mardi 23 juillet 2024

[JDR] En relisant... Casus Belli (vol. 1) n°25

Casus Belli (vol. 1) n°25, avril 1985, 70 pages, 20 Fr. (C'est un grand changement puisque ce numéro augmente la pagination de 55 à 70 pages - 20 FF soit environ 6,20 euros de 2024)

Entrée sur RPGGeek.

La couverture mais aussi le poster en encart sont de Didier Guizerix

Voici le poster avec ses aventuriers dans une ville de canaux : 



* Nouvelles du Front (p. 4-11)
Guiserix explique que le magazine restera bimestriel car ils ont déjà trop de retard. On annonce aussi l'arrêt du magazine Runes (parce qu'ils n'avaient pas obtenu de commission paritaire) et une partie de l'équipe (comme Jean Balczezak) rejoindra Casus par la suite. Voir la recension de Runes n°1. Le survol des revues de JdR du moment mentionne la cité de Pellinore dans Imagine n°23 (j'ai un peu parlé de la mythologie de Pellinore ). La cité de Laelith paraîtra dans Casus Belli n°35 (décembre 1986). 

Ces pages sont illustrées par des petits comic strips "JR & Compagnie" (p. 5, p. 11) où les dés polyhédriques se parlent entre eux comme les personnages de Dallas (qui était une série à grand succès dans ces années 1980 - au point qu'il y eut même un jeu de rôle). Le nom faisait allusion non pas seulement à "Jeu de Rôle" mais à "JR Ewing", le méchant très populaire de Dallas. La bd n'est signée que "RB" (Rolland Barthelemy, I presume ?, même s'ils l'ont oublié dans l'Ours). La bande humoristique en quelques cases reprend un modèle des magazines anglophones (Gobbledygook dans White Dwarf par exemple) et cette tradition des petits strips de gags continue encore aujourd'hui dans le Casus Belli actuel. 




Têtes d'affiches
Frank Stora est très positif sur le wargame de Kevin Zucker The Struggle of Nations (Avalon Hill), jeu grand-opérationnel sur la campagne de Napoléon en Saxe en 1813 jusqu'à la défaite finale à la Bataille de Leipzig, jeu présenté comme une longue expérience de méditation stratégique. 
Martin Latallo est plus nuancé sur la campagne pour Call of Cthulhu des Masques de Nyarlathotep, ce qui est amusant quand on sait à quel point Casus la présentera par la suite tout le temps comme une des meilleures campagnes de jeu de rôle de tous les temps : il la recommande et apprécie notamment que ce soit peu linéaire, mais il la juge trop mortelle et pas toujours assez développée sur tous ses aspects (dans cette première édition). 

Dans les wargames, ils mentionnent le jeu de combat de vaisseaux Battlestar Galactica (FASA, 1984). Le jeu Peloponnesian War dont ils parlent est la 2e édition de celui de 1977 par Stephen Newberg, pas encore celui en solo de Mark Herman qui n'apparaît qu'en 1991. 

Dans les jeux de rôle, ils citent de nombreuses parutions, surtout pour D&D, mais aussi Légendes celtiques auquel collaborait Guiserix ( les aventures Le signe du serpent et A la poursuite de Conn Ruadan), MERP, James Bond, Bushido...  

J'ai déjà parlé dans le survol du n°24 du droit de réponse de François Marcela-Froideval (fondateur de Casus) et JP Pécau (de chez Jeux Actuels) contre la recension des jeux d'heroic fantasy par M. Latałło et je ne vais donc pas y revenir. Pour résumer à grands traits, Latałło avait été parfois acerbe contre certains jeux comme D&D ou l'Ultime Epreuve et ces deux droits de réponse étaient encore plus agressifs et de mauvaise foi (Pécau affirme qu'il est faux de dire que le Runequest de Chaosium a plusieurs extensions parce qu'il ne pense qu'à la 3e édition Avalon Hill). 

La page Inspirations par RC Wagner parle d'une grave crise de l'édition française de SF, avec de nombreux problèmes pour les éditeurs et les revues. 

Imaginos n'avait reproché la dernière fois de ne plus parler du tout des wargames et je vais donc faire amende honorable (mais me contenter d'indiquer les titres). La partie wargame (p. 12-28) couvre donc environ un quart du magazine. 

* Opération Market Garden : Frédéric Armand fait une longue (p. 12-17) critique de Hell's Highway: Operation Market Garden (1983, Victory Games) et Storm over Arnhem (1981, Avalon Hill). 

* Duccio Vitale n'apprécie pas Cold War (1984, Victory Games), qu'il accuse d'être plus un boardgame équilibré, simpliste et abstrait qu'une simulation (cela a l'air de lorgner même vers Risk). Il dit même qu'il ne comprend pas pour VG l'a édité. Pourtant, les jeux de Vitale par la suite ne me semblent pas toujours très "simulationnistes". Maintenant que les jeux abstraits à l'allemande (ce qu'on appelle les "Euros") l'ont emporté sur les monster games améritrash, il faudrait voir si on peut défendre Cold War qui est un "Euro" avant la lettre. Mais si on aime le thème de la Guerre froide et qu'on veut un peu de simulation, il faut aller vers Twilight Struggle

* Frank Stora a plutôt aimé le wargame très asymétrique Yom Kippur (1983) sur la guerre de 73, qui est pourtant un jeu d'International Team, mais il propose quand même quelques modifications de règles. 

* Infanterie 39-60, article de l'officier Hervé Hatt sur les armes à feu dans les jeux tactiques. 

* Jean Ricard continue les conseils pour simuler par le jeu Amirauté son scénario du numéro précédent sur l'invasion aéronavale de la Crète en mai 1941. Il propose aussi la suite d'un programme en Basic comme aide de jeu. 

* Un scénario Squad Leader, la bataille de Grussenheim pour la 2e DB en janvier 1945 (là où mourut Joseph Putz). 


* Ludotique : critiques du jeu de rôle de sf (combat et commerce spatial) Sundog, les jeux d'aventure français Meurtre à Grande Vitesse, Scoop, Le Diamant de l'Ile Maudite and et le wargame en solo 1815, ainsi que Tomate Mécanique, un programme d'un jeu en Basic par Guiserix & Olivier Tubach.  

* L'enfer du décor est une nouvelle rubrique de bd courte. Cette double planche doit être de Stéphane Truffert, je crois (?)

* Devine qui vient diner ce soir : Le vestivore, la pétardofougère (qui explose quand on marche dessus), le Diabolo (petit humanoïde cornu Loyal Mauvais) et le Piège de l'éternel retour.

Les souvenirs de Zormilius (dessins de Verlhac/Tignous et texte de Denis Gerfaud (?)) portent sur les Zimadjs, des "enfants sages comme des images" bidimensionnels qui ressemblent à un mélange angoissant d'Alice et du Petit Prince, ultra-polis, serviables mais pourtant destructeurs dans leur gentillesse (un peu comme la version du Petit Prince qui-rend-fou dans le Génie des Alpages). Cela pourrait fournir une rencontre idéale pour Rêve de Dragon




* "Mort aux grosbills!" Casus Belli avait offert son plus célèbre apport à la culture rôludique française, le "grosbill" dans le numéro 4. François Marcela-Froideval, le fondateur de Casus Belli revient évoquer ce péril des joueurs d'AD&D qui exagèrent la montée en puissance disproportionnée (la "grosbillite", ce que les Américains appellent le Munchkinism). Powergamer en anglais implique que le joueur ne pense qu'à la puissance sans se soucier de l'histoire ou du personnage, alors que Grosbill insinue aussi que le joueur est un tricheur qui modifie sa fiche de personnage, s'ajoute des capacités et transgresse les règles dans son souci d'ascension en pouvoir. FMF a bien sûr raison sur le risque mais sans vouloir être trop narquois envers le Grand Ancien, il me semble parfois... paradoxal dans sa critique : "Mon perso, lui, n'est pas un Gros Bill, la preuve je n'ai eu toutes ces reliques surpuissantes qu'après avoir traversé 25 Donjons et en étant exposé à 60 tentatives d'assassinat". Cela sonne presque comme une fanfaronnade "Inutile d'être un Grosbill, JE l'ai déjà été avant vous et mieux que vous sans tricher, moâ". Et en 1989 quand FMF créera Les Chroniques de la Lune noire avec le dessinateur Olivier Ledroit, son plaidoyer contre les grosbills paraîtra encore plus décalé tant les personnages semblent en incarner certains aspects. 

* La Gazette Galactique (p. 44-47), la rubrique des suppléments à MEGA, par Didier Guiserix et Pierre Lejoyeux, propose des règles nouvelles pour le combat de la 1e édition. C'est assez "simulationniste" et on sent une influence assez forte de Légendes (et indirectement, de Runequest). C'est un peu lourd dans le calcul des points de fatigue mais l'intérêt est de multiplier les choix & options pendant le combat au lieu de "je frappe / j'esquive". De ce point de vue, c'est plutôt intéressant, je trouve. J'ai la flemme de comparer précisément mais je crois qu'on retrouve dans la 2e édition de MEGA certaines de ces idées où on peut choisir des modes d'attaques ou de défense. Assez amusant quand on compare avec MEGA 5e édition 35 ans après qui est allé dans la direction opposée des jeux modernes. 

