mercredi 31 mai 2017

Mythes et Lieux communs


Tomber de Charybde en Scylla
A cause de l'utilisation par La Fontaine dans sa fable (la Vieille et les deux servantes), on oublie le sens originaire rigoureux car on entend souvent cela comme "aller d'un mal vers un mal au moins équivalent (voire "de mal en pis") alors que dans l'Odyssée Scylla (l'hydre-chienne) est un moindre mal que Charybde (le gouffre). Ulysse (ou Circé) fait le calcul utilitariste de sacrifier 6 marins pour sauver tout son bateau. Mais cela sonnerait bizarre de dire "Préférer Scylla à Charybde".

Cassandre
La dérive est moins inversée. L'expression finit dans l'usage par être souvent utilisée ironiquement (comme une forme de pessimisme excessif, par exemple quand on se moque des "Cris de Cassandre" ou "Jouer les Cassandre") et non pas littéralement (comme une annonce véridique mais à laquelle personne ne croit).

Narcisse
En revanche, dans cet exemple, l'interprétation habituelle de notre époque paraît une construction élaborée. C'est Freud qui, après le Complexe d'Oedipe, a repris le "Narcissisme" (ce qui n'est pas exactement un "Complexe" de Narcisse) à travers sa théorie des choix d'objets du désir.

Narcisse n'est qu'un des cas où le mythe s'est transformé en nom d'un syndrome. Jung a tenté un Complexe d'Electre (Oedipe au féminin comme elle veut tuer sa mère - on a pu parfois aussi l'appeler Complexe d'Antigone car elle veut protéger son père mais c'est trop ambigu - j'avais aussi mentionné un complexe de Créon) et d'autres psychanalystes ont utilisé Complexe de Jocaste (ou parfois Complexe de Phèdre), Complexe d'Icare (ambition mégalomane auto-destructrice), Complexe de Pygmalion (désir de dominer et transformer l'autre sujet), Syndrome de Cassandre (crainte de ne pas être cru ? voir plus haut) ou, pour passer à un mythe biblique, Complexe de Jonas (crainte ou refus de s'accomplir). Une comédie française de boulevard l'après-guerre parodiant la psychanalyse s'appelait le "Complexe de Philémon" (désir névrotique de rester toujours loyal et inséparable). Sartre avait utilisé dans l'Être et le Néant l'expression de Complexe d'Actéon (être saisi par le fait d'être vu comme voyeur). Bachelard a adoré multiplier les "Complexes" dans sa psychanalyse de l'imaginaire comme le Complexe de la Méduse (être pétrifié par le regard) ou d'autres formes non-tirées de la mythologie (Complexe de Harpagon, Complexe d'Ophélie...). Personnellement (je ne crois pas l'avoir vu quelque part), j'ai souvent appelé "Complexe de Cordélia" (par référence au Roi Lear), le fait, que ce soit par orgueil ou par excès d'humilité, d'avoir honte de montrer de l'affection ou de l'admiration envers quelqu'un de crainte de paraître le flatter ou le manipuler.

François Roustang se moque dans La Fin de la Plainte du Narcissisme au sens freudien en disant que le vrai Narcisse ne tombe amoureux de lui-même que parce qu'il commet l'erreur de la réflexivité et que le vrai avertissement du mythe (dans le texte d'Ovide) serait donc de se défier de la recherche de la Connaissance de soi (alors qu'au contraire Psyché, elle, part à la recherche de la Connaissance du Désir de l'Autre quand elle veut voir Eros).

