dimanche 31 juillet 2011

Puissances


Via cette compilation de perles :
While students have provided much merriment, it is to be expected that some academics take such errors as an affront to their skills as lecturers. But after reading the statement that "American power is based on superheroes," Jason Dittmer, lecturer in human geography at University College London, lamented: "I clearly need to teach this material better."

Super-Poutine ne serait pas d'accord.


(Affiche de 1968 pour la revue Opus n°4, du graphiste franco-polonais Roman Cieślewicz (1930-1996) - d'après Wayne Boring, je crois)

samedi 30 juillet 2011

Récits pré-construits



Dès l'élection d'Obama en 2008, les commentateurs avaient prédit comment se passerait leur guerre des commentaires préconçus : les Républicains tenteraient d'installer le Président en nouveau Jimmy Carter (le Carter selon la doxa bien établie, c'est-à-dire "faible" en politique étrangère, échouant sur le chômage ou l'inflation, trop "hamletien" et pas assez "leader") et les Démocrates tenteraient d'en faire plus un nouveau FDR qu'un Clinton (l'aura de JFK ayant un peu pâli).

On aurait pu penser qu'avec plusieurs conflits militaires qui continuent et une politique demeurée relativement agressive, comme en Libye ou l'exécution de Ben Laden, la stratégie de "Carterisation" ne marcherait pas. Mais Obama a en tout cas échoué sa "Rooseveltisation" avec un plan de relance de 2009 jugé trop dépensier par la droite et bien trop insuffisant par l'aile keynesienne. Toute sa présidence s'est peut-être décidé non pas dans la réforme de santé mais dans ces premières semaines où le contexte au Congrès, Timothy Geithner et Lawrence Summers ont divisé par deux les espérances de relance (et Obama était au courant que son plan était insuffisant). Certes, même un critique virulent comme Paul Krugman dirait qu'Obama ne fit que refaire les mêmes erreurs que FDR en 1936, qui était déjà revenu trop vite à une lutte contre le déficit.

Le fond des critiques du GOP est avant tout le racisme codé ("il est étranger à vos préoccupations", "on ne connaît rien de lui", il doit cacher quelque chose) et le ressentiment de classe (c'est un universitaire hautain, "coupé du peuple" - comme les millionnaires du GOP le représentent directement, bien évidemment). La force de l'oligarchie est d'arriver ainsi à mobiliser une passion "populiste" dans son propre intérêt.

Mais Quiddity a perçu un nouvel angle obsédant dans les attaques plus récentes : il faut ressasser en prédiction auto-réalisante qu'Obama est avant tout un "Loser" et que "l'Amérique n'aime pas les Losers". Il doit perdre, il perdra, parce qu'il était de toute éternité de l'essence non-américaine des perdants et que si l'Amérique perd, c'est nécessairement qu'elle est poignardée dans le dos par une corruption contraire à sa propre nature de Winneuse.

C'est une des raisons de l'intransigeance dans les négociations, en dehors de la pression du Tea Party : il faut montrer que l'adversaire capitule en rase campagne et que même quand il a cédé sur tous les fronts, il est incapable d'obtenir un marché minimal de son inflexible & courageuse Opposition. On peut se rassurer en se disant que l'opinion commencera à juger les Républicains trop rigides. Il n'y a plus de dilemme complètement rationnel, on ne joue pas à un jeu de Chicken avec un Kamikaze fanatique qui attend la Rapture.

La situation économique était tellement difficile qu'Obama ne pouvait que risquer d'être emporté comme Carter l'avait été en 1980 mais il est impressionnant de constater que le récit pré-fabriqué du Nouveau Carter a été si facile à recycler 30 ans après, alors même que les conseillers d'Obama connaissaient l'attaque à l'avance.

La politique doit choisir entre de mauvaises solutions mais Obama a la malchance d'avoir échoué dans sa triangulation bipartisane : les modérés me semblent souvent persuadés par une propagande qui en fait un socialiste et la base démocrate ne le voit plus qu'en un centriste trop timoré ou vendu aux oligarques, ce qui le fait perdre sur les deux tableaux à la fois. Obama aura du mal à mobiliser aussi bien sa base qu'en 2008 et en plus l'hystérie néo-hooverienne reste aussi forte qu'aux élections de mi-mandat de 2010, malgré tout le risque de récession. Même Robert Reich, l'ancien secrétaire au Travail de Clinton, accuse Obama d'avoir été un candidat enthousiasmant mais un Président incapable de communiquer les raisons de ses tactiques politiques.

Le pouvoir conservateur a créé un Mur de l'Argent subtil. Les Agences de "notation financière" comme Standard & Poor's n'ont rien d'arbitres neutres. Comme l'analysait Kevin Drum, elles ont choisi de soutenir le point de vue républicain que la seule priorité doit être le Déficit, alors même que les Républicains prolongent les baisses d'impôt irresponsables de Bush (voir ce schéma pour se rappeler la part énorme de ces baisses d'impôt dans le problème). Si John McCain avait été au pouvoir, elles seraient sans doute nettement moins insistantes.

On est dans la situation étrange où la politique américaine est prise entre deux chantages opposés mais solidaires : les Agences de notation exigent de baisser les dépenses pour les plus pauvres et les Républicains exigent de baisser les rentrées sur les plus riches. Il est rare qu'un parti d'opposition soit ainsi en situation de profiter de la destruction qu'il aura lui-même en partie causé. Plus il s'oppose à toute relance et même à toute hausse des dépenses, plus l'économie s'effondre, plus il en tirera avantage. C'est une situation où il gagne à tous les coups, du moins à court terme. Et à long terme, comme disait Keynes, je crois, on est tous des hordes de mutants mad-maxiens dans des ruines somaliennes de l'Etat minarchique.

Il faut seulement espérer que le demi-taré Mitt Romney l'emporte sur les plus tarés comme Rick Perry ou Michele Bachmann et que s'il prend l'un des tarés comme Vice-Président(e) il puisse vivre au moins 4 ans en attendant que ce cycle anti-Etat ne dure pas encore une génération. Mais il suffit d'aller dans une librairie dans le rayon Idées, où on ne trouve plus que du Libertarianisme depuis quelques temps, pour voir qu'on entre dans un long automne pour l'interventionnisme de l'Etat. La crise des dettes rendra inéluctable ce que l'idéologie nous prépare à trouver nécessaire.