* Des sorts, des sorts, oui mais de Tante Zanie : 16 nouveaux sortilèges pour  L'Ultime Epreuve : Nausée, Rose des Vents, Voix de Lyn, Les 6 Boucliers de Lynaïs, Appel d'Orsia, Crépuscule, Ombre Rouge, Lame Froide, Malédiction, Filet acide, Vampirisme astral, Berserker, Bouclier des Ombres (Anti-vampirisme), Force de l'ombre, Succube, Bouclier des Monolithes (= Dissiper Malédiction). L'article est signé "Tante Zanie". Je ne sais pas s'il s'agit du créateur de l'UE, Fabrice Cayla ou bien de JP Pécau, directeur chez Jeux Actuels (ce qui voudrait dire que les deux auteurs, FMF et JPP, des droits de réponse ont tous les deux un article) mais ces sorts n'apparaissent pas dans l'extension qui venait de paraître en 1985, Chroniques de Linaïs (Règles additionnelles p. 66-68). J'aime beaucoup "Les Six Boucliers de Lynaïs" (Force Magique 45) qui créent 6 boules qui parent les coups mais éclatent en absorbant les attaques. Cela a un petit côté "Docteur Strange" comme "le Bouclier des Seraphim". L'Ombre rouge (FM 40) transforme une Lame pour que les blessures rendent hémophile (la cible perd des points de vie ensuite chaque tour)... Succube a un nom complètement trompeur, c'est juste une sorte d'Invisible StalkerL'Ultime Epreuve a relativement peu de sortilèges (y compris dans l'extension) et ces nouveaux sorts sont probablement eux aussi en partie une "réponse" au banc d'essai de M. Latallo dans le n°24 qui avait dit qu'il y avait trop de sorts inutiles dans D&D

* Les jeux de Super Héros (p. 50-55) : présentation du genre des jeux de rôle de superhéros par Martin Latallo. C'est la naissance de ce qui s'appellera plus tard les "tableaux de famille" décrivant toute une gamme ou un genre.  C'est très bien fait parce qu'il y a des conseils de jeu en campagne et pas seulement des descriptions. Mais c'est surtout un survol de six jeux des années 80 (l'excellent DC Heroes n'était pas encore sorti) :  Villains & Vigilantes, Champions, Superworld, Marvel Super-Heroes, Heroes Unlimited et Golden Heroes. Je suis d'accord avec les critiques contre V&V (trop aléatoire), MSH (un peu simpliste) et HU (déséquilibré), mais un peu étonné qu'il dise que Golden Heroes serait meilleur que Champions/Superworld grâce à ses conseils sur la vie de l'alter ego. Il faudrait vraiment que je lise un jour Golden Heroes jusqu'au bout mais je l'avais trouvé aussi archaïque que V&V en raison de son système de création aléatoire. Martin Latallo reviendra dans le numéro suivant de Casus avec une campagne pour jeux de superhéros pour illustrer son article et il utilise plusieurs systèmes à la fois, dont Superworld

* La nuit de Wormezza, 3e épisode : Le rire de Luda (suite et fin de l'Aventure Dont Vous Êtes le Héros par Denis Gerfaud des numéros 23 - 24). Il y a 53 entrées et cela doit donc atteindre environ 150 paragraphes sur les trois numéros. 

* "Nuit blanche" (p. 60-62), scénario pour l'Appel de Cthulhu par Denis Gerfaud avec illustration de Bernard Verlhac. Aventure d'horreur où les PJ sont attaqués d'emblée par des créatures d'autres plans et doivent découvrir comment y mettre fin avant qu'il ne soit trop tard. 

* "La vie de château", scénario pour D&D/AD&D (Niveau 3) par Marc Laperlier. Comme dans le n°24, je ne crois pas que Laperlier réutilise son cadre de jeu des Îles d'Arglenn expliqué dans le n°23. Ici, ce lieu de "Traverbois" semble très médiéval "français". Il y a une arborescence des choix possibles mais certains de ces choix ne semblent être que de l'anti-jeu (Refus de la Quête), ce qui rend en fait le scénario un peu plus linéaire qu'il n'en a l'air. 

* "Bani des Brouillards" (p. 67-70), scénario pour Légendes des Mille et Une Nuits par "Omar el-Tannejec" (anagramme du nom du grand géologue nancéen et créateur du jeu, Jean-Marc Montel). J'ai déjà résumé cette aventure dans un article passé sur les scénarios de ce jeu.
Les aventuriers doivent retrouver le tombeau d'un pirate près de l'île de Socotra, au large du Yemen, de l'Oman et de la Somalie. Le choix de cette île de Suquṭrā / Saqaṭri est original. Le Yaman (qui avait eu dans le passé une forme originale de monothéisme judaïsant, le Rahmanisme) était contrôlé depuis l'essor de l'Islam par la dynastie ziyadide (cousins des omeyyades) mais il y a aussi des territoires contrôlés par les chiites de l'Imam zaydiste. Socotra avait été conquise par l'Imam d'Oman (qui appartiennent au courant "ibadiste") mais devait être à l'époque des débuts de l'Islam encore à majorité chrétienne, avec un mélange d'Ethiopiens, de Coptes, de Nestoriens mais aussi des Indiens. C'est une base intéressante pour des aventures vers les Mers inexplorées des Indes (selon le degré de fantastique Sinbadien qu'on veut mettre dans l'Océan Indien). L'île de Suqutra est aussi associée au "cinabre" (qu'on appelle aussi en alchimie le "sang de dragon") et une étymologie proposée est Suk Qutra (le Marché au Sang de Dragon). 

Une pub pour les Relais Descartes (dessinée par Pierre-Olivier Vincent) m'apprend qu'à cette époque en 1985 il n'y avait qu'une seule boutique Jeux Descartes à Paris, 15 rue Montalivet dans le très chic 8e arrondissement derrière le Palais de l'Elysée. Il y eut ensuite au moins le Jeux Descartes Rue des écoles, celui de Pasteur et celui de Wagram (rue Meissonier). L'Oeuf Cube devait être assez seul et le Triangle d'Or du Quartier latin n'existait pas encore. Le Jeux Descartes de la Rue des écoles vient maintenant de fusionner avec l'Oeuf Cube




Ce numéro de Casus Belli paraît en même temps que Dragon n°96 (numéro Premier Avril) ou White Dwarf n°64

Et pour ceux qui veulent suivre le Casus Belli actuel édité par Black Books, Jérôme Darmont analyse le n°47 du Printemps 2024

Retour de mini-convention

Je suis revenu d'une semaine où un couple d'amis utilise une grande location pour inviter une douzaine de personnes pour jouer pendant toute la semaine, sur le modèle des conventions allemandes comme le Kraken. 

J'ai notamment pu jouer une longue aventure (environ 15 heures sur deux jours) avec JM Noel, Monsieur Laelith (c'est lui qui dirigeait l'édition de 1991 et aussi la nouvelle édition de 2021), et nous avons exploré la Cité depuis la Rue de l'Arbre de Tulé (qu'il a créé en diorama et dont il a inclus des photos dans le supplément d'écran). Près de 40 après la première publication de la Cité Mystique, nous avons fait nos recherches dans divers Terrasses entre les artisans de la Main-qui-travaille, les Temples de la Chaussée du Lac ou les bibliothèques de la Terrasse du Nuage. Très chouette aventure (notamment le dénouement avec performance en live) et une générosité digne de l'Oiseau de Feu pour l'acteur-MJ. 

On a fait aussi avec E. une autre aventure longue des Lames du Cardinal et.je comprends l'adhésion des fans de capes et d'épées. Je suis d'habitude réservé sur les systèmes de jeux avec cartes (car je crains un peu que le fait de pouvoir garder des cartes en main pour plus tard pousse à du méta-jeu) mais ce n'est pas le cas ici. L'enchaînement des cartes marche très bien (même si on doit refaire le paquet assez souvent et que le jeu a besoin d'équipes de PJ pas trop grandes). Le système d'escrime m'a convaincu (même si certaines bottes qui demandent 4 figures doivent être assez infaisables à réaliser). 

Un autre JM a créé sa propre adaptation de Rogue Traders mais avec le système de HeroQuest/QuestWorld. Les mots-clefs du système rendent les PJ à la fois héroïques et sans être embourbés dans la gestion des milliers d'hommes d'équipage. On a fait aussi un essai de Pendragon et une partie antiquisante utilisant le Maximum Game Fun

J'ai aussi mené une partie de Cats! La Mascarade. J'ai juste mélangé deux scénarios (les Chats d'Ulthar et Grandeur Litière) mais j'ai commis une erreur de débutant en n'arrivant pas à créer assez de tension dramatique (chaque PJ a 9 vies et 9 vies dans un one--shot, cela demanderait des scénarios presque aussi violents que du Paranoia, pas aussi mignons que dans My Little Poney). Mais c'était quand même marrant. J'ai matérialisé les Vies comme des croquettes à manger dans une assiette. 

