dimanche 30 juin 2019

Aquaman #43-49


Voir Aquaman #25-33

Le run de Dan Abnett s'est terminé de manière un peu décevante parce qu'il a été forcé de participer au crossover médiocre Drowned Earth avec la Ligue de Justice : trois Dieux marins extraterrestres (aux noms atrocement ridicules Gall, Drogue et Tyyde) attaquaient la Terre et déclenchaient un Déluge (où les eaux transformaient les Atlantes en zombies piranhas).

En tout cas, le nouveau statu quo est que c'est Mera qui est Reine d'Atlantis et non plus Arthur, qui n'est pas même son Prince consort mais seulement un amant.

A partir du n°43 (décembre 2018), la nouvelle scénariste est Kelly Sue DeConnick, l'ancienne scénariste sur Captain Marvel (vol. 7-8, 2012-2015). Captain Marvel avait perdu à nouveau ses souvenirs à la fin de cette série et Arthur redevient amnésique au début de celle-ci. Et juste après cette histoire ratée de Dieux marins extraterrestres, le scénario va à nouveau se concentrer sur le Divin aquatique.

Aquaman est mort (encore !) et revenu à la vie amnésique, échoué comme Ulysse sur une île d'un Autre Monde où les habitants sont en fait des Dieux de la Mer exilés. On apprend que Namma, une déesse des eaux primordiales (et liée notamment au Sel marin), était l'ancêtre des Dieux (et notamment de tous les Titans des autres éléments) et les a maudits quand ils se sont retournés contre sa première génération.

Aquaman, comme Namor chez Marvel, n'a le plus souvent fait référence qu'à Poseidon (il en croise à nouveau une version dans le n°42) et c'est une bonne idée de concevoir son rapport à la mythologie de manière plus globale comme roi des Sept Mers.

Les Dix Dieux de la Mer qu'il rencontre comprennent en effet 5 Dieux d'Amérique (autour notamment de Chalchiuhtlicue Matlalcueitl à la Jupe Verte), 3 du Pacifique, un d'Inde et un d'Europe :
Agwé Loa de la Mer dans la religion vaudoue
Amanikable dieu tagalog (Philippines) de la mer et de la chasse
Atabey déesse taïnos de l'eau
Kumu(n)gwe le Prospère, dans la religion kwakiutl de Colombie britannique
Manannán mac Lir, dieu irlandais (ici représenté comme un centaure aquatique)
Repun Kamuy dieu ainu
Tangaroa, dieu baleine maori.
Tlāloc dieu aztèque de l'eau et de la pluie
Varuṇa, dieu hindou de l'eau.

Hélas, je crains qu'on ne reverra guère ce panthéon aquatique (Mannanan mac Lir aurait pu permettre le retour des histoires celtiques d'Aquaman avec les Tuatha Dé Danann qu'on avait déjà vus par exemple dans la brève série Aquaman (vol. 2) de 1986. 

Aquaman est aidée par sa Nausicaa, une jeune fille nommée Caille (dont le nom est une référence au gaélique, la Sorcière des Mers), une "fille" de Namma qui lui servait à garder une part de ses pouvoirs. Mais Namma est finalement vaincue, Caille est métamorphosée en un avatar bleue et cornue, et Aquaman s'enfonce alors dans la gueule de la Mère Requin, déesse de la Mort qui l'a rendu à la vie sur cette île. Elle lui rend alors sa mémoire ou lui révèle du moins ce qui semble être son passé.

La révélation finale (SPOILER, bien sûr) est que c'est la Reine Mera qui a tué involontairement Aquaman quand elle lui a appris qu'elle était enceinte de lui et qu'il a réagi de manière étrangement distante (et alors que les Révérendes Mères des Veuves, le pouvoir clérical d'Atlantis, exigent de Mera qu'elle se remarie comme on demandait à Pénélope de le faire devant la disparition d'Odysseus).