Histoires futures de l'Âge d'or de la SF (2) : Henry Beam Piper



Après la Deuxième Guerre mondiale, Henry Beam Piper (1904-1964) est sans doute plus proche politiquement de l'individualisme de Heinlein que d'Asimov mais son Histoire du Futur reprend de ce dernier l'idée de cycles historiques inspirés de l'histoire passée, avec un arrière-fond qui semble plus lié au contexte nouveau de la décolonisation. Un des thèmes de la science-fiction classique vient de Toynbee et imagine que l'Histoire doit suivre des rythmes récurrents, comme l'homme demeurerait génériquement le même, malgré l'expansion à travers l'univers. On retrouve donc ici l'Empire victorien puis, comme chez Asimov, les Âges Obscurs entre la Fédération terrienne et l'Empire galactique. H. Beam Piper fut particulièrement prolifique et influent, bien qu'il n'ait commencé à publier que dans les années 50 et qu'il se soit suicidé 15 ans après.

En raison de cette mort prématurée en 1964, une partie de son oeuvre est déjà entrée dans le domaine public et il a influencé tout le jeu de rôle. Le jeu Traveller a incorporé directement son livre Space Vikings (1962) deux fois, dans sa Confédération des Mondes des Epées (qui vient directement des mondes du même nom, il y a aussi Poictesme qu'on retrouve dans la Bordure solomani) et ensuite Traveller: The New Era avec sa Coalition Réformatrice. Shannon Appelcline a commenté le lien avec Traveller dans sa recension. Other Suns a rendu hommage aussi en adoptant à peu près le même calendrier de l'ère atomique que dans les romans de Piper. Le jeu récent Thousand Suns de James Maliszewski a approfondi ces hommages à Piper en reprenant la Carte martienne Dane-Ohlmhorst d'"Omnilingual" ou le D-Drive, et a même un supplément adaptant trois nouvelles de Piper The Piper Transmissions. Et l'autre série de fantasy de Piper dans une Terre alternative, Lord Kalvan of Otherwhen a fait l'objet d'un wargame de figurines, Down Styphon! chez FGU en 1977.

  • Chronologie rapide de l'univers

    Source principale : Chronologie du Multivers d'H. Beam Piper (il y a parfois quelques décalages selon les sources)

    1942 Première pile atomique (date qui sera choisie plus tard comme An 1 de l'Ere Atomique)
    1972 Les USA installent la première base lunaire
    1973 Troisième Guerre mondiale entre les USA et le Bloc de l'Est, causée par des tensions au Proche-Orient et l'effondrement du Califat ("La Guerre des Trente Heures" - rappelons que Piper est mort trois ans avant la Guerre des Six Jours). Armistice et création de la Fédération Terrienne.
    1992 Expédition sur Mars. Une expédition d'archéologues réussit à traduire la langue perdue des Martiens grâce à un tableau des éléments (Le livre de la Nature comme interprète en Traduction radicale, "Omnilingual", Astounding Science Fiction, février 1957).
    XXIe siècle : colonisation du système solaire et départ des premières expéditions interstellaires
    Vers 2115 Sécession de Vénus, Quatrième Guerre mondiale.
    Seconde Fédération Terrienne avec les survivants.
    XXIIIe-XXXIVe siècle premières colonies extrasolaires comme Freya, Baldur ou Loki (dont la population locale est asservie et exploitée par des compagnies terriennes qui obtiennent une charte d'exclusivité). Les mondes de la Fédération Terrienne ont souvent des références à la mythologie scandinave comme Óðin, Yggdrasil, Fenris, Niflheim ou Auðumbla. Voir cette liste de planètes.
    2420 Des princes indigènes de Ullr (Beta Hydri) se soulèvent contre la Compagnie d'exploitation d'Uller et les princes locaux qui la soutiennent. Le gouverneur argentin Carlos von Schlichten réprime le soulèvement et devient Gouverneur (Ullr Uprising, 1952).
    2545 Découverte du triple système de Gartner qui contient Poictesme, Koshchei, Jurgen (tous les trois nommés d'après Cabell), Britomart, Calidore (d'après Spenser), Kwannon, Hiawatha, Pantagruel et Panurge (d'après Rabelais).
    2566 Colonisation de Zarathoustra, à 500 années-lumière de la Terre. La Compagnie de Zarathoustra exploite de petits êtres appelés les Fuzzies (dans la traduction française : les Tinounours ou Hommes de Poche). Les romans du cycle des Fuzzies se passent en 2595.
    2615 Colonisation de Svantovit, dont les indigènes communiquent par un sens sonar ("Naudsonce", Analog, janvier 1962).
    2750 Révolte des indigènes sur Kwannon ("Oomphel in the Sky", Analog, nov. 1960)
    Fin du XXVIIIe siècle La Seconde Fédération terrienne doit affronter une sécession de mondes lointains, c'est la Guerre des Etats-Systèmes.
    La Fédération gagne le conflit par une répression violente mais commence son déclin (Roman sur Poictesme "Graveyard of Dreams", Galaxy, Vol. 15, No. 4, février 1958, réédité comme Junkyard Planet).

    Les réfugiés des mondes détruits fondent les "Mondes des Epées" : Excalibur, Joyeuse, Flamberge, Durendal, Morglay, Haultclere et Gram (un peu comme les Islandais avaient fui l'unification de la Norvège).
    XXXe siècle (Xe siècle de l'ère Atomique) La Fédération Terrienne s'est écroulée. C'est l'époque des Vikings de l'Espace, qui viennent des Mondes des Epées piller les mondes abandonnés par la Fédération, en profitant des écarts technologiques entre les diverses planètes.
    Le roman Space Viking (1962) est une Saga dans ces nouveaux Temps obscurs au XXXVIe siècle (XLe siècle dans certaines sources) d'un noble de Gram qui devient Viking pour se venger et finira suzerain de Tanith après s'être battu à Marduk.

  • La période de l'Inter-Règne s'arrête vers le XLe siècle avec la proclamation d'un nouvel Empire galactique centré sur la planète Odin (Capitale : Asgard), avec une nouvelle féodalité ("Ministry of Disturbance", Astounding Science Fiction, décembre 1958; "A Slave is A Slave", Analog, avril 1962).

    Le supplément de Thousand Suns déjà cité The Piper Transmissions a conçu des cartes de l'Empire d'Odin dans ces dernières nouvelles (voir page 206 - à comparer avec la carte du centre du metasetting dans The Foundation Transmissions p. 30).