En jeu de société, on a fait un SpaceCorp (première periode, Navigator, exploration du système cisastéroïdal) et j'aime bien l'impression de simulation malgré des mécanismes relativement simples (il n'y a guère que les différences de distance et de gravité qui sont simulées au début). Il y a quelque chose de très satisfaisant à dire : "Je crée une station à Lagrange 4". Je regrette l'hypothèse libertarienne de départ où il n'y a aucun rôle des Etats-Nations dans la conquête de l'espace. Les Corporations ne sont pas du tout individualisées au début. 

On a aussi testé un prototype d'un jeu de cartes dans l'univers de Glorantha et il arrivait à avoir de l'atmosphère tout en étant un jeu de cartes assez simple. 

jeudi 27 juin 2024

Traveller: Riftbreaker #1



Après Traveller: Far Trader #1 et #2, Chris Giffen de Mongoose continue sa série chez Markosia de comic books dans l'univers du jeu de rôle Traveller avec une seconde série, Traveller: Riftbreaker. Far Trader utilisait des Voyageurs assez habituels, marchands et transporteurs, bourlinguant dans le sous-secteur Aramis des Marches directes. Riftbreaker porte en revanche plus sur le thème de l'exploration, du côté du sous-secteur Usher, près de la zone moins dense en étoiles qu'on appelle The Reft (ou Rift). 



Pour ceux qui ne connaissent pas les bases de l'univers, ce sera encore plus obscur que la série précédente et le comic me semble encore plus conçu comme une sorte de supplément au jeu de rôle. Mais reconnaissons que la probabilité qu'un lecteur achète la bd sans rien connaître du jeu est faible. 

Pour les 2 lecteurs qui me restent et qui ne seraient pas déjà fans : dans l'univers de Traveller, les vaisseaux spatiaux sont à peu près aussi disponibles que les avions au début du XXe siècle, il n'y a guère que des milliardaires et des Etats qui en disposent. Un vaisseau moyen qui peut dépasser la limite de la lumière ne peut faire que des sauts d'environ 1 ou 2 parsecs (3,23 à 6,46 années-lumière) avant de devoir s'arrêter sur une source de gravité (et généralement recharger ses réserves dans une Géante Gazeuse). Cela veut dire que les vaisseaux doivent parfois faire de longs détours pour arriver à des systèmes qui ne seraient pas joignables directement et la zone du Rift a des douzaines de parsecs entiers sans aucune étoile, dans un espace entre les amas stellaires. La Brisure de la Fissure consiste donc à tenter de trouver d'autres "corps" ou objets célestes non-détectés qui puissent servir d'étapes pour traverser cette zone obscure, par exemple des astéroïdes ou des comètes. Un rêve de certains Eclaireurs est de dessiner de nouvelles cartes d'itinéraires inconnus dans le Rift. Dans un univers qui semble déjà très exploré depuis des milliers d'années, cela ré-introduit donc de l'inconnu puisqu'on pourrait mettre n'importe quoi dans ces zones noires de la carte, tant que ce ne sont pas des étoiles classiques. 



L'illustrateur n'est plus le français Xavier Bernard mais l'Italien Luigi Iannelli. Sa force me semble être le dessin des non-humains dont on voit qu'il prend du plaisir à les dessiner. Ce critique fait remarquer qu'il se soucie aussi des décors et que les scènes spatiales sont bien conçues. Mais je suis moins emballé par les illustrations de certains personnages humains, notamment du protagoniste Rev Sanderson. 

L'histoire

Revolio Sanderson est un capitaine humain ancien éclaireur, alcoolique et dépressif et il va réunir ici un nouvel équipage : Sandy, une brave Vargr (enfin, je crois que c'est une Vargr ?), et Wasata, un.e ingénieure Bwap (l'espèce Bwap, de petit amphibiens ressemblant à des tritons, vient de beaucoup plus loin dans la direction du centre mais s'est répandue dans l'Imperium). 



L'histoire commence avec un flash-back peu explicite sur le passé traumatisant de Rev Sanderson quelques années avant quand il fut capturé comme Scout dans les Marches directes. Dans ce premier épisode, ils sont victimes d'un trafiquant sans scrupules que je crois être un Nenlat de Deneb (d'après la queue avec ce qui semble être un dard) et obtiennent ainsi un bon vaisseau au-dessus de leurs moyens, un vaisseau éclaireur (type S de 100 tonnes). Rev décide ensuite de partir du système d'Aldaya vers le Rift

Je suis assez curieux de voir ce que le thème de l'exploration peut donner. On joue toujours des Han Solo ou des Mal Reynolds dans Traveller et ici, pour une fois, cela peut devenir légèrement plus startrekien

lundi 24 juin 2024

Deux jeux de guerre : Du Kurdistan aux Biplans

Chez des amis, j'ai pu tester deux jeux historiques ce week-end. 


Fitna (2020), un jeu de simulation sur le Proche-Orient récent par l'historien et consultant français Pierre Razoux, en gros de la Guerre civile syrienne et de l'essor de Daesh à un futur hypothétique proche. On a fait une version abrégée (4 tours au lieu de 7) du scénario n°7 L'Indépendance du Kurdistan avec 4 joueurs (à une date future mais après 2018). 




Je jouais les Kurdes (toutes les factions à la fois, Peshmergas du KDP d'Irak de Nêçîrvan "Coeur de Lion" Barzanî, PKK de Turquie et PYD de Syrie), Gianni jouait les Irakiens (cela commence peut-être dès l'époque où Haider al-Abadi était encore Premier ministre et le Kurde Fuad Masum Président de la République), avec le soutien de l'Iran, Hervé jouait la Turquie de Recep Erdoğan et Rappar la Syrie de Bachar al-Assad, avec le soutien de la Russie (dans ce scénario, les Américains sont représentées par des cartes qui peuvent être activées par diverses factions, tout comme Daesh, qui peut "réapparaître" comme une peste endémique). 
La Turquie a une armée nettement dominante (plus de blindés que les autres) mais des conditions de victoires difficiles et elle s'est épuisée en lançant toutes ses forces contre les bases kurdes fortifiées en montagnes. La Syrie attaquait aussi les Kurdes sur son territoire (j'avais fait preuve d'hubris en croyant que mes troupes de Kobane pourraient prendre Jarabulus, juste parce que j'avais vu que cela pourrait me donner une condition de victoire "majeure") mais al-Assad avait en plus encore une insurrection (très mollement soutenue par les Turcs qui se concentraient sur moi). Mes conditions de victoire étaient de conserver au moins 7 bases kurdes et malgré mes avantages en défense, le soutien ponctuel mais capricieux des Américains et ma chance aux dés, je n'y suis pas arrivé, ne conservant que 6 bases au 4e tour, la Turquie ayant écrasé toutes les bases du PKK. Après mon échec à Jarabulus, je me suis concentré entièrement vers la défense contre les Turcs (avec l'aide des Syriens) mais l'Irak en a profité pour reprendre Erbil et Kirkouk avant d'occuper quelques centres syriens en plus, ce qui leur a donné la victoire. 
Comme d'habitude, j'ai très mal joué (étant un très piètre wargamer) mais à ma décharge, la position kurde paraît très difficile (surtout si on avait vraiment joué en 7 tours, comme il est difficile d'avoir des renforts). 

Ensuite, j'ai pu tester Wings of Glory (2012) et mon Sopwith Camel s'est très vite crashé en se retrouvant sous le tir croisé des deux avions allemands à la fois (et malgré de la chance encore une fois dans le tirage des dégâts). Mais je crois que j'ai trouvé là un de mes jeux préférés sur la Première Guerre mondiale comme il est très rapide dans la programmation des trois mouvements à accomplir. Les avions donnent une impression de différenciation (mon Sopwith Camel était plutôt rapide mais moins maniable que le Fokker Dr1 du Baron rouge) et le système est très facile à comprendre. 

mercredi 5 juin 2024

Survol historique du Mexique

1821 Le Général Iturbide obtient l'indépendance du Mexique et se proclame Empereur

1824 Le Général Victoria renverse l'Empereur et fonde la Première République (fédérale)

1829 Le Général Guerrero, nouvellement élu, abolit l'esclavage (35 ans avant les USA... ce qui va déclencher la révolte du Texas). Il est renversé par le Conservateur Bustamente (1780-1853) et sera plus tard exécuté par ce dernier. 

1833 Bustamente est remplacé par le Général Santa Anna

1836 Santa Anna proclame une nouvelle République (centraliste et plus fédérale). Le Texas fait sécession et pendant la Guerre, Santa Anna est forcé d'accepter l'indépendance du Texas. Il est renversé et remplacé par Bustamente. 