Mais malgré ce paradoxe de Roustang, l'usage courant me semble défendable. Narcisse tombe certes amoureux de son reflet sans savoir que c'est lui mais il est si distant avec Echo qu'on peut penser que même pour les Anciens ils devaient l'associer à une forme d'égotisme et pas seulement des pièges théoriques de la conscience. L'expression de "stade du miroir" a été inventée par Henri Wallon en 1931 dans un sens cognitif (le sujet se reconnaît-il ?) alors que chez Lacan après Wallon l'expression est liée non pas seulement à la Conscience de soi mais aussi au Désir de soi ou de son image avec l'intermédiaire d'un regard d'autrui (puisque Lacan est influencé, comme toute la philosophie française des années 1940, par l'interprétation kojévienne de Hegel où le Désir fonde le rapport à l'intersubjectivité).

samedi 27 mai 2017

Comme l'eau du Léthé qui va muette et noire


Ce que j'aime le plus est la mythologie. Mais en vieillissant, je me rends compte que j'ai trop confiance en ma mémoire (qui était relativement bonne, il y a deux décennies) et que j'ai de plus en plus de faux souvenirs, des croyances trompeuses même en mythologie grecque qui était le seul domaine (en dehors des comic books et des jeux de rôle) où je me considère plutôt compétent. Mes souvenirs en se dégradant deviennent souvent très... "imaginatifs". C'est une impression étrange de devoir se défier tout le temps de ce qu'on croit savoir parce qu'on a l'impression fausse de se souvenir non seulement de l'information mais de la source d'acquisition. Je préférerais avoir oublié complètement que de commettre ainsi si souvent un vice intellectuel de fausse croyance. Mais d'un autre côté, il se peut que les variantes ainsi produites simulent bien les associations qui devaient être faites par ceux qui croyaient encore à ces récits.

Hiketides

Je lisais l'autre jour quelque chose sur les mythes grecs et je me suis soudain rendu compte en vérifiant que j'avais complètement oublié (à supposer que je l'aie su un jour) que les Suppliantes d'Eschyle n'a rien à voir à part le titre avec les Suppliantes d'Euripide.
Les premières sont les Danaïdes qui demandent l'hospitalité en Argolide à Phoronée pour fuir leurs cousins égyptiens avec qui on veut les marier.
Les secondes sont des Argiennes (lointaines descendantes des précédentes, peut-être) qui viennent réclamer à Thésée d'Athènes de les aider à récupérer les corps de leurs maris tombés devant Thèbes.

La guerre déplacée dans le conflit sur le cadavre est l'un des thèmes centraux de toute la mythologie grecque, depuis la fin de l'Iliade (Priam suppliant Achille pour le corps d'Hector), les Suppliantes d'Euripide (où les Athéniens se vantent d'avoir forcé les Thébains à rendre les corps des Argiens) et bien sûr Antigone (où la princesse bafoue elle-même la loi thébaine pour ensevelir Polynice). Et dans la réalité, à l'inverse, le haut fait politique de Socrate est d'avoir été l'un des rares à s'opposer à l'exécution des généraux athéniens qui n'avaient pas pu rapporter les corps après la victoire navale des Arginuses.

L'Immortalité et la Roue

Je me suis rendu aussi compte que j'avais fusionné dans les "fichiers descriptifs" de ma mémoire en un seul personnage Salmonée (celui qui est puni par la foudre pour avoir tenté de faire croire à ses sujets qu'il était Zeus) et Ixion (celui qui est puni par le feu pour avoir tenté de séduire Héra). J'avais même rêvé, semble-t-il, un lien entre la roue du char de Salmonée (qui tente de simuler la foudre) et la roue de feu d'Ixion.

En passant, j'ai remarqué aujourd'hui un détail bizarre sur les personnages les plus célèbres dans l'Hadès : Tantale, Sisyphe et Ixion.

Les trois "Suppliciés" sont simplement considérés comme des défunts, condamnés dans la fonction classique de l'Enfer. Mais si on regarde de près, Tantale et Ixion ont tous les deux pris de l'Ambroisie dans certaines versions et les Dieux leur reprochent d'avoir voulu abuser de ce don d'immortalité, Sisyphe, lui, a réussi à tricher et à échapper à la Mort.