  • Asimov s'était inspiré de l'Empire romain et toute l'idée centrale de Fondation est que les Âges sombres avaient été du temps gâché. Même si on ne peut pas éviter l'entropie du déclin, on peut "accélérer" l'histoire et hâter la Renaissance grâce à la Raison (une planification bienveillante des robots et des psychohistoriens). Le Space Opera sert une sorte de Philosophie de l'histoire (où la contingence reste maintenue). Au contraire, H. Beam Piper reproduit une histoire cyclique et cynique, moins Aufklärer, où l'humanité peut progresser techniquement sans vraiment progresser à d'autres points de vue. Les extraterrestres sont souvent des humanoïdes moins développés (même si ce qui importe est souvent l'écart technologique entre les colonies humaines) et l'exploitation coloniale des indigènes est représentée de manière ambiguë avec un mélange de rejet devant la brutalité et de valorisation fataliste de l'impérialisme digne du Dialogue Mélien de Thucydide, ce qui peut traduire l'ambiguïté de l'Amérique qui se voit à la fois comme la fin de l'Empire britannique (première colonie indépendante) et comme son accomplissement (la Pax Americana). Piper, comme son ami Poul Anderson et comme les anciens Pulps, valorise donc plus un héros mercenaire qui tente de se faire sa place en période de décadence et de chaos médiéval que la position de l'Etat Universel d'Asimov allant vers la transcendance stapledonienne.

    mardi 26 juillet 2011

    Genre et hobbies




    (Tripod, via cet article sur le sexisme dans les milieux dominés par les mâles)

    ***


    Et puisque je lie des machins comics/jdr, Knights of Badassdom, cette comédie d'horreur de série B sur un Jeu Grandeur Nature envahi par un démon (avec Peter Dinklage, l'acteur qui joue Tyrion Lannister et qui prend ici un air de Jack Black ; Summer Glau, l'idole des geeks, et Danny Pudi, qu'on voit en ce moment dans Community).

    lundi 25 juillet 2011

    Vi Veri Vniversum Vivus Vici



    Zut, à chaque fois que je voyais des masques de V pour Vendetta sur des anarchistes ou des Anonymous, je pensais qu'Alan Moore jugerait assez ridicule la commercialisation de masse de sa parabole si curieuse idéologiquement (sans même parler de l'ironie originelle d'un Guy Fawkes absolutiste ultra-catholique des Guerres de Religions comme symbole de l'anarchisme parce qu'il fut "Le Dernier Homme à entrer dans le Parlement avec des intentions honnêtes").

    Mais, pour une fois, ce misanthrope d'Alan Moore dit qu'il est très fier de ce symbole utilisé par les manifestations contre les baisses de dépenses par le gouvernement Cameron.

    I think I understand what has been happening economically, pretty much since the collapse of the Berlin Wall. It's the bankers and financial institutions who have knowingly got us into this mess. Either they did knowingly or they were unbelievably stupid and incompetent. This is not even capitalism any more. Capitalism employs a rough and ready Darwinian survival of the fittest. The banks have become like monarchies. They are too big to fail, too big to punish. They are above parliament. Banks are treating themselves as if they were a new class of fiscal royalty. The kind of royalty they most resemble is Charles I. He was above parliament and not accountable for his lavishness. He put the pinch upon the country to the point where the poor people simply starved.

    No, this cannot be tolerated. You cannot have libraries, schools and things that people need for a basic standard of living taken away while George Osborne is making deals with companies to allow them to make better use of tax havens because they are threatening to take their business elsewhere. There are alternatives. We are not all in this together.

    I'm all in favour of anti-cuts demonstrations. And it's always very pleasing to see so many V for Vendetta masks in the crowd. I'm very proud of those boys and girls.

    Le jeu comme métaphore du jeu



    Cet article de Wired est amusant mais sur-vend une anecdote du jeu vidéo comme une "métaphore" profonde sur toute l'édification des religions. Un excentrique créateur de jeu indie lance comme performance une modification de MineCraft sur le modèle des jeux successifs sur une clef USB : il n'y a qu'un seul individu qui peut jouer en même temps et quand il perd, il est censé le passer à quelqu'un d'autre qui continuera à développer le même univers construit successivement par tous les usagers antérieurs.

    Le premier à le recevoir (qui pourrait être simplement un complice du concepteur dans un canular) décida de changer la règle en disant que le successeur sera choisi par une mise aux enchères (avec tout l'argent distribué à des organisations charitables).

    L'article prétend que cela permet d'approfondir la métaphore où la croyance originelle a été modifiée et trahie par le passage du temps, mais que ce premier schisme commence déjà des réactions violentes contre l'évolution des règles.

    Mais sans aller jusqu'au Calvinball, tout jeu montre depuis longtemps tous ces caractères : le sérieux donné aux règles et pourtant leur caractère contingent et changeant, le fanatisme excessif pour ce qui était censé n'être qu'un divertissement. Ce jeu précis ne révèle pas vraiment une essence des religions, mais peut-être plutôt que les rites des religions ont un air de famille avec les jeux en général.

    samedi 23 juillet 2011

    Fièvre


    Edvard Munch, Ved dødssengen/Feber (1915), Munch-museet.

    Il a aussi La Mort à la Barre.

    mardi 19 juillet 2011

    Histoires futures de l'Âge d'or de la SF (1) : Heinlein et Asimov



  • On attribue à Robert Heinlein (1907-1988) l'idée d'avoir relié ses nombreuses nouvelles se déroulant à des époques différentes (écrites à partir de 1939-1941) dans une chronologie commune, Future History. Heinlein avait en effet commencé sa chronologie fictive pour un roman inachevé de 1938, For Us, The Living avant d'y insérer ses nouvelles.

    Les nouvelles se déroulant au XXe siècle voit déjà des inventions étranges, comme les "Villes roulantes", des sortes de trottoirs roulant à grande vitesse (un prétexte pour des histoires dénonçant le pouvoir des syndicats, Heinlein passant de son socialisme d'avant-guerre à un ultra-individualisme libertarien). Il y a aussi un programme d'eugénisme secret depuis la fin du XIXe siècle, qui va manipuler des familles pour créer un groupe à la longévité accrue, les Familles Howard, dont le membre le plus célèbre est le quasi-immortel Woodrow Smith, dit "Lazarus Long", qu'on retrouvera dans toute l'Histoire de l'Avenir, puisque né au XXe siècle, il vivra au moins jusqu'au XLIIIe siècle.