Les vieux fans se souviennent de la malédiction de l'Aquababy. Né dans Aquaman (vol. 1) n°23 (1965), le malheureux Prince héritier, Arthur Junior, fut tué (par Black Manta) dans Adventure Comics 452 (1977). On se plaint souvent avec raison qu'il n'y a rien d'irréversible dans les comics mais il y a quand même certaines histoires qui gâchent définitivement un personnage (je pense notamment à Hank Pym, définitivement compromis comme une brute par la case où il a frappé Janet Van Dyne). Il y a eu bien des reboots depuis mais Aquaman ne s'en est jamais vraiment remis. Même si son fils n'avait jamais existé dans les nouvelles versions, il était toujours dans les Limbes des lecteurs, dans le sous-titre implicite de toutes les histoires et la raison pour lesquelles Mera est devenue un personnage si "Médéen", toujours un peu inquiétante est bien entendu à cause de cet infanticide refoulé dans la continuité. Ce personnage de Médée est explicitement évoquée ici mais Aquaman n'a pas vraiment trahi Mera comme l'a fait Jason et on peut même dire que c'est l'inverse : Arthur s'est retiré du trône d'Atlantis pour le laisser à Mera alors que Jason a sans cessé d'aimer Médée quand il a compris que la Princesse exilée ne lui apporterait pas le trône de Iolcos.

La révélation finale me paraît à première vue absurde. On peut supposer que ce sera modifié par la suite ou expliqué comme une manipulation par Mère Requin car il serait difficile de conserver la relation Mera-Arthur si celle-ci a vraiment tué son amant (de même que j'ai du mal à imaginer comment les éditeurs DC vont vraiment garder la révélation finale de leur cross-over récent Heroes in Crisis, qui transforme un de leurs personnages sympathiques en un assassin psychotique). 

dimanche 16 juin 2019

Terre de Trolls


Via Imaginos (dont je suis seulement maintenant en train de rattraper en lecture son rattrapage de blog après blocage technique) : il y a maintenant en français le contexte officiel de Tunnels & Trolls par Ken St. André, dans une compilation originale qui n'existe pas tout à fait encore en VO. Voir la description assez positive chez J. Darmont.

Le monde de T&T a plusieurs originalités :

(1) Les Trolls sont l'espèce originelle. Elfes, Nains, Humains, Orcs sont des envahisseurs.

(2) Les continents ont des formes de Dragon, d'Aigle et de Licorne (voir la petite description dont j'ai parlé dans Different Worlds 7).

(3) C'est un monde de sword & sorcery sans dieux (il doit bien y avoir quelques démons mais les prêtres n'y ont aucun pouvoir). L'équivalent des dieux est donc des sorciers. En tant qu'obsédé de mythologie, cela ne m'attire pas vraiment mais c'est un élément original.

(4) Dans la cité principale du jeu, Khazan, nommée ainsi à cause du plus grand héros elfe, le pouvoir est une Demi-déesse semi-orque, la Déesse de la Mort, qui a créé une coalition des peuples dits "maléfiques" contre les volontés génocidaires des Elfes de Khazan (on comprend mal pourquoi elle n'a pas débaptisé la Cité qu'elle occupe en revanche). C'est une idée anti-manichéenne où les Orcs restent culturellement une société impérialiste et agressive mais qui réagit aussi à des croisades génocidaires (où un sorcier humain métamorphosé a d'ailleurs décidé d'aider les Humanoïdes après avoir compris les excès des Elfes).

samedi 15 juin 2019

Première partie de Gods War




Glorantha: The Gods War  est un jeu de plateau de Sandy Petersen (le créateur de Call of Cthulhu) représentant les conflits entre les différents panthéons dans l'univers de Glorantha pendant l'âge mythologique avant la création du Temps.

Chaque faction a des points de Pouvoir (pour faire des actions, que ce camp gagne en remplissant des objectifs propres ou en construisant des temples) et gagne des points de Victoire. Le premier à atteindre 35 points de victoire a automatiquement gagné et dans notre cas, à 5 joueurs, cela a dû représenter une demi-douzaine de Tours avec environ 5 heures de jeu.

Les 5 factions en jeu étaient les Monothéistes (Brithini partisans du Dieu Invisible), les Solaires (Yelm), les Ténèbres (Kyger Litor et ses Trolls), les Lunaires (la Déesse rouge dans sa première incarnation mythique dans le Temps des Dieux) et les Divinités marines (Magasta, que je jouais). Nous avions donc laissé de côté les factions Air, Terre et Chaos. On nous a recommandé l'Air comme faction plus facile pour les débutants.

