Trader Slowhand (ou Nelanaak). Son équipage est composé de quatre autres membres, dont deux non-humains : Ngazroe (dit "Gaz"), un Steward Vargr très poli, Odja le Pilote cyborg, Kampaari une Ingénieure introvertie et angoissée et ils viennent de recruter comme nouveau membre Feitalih un honorable Mercenaire Canonnier Aslan (et Odja vient d'une famille qui fut asservie par des Aslans). 

Ils commencent sur Paya où des Prêtres d'une branche hérétique de l'Eglise de la Divinité Stellaire demandent à être transportés avec un mystérieux cargo vers la planète Zycoca à 7 parsecs dans l'Amas de Towers (ce qui doit leur demander deux arrêts s'ils ont bien un hyperpropulseur Jump-3). 


Mais alors qu'ils s'arrêtent dans une Géante gazeuse de Focaline, ils se rendent compte que leur vaisseau a été saboté et ils sont attaqués par un vaisseau corsaire Vargr (venus originellement de Kedzudh dans le sous-secteur Firgr). 

Ce deuxième épisode a plusieurs rebondissements. Malgré leur infériorité numérique, ils sont sauvés des Pirates Vargr grâce à Feitalih. On découvre quel traître à bord a saboté le vaisseau et une nouvelle membre les rejoint un peu malgré elle, la Vargr Vaelda. On en apprend plus sur le passé de la Capitaine Dankuurza Susa. Elle est en fait de haute noblesse impériale, fille du Baronet de Kegena (à côté de Rhylanor) et a renoncé à son titre pour devenir une Voyageuse spatiale avec son Slowhand. Les Prêtres de cette branche de l'Eglise de la Divinité stellaire (qui viennent aussi de Kegena) adorent Iyliy, le Soleil de Zykoca. 

Ils arrivent sur Carsten Station, une station orbitale (Astroport classe C) autour du monde anarchiste de Carsten (et le livre comprend un dossier décrivant les caractéristiques de cette station et de quelques PNJ). 


L'équipage de la Capitaine Susa va devoir faire face à Vadis Minchua, un dangereux agent des colons de Zykoca qui craint l'arrivée de la secte de la Divinité Stellaire sur leur monde. Minchua connaît certains des secrets sur l'identité de la Capitaine et paraît très bien informé. Il a l'intention d'assassiner le Prélat de la secte. 

La BD commence peu à peu à révéler les éléments de l'aventure et j'ai trouvé la bataille plutôt bien menée (comme certains stratagèmes de pirates dans Barbe Rouge). Certains points du scénario sont parfois encore un peu obscurs (notamment sur ces Prêtres ou sur la rapidité des informations dont dispose Minchua). 

C'est très agréable pour ceux qui voient tous les clins d'oeil dans l'univers de Traveller - c'est parfois impressionnant dans l'attention aux détails - mais je ne me rends pas bien compte si c'est toujours compréhensible pour quelqu'un qui ne serait pas déjà familier avec l'univers de l'Imperium. Les auteurs auraient par exemple dû mettre une carte des mondes sur l'itinéraire à mon avis car cela force un peu à aller en ligne si vous n'avez pas déjà les connaissances encyclopédiques d'un Imaginos sur l'Official Traveller Universe ou sur le secteur Aramis. J'aime beaucoup la manière dont Xavier Bernard dessine les Vargr et leurs expressions (je ne sais pas s'il s'agit du même graphiste que cet homonyme français ?). 

Bonne Fête du Traveller

 

Pour le 1er May (Mayday), c'est aussi la fête du premier grand jeu de rôle de sf qui est toujours avec nous (image via Jean Balczezak). 

On trouve là la liste des interviews d'auteurs et éditeurs faits à l'occasion de ce premier mai pour une "convention virtuelle".