Autrement dit, leur éternelle punition (la Faim insatiable, la Roue de Feu et le Rocher qui Retombe sans cesse) n'est peut-être pas un simple cas d'Enfers : ils sont tous les trois immortels et sont donc plutôt des "vivants en Hadès", des "vivants-morts", le contraire des revenants. Leur châtiment n'est pas infernal mais plutôt une sanction ironique transformant leur l'immortalité en un fardeau (un peu comme le châtiment de ce pauvre Tithonus qui avait reçu l'Immortalité sans recevoir la Jeunesse). Timothy Gantz fait remarquer d'ailleurs que dans les premières versions d'Ixion, il n'est même pas en Enfer du tout et sa Roue de Feu, qui est ailée, est placée dans les cieux, peut-être à cause de l'ambroisie. Tantale (qui serait peut-être un fils de Zeus demi-dieu tout comme Ixion) a d'ailleurs un Rocher, comme le Rocher de Sisyphe, qui menace tout le temps de l'écraser à chaque fois qu'il risque de prendre la nourriture qu'il convoite. Ces trois immortels sont donc plus proches des châtiments de Prométhée, ou son frère Atlas, qui sont plus clairement restés sur Terre et pas dans le Tartare (même la génération des Titans qui est censée être mise au Tartare ne doit pas y être entièrement : Hyperion, Okeanos et Gaïa par exemple).

En revanche, cette théorie sur ces trois cas ne s'applique pas du tout aux Danaïdes (et leur Vide insatiable), qui n'ont, j'ai l'impression, aucun lien avec ces trois exemples liés à l'Immortalité même si leur châtiment avec tâche impossible ressemble beaucoup à Tantale et Sisyphe.

Les Fondateurs de souveraineté

Puisqu'on vient de parler de Salmonée, son frère Sisyphe et Tantale, remontons un peu, grâce au système généalogique des Ehoiai (le Catalogue des Femmes) du Ps. Hésiode. De même que la Bible a au moins trois versions contradictoires du Premier Homme (Adam, Noé après le Déluge et Lot après le Déluge de Feu), les Grecs ont plusieurs lignées de fondateurs de tribus hellènes et cela donne au moins cinq branches (cette distinction du Catalogue influencera ensuite toutes les compilations mythologiques)

(1) La lignée de Prométhée : les Deucalionides, qui donnent leurs noms aux tribus hellènes
(2) la lignée de Tantale : les Pélopides venus d'Asie, qui donnent leur nom au Péloponnèse
(3) la lignée d'Inachos : les Phoronéides puis les Agénorides et Danaïdes, qui comprend de nombreuses dynasties mythiques (Perséides, Héraclides, Atrides)
(4) La lignée "autochtone" de Cecrops, Cranaos et Erechthée en Attique, nettement plus locale et qu'on doit connaître surtout à cause de l'importance disproportionnée d'Athènes dans les textes.
(5) La lignée "autochtone" de Pelasgos en Arcadie, parfois considérée comme l'une des plus archaïques/