1841 Après plusieurs révoltes fédéralistes et un conflit avec la France, Bustamente est renversé. Le Général Santa Anna tente de garder le pouvoir par la force et c'est la guerre civile. 

1845 Annexion du Texas par les USA. 

1846 Proclamation de la Seconde République Fédéraliste. Guerre avec les USA jusqu'à la défaite en 1848, importantes pertes territoriales. 

1852 Coup d'Etat conservateur par Santa Anna. 

1853 Révolution par les Libéraux. Réforme laïque et guerre civile entre Conservateurs et Libéraux, notamment sur la question religieuse. 

1858 Le Président libéral Benito Juarez (1808-1872), seul Président métis d'origine amérindienne, bat les Conservateurs dans la Guerre civile de la Réforme. Certains Conservateurs appellent à l'aide la France de Napoléon III en espérant qu'une monarchie soutenue par l'Europe les protégerait des réformes libérales. 

1863 Maximilien de Habsburg est proclamé nouvel Empereur du Mexique avec le soutien des Conservateurs et des troupes françaises sur une partie centrale du territoire mexicain. 

1867 Chute de l'Empereur Maximilien qui sera exécuté. Victoire du Président Juarez. Restauration de la Seconde République. 

1876 Le Général Porfirio Diaz (1830-1915), ancien officier libéral de Juarez, devient dictateur. Il va atténuer l'anti-cléricalisme de la Réforme libérale.

1876-1910 Paz Porfiriana et stabilisation du pouvoir par Diaz pendant 35 ans. 

1910-1920 Révolution mexicaine contre Porfirio Diaz. Diaz est renversé mais le nouveau régime est remis en cause par le rebelle paysan Emiliano Zapata (1879-1919) et le Général Pancho Villa. 

Le Président Carranza sort victorieux et proclame une nouvelle République, à nouveau fondé sur des principes laïcs, voire anti-religieux en 1917. Il fait tuer Zapata en 1919 mais est assassiné à son tour en 1920. Le Général Obregon (1880-1928) arrive au pouvoir, ce qu'on considère comme la fin de la Révolution mexicaine. Il va être le premier chef de ce qui va devenir le Parti Révolutionnaire Institutionalisé (P.R.I.). 

1920-1928 Obregon et son dauphin Plutarco Elias Calles (1877-1945) ont le pouvoir. Obregon est assassiné juste après sa réelection en pleine Guerre civile sur la question religieuse de la place du Clergé mexicain. 

1928-1934 Plutarco Elias Calles est au pouvoir et il continue la politique de laïcisation. 

1934-1940 Le Général Lazaro Cardenas (1895-1970) exile son puissant mentor Elias Calles et il exerce un mandat de 6 ans. Cardenas met en place des réformes plus radicales et est peut-être le dernier représentant de la gauche populiste ou socialiste à l'intérieur du PRI. Mais il rend ensuite le pouvoir au bout de six ans au Général Camacho et au Parti Révolutionnaire Institutionnel. 

Le PRI au nom d'oxymore devient de plus en plus modéré et va finir par mettre fin à sa politique anti-religieuse. La tradition commence d'un mandat unique de 6 ans pour tous les Présidents suivants du PRI (Camacho, Valdes, Cortines, Mateos, Ordaz, Echeverria, Portillo, della Madrid, Salinas, Zedillo). De facto, chaque Président choisit son successeur dans son entourage comme l'élection n'est ensuite qu'une formalité (même si certains des favoris non-choisis ont une tendance à créer des conflits intérieurs au PRI). 

1994 Bref mouvement "zapatiste" au Chiapas. 

2000 Le milliardaire Vicente Fox du parti conservateur PAN devient le premier Président qui ne soit pas issu du PRI depuis 70 ans. Il a 43%, le PRI a 37% et la gauche (dirigée par Cuauhtémoc Cardenas, le fils de l'ancien Président Lazaro Cardenas des années 30) a 17%. 

2006 Felipe Calderon du PAN lui succède mais avec seulement une très courte majorité (36%) devant la gauche (35%) et le PRI (22%). 

2012 Le PRI revient au pouvoir après 12 ans d'opposition avec Enrique Nieto avec 38% pour le PRI, 31% pour la gauche et 25% pour le PAN. 

2018 Andres Manuel Lopez Obrador (dit "AMLO", battu en 2006 et en 2012) devient Président pour le Parti de gauche MORENA et a un triomphe avec 53%. Le PAN est à 22% (il n'y a que dans le Guanajuato, au nord-ouest de Mexico qu'ils battent AMLO) et le PRI tombé à 16%

2024 Claudia Sheinbaum Pardo, élue de MORENA et membre du GIEC, est élue à son tour, Première femme présidente du Mexique et elle fait encore mieux qu'AMLO avec 59%. La grande coalition PAN-PRI-"centre gauche" n'est qu'à 28% !  

Sheinbaum, on croit presque à une sorte d'allégorie trop facile. Le Trumpistan voisin s'apprête à peut-être réélire un kakistocrate séditieux et violeur qui veut accélérer la destruction de la planète et le Mexique, après une longue tradition de 70 ans d'immobilisme corrompu, choisit une femme de gauche et qui a été une spécialiste du dérèglement climatique. 

Add. On peut comparer le nom du Président  Plutarco Elias Calles à ceux de quelques politiciens de l'histoire haïtienne. J'aime bien aussi le nom d'une des leaders historiques de la gauche mexicaine, Ifigenia Martinez

dimanche 26 mai 2024

Scénarios de la 3e édition de Talislanta (2)

Chronologie

Le livre de la 3e édition présentait une chronologie assez détaillée de l'an 1 à l'an 620, p. 11-13. 

Ier siècle : Le calendrier de l'Ouest commence avec la fondation de la cité de Phaedra après des années d'obscurité et de régression. Mais cet essor de la nouvelle cité-Etat de Phaedra va ensuite très vite se dissoudre dans les guerres de religion entre Orthodoxes et Paradoxistes. Les Quan conquièrent les nations en Orient et fondent leur Empire. 

Vers 150 Alors que l'Etat Phaedrien s'écroule et se divise, des Mages Phaedrans exilés fondent Cymril et commencent l'alliance connue comme Confédération des Sept Royaumes. Les Urs, Darklings et Stryx s'allient. A l'extrême-orient, les Quan commencent à utiliser le peuple Kang comme leurs janissaires. 

Ve siècle Naissance de l'Etat du Rajanistan. Les Dracartiens et Djaffirs battent l'armée du Rajanistan qui devient une théocratie fanatique et nihiliste. Des Phaedrans fondent dans le désert les trois cités de Danuvia (cité des femmes), Maruk (cité des maudits) et Hadj (cité des ruines anciennes et des riches aristocrates oisifs)

VIe siècle : La Guerre des Cultes de Phaedra s'arrête enfin avec la scission des deux Etats opposés, orthodoxe (Théocratie d'Aaman) et paradoxiste (Sultanat de Zandu). 

603 Des Cymriliens conservateurs (des Tanasiens) tentent de renverser le nouveau Roi-Sorcier libéral et le Lyceum Arcanum prend parti contre les conservateurs qui sont arrêtés ou bannis. 

612 De riches Farads rencontrent sur leurs aéronefs les Baratus, peuple de pirates volants cousins des Jakas, venus d'un autre continent. 

613 Le Tirshata unifie les tribus Za

618 Des réfugiés mandaliens révèlent à Cymril qu'après cinq siècles à les servir, les Kangs ont pris le contrôle de l'Empire Quan

619 Les marchands farads qui contrôlent aussi la riche cité de Hadj vendent des aéronefs au Rajanistan et les Dracartiens commencent alors des sanctions contre le Faradun.  

620 (Présent) Le Tirshata commence une confédération des Za avec plusieurs autres peuples d'Hommes-Bêtes. 

Ces divers peuples sauvages comprennent 14 espèces/ethnies au total, menés par les Za des Terres de Zaran : Araq, Beastmen, Chana, Daneleks, Darklings, Drukh, Harakin, Manra, Mondre Khan, Nagra, Stryx, Ur, et Yrmaniens. On a déjà mentionné le fait qu'en Urag (juste au nord de Durne), il y a les trois peuples des Ur (qui ressemblent à des ogres ou de très grands orcs), les Darklings (de petits kobolds cousins des Gnomes) et les Stryx (des vautours humanoïdes nécromanciens). Les Drukhs vénèrent la mort et la souffrance sans y mettre du sadisme, ils vivent près des collines d'Arim, à l'ouest de Durne et les Yrmaniens sont des primitifs drogués du nord-ouest. Dans les terres de Zaran, en plus des Za, on compte les Araq (des hommes-lézards, ennemis des Sauriens) et les Daneleks sont des sauvages plutôt isolationnistes des oasis). Les Hommes-Bêtes vivent plus au nord dans les Plaines de Golarin (ennemis des Jakas et qui ne s'entendent pas non plus avec les Mondre Khans). En Orient, autour de l'Empire Quan, on trouve les Chana qui sont des shamans maléfiques (ennemis des Manra ou des Nagra, sud de l'Empire Quan), les Harakins, des sauvages du désert (nord de l'Empire Quan), les Manra, des change-forme plutôt pacifiques (ennemis des Chana), les Mondre Khans (Hommes-bêtes qui luttent contre leur nature bestiale, de l'est de l'Empire Quan) et les Nagra (des chasseurs primitifs affligés par leurs sens paranormaux). 