    La Lune est conquise vers 1978 par un génial entrepreneur privé, D.D. Harriman, qui voulait éviter que l'Etat n'y arrive avant (Heinlein a dès lors basculé dans un Randisme qui rend ses textes parfois si pleins de sermons anti-statistes).

    Si on voulait inclure le roman plus tardif Stranger in a Strange Land (1961), ce serait sans doute aussi dans cette période d'exploration. Valentin Smith est le fils des premiers humains partis vers Mars mais après leur mort, il a été élevé par une race mystérieuse de Martiens qui ignorent tout concept de propriété et qui ont développé ses pouvoirs psychiques. Quand Smith est ramené sur Terre, il devient une figure messianique de libération (psychique et sexuelle), fonde l'Eglise de Tous les Mondes, mais finira en martyr lacéré par ses propres fidèles avant de dépasser ce monde.

    Plusieurs nouvelles traitent la colonisation privée de la Lune et Luna City au tournant du XXIe siècle, puis du reste du système solaire. La planète Venus est colonisée avec un système capitaliste qui restaure l'indenture des travailleurs qui doivent payer pour leur voyage. Elle gagne son indépendance de la Terre au XXIe siècle (de même que la Lune se révolte et déclare son indépendance en 2076 dans The Moon is a harsh Mistress (1966), qui n'appartient pas exactement à la même continuité mais qui semble avoir repris les idéaux anarcho-libertariens de l'Eglise de Tous les Mondes de Valentin Smith).

    Au début du XXIe siècle, aux élections de 2012, un prophète religieux fanatique, le révérend Nehemiah Scudder devient Président des Etats-Unis d'Amérique & Australasie et instaure une dictature théocratique puritaine. Il faudra une Révolution libertarienne pour renverser le régime de New Jerusalem avec un société secrète d'hommes d'affaires. On met en place un nouveau régime démocratique libertarien appelé le "Covenant" (individualisme assez différent de la timocratie militariste dont on trouve l'éloge dans le roman hors-Histoire du futur, Starship Troopers, 1959). Les amateurs du jeu de rôle Space Opera retrouvent presque exactement cette opposition entre une Terre obscurantiste et fondamentaliste au XXIe siècle puis un mouvement "Covenantiste" dans la chronologie officielle du monde dans l'Atlas I.

    C'est à partir du XXIIe siècle que les vaisseaux vont franchir le système solaire. L'un des premiers Vaisseaux Génération est envoyé vers Proxima du Centaure et il va voir son équipage dégénérer au fil des décennies en un monde fermé de basse technologie qui croit que le Vaisseau est l'Univers (Orphans of the Sky, mai 1941, l'inspiration du premier jeu de rôle de SF Metamorphosis Alpha). Ce n'est que des milliers d'années après que la Terre reprendra contact avec ce Vaisseau.

    Le XXIIe siècle est aussi l'époque où des membres des Familles Howard (les groupes sélectionnés génétiquement pour vivre plus longtemps) doivent s'enfuir de la Terre parce qu'on veut analyser le secret de leur longévité. C'est sur une autre planète qu'ils rencontreront des extra-terrestres immortels et découvrent le premier vol plus rapide que la lumière (Methuselah's Children (juillet-septembre 1941). Conduits par Lazarus Long, ils décident de revenir sur Terre, où les humains ont pu accroître leur longévité artificiellement sans parasiter les Howards, et révèlent ce qu'ils ont découvert. Lazarus Long clôt la chronologie par une boucle, en partant voyager à travers le temps (où il séduit sa propre mère au XXe siècle, un peu comme dans sa célèbre nouvelle de 1958, All You Zombies) et à travers les dimensions (où il entre ainsi dans les univers des autres romans de Heinlein).

    On remarque que l'Histoire Future d'Heinlein s'arrête assez tôt dans le développement d'une Civilisation humaine au début de l'exploration interstellaire. Contrairement à beaucoup d'oeuvres de SF, il n'y a pas vraiment d'Empire multiplanétaire, probablement parce que cela contredirait un peu les thèmes individualistes (mais dans le plus militariste Starship Trooper, il y a bien une Fédération terrienne). Il y a aussi très peu d'extraterrestres en dehors des Martiens dans le cycle de Stranger in a Strange Land et Podkayne of Mars ou cet esprit collectif que rencontrent les Howards dans Methuselah's Children. L'ambiance est dans l'ensemble plutôt optimiste, en dehors de la dictature religieuse au XXIe siècle et la tendance est plutôt d'aller vers une utopie libertarienne.

  • Contrairement à l'Histoire Future de Heinlein, celle d'Isaac Asimov (1920-1992) a été surtout reconstruite rétroactivement pour remettre ensemble de nombreuses nouvelles qui étaient originellement sans lien. C'est aussi beaucoup plus vaste et impressionnant, sur des douzaines de milliers d'années, l'échelle séculaire étant d'ailleurs un des thèmes de son univers, comme dans les grands récits d'Olaf Stapledon.

    Chronologiquement, Asimov a commencé le cycle de Fondation en feuilletons dès 1942 mais on divise son histoire en trois périodes : l'époque des Robots (Futur proche), l'époque des Empires interstellaires (jusqu'aux années 25 000 environ) et enfin le cycle de Fondation proprement dit (qui commence vers 12 000 de l'Empire galactique).

    Ce site a une chronologie assez détaillée mais Wikipedia donne aussi une histoire limitée à la période de Fondation.

    Voici un résumé :

    XXIe La robopsychologue Dr. Susan Calvin (1982-2064) développe la compréhension des nouveaux Robots au cerveau positronique et les Trois Lois de la Robotique.
    Premier saut interstellaire en 2029. L'Humanité se scinde entre les Terriens, conservateurs luddites, et les "Spacers", plus avancés, qui colonisent les autres mondes, dont Aurora (Tau Ceti).
    XXXVIe (ou LIe siècle selon les versions) Les Spaciens développent le robot intelligent de forme humaine R. Daneel Olivaw, qui va tenter de rapprocher Terriens et Spaciens. Le robot R. Giskard Relentlov intervient pour rendre la Terre inhabitable et pousser les Humains à quitter leur planète, ce qui aurait pour conséquence de redynamiser l'Humanité (mais les textes historiques diront de manière erronée qu'il y a eu un conflit nucléaire).
    12,500 Fondation de l'Empire galactique sur la planète Trantor. R. Daneel Olivaw jette les bases de "Gaia", la planète intelligente.
    24,500 Après 12000 ans de paix, le psychohistorien Hari Seldon, aidé par le robot R. Daneel Olivaw, prédit l'effondrement à venir de l'Empire Galactique. Création de la Fondation sur Terminus pour minimiser la période des ténèbres après la chute de l'Empire grâce au projet de l'Encyclopedia Galactica.
    24,800 Un Mutant télépathe surnommé "le Mulet" perturbe tout le Plan de Seldon et capture la Fondation.
    La Seconde Fondation de Star's End (Trantor) réussit à le manipuler pour mettre fin à sa menace.
    25,000 La Fondation retrouve Gaia, planète intelligente qui a permis le Mulet, et qui doit évoluer un jour vers la Singularité. Elle retrouve aussi la Terre et le Plan psychohistorique du robot R. Daneel Olivaw.
    Vers 30,000 (?) Gaia doit devenir "Galaxia", la Galaxie Intelligente.