(1) Deucalion, fils du Titan Prométhée, est le père d'Hellen, le héros éponyme du peuple grec et premier homme après le Déluge. Hellen a trois fils Doros, Aiolos et Xouthos.
  Doros (qui donne son nom aux Doriens qui occupaient plutôt le sud du Péloponnèse, la Crète et Rhodes ou les régions occidentales) n'a pourtant pas d'enfants humains dans les sources anciennes, il est le père de divers génies, nymphes, satyres. Ensuite, on lui attribue comme descendants Dymas et Pamphylus comme ancêtres de tribus doriennes (la troisième, les Hylléens descendaient d'Héraclès mais étaient "adoptés" par les Doriens).
  Aiolos (qui donne son nom aux Eoliens qui occupaient à l'âge classique la Béotie, la Thessalie et le nord de l'Asie Mineure) est le principal ancêtre de la mythologie grecque. Il est notamment le père de Salmonée (qui alla pourtant en Elide), Sisyphe (qui alla à Corinthe), Athamas (qui alla en Béotie) et Créthée (qui, lui, resta en Thessalie), ainsi que de nombreuses filles qu'on retrouve dans les arbres généalogiques mythiques. Perieres de Messénie, ancêtre de Maisons spartiates comme Tyndare, est parfois rangé dans les fils d'Eole.
  Xouthos, (le "Blond" ou au contraire le "Brun" ?), lui, n'a donné son nom à aucune tribu mais a deux fils, Achaios et Ion, qui donnent respectivement leurs noms aux Achéens du nord-Péloponnèse (mais à l'âge classique ils seront absorbés dans une variante du dorique) et les Ioniens (qui occupaient l'Attique, Eubée, la Chalcidique, les Îles et les côtes d'Asie Mineure). Ion descend aussi par sa mère d'Erechtée, dans le mythe d'autochtonie d'Attique (et peut-être aussi par propagande politique parce que les Athéniens voulaient une hégémonie pan-ionienne contre les Doriens).
Les Ehoiai ajoutent dans les descendants de Deucalion par d'autres branches que Hellen,  Graecus (ancêtre des tribus de Grande Grèce), Magnes (Magnésie de Thessalie) et Macédon.

(2) Pélops, fils de Tantale, lui est clairement oriental et est explicitement de Phrygie en Asie Mineure avant de venir s'installer en Elide, à l'ouest de la péninsule qui va porter son nom, le Péloponnèse. Les Pélopides d'Elide seront ensuite liés aux Perséides issus de Danaos et qui règnent sur l'est du Péloponnèse.

(3) Phoronée est un premier homme archaïque pré-grec né autochtone en Argolide, fils du fleuve Inachos et père (ou ancêtre) d'Io. Io fuit l'Argolide et traverse l'Orient où ses descendants seront des Fondateurs de nations étrangères : Agénor (roi de Phénicie, et ancêtre de la Maison royale de Thèbes en Béotie via Cadmos + quelques autochtones ou de la Maison royale de Crète via Europe et Minos), Aigyptos et Danaos (qui fera exode hors d'Egypte pour retourner dans la terre de ses ancêtres et recoloniser l'Argolide). Danaos est l'ancêtre de Persée et par là de la plupart des héros grecs d'Héraclès aux Atrides (mais Bellérophon descend, lui de Sisyphe). Le terme "danéens" sera préféré à Hellènes ou Grecs à l'époque archaïque dans l'Iliade. Quand les Héraclides envahissent le Péloponnèse, l'interprétation classique est que c'est l'invasion dorienne mais les Héraclides mythiques étaient déjà cousins des Perséides.

(4) Cecrops fonde Cecropia qui sera appelée ensuite Athènes en honneur de la déesse. Les Athéniens rivalisaient donc avec le Phoronée des Argiens en voulant avoir leur propre héros autochtone (même s'ils ajoutaient aussi d'autres influences comme Ion).

(5) Les autochtones de Pelasgos ont une branche plus petite : le roi-loup Lycaon, symbole du dépassement du cannibalisme primitif, et plus tard Callisto et Arcas, les totems ours qui deviennent la Grande et la Petite Ourse.

On peut ajouter d'autres en dehors de la Grèce ; La Maison royale de Troie (Dardanos) est censée descendre d'une fille d'Atlas, tout comme Lacedaimon, ancêtre des Maisons royales de Sparte.