Le Soulèvement des Hommes-Bêtes

En 1994, Robin Law publie Sub-Men Rising (120 pages), une grande aventure qui présente ces 14 peuples et leur "Tirshata", le Za qui devient leur dirigeant et prophète. Ce fut la dernière aventure publiée par Wizards of the Coast (il y avait eu aussi Quantrigue (60 pages, 1993), par Stephan Sechi et Tony Herring, une aventure pour visiter l'Empire Kang). 

Les PJ doivent jouer des agents, peut-être à nouveau du riche Kasmirien Abn Qua, qui n'est pas toujours aussi perspicace dans cette aventure. Ils doivent enquêter sur cette menace du nouveau Tirshata et une surprise du scénario est qu'on va leur proposer d'être métamorphosés en "Hommes-bêtes" pour pouvoir infiltrer leur camp. Cette métamorphose est la partie la plus intéressante comme les PJ doivent à la fois comprendre le point de vue de certaines de ces tribus (dont certaines ne sont pas si antipathiques) et trouver leurs points faibles pour dissoudre leur alliance. 

Le supplément comprend 45 pages sur les 14 peuples et l'aventure proprement dite occupe environ 40 pages. Je ne vais pas gâcher tous les secrets de l'aventure mais le final peut devenir épique. Ce n'est qu'en enquêtant sur le Tirshata (et les autres dirigeants de la Horde) que les PJ pourront éventuellement trouver ses secrets qui pourrait mettre fin au danger du Grand Soulèvement qui risque de détruire toutes les civilisations talislantiennes. 

Le supplément propose une autre chronologie des événements futurs qui arriveraient pendant 5 ans après 620. 

622 La Confédération commence à accumuler des armes qui viennent cette fois aussi des riches trafiquants de Faradun (et non plus d'un Traître Cymrilien comme dans The Scent of the Beast). Les Rajans proposent une alliance avec les Hommes-Bêtes en échange de leur soutien contre Carantheum. 

623 Début de la Guerre. Ils attaquent la frontière des Sept Royaumes. [Est-ce autour de cette date que Danuvia est détruite d'après la 6e édition, ainsi que Maruk et Hadj ?]

624 Mobilisation générale des Sept Royaumes et troupes réunies sur la Muraille de Kasmir. 

625 Assauts en Durne sous la terre. Fin de la campagne si les PJ réussissent enfin à trouver les secrets de la Horde. Sinon, les Hommes-Bêtes finiraient par vaincre les Sept-Royaumes un par un. 

samedi 25 mai 2024

Scénarios de la 3e édition de Talislanta (1)

En 1992 (5 ans après sa 1e édition), Talislanta, le monde de Stephan Michael Sechi, fut repris par une maison d'édition encore peu connue, Wizards of the Coast (c'était un an avant qu'ils ne publient Magic). Cette version, la 3e (qui est disponible gratuitement sur le site Talislanta) fut co-écrite par Jonathan Tweet (co-auteur d'Ars Magica en 1989 qui devint plus tard un nouvel auteur de D&D3). Une des qualités est que Tweet et ensuite Robin Laws développèrent plusieurs scénarios pour Talislanta et je crois qu'il n'y en avait pas eu auparavant (sauf peut-être dans des revues ?).  

La 3e édition avait aussi commencé plusieurs "metaplots" de campagne pour mieux relier les divers endroits du continent, dont l'Insurrection des Sub-Men (terme malheureux). Ce soulèvement consiste en l'unification des divers peuples nomades ou agressif du centre du continent de Talislanta (dont tous ne sont pas exactement "maléfiques"). Les autres intrigues sont la guerre entre Rajanistan (la civilisation des Assassins) et le Carantheum (la cité des alchimistes du désert, alliée de Cymril), et les sujets en révolte contre l'Empire Kang de la côte orientale. 

Dans le Talislanta Guidebook (344 pages), Tweet (je présume que c'est lui) a écrit une aventure d'introduction de vingt pages, "The Magical Fair " (p. 294-316, voir aussi le Bazar p. 234). Le but est de trouver un prétexte pour apprendre différentes règles et de rencontrer sans trop de risques de nombreux PNJ venus de tout Talislanta au cours de la grande Foire dans le Bazar de Cymril (du 1 au 14 Phandir, à la fin de l'été). Les PJ peuvent y faire un tour en aéronef, parier sur des combats de sorciers cymriliens ou prendre part à des tournois de tir à l'arc vardunien, défis d'escalade sur du cristal dornien. C'est plus "picaresque" qu'"épique" sauf peut-être une des attractions de la foire, un jeu virtuel dans le jeu (une illusion d'aventure contre les Za) qui peut cumuler un sentiment d'aventure classique mais sans les dangers. Les PJ doivent finir par y rencontrer Abn Qua, un Usurier Kasmirien de Cymril (voir sa demeure p. 242) qui doit devenir leur mécène pour les aventures suivantes. Pour un MJ débutant, cela peut poser quelques problèmes car il y a de très nombreuses espèces présentes et il faudrait donc bien indexer chaque exemple pour décrire les PNJ (sauf si vous savez déjà par coeur qu'une Thaecienne a une peau argentée et des cheveux bleus foncés). 

The Scent of the Beast (72 pages) par Jonathan Tweet reprend les PJ comme agents d'Abn Qua et lance la campagne qui doit opposer les PJ au Soulèvement des Sub-Men. Ils sont envoyés de la capitale de Cymril vers Tordan (une petite ville de 5000 âmes sur une mesa dans la Technocratie de Sindar) pour enquêter car les objets volés par les Hommes-Bêtes apparaissent dans les marchés des Royaumes, ce qui implique un marché clandestin entre certains trafiquants ou contrebandiers avec les Hommes-Bêtes. Ils iront dans une Barge (une sorte de navire qui roule sur la terre) pilotée par un Danelek (Terres sauvages, voir GB p. 70) et un Technomancien Yassan (Désert rouge, GB p. 89). L'enquête exploite bien l'énorme diversité des espèces. 

NB : "La Foire magique" fut disponible en pdf en VF sur le (défunt) site des Ludopathes et "le Parfum de la Bête" fut traduit dans leur VF de Talislanta de 2005 p. 300-337 (sous une forme un peu synthétisée). 

jeudi 23 mai 2024

Les Sept Lunes de Talislanta

Je viens de remarquer en relisant Talislanta une ressemblance entre ce monde et celui de Jorune sur les Lunes. 

Le monde de Jorune 7 Lunes de sept couleurs différentes ((1) Shal, Bleue (2) Ebba, Argentée (3) Du, Ambrée (4) Gobey, Noire (5) Desti, Rouge (6) Launtra, Verte (7) Tra Blanche) qui fondent toute sa magie. 

Chacune de ces lunes a son propre cycle et ce n'est pas un calendrier perpétuel... C'est le cycle de Shal la bleue (40,5 jours) qui fonde le "mois" du calendrier (l'année ne fait que 324 jours, 89% de la nôtre - on est certes loin de l'année gloranthienne qui ne fait que 81% de la nôtre). 

Talislanta a aussi deux Soleils (un grand et un petit) et Sept Lunes qui déterminent tout le calendrier de la planète et aussi des associations comme des "signes" astrologiques lunaires ou des symboles de cartomancie. 

Les 7 Lunes de Talislanta (l'ordre des mois correspond de manière mnémotechnique aussi à l'ordre alphabétique, contrairement à l'ordre jorunien) sont : Ardan (Violette, Passion), Drome (Ambre, Paix), Jhang (Ecarlate, Colère), Laeolis (Bleue, Chagrin), Phandir (Verte, Mystère), Talisand(r)e (Argentée, Chance) et Zar (Noire, Mal). L'année est divisée en 7 Mois lunaires et chaque Mois dure 7 semaines, soit 49 jours. L'année fait donc 343 jours au total (94% de la nôtre). Le calendrier si régulier n'est pas très "réaliste" mais plus pratique en termes de jeu que celui de Jorune. 

On distingue trois saisons sur Talislanta : le Printemps (98 jours, deux mois d'Ardan et Drome), l'Eté (147 jours, trois mois : Jhang, Laeolis, Phandir) et l'Autome (98 jours à nouveau, Talisandre et Zar). 