    Comme chez Heinlein, l'histoire est plutôt optimiste, voire franchement utopiste, malgré une phase de régression des Terriens face aux Emigrés spaciens dans les prochains siècles. Asimov s'interdit toute vie non-humaine en dehors des Robots dans ce cycle. L'Histoire n'est donc que celle de l'Humanité se développant et apprenant enfin à se connaître et à réaliser son potentiel, grâce aux Robots et aux sciences. Chez Heinlein, l'individu doit périodiquement se révolter contre la perte d'individualité, sans vraie utopie finale (Lazarus Long choisit de refuser une immortalité sans individualité) alors que les Robots d'Asimov accomplissent par leurs équations psychohistoriques une victoire déterministe de l'Humanité.

  • lundi 18 juillet 2011

    Incitation à la fraude



  • Un enseignant d'université repère 20% de ses étudiants qui trichent dans les devoirs.

    A la fin de l'année, comme les profs sont évalués par les étudiants, il s'effondre dans la note moyenne d'évaluation et voit donc son salaire sanctionné par la Stern Business School de NYU.

    Il en tire la conclusion qu'il est un peu vain dans un tel contexte de passer autant de temps à détecter les tricheurs.

  • L'histoire de l'Inflation des notes dans les Universités américaines depuis 70 ans montre que c'est surtout la Note A qui a monté et C qui a baissé, alors que B, D et F demeuraient à peu près fixes en proportion. La note A est passée d'un sixième des étudiants à près de la moitié, B tourne toujours autours d'un tiers, C est passée d'un tiers à un sixième, D est passée de 12% à 5%, F est restée à 5%.

  • Via Matthew Yglesias, voici Madelyn Antoncic, après 12 ans chez Goldman-Sachs, elle devient Chef de la gestion des risques financiers chez Lehman Brothers de 1999 jusqu'à 2007, juste avant la faillite spectaculaire de la Banque en 2008.

    Vous devez craindre qu'après un tel CV, elle doit être inembauchable, même si elle répond qu'elle avait été écartée par ses collègues en 2007, quand les problèmes des subprimes commencent à peine à être décelés. Mais il semblerait bien que, contrairement à ce que dit cette version, elle continuait à y travailler après la faillite de septembre 2008.

    Vous serez sans doute rassurés : après avoir enseigné dans la Stern Business School (la même que ci-dessus), Madelyn Antoncic a été choisie le mois dernier comme nouvelle Vice-Présidente et Trésorière de la Banque mondiale, sans doute en raison de sa gestion exemplaire des risques "systémiques" et son exploitation de la dérégulation financière.

  • Duel de Michael Caines

    dimanche 17 juillet 2011

    I ♥ Green Soylent©, Recette Classique



    Shorter David Brooks (qui va fêter dans quelques jours ses 50 ans) :

    Si seulement tous ces vieillards égoïstes acceptaient de se laisser mourir au lieu de demander des soins, nous pourrions maintenir les baisses d'impôt de Bush pour les plus aisés.

    Les caricatures de Jed Sorensen sont vite dépassées par la réalité des commentateurs républicains, même "modérés".

    samedi 16 juillet 2011

    L'immémorial



    Lionel Tardy, député de Haute-Savoie :

    "Il est temps pour elle de retourner en Norvège !"

    Interrogé par Le Monde.fr vendredi matin, Lionel Tardy a maintenu ses propos, assurant qu'il ne fallait "rien y voir de xénophobe".

    Qui irait s'imaginer cela ? Ce n'était sans doute qu'une allusion à un cycle saisonnier qui contraindrait les Français d'origine septentrionale à remonter vers le nord à la belle saison.

    "Le défilé du 14-Juillet, c'est un rendez-vous immuable."

    Le 14 juillet célèbre la Fête de la Fédération de 1790. Mme Joly n'a pas parlé de supprimer la Fête nationale mais d'éventuellement en réformer l'organisation. Il n'y a pas de lien nécessaire entre la Fête de la République et la célébration de nos diverses forces, quels que soient leurs sacrifices. Le rendez-vous "immuable", qui n'existe dans quasiment aucune autre démocratie, ne remonte guère qu'à la IIIe République, à partir de 1880, pour la Revanche contre la défaite impériale à Sedan. Mais surtout, tout le monde se fichait de ce défilé militaire, qui était encore loin des Champs Elysées, avant la grande saignée de 1914-1918.

    C'est toujours pareil avec les "Traditions Immémoriales", elles servent seulement à faire oublier leur caractère relativement récent (comme le Serment américain à la Nation sous Dieu qui remonte à 1953).

    C'est un élément fort de notre unité nationale car c'est le seul moment où l'on peut saluer nos armées.

    Ce député insulte le 11 novembre et nos vétérans !

    Haro sur l'ennemi des Poilus et de notre Soldat Inconnu !


    Je n'ai pas l'impression qu'on accuse les Américains de manquer de patriotisme lorsqu'ils distinguent la fête de leur Nation et la reconnaissance envers les anciens combattants. L'Armée de l'An II a pu soutenir la République mais la République ne se réduit pas à Valmy.

    Et en parlant d'anhistoricité, via Maître Eolas, je vois que : Chevénement prend le même ton essentialiste :
    "La nature de la France lui échappe sans doute. Peut-être lui faut-il encore un peu d'accoutumance".

    Mme Joly est française depuis plus d'un demi-siècle, soit plus que M. Tardy et à peu près autant que M. Fillon, et la République ne reconnaît que des Français, elle peut exprimer une opinion sur des festivités nationales cristallisées depuis seulement un siècle sans porter atteinte à notre République, à la patrie ou à la Défense nationale.

    Au moins, De Gaulle parlait d'une "Idée" de la France, pas d'une "nature", ce qui était une conciliation plus habile d'une supposée "essence" anhistorique et d'une volonté.

    J'ai aussi entendu de nombreux commentateurs dénoncer le "politiquement correct" de Mme Joly dans ses propos. Je ne sais pas ce que ce terme veut dire (à part "opinion que je n'approuve pas et que j'associe donc à l'opinion dominante, puisque mon opinion ne peut être que courageuse et marginale") mais si tout le monde l'insulte ainsi, il y a peu de chances que cela soit du "politiquement correct". Politiquement imprudent, sans doute, politiquement vain, peut-être, mais "correct" ?

    Un climat qui contraint aux juxtapositions godwinesques



    François Fillon, député-maire de Sablé-sur-Sarthe, 15 juillet 2011 :

    "Je pense que cette dame n'a pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de l'histoire française"

    Laurent Wauquiez, député-maire du Puy-en-Velay, 3 mars 2011 :
    "[Cet homme], ce n'est pas la Haute-Loire, ce n'est pas ces racines-là".

    Christian Jacob, député-maire de Provins, 12 février 2011 :
    "[Cet homme] n'est pas l'image de la France, l'image de la France rurale, l'image de la France des terroirs et des territoires, celle qu'on aime bien, celle à laquelle je suis attaché."

    Xavier Vallat, député de l'Ardèche, 6 juin 1936 :
    "Je n'entends pas dénier [à ceux] qui viennent chez nous, le droit de s'acclimater comme tant d'autres qui viennent se faire naturaliser. Je dis, parce que je le pense, – et j'ai cette originalité ici, qui quelquefois me fait assumer une tâche ingrate, de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas – que, pour gouverner cette nation paysanne qu'est la France, il vaut mieux avoir quelqu'un dont les origines, si modestes soient-elles, se perdent dans les entrailles de notre sol [...]."

    lundi 11 juillet 2011

    Casus Resurgens, vol. 4



    Via le GroG et le site du magazine Casus Belli, la 3e version de Casus, relancée en août 2010 s'arrête avec le numéro 5 daté de février 2011 (numéro spécial "Fin du Monde"), mais le magazine va renaître avec un nouveau numéro 1, chez Black Book Editions et avec l'ancien rédacteur en chef Didier Guiserix.

    Guiserix parle de prendre un format "mook" (Magazine/bOOK). Le vol. 3 tournait autour de 75 pages à 5,50 Euros, le Mook sera sans doute à plus de 100 pages (D6Dent n°1 a un format à 164 pages) à un prix plus élevé et disponible seulement en boutique spécialisée.

    La concurrence du magazine est maintenant surtout électronique (en dehors de Jeu de Rôle Magazine et D6dent). Black Book Editions est notamment l'éditeur de Polaris et Pavillon Noir, et les traducteurs français de Pathfinder (la nouvelle version de D&D 3.7) et Shadowrun. Un modèle autour des modules de Pathfinder pourrait se défendre, avec traductions de certaines des parutions abondantes de Paizo et des plans en couleur qui justifieraient pour les joueurs de ne pas en rester à de simples documents en PDF.

    Conseil de discipline



    Les cours de l'Ecole normale supérieure de Paris ont été perturbés toute l'année en raison des protestations contre la précarité des CDD, notamment dans la restauration et l'entretien.

    Les élèves-fonctionnaires de l'ENS avaient occupé les locaux de la Direction pour soutenir les grévistes et le conflit semblait prendre fin le 23 mai 2011 avec un protocole qui accordait enfin les CDI aux grévistes. Voir le site de Fabula.org et Sauvons l'Université.

    Mais Mme Monique Canto, la directrice, spécialiste de Philosophie morale, avait déposé plusieurs plaintes pour occupation illégale et dégradation des locaux. Elle vient de demander la semaine dernière la réunion d'un Conseil de discipline pour demain mardi 12 juillet contre 9 élèves.

    Certes, l'occupation était illégale mais j'ai du mal à constater de réelles "dégradations" en dehors des problèmes d'organisation des cours. Le sens de la sanction (que j'imagine plutôt "symbolique" pour l'exemple, quelque chose comme un blâme) est donc discutable. Canto était plus maximaliste que le gouvernement dans cette affaire et elle prend le risque de rallumer le conflit alors que les oraux du Concours d'entrée de l'Ecole ne sont pas encore terminés.

    vendredi 8 juillet 2011

    La lecture comme technique du corps

    Je parlais l'an dernier des théories sur l'histoire des techniques de lecture (et sur l'interprétation du passage où Augustin semble surpris qu'Ambroise puisse lire silencieusement) et John Holbo commente de nouveaux livres sur l'histoire de l'écriture comme graphie et sur le rôle que la ponctuation, et notamment de l'Espace blanc entre les mots, a pu jouer dans notre manière même d'écrire. L'espaceauraitnotammentfacilitélalectureparlesyeuxquidevenaitmoinsdépendantedeschuchotementsdenoslèvrespourséparerlessons.

    jeudi 7 juillet 2011

    Compter les jeunes

    Les mensonges récents de Claude Guéant sur les taux d'échec scolaire des enfants d'immigrés (ou plus exactement sur la part des enfants d'immigrés dans les échecs scolaires : 66% selon Guéant au lieu de 16% - ce qui est certes moins grave que John Kyl confondant 3% et 90%) rappelle un argument qu'employait le sociologue et économiste communiste Bernard Friot. Selon Friot, le concept de chômage des "jeunes" a été une invention utile de la statistique. On parle de 25% de taux de chômage des 18-25 ans par rapport aux actifs mais le poids de ce chômage si on tient compte des étudiants tomberait à 6% des "jeunes", et ce taux demeurerait à 25% pour tous les non-qualifiés quel que soit leur âge. La tricherie statistique aurait pour but (du point de vue de Friot) de faire vendre une nouvelle armée de réserve pour faire baisser les salaires (comme le seront désormais longtemps les vieux entre la cessation d'activité et le droit à la retraite à taux plein).

    mercredi 6 juillet 2011

    Des colonies aux Maisons de la Culture

    Emile Biasini est décédé et comme le fait remarquer cette vidéo de l'INA, la marque de son pouvoir est en partie sa relative invisibilité.

    Franck Lepage, dans sa grandiose conférence gesticulée InCulture(s) il y a 5 ans (qui défend la thèse que la "politique" culturelle française vise à supprimer toute culture politique comme débat pluraliste sur les différends) avait signalé l'importance de ce technocrate omniprésent de Biasini, cheville ouvrière de la Culture sous toute la Ve République.



    Curieusement, la conférence de Lepage (en gros un anar de gauche) est notamment diffusée sur DailyMotion par des sites conspirationnistes plutôt d'extrême droite, peut-être parce qu'il s'agit de critiquer un "complot" malruco-langien.

    lundi 4 juillet 2011

    Perspective forcée

    Je ne sais si cette photo hollandaise d'une rencontre entre leur Premier ministre libéral Mark Rutte et notre Président a été modifiée mais elle a quelque chose d'étrange, presque une impression d'un effet spécial à la Lord of the Rings.

    Quelques étapes sur le Space Opera


  • Priorités

    Comme beaucoup de fans "occasionnels" et paresseux, je suis plus amateur de fantasy que de science-fiction, mais j'essaye en ce moment de me remettre un peu plus sérieusement à l'histoire de la "fiction scientifique" parce que les clones de Tolkien commencent à me lasser. J'avais commencé à réunir une ébauche de chronologie de mondes de Fantasy comme Lord Dunsany, H.P. Lovecraft, Eric Rücker Eddison, Abraham Merritt, Robert E. Howard, et je commence à regarder un peu les équivalents pour la science-fiction.

    La science-fiction est une (sous-)littérature d'idées. Les amateurs sont plus attachés à l'originalité des idées et de leur traitement narratif qu'à d'autres questions formelles. C'est pourquoi les personnages sont si souvent unidimensionnels. C'est pourquoi un écrivain comme Heinlein qui a inventé tant de concepts devenus des clichés n'a même pas besoin d'être léger, ou qu'Asimov, si ingénieux, n'a pas besoin d'écrire bien.

    Il y a déjà par exemple cette grande chronologie de la science-fiction. Cet
    autre site sur la technologie donne la liste des "premières inventions techniques" dans l'histoire de la SF.

    Je vais seulement me concentrer sur un seul sous-genre de la science-fiction, le Space Opera des origines victoriennes aux années 30.

    Le terme d'Opéra Spatial avait été formé de manière péjorative par Wilson Tucker, qui voulait se moquer en 1941 de western mélodramatique hors de notre planète. L'astronomie ne servait que de prétexte pour de l'aventure échevelée avec des fusées, des lasers et des monstres. Mais le terme s'est ensuite élargi à tout récit (généralement moyennement "scientifique") fondé sur l'exploration spatiale, avec les conventions et tropes fondées dans l'Âge d'Or des années 1930-1940. Le terme a perdu une partie de ses connotations négatives depuis le "Nouveau Space Opera" de la fin du XXe siècle (Stephen Baxter, Gregory Benford, David Brin, Greg Egan, Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds, Dan Simmons, etc.) qui joue sur ces conventions anciennes des grands Empires interplanétaires mais en prétendant y injecter une science ou des préoccupations plus "contemporaines".

  • L'Invention de l'épopée martiale spatiale : Garrett Serviss (1898)

    Le vrai premier Space Opera n'est pas vraiment La Guerre des Mondes de Herbert George Wells (1866-1946) en 1898. Certes, c'est le livre qui crée le cliché de l'Invasion extra-terrestre et du premier "rayon thermique", en anticipation des Lasers (inventés en réalité seulement en 1958). H.G. Wells a eu l'idée géniale d'inverser l'exploration coloniale (ce sont les Marsiens qui sont plus développés que nous et ils viennent triompher de nous comme nous avons triomphé des peuples moins technologiques sur notre monde). Les romans verniens sont d'habitude l'exploration de l'espace et là c'est l'Angleterre qui est assaillie et colonisée mais les Britanniques n'ont que peu de moyens pour résister (à part quelques scènes de batailles) ou pour contre-attaquer puisque les Marsiens sont finalement vaincus par l'infiniment petit, par le choc immunitaire de nos bactéries. Les Marsiens, au cerveau si développé, étaient de toute évidence en retard sur Robert Koch et Louis Pasteur dans ce domaine. La parabole darwinienne est que leur évolution intellectuelle et scientifique a trop négligé leur propre corps dans la compétition des deux espèces (thème qu'on trouvait déjà dans The Time Machine en 1895 avec la dégénérescence de l'Humanité en une spéciation sociale).

    La même année 1898, aux Etats-Unis, un astronome et célèbre vulgarisateur scientifique Garrett Serviss (1851–1929) va franchir un pas supplémentaire en écrivant une suite non-autorisée à la Guerre des Mondes : Edison's Conquest of Mars (en feuilleton dans le Boston Post). Serviss semble avoir été déçu par la conclusion si ironique de Wells, où les Humains n'avaient gagné que par un accident biologique.

    Dans Edison's Conquest of Mars, les Terriens se disent que les Martiens vont finir par revenir (E.E. Barnard observe leurs activités depuis son téléscope de Yerkes) et cela conduit à une unité mondiale de toute l'Humanité autour de Washington, DC. Ils décident une contre-invasion "préventive", menée par des scientifiques réels, dont surtout l'inventeur américain Thomas Edison (1847-1931), les physiciens Wilhelm Röntgen (qui venait de découvrir les Rayons X trois ans avant) et Lord Kelvin (ce qui est ironique comme le physicien britannique avait déclaré en 1896 qu'il n'y aurait jamais de vol d'aéronefs plus lourds que l'air...).

    Garrett Serviss dit aussi être membre de l'équipage et décrire les événements comme un article de journalisme. L'expédition punitive viendra sur une flotte de Vaisseaux. Edison invente les premiers scaphandres et la flotte terrienne passe par la Lune et part massacrer les Martiens, qui ressemblent à des Géants macrocéphales (mais leurs femelles sont, comme par hasard, plus proches de nos proportions).


    Le Vaisseau ("flying Ship of Space") inventé par Edison n'est pas une fusée envoyée par un tir de canon comme chez Verne ou Wells. Les Navires de l'Espace fonctionnent avec des "particules électrisées qui repoussent la gravité" (Percy Greg l'avait déjà utilisée dans son Across the Zodiac en 1880 et H.G. Wells en 1901 utilisera aussi l'anti-gravité). Edison invente aussi la première arme appelé un "Désintégrateur" (qui brouille la vibration des objets matériels), qui va devenir omniprésent dans la SF ensuite.

    Une des scènes du roman voit Thomas Edison se demander (ce que TVTropes appelle "suspendre l'abat-jour" pourquoi les Martiens, qui semblaient plus développés technologiquement, n'ont pas pu découvrir son anti-gravité et son Désintégrateur, plus puissants que leurs missiles et leur Rayons Thermiques.

    Les Terriens réussissent à apprendre la langue martienne grâce à des prisonniers et trouvent une esclave humaine d'origine d'Inde du Nord, car les Martiens ont déjà visité la Terre dans le passé (ce qui contredirait le roman de Wells où les Martiens ne connaissaient la Terre que par leur télescope). Les Terriens font fondre les Canaux de Mars et noient la civilisation martienne dans un Génocide de masse. Ils sont fous de joie en trouvant aussi de riches minerais, dont un astéroïde en or et un des membres de l'expédition épouse la belle captive des Martiens.

    Le roman de Garrett Serviss (en dehors de son didactisme vernien) a une idéologie très distincte de celle de Wells. Wells peut être un socialiste utopique mais il n'a pas de rapport si naïf à la technique. Serviss idéalise complètement le super-ingénieur Edison en symbole de l'Inventivité yankee. Alors que le roman de Wells ironisait sur le fait que l'Empire britannique pourrait être traité comme il avait dominé ses sujets coloniaux, le roman américain met le savoir-faire américain comme une justification de la supériorité de l'Humanité. Le racisme sous-jacent précise même que l'esclave humaine est de "la race aryenne" (la SF de l'époque est marquée par The Coming Race de 1871). Mais certaines scènes échappent au thème à la mode du Péril Jaune de l'ignoble Matthew Shiel la même année 1898. Chez Serviss, la Chine, le Japon ou le Siam soutiennent l'expédition, même si l'Amérique est le vrai centre.

  • L'Impérialisme et le Frisson devant la Technique avant la Grande Guerre

    Il y a de nombreux romans qui anticipent la Grande Guerre avec des armes technologiques avancées (comme l'apocalyptique War in the Air de H.G. Wells en 1907 où la Guerre aérienne destructrice entre les Anglo-Américains et les Germano-Japonais a ravagé la planète). Mais ces récits de Guerre Future restent le plus souvent sur Terre.

    L'Américain Edgar Rice Burroughs (1875 – 1950) a inventé le genre de la "Romance Planétaire" (ou "Epée & Planète") avec son Cycle de Mars (Barsoom, en Martien) en 1912, la même année où il crée Tarzan. Juste après la Guerre de Sécession, un vétéran de l'armée esclavagiste, John Carter, se retrouve sur Mars dans un monde antique où il est un surhomme à cause de la différence de gravité (cette différence était déjà signalée par Serviss dans Edison's Conquest of Mars mais ne servait qu'à donner des scènes de sauts gigantesques de Lord Kelvin). Mars est une sorte de Terra Incognita rêvée, une autre Frontière avec des hommes verts ou rouges, mais où le héros sudiste en 1866 est un conquérant aristocratique (tout comme le Lord anglais Tarzan est un Lord naturel, malgré tout le retour à la nature de la thériotrophie). La conquête de la Frontière extra-planétaire va vivre plus longtemps que celle sur les Indiens d'Amérique.

    Mais si Mars est à la mode à cette époque, il y a déjà des récits qui vont bien plus loin, et même au-delà du Système solaire.

    Le Britannique Robert William Cole publie en 1900 The Struggle for Empire: A Story of the Year 2236. Au XXe siècle, l'Empire britannique, allié aux USA et à l'Empire allemand, ont finalement vaincu leurs ennemis (tous les autres Empires, français, turcs, russes) et ont fondé l'Empire anglo-saxon (le thème "raciste" de l'unité nordique germano-britannique). Ils ont colonisé le système solaire et vont se retrouver au XXIIIe siècle face à un autre Empire extra-terrestre de Kairet venant de Sirius (8,6 années-lumière, ce sont des Humanoïdes indiscernables des Terriens). Après une bataille spatiale qui a lieu de Neptune à la Terre (où Londres est bombardée), l'Empire anglo-saxon finit par l'emporter. La fable impérialiste porte vraisemblablement sur la Guerre des Boers qui est en cours cette année-là et sur la Crise de Fachoda qui avait eu lieu en 1898.

    Quelques années après, le dépassement de notre système solaire est acquis, comme l'indique un roman allemand. Dans Wunderwelten (1911) de Friedrich Wilhelm Mader (1866-1945), les aventuriers menés par Lord Flitmore sont emportés par une comèt (comme Hector Servadac sur son astéroïde "Gallia") jusqu'à Alpha du Centaure (Proxima n'est découverte qu'en 1915). Cela doit aussi être un des premiers vols plus rapides que la lumière car Mader ignore les distances. Mais on est loin du Space Opera martial, comme l'expédition de Lord Flitmore réussit toujours à négocier avec les extra-terrestres intelligents qu'elle rencontre. Cela en fait une mission scientifique plutôt pacifique, à l'opposé de l'Impérialisme vengeur de Garrett Serviss ou de Robert Cole (bien que les Allemands de cette période aient eu aussi du ressentiment sur les conquêtes coloniales).

    En dehors de l'Empire, un autre fondement de Garrett Serviss avait été la technophilie et rien ne représente mieux cela que le luxembourgeois devenu Américain Hugo Gernsback. Gernsback développe à cette époque des revues sur l'électricité et la télégraphie sans fil et il va justement inventer le mot "scientific fiction" pour décrire son enthousiasme. Ses propres textes comme Ralph 124C 41+ (1911) ne sont presque que des catalogues d'inventions futures possibles (télévision, radar, etc.) avec une vague intrigue pour relier ces descriptions de découvertes. La science-fiction partage alors l'ennui des utopies baconiennes. Ironiquement, ce manifeste si rébarbatif de la nouvelle "scientifiction" parle encore de l'Ether à l'époque même où Einstein en 1905 vient de discréditer la notion. Les revues de Gernsback sur l'électricité vont ensuite le conduire à créer après la Guerre mondiale les premières revues consacrées à la science-fiction.

    En passant, et pour sortir un peu du Space Opera, on dit souvent que Nous (1920) de Zamyatine ou Brave New World (1932) de Huxley sont les premières dystopies construites contre un supposé utopisme scientiste de H