Les noms des Spartoï

Dans la plupart des manuels modernes de mythologie (par exemple le dictionnaire de Grimal), les cinq Spartoï sortis des dents de dragon ne sont pas nommés à part le premier. Ils sont (1) Echion (qui s'unit à Agavé et fut donc le père de Penthée tué par Dionysos), (2) Kthonios, (3) Oudaios, (4) Pelôr (ou Peloros) et (5) Hyperenor. J'imagine qu'à l'époque historique on devait trouver des aristocrates thébains prétendant vraiment descendre des Spartoi.

lundi 22 mai 2017

Arnacratie, la Banalité du Faux


I Spectacle

Je ne suis pas du tout le public visé par les spectacles de prestidigitation. Peut-être suis-je "apauvri" en capacité d'émerveillement. Ce n'est même pas de la frustration de ne pas trouver le "truc"; C'est plutôt que je n'ai vraiment rien à faire du "truc" qui puisse faire sortir la pièce de monnaie, couper la femme en deux, un foulard ou une carte à jouer. Même quand le "truc" m'échappe, je n'y vois aucun effet de "mystère" intéressant et cela provoque parfois plus d'agacement que de l'ennui quand je suis censé m'exciter sur une technique qu'on ose comparer au terme de "magie" en profanant tout le merveilleux alors qu'on sait bien qu'il s'agit juste de cacher une carte à jouer. Ah, les cartes à jouer... Je n'ai jamais compris ce qu'on leur trouve. J'ai dû trop lire Lucky Luke mais il suffit que je vois apparaître une carte à jouer dans un tour de prestidigitation pour que je commence à vouloir arracher les manches du tricheur. J'ai l'impression que même si Merlin et Gandalf apparaissaient soudain pour multiplier des cartes à jouer géantes ou les faire apparaître dans les aisselles en feu d'une Ancienne Wyrm, je baillerais quand même.

Maudites cartes à jouer.

Pourtant... je n'aime pas ces spectacles de manipulation mais j'avoue aimer les films avec des escrocs et j'en ai un peu honte. Pourquoi cet écart ? Pourquoi ces acteurs qui nous font croire être des manipulateurs seraient-ils plus intéressants que de vrais manipulateurs agiles ou talentueux qui nous font croire être des magiciens ?

Vous voyez, ce genre de films comme les séries Leverage (qui a même été adapté en jeu de rôle) ou Hustle, ou des films comme Now You See Me. L'explication me semble à peu près être la même que, pour les films construits sur un cambriolage (Heist Movie) ou les constructions de plans de la série Mission Impossible. C'est parce que ce sont des histoires dont la structure explicite des personnages est de jouer sur la construction d'une histoire dans l'histoire. Soit le personnage nous raconte l'histoire qu'il va essayer de faire croire (et en ce cas, généralement elle échoue et l'histoire est sur son échec et les complications ou adaptations que cela entraîne comme référence à l'improvisation narrative), soit il ne nous la raconte pas avant le dénouement et avant qu'on doive reconstruire tout le fil de l'escroquerie (le modèle réussi étant Usual Suspects). Ce sont des scénarios qui prennent des scénaristes comme héros. Les films d'escroquerie sont donc les récits les plus post-modernes qui soient et prennent l'escroquerie comme une métaphore de l'art - à une époque où les artistes reconnus de Duchamp au Pop Art de Warhol ou le Néo-Kitsch infantile et "spéculatif" de Koons ou Hirst jouent justement à assumer qu'ils jouent aux escrocs.

II Instrumentalisation

Mais dans la réalité, les escrocs n'ont rien de ces conteurs justiciers flamboyants du Spectacle. C'est un des types de fiction les plus en décalage avec ce qui est utilisé (pire encore que les catégories absurdes du Brigand au Grand Coeur, du Gentleman Cambrioleur ou des Pirates romantiques).

Ce sont des prédateurs qui abusent de la crédulité, la faiblesse des plus vulnérables, le plus souvent des personnes âgées qui sont plus défavorisées dans l'accès à leurs ressources critiques ou à la consommation de ces nouvelles drogues médiatiques. Ils ne viennent pas seulement exploiter des exploiteurs (même si certains aiment faire chanter des victimes malhonnêtes, pour qu'elles n'osent pas porter plainte), ils viennent accroître et exploiter les injustices. Les arnaqueurs n'ont rien "d'artistes "  (ou bien seulement au sens où les artistes jouent à être des escrocs). Ce sont des monstres froids de banalité.

Cet article sur le décès de Roger Ailes, le directeur des programmes de Fox News vient rappeler ce qu'est un arnaqueur. Le problème d'Ailes n'est pas qu'il ait été politisé (et par ailleurs un salaud harceleur et violeur) ou que ses émissions aient été simplement biaisées. C'est aussi que cyniquement il avait compris qu'il pourrait s'enrichir d'un marché plus polarisé, plus hallucinatoire, plus hystérique où il ne cherchait même pas à "orienter" le débat (ce qui était la désinformation) mais à le désorienter dans la vente de peur et de ressentiment. Le problème du Conspirationnisme n'est pas ceux qui y croient mais ceux qui font une Conspiration sans y croire eux-même (ce dont se vantent, paraît-il, certains histrions médiatiques comme Alex Jones). Le problème n'est donc pas qu'il soit un démagogue qui voulait du pouvoir mais un escroc qui jouissait en connaissance de causes du fait qu'il avait créé un empire du "Canard, de la Calembredaine et de la Coquecigrue". Plus Fox avançait des énormités, plus cela se renforçait (On nous ment ! les autres n'en parlent pas alors que c'est énorme quand même tout ce qu'on nous cache !). Ils n'ont pas seulement rendu les médias encore plus toxiques (et ce depuis au moins les tabloids de Murdoch - comme ceux qui viennent de doxxer l'informaticien qui avait trouvé un remède contre le ransomware WannaCry) mais ils ont rendu les vieillards amers, paranoïaques et aigris. Même les pires sophistes anciens paraissent bien innocents en comparaison.

vendredi 5 mai 2017

P'edon war bont an Naoned

"Quand j'étais sur le Pont de Nantes" repris par les Sonerien du.

P'edon war bont an Naoned - ge maluron lure (bis) 
An deiz all o kanañ - maluron lurette 
An deiz all o kanañ - maluron lure 

Le rythme entraînant est en désaccord avec le contenu sinistre des paroles (où le malheureux se noie en tentant de ressortir l'Anneau d'Or (walenn aourperdu par la jeune fille dans les eaux). Le son de la vidéo n'est pas très bon mais je n'ai rien trouvé de mieux.

 

mardi 2 mai 2017

Espíritu de contradicción


135. No tenga espíritu de contradicción, que es cargarse de necedad y de enfado. Conjurarse ha contra él la cordura. Bien puede ser ingenioso el dificultar en todo, pero no se escapa de necio lo porfiado. Hacen estos guerrilla de la dulce conversación, y así son enemigos más de los familiares que de los que no les tratan.
  Baltasar Gracián, Oráculo manual y arte de prudencia (1647)

N’être point esprit de contradiction, car c’est se rendre ridicule, et même insupportable. La sagesse ne manquera jamais de conjurer contre cet esprit. C’est être ingénieux que de trouver des difficultés à tout ; mais c’est donner dans la folie que d’être opiniâtre. Ces gens-là tournent la plus douce conversation en petite guerre (guerrilla), et sont, par conséquent, plus ennemis de leurs amis que de ceux qui ne les fréquentent point.

Disputes with men, pertinaciously obstinate in their principles, are, of all others, the most irksome; except, perhaps, those with persons, entirely disingenuous, who really do not believe the opinions they defend, but engage in the controversy, from affectation, from a spirit of opposition, or from a desire of showing wit and ingenuity, superior to the rest of mankind. The same blind adherence to their own arguments is to be expected in both; the same contempt of their antagonists; and the same passionate vehemence, in inforcing sophistry and falsehood. And as reasoning is not the source, whence either disputant derives his tenets; it is in vain to expect, that any logic, which speaks not to the affections, will ever engage him to embrace sounder principles. 
  David Hume, An Enquiry Concerning the Principles of Morals, I, 1, 1751