Au début du mois de Phandir commence la Grande Foire Magique de Cymril, qui était le scénario introductif qui se trouvait dans la 3e édition (qui fut une des plus riches éditions en contenu même si les suivantes sont plus belles). 

mercredi 22 mai 2024

Jésus et le Dragon

Après Ali et le Dragon, le hasard me fait découvrir ces images. Dans l'Evangile du Pseudo-Matthieu (écrite très tard, peut-être même vers l'époque Mérovingienne, V-VIIe siècle), Jésus fuyant vers l'Egypte et encore très jeune aurait apprivoisé (en plus de loups et de lions) des Dragons

"Comme ils étaient parvenus à une grotte et voulaient s'y reposer, Marie descendit de l'ânesse et s'assit, tenant Jésus sur ses genoux. Or il y avait trois jeunes garçons qui accompagnaient Joseph et une jeune fille avec Marie. Et voici que soudain, de la grotte, sortirent de nombreux Dragons, ce que voyant, les enfants poussèrent des cris de terreur. Alors Jésus, descendant des genoux de Marie, se dressa devant les Dragons ; et ceux-ci l'adorèrent, puis s'en allèrent. Ainsi fut accompli ce qui a été dit par le prophète David : "Sur la terre, louez le Seigneur, vous Dragons et tous les abîmes."
Et l'enfant Jésus, s'avançant vers les monstres, leur ordonna de ne faire aucun mal aux hommes. Mais Marie et Joseph craignaient fort que l'enfant fût blessé par les Dragons. Mais Jésus leur dit : "Ne craignez pas, et ne me considérez pas comme un enfant. Car j'ai toujours été un homme fait, et il convient que toutes les bêtes fauves des forêts s'adoucissent devant moi."


La "prophétie de David" fait référence au Psaume 148 : 7 en latin dans la Vulgate "Laudate Dominum de terra, dracones et omnes abyssi" (Loué soit le Seigneur depuis la Terre, dragons et toutes les créatures des abysses). Le texte hébreu du Psaume dit : 

הַֽלְל֣וּ אֶת־יְ֭הֹוָה מִן־הָאָ֑רֶץ תַּ֝נִּינִ֗ים וְכׇל־תְּהֹמֽוֹ

hal-lū et Adonai min Haaretz, tan-nî-nîm, v'-kol tehomot   

תנין (tannin) est plutôt traduit aujourd'hui comme "un monstre marin" et plus "dragon".

Via, on voit l'enfant Jésus tapotant la tête du Dragon sorti de sa caverne. 


Via L'aMusée sur Mastodon : Jésus adulte apprivoise diverses bêtes dont un tout petit Dragon, difficile à voir au milieu des oiseaux. 

Moretto da Brescia, Jésus dans le Désert, 1520

Dans la Légende dorée, St Matthieu va jusqu'en Ethiopie, au pays de Candace, et rencontre un sorcier (ou bien deux sorciers) qui est venu avec deux Dragons qui crachent du souffre. St Matthieu se dit alors protégé par le signe de croix et il endort les deux Dragons avant de les exorciser hors d'Ethiopie. On remarque que dans les deux cas, Evangile du Pseudo-Matthieu comme dans la Légende de St Matthieu, le rapport au dragon n'est pas violent : on l'amadoue ou bien on se contente de l'endormir ou de le bannir sans le tuer. 

Détail de la Vie de Matthieu, Galerie des Offices, 
Orcagna (Andrea di Cione) & Jacopo di Cione: c. 1367-70


Gabriel MälesskircherMiracle de Matthieu face aux Dragons (1478)

Add. Les IA sont une plaie. Quand on cherche des images de Jésus avec des Dragons, on n'obtient plus que des combinaisons maladroites par ordinateur. 

lundi 20 mai 2024

La 6e édition (ou "édition finale") de Talislanta

L'univers de Talislanta  est publié depuis environ 37 ans. L'auteur Stephan Michael Sechi (qui a l'air incroyablement généreux) a mis depuis des années tous ses documents gratuitement en ligne (de la 1e à la 5e édition, avec même quelques inédits par des fans) mais il a sorti la 6e et Ultime édition (avec adaptation à la 5e édition de D&D) qui a l'air superbe. Le foulancement est fini et le nom est parfois un peu confus quand on y parle de "Talislanta 5e". 

L'idée de départ de Talislanta était un univers qui abandonne les clichés tolkiéniens (d'où le slogan "No Elves" même si j'ai toujours trouvé qu'ils devraient plutôt dire que c'est un jeu sans être humain !). L'auteur Stephan Michael Sechi, qui vivait de sa carrière musicale comme saxophoniste, écrivait ses chroniques talislantiennes comme une sorte de Marco Polo Jack-Vancien voyageant à travers des sociétés extraterrestres. Les sociétés ressemblaient souvent à des parodies poussées à l'extrême (par exemple la Théocratie d'Aaman qui est une satire anticléricale où la monnaie est une forme d'Indulgence et où les habitants dévots sont obsédés par l'idée de ne pas désobéir aux innombrables règles tatillonnes du Clergé fanatique et tout puissant). Une caractéristique de ce monde est son nombre très élevé d'espèces intelligentes distinctes. 

Un défaut peut-être à mes yeux est que c'est un monde de sword & fantasy (comme chez Leiber ou dans T&T) qui ne se fonde pas tellement sur une mythologie. Les dieux n'y sont que des démons extra-dimensionnels pour la magie, pas vraiment des principes métaphoriques ultimes de la réalité. Un autre petit reproche est que toutes les régions ne sont pas toutes aussi également originales. L'Ouest fut créé d'abord et reste le plus intéressant. L'Empire Khang en Orient est hélas une version sans grand intérêt d'un Empire mongol. Il reste que de nombreuses cités de ce monde sont sans équivalents, comme cette ville maudite de Maruk où tous les habitants sont persuadés d'avoir de la malchance et où toute l'économie est fondée sur des prétendus talismans porte-bonheur. 

L'histoire du monde a un peu évolué depuis quelques années : les raids des nomades et hommes-bêtes (Araq, Manra, Mondre Khan, Ur, Za... conduits par le Tirshata Zairat Zagor dans les années 620) ont attaqué l'Occident et certaines cités comme l'ancienne Danuvia (rebaptisée Zaran) ont été ravagées. Les nations de l'Ouest ont finalement mis fin à l'invasion de la horde. La Confédération des 7 Royaumes s'appelle désormais la Confédération des Neuf comme elle a absorbé deux nations d'Exilés chassés par les nomades, les Jakas félins et les guerrières Danuviennes. 

Les Neuf Royaumes (qui sont parfaits comme pays de départ pour les PJ, étant donnée leur stabilité) comprennent : 

Astar : Anarchie. Forêt de petites fées volantes et insouciantes appelées les Muses
Cymril : Magiocratie. Les Cymriliens sont des humanoïdes à la peau verte et font de bons sorciers. La cité de Cymril est à la fois le centre des Neuf Royaumes, port de ses nefs volantes, et la principale université magique. 
(Nouvelle) Danuvia : Timocratie/gynécocratie. Les veuves guerrières alliées aux clones de Taz qui leur ont laissé l'est de leur territoire. Leurs compagnons mâles danuviens furent tous exterminés pendant la guerre récente. 
Durne : Monarchie. Gnomes mineurs qui vivent sous la terre et doivent porter des lunettes à la surface (voir Jakar). Ils pratiquent la Cristallomancie
Jakar : Anarchie. Hommes-panthères noires. Les clans (sans chef) se sont installés récemment à la surface du royaume de Durne en fuyant le soulèvement des nomades. 
Kasmir : Ploutocratie dans un territoire aride à la frontière orientale avec les Steppes sauvages. Ascètes frugaux. Spécialistes en pièges magiques élaborés (la "Trapmagic", thereuomagie ?), ils sont les gardiens des trésors, des banques et de la Grande Muraille de l'Est. 
Sindar : Technocratie. Extra-talislantiens à deux cerveaux autonomes, ils sont géniaux mais sans magie. Leur système politique est fondé sur des tests intellectuels avec des jeux de réflexion en 4D. Chaque Sindarien est un collectionneur d'objets rares (parce qu'ils recherchent tous les épaves de leur vaisseau). 
Taz : Timocratie. Pays de clones guerriers des deux sexes, les "Serfs" (Thralls), tous indiscernables et qui se couvrent toute la peau de tatouages multicolores pour obtenir leur individualité. Ils ne peuvent pas faire de magie.  [Corr. La VF de 2005 traduit "les Affranchis", ce qui inverse le sens mais n'est pas absurde en effet.]
Vardune : Oligarchie. Aviens qui vivent au faîte des arbres (divisés en Aériades verts et en Aériades bleus plus rapaces). Ils sont les meilleurs herboristes ("Botanomanciens"). Ils vivent à côté des fanatiques intolérants d'Aaman (mais ceux-ci sont surtout occupés à persécuter leur propre population). 



L'armée de la Confédération est surtout composée de Serfs de Taz, de chasseurs Jakas et de chasseurs Aeriades bleus de Vardune, ou de Vaisseaux volants de Cymril. 

Les Kasmiriens peuvent gêner un peu. Pas à cause de leur nom qui ressemble trop à Kashmir mais à cause des associations malheureuses en fantasy d'un peuple de banquiers avares (comme les Gobelins de Rowlings), mélange de Fremen (ils sont avares parce qu'ils vivent dans un désert et leurs noms sonnent un peu arabes, comme "Abn Qua le Prêteur") et d'Oncle Picsou (ils vivent tous dans des forteresses remplies de pièges où ils ne dépensent jamais rien). Il paraît qu'ils ont retiré dans cette 6e édition les Sarista (qui ressemblaient trop aux Roms) et aussi les Batreans (qui étaient un cliché de fantasy dans leur dimorphisme sexuel entre mâles stupides et femelles séductrices). [Correction : Non, les Sarista sont toujours dans l'Atlas p. 94-97] De manière générale, Talislanta a une tendance à créer une nouvelle espèce pour chaque classe sociale ou profession. 

La carte des Sept Royaumes de la 5e édition dans Hotan's History of the World était plus détaillée : 



dimanche 19 mai 2024

Ali et le Dragon

Selon une tradition chiite, leur imam ʿAlī  (ʿAlī ibn Abī Ṭālib) (600-661) aurait tué un dragon, comme St Georges et les deux mythes viennent peut-être d'une tradition perse antérieure (comme les Perses ont de nombreuses légendes où les Rois et héros tuent des Dragons comme symbole du mal, comme le Troisième Travail de Rostam, cf. le thème folklorique du Tueur de Dragon, Arne-Thompson n°300). La Perse a l'originalité d'avoir à la fois des Dragons complètement maléfiques (sans influence des serpents sages d'extrême orient) et une influence chinoise dans la manière de les représenter graphiquement. 

La légende existe par exemple dans une version recueillie par des folkloristes russes dans le nord de l'Afghanistan (région de Badakhshan), mais cela semble plus large. 

Ali affronte divers démons et rois diaboliques (parfois avec l'aide de sa femme Fatimah qui lui purifie son sabre) et il rencontre ensuite une jeune fille qui lui dit qu'elle va être sacrifiée à un Dragon. Il dit qu'il va occire le monstre mais qu'il va d'abord se reposer en se couchant à ses côtés mais il lui demande de le réveiller si le Dragon arrive. Le monstre arrive mais la jeune fille est trop paralysée par la terreur pour rien dire. Heureusement, une larme tombe de ses yeux et réveille le cousin et gendre du Prophète. Il tue alors le dragon avec son célèbre sabre Ḏū-l-Faqār. D'où la formule :

لَا سَيْفَ إِلَّا ذُو ٱلْفَقَارِ وَلَا فَتَىٰ إِلَّا عَلِيٌّ 
lā sayfa ʾillā ḏū l-faqāri wa-lā fatā ʾillā ʿAlīyun
"Il n'y a pas d'autre épée que Zulfiqar, et pas d'autre héros qu'Ali"

Les parents de la jeune fille sont au début déçus qu'elle ait survécu, croyant qu'elle n'a fait que fuir et que le Dragon est toujours vivant. Ils ne sont rassurés que lorsqu'ils comprennent que c'est Ali qui l'a sauvée. 

Ce Dragon semble n'avoir aucun lien avec la "Bête" (Dabbah) de la sourate de la Fourmi dans le Coran. Dans une version, ce Dragon d'Ali aurait sept têtes comme une Hydre. D'énormes rochers ronds seraient ce qui reste de ses yeux. 

Dans une autre version, la population locale utilisait le Dragon (ou un "serpent") pour détecter les femmes infidèles : on offrait les enfants au monstre et il ne dévorait que les enfants bâtards nés d'une union illégitime de la mère. La population aurait même reproché à Ali de leur avoir retiré ce test en tuant le dévorateur de bâtards. Il leur aurait répond que seuls les enfants légitimes reconnaîtront Ali comme l'envoyé de Dieu. 

La version de la première illustration (tirée de là) vient de l'épopée religieuse Ḵāvarān-nāma (Khāvar-nāmeh) de Ebn Ḥosām Ḵūsfī vers 1426. Il y a plusieurs cités iraniennes qui s'appelllent Khavaran. Ali y affronte aussi des loups-licornes, des fourmis géantes ou des amazones. 

’Ali contre le dragon, Farhâd Shirâzi, Khâvarân-Nâmeh, 1476-86, Palais du Golestân



Add. 
Pour comparaison : Rostam tuant le dragon avec son cheval Rakhsh



vendredi 17 mai 2024

Les Quatre Gardiens d'Islande

 Via

Le Roi Harald Gormsson à la Dent Bleue, Roi du Danemark (oui, celui dont la Rune sert de symbole pour le Bluetooth), voulait conquérir l'Islande à la fin du Xe siècle. Il envoya un magicien. 

Celui-ci se transforma en baleine et vint par l'Est de l'île au Fjord des Armes où il fut arrêté par un Dragon (Dreki), suivi par des serpents.

Il repartit vers le Nord par le Fjord de l'Île mais il fut arrêté par un Aigle (Gammur). 

Il tenta de repasser par l'Ouest par le Vaste Fjord mais il fut arrêté par un Taureau (Griðungur). 

Il repassa par le Sud, par le Fjord des Sables mais il fut arrêté par un Bergrisi (un Géant des Montagnes), qui tenait un bâton de fer. 

Le sorcier revint dire au Roi Harald que l'Islande était trop bien protégée par des esprits tutélaires. La Norvège finira par reprendre le contrôle des clans d'Islande au cours du XIIIe siècle. 

Les quatre Gardiens  (" landvættir "), Dragon, Aigle, Taureau, Géant gardent donc les quatre directions (par coïncidence un peu comme en Chine le Dragon d'azur de l'Orient, l'Oiseau vermillon du Sud, le Tigre blanc de l'ouest et la Tortue noire du nord. On remarque la ressemblance avec les Quatre Animaux bibliques (Lion, Aigle, Taureau, Ange) et Snorri, qui raconte la légende dans le Heimskringla, vit dans une période déjà christianisée depuis deux siècles. Il n'y a en revanche pas d'association "élémentaire" claire. Je me demande si la statue parisienne Le défenseur du temps (1979) est aussi une allusion (le Géant défend le Temps contre trois créatures, un dragon, un oiseau et un crabe, représentant respectivement la terre, le ciel et l'eau). 

Les 4 gardiens sont sur le blason officiel des armoiries du pays et sur les Couronnes Islandaises. 




Mais le blason de l'équipe de football d'Islande avec les landvættir déplace un peu l'ordre par souci de symétrie graphique entre l'Aigle et le Dragon, en mettant le Géant en haut et pas au sud ou le Taureau au sud au lieu de l'ouest. 


mardi 14 mai 2024

Les icônes vieillissent aussi

Oui, Bobby le Barbare a pris quelques années dans cette illustration par Dmitry Burmak pour la prochaine édition du Player Handbook de D&D (via) - les trois autres sont Hank le Ranger, Diana l'Acrobate et Presto le Magicien. 

Je n'aime même pas tellement D&D et ce dessin animé n'était pas terrible (notamment le choix absurde d'utiliser en priorité les classes d'Unearthed Arcana comme le Cavalier et l'Acrobat parce que Gygax voulait faire de la pub pour le pire de tous ses suppléments) mais je trouve cette illustration très efficace dans son utilisation de la fantaisie de portail (異世界) et le rapport à l'enfance : le groupe de ces enfants tombés dans l'univers de D&D a tout de suite un aspect allégorique (même si DIE l'a rendu assez sinistre). Ce ne sont pas des "aventuriers", ce sont des PJ

Ils étaient déjà apparus dans les illustrations du récent Starter Set Dragons of Stormwreck Island (avec l'ajout de ce qui semble être une cleric à la place de Sheila la Voleuse ?). 






Le Faire semblant et la simulation mathématique

C'est en partie un accident historique que les jeux de rôle aient été d'abord nerdy et matheux dans les années 1970-1990 parce qu'ils dérivaient plus de la représentation du Kriegspiel que du théâtre d'improvisation. Peut-être que le ressentiment de certains joueurs old school (Gygax dénonçant ce qu'il appelait "amateur thespianism") devant l'arrivée des goths des jeux White Wolf venait en partie de cet élargissement enfin accompli avec une nouvelle base - bien que ces jeux puissent paraître encore assez "simulationnistes" aujourd'hui. 

Mais même dans la plupart des jeux dits "narrativistes" ou même des jeux sans dé, l'idée de représentation mathématique demeure assez centrale dans notre idée moderne d'un "jeu". 

image trouvée


samedi 11 mai 2024

Zeppelins over New York

 c'est un genre (déjà parlé ). Je préfère les versions où ce n'est pas encore l'Hindenburg (1936-1937) avec sa svastika (la couverture du New Yorker est de mai 1930 en revanche). 





Dans cette liste de catastrophe d'aéronefs (où l'Hindenburg n'est qu'un élément parmi d'autres, le crash de l'USS Akron en 1933 fit bien plus de morts), on lit que la même année 1902, le dirigeable Pax tomba sur Paris (seuls les deux passagers moururent) et que quelques mois plus tard une nacelle de ballon tomba sur la ville de Stains avec à son bord le diplomate allemand Baron Ottokar Bradský von Labouň (1866-1902). 

The Green Lantern (2019-2021)

Grant Morrison écrivit (avec l'excellent dessinateur britannique Liam Sharp) environ 25 épisodes de Green Lantern (repris en 4 TPB, Intergalactic Lawman, The Day the Stars Fell, The Green Lantern Season Two Volume 1 et Volume 2: Ultrawar) et je ne connais pas de meilleure analyse de son run que ce long fil sur twitter par le critique Darren Mooney que j'aurais du mal à résumer. 

J'avais bien remarqué que Grant Morrison commençait par une parodie de série policière et une reprise de nombreuses histoires oubliées de l'Âge d'argent mais je n'avais pas vu l'importance de la parodie politique où Morrison semble dire à la fois qu'il garde de l'affection pour les vieux comics de superhéros mais reconnaître de manière "méta-référentielle" le reproche d'Alan Moore selon lequel les comics de superhéros (et peut-être plus encore les comics DC) se sont enfermés dans une boucle toxique,  et réactionnaire dans sa "nostalgie". 


DC est tellement "méta-réferentiel" que tout son multivers ne semble plus parler que de lui-même et Morrison semble moins optimiste que dans son si obscur Final Crisis sur la possibilité de sortir de ce trou noir créatif où Green Lantern recycle et consomme à nouveau les mêmes histoires. 

Add. C'était un peu bref. 

Le run de Morrison part de Green Lantern en policier - mais comme Morrison se dit anarchiste, il veut changer ce "policier" de l'espace en une force du Libre arbitre contre l'Ordre oppressant (et parasitaire - Morrison est obsédé par le thème des vampires) des Contrôleurs. 

Tout le côté si décrié de Hal Jordan, son apitoiement sur lui-même, ses tergiversations où il n'arrive jamais à se stabiliser devient dès lors assez métaphorique comme Scott Free dans Mister Miracle. Hal ne peut pas se stabiliser, il n'a rien d'un Judge Dredd, il finit souvent en clochard nomade. Hal Jordan n'est pas seulement un Dirty Harry, le flic qui brise les codes formels au nom de sa conception individuelle du bien et qui finirait donc de l'anarchisme vers le fascisme. Hal devient une goutte de Chaos dans la fonction de l'Ordre.  Hal explique que sa fonction prévue par les Gardiens est de se rebeller contre leur autorité. Superman ou Wonder Woman sont fondamentalement bons, Batman est juste, Green Lantern, en tant qu'avatar de la Volonté, est l'aspect de liberté dans la Loi. 

Les Gardiens sont d'habitude trop souvent réduits à des figures d'autorité pleines d'hubris. Ils perdent ici un peu de leur volonté de puissance panoptique face aux Contrôleurs et à leurs "Etoiles Noires" (qui remplacent avantageusement Darkseid comme figure de l'annihilation de la liberté).

Morrison reprend un McGuffin omnipotent, la Machine à Miracle (créée à l'origine par les Contrôleurs dans la Légion des superhéros). La Machine à Miracle devrait être la négation de toute histoire comme elle ne se contente pas de quelques modifications, elle peut altérer toute la réalité, rebooter tout le Multivers. Hal Jordan devient une volonté libre qui veut s'affirmer face à cette Puissance absolue. Rarement Morrison sera autant revenu vers les thèmes métaphysiques aussi directs à la Jim Starlin. 

La "Lanterne d'Or" est un Don Quichotte cosmique de l'univers de Terre-11. C'est assez amusant de remplacer le "Merlin" Omniversel tyrannique (chez Alan Moore et Marvel dans Captain Britain) par un Don Quichotte fou qui se prend à tort pour un Arthur multiversel. Le thème du McGuffin ou du Saint Graal devient dès lors ridiculisé quand Hal Jordan dévoile que la Lanterne d'Or ne semble au début avoir aucun Graal. 

Le thème des Vampires est réactivé avec les Mangeurs de Soleil, dont on apprend qu'ils sont l'évolution ultime des Vampires cosmiques (mais je ne vois pas bien en quoi des parasites qui craignent la lumière peuvent devenir des parasites des soleils). On avait déjà dans Final Crisis comment les Monitors étaient devenus des parasites en consommant en fait les Terres qu'ils devaient "contempler" et la Dame Belzebuth de cette série est révélée comme la fille du Mandrakk de Final Crisis. Les Contrôleurs utilisent les Mangeurs de Soleil comme l'arme ultime et ils parasitent donc les vampires en les élevant comme leurs monstres. Les Contrôleurs sont une évolution de la Justice vers une forme de nihilisme (j'ai déjà fait remarquer les analogies entre le Nekron de Green Lantern et le personnage de Judge Dredd créés simultanément et avec le même dessinateur Brian Bolland). 

Il faut reconnaître une chose dans ce run, les Guerres cosmiques qui se succèdent (Guerre contre les Mangeurs de soleil, Guerre contre les Etoiles noires...) réussissent à maintenir quelque chose d'épique malgré le risque de la répétition. 

Add. 2 Hal le Womanizer


La série revisite de nombreuses ex-petites amies de GL et semble même s'en servir pour articuler les chapitres. Hal Jordan a changé tellement de relations amoureuses (un peu comme Peter Parker) que cela en devient une de ses caractéristiques, une marque ce son instabilité chaotique qui vient compenser la Loi en lui. 

Le tableau ci-dessus ordonne Sept amies selon un "spectre" des couleurs de la création. Depuis le choix de Geoff Johns de créer plusieurs couleurs de Lanterne en plus des saphir-violets ou des anneaux-jaunes, le spectre des couleurs visibles est censé représenter aussi une catégorisation des affects fondamentaux de l'univers. 

En commençant par le rouge, on a donc d'abord Olivia Reynolds (Green Lantern 71, 1969), qui eut le rapport le plus agressif et conflictuel avec Hal comme sa rivale commerciale avant qu'on découvre qu'elle abritait en elle une puissance psychique qui ne pouvait s'y trouver que tant qu'elle restait inconsciente (et Morrison a réutilisé les histoires où Hal était vendeur de jouets et s'opposait à Olivia). Joan Colby est la fille d'un patron d'hôtel dans l'Idaho dans Green Lantern n°50 (1967) qui semble fournir un très éphémère "rebound" après la séparation avec Carol Ferris. Jill est Jillian Pearlman, une femme pilote du passé de Hal (mais créée seulement en 2005 dans un des reboots de GL) qui serait donc le double de Hal dans son aspect aventureux. Carol Ferris est mise la plus au centre comme la femme la plus importante de la vie de Hal et membre du Corps. Eve Doremus fut créée dans Green Lantern n°58, 1968 et est réapparue au début du run de Morrison et elle était encore (comme Joan ou Carol) une fille d'un riche entrepreneur. Dorine Clay (Green Lantern n°36) était une extraterrestre qui résistait au contrôle mental des tyrans télépathes de sa planète et est donc associée à la force de la volonté mais aussi au voyage spatial (elle l'accompagne un peu dans GL 160-162). Et enfin, Kari Limbo (Green Lantern n°117, 1979) était une femme dotée de pouvoir pré-cognitif et l'ex-fiancée de Guy Gardner qui faillit même épouser Hal Jordan (dans Green Lantern n°122) avant que Hal ne retrouve la trace de Gardner qu'on croyait mort. 

Il en manque bien sûr plusieurs, comme Arisia (la Green Lantern de Graxos IV) que les scénaristes et lecteurs de GL préfèrent oublier depuis qu'une histoire a décidé qu'elle était mineure quand elle avait rencontré Hal. On pourrait même compter une brève histoire avec Power Girl au moment de Justice League International (Justice League of Europe n°50, 1993) et Zero Hour n°2 (1996) même si elle a dû être annulée (et même l'enfant de Power Girl fut ensuite retconné comme une parthénogenèse issue du matériel génétique d'un démon du Chaos - c'était l'époque où la Kryptonienne de Terre 2 était censée être un avatar d'un Seigneur atlante de la Loi et où le scénariste Gerard Jones imita une des pires histoires de Marvel concernant Ms Marvel). Dans la série de Morrison, Hal a une brève aventure avec Olaqua une infirmière extraterrestre assez peu humanoïde sur l'hôpital de Sector General/Hippocrates et même avec une Vampire destructrice. On ne peut pas reprocher à Hal Jordan du spécisme, dans ses attirances sexuelles, ce qui est peut-être normal pour un Green Lantern. 

Add. 3 La fantasy

Athmoora est une planète du secteur 2814 (étoile 61 Cygni à 11,4 années-lumière de Sol), bloquée à une étape médiévale (Green Lantern n°16, 1962). Je crois que c'est surtout l'occasion pour Morrison de permettre à l'incroyable Liam Sharp de développer son propre style personnel, qui tient plus ici d'une fantasy britannique dans le style de Simon Bisley. 

Morrison fait l'effort de créer toute une carte développée de ce monde médiéval d'Athmoora.