C'est un jeu dit "Ameritrash" à la Risk (avec de jolies et grandes figurines et des trombes de dés mais moins d'abstraction stratégique que dans un jeu "Allemand") mais il y a heureusement relativement peu de figurines à sortir par faction (moins d'une douzaine, je crois, sans compter les temples). Le plateau devient vite encombré et on se disait qu'il vaut mieux ne pas avoir le supplément où les temples sont matérialisés des figurines en 3D car on ne doit plus voir beaucoup de choses.

C'est un jeu dit "asymétrique" avec des différences significatives entre les factions. Ce serait une supériorité évidente par rapport à Risk Godstorm par exemple où les différents panthéons en conflit étaient en réalité presque identiques dans leurs capacités en dehors des figurines (en revanche, l'idée de faire un plateau Cieux et un plateau Enfers doit venir  aussi de ce vieux Risk Godstorm).

Les Monothéistes n'ont pas la facilité à transformer les temples des "païens" en église mais ils ont des sortilèges offensifs puissants.

Les Solaires ont le gros handicap que Yelm, le dieu Soleil, commence le jeu aux Enfers et qu'il leur est très difficile de l'en faire sortir (ils ont besoin de l'aide d'un autre Panthéon en gros mais nous n'avons pas trouvé de raisons dans le jeu pour une telle coopération - il faudrait une carotte pour représenter la Quête des Porteurs de Lumière). Il y a des Runes qui permettent de sortir des Enfers mais les Solaires n'ont pas du tout de facilité pour gagner des Runes comme le faisaient les autres. Heureusement pour eux, ils ont des pouvoirs offensifs puissants comme la Lance de Feu ou les Archers (qui permettent d'attaquer sur des cases adjacentes : un Archer dans les Cieux peut viser pas mal de zones). D'ailleurs, même avec son Dieu soleil qui est demeuré prisonnier aux Enfers pendant tout le jeu, le joueur solaire a failli gagner.

Les Ténèbres ont une mobilité appréciable, comme les Trolls, Ombres et autres peuvent revenir des Enfers pour faire irruption où ils veulent sur Glorantha. Nous craignions tous le pouvoir de Kyger Litor (et nous avons tous frémi quand Kyger Litor a mangé la Déesse de la Lune elle-même).Ils ont construit leur Château de Plomb aux Enfers et on n'a jamais envisagé très sérieusement de les en déloger.

Les Lunaires sont très délicats à utiliser comme leur pouvoir dépend des Phases de la Lune et que n'importe qui peut utiliser une action pour changer la Phase. Il y a des capacités subtiles amusantes (comme permuter deux camps).

Les Eaux avaient des objectifs relativement faciles à atteindre si on attend que la Béance du Chaos ait été colmatée (pour invoquer Magasta). Ils peuvent transformer une zone de terre en une mer une seule fois dans le jeu (pouvoir peut-être plus cool visuellement que vraiment puissant en termes de jeu). La ziggourat aquatique, qui rapporte 3 points de pouvoir en plus et une Rune à chaque tour, est un gros avantage - si on ne la perd pas. Ma population aquatique a ainsi pu prospérer dans sa Ziggourat de la Mer de Banthe pendant tout le jeu.

Le jeu me paraît très équilibré (Sandy Petersen dit l'avoir playtesté littéralement des centaines de fois) et nous nous suivions tous dans un mouchoir.

J'ai parfois mal joué comme lorsque j'ai laissé des troupes nombreuses (mes Serpents de Mer) sur le Pic divin au moment même où on pouvait prévoir qu'il allait exploser (et je venais de me faire la remarque de les retirer bientôt). Finalement, ce sont les Trolls qui l'ont emporté comme ils étaient en tête et qu'ils furent donc les premiers à atteindre le score nécessaire. D'où l'importance de l'ordre du tour de jeu.

Le jeu a sans doute le défaut de durer assez longtemps (5 heures dans notre cas à 5, en comptant le temps d'explication) mais il arrive à raconter une histoire et à représenter le contenu d'une manière assez intuitive (comme par exemple le fait mythique qu'on peut aller envahir les Cieux et la lune en passant soit par le Pic divin, soit par le haut ou le bas de la carte mais envahir les enfers par l'Ouest ou par le Trou de Magasta).

En revanche, malgré toute la diversité des Factions, je me demande si les Objectifs pré-programmés (les "Quêtes héroïques) de chaque faction ne risquent pas de rendre certaines parties relativement semblables dès qu'on réutilise ces Factions. Il faudrait peut-être donc ajouter des Objectifs aléatoires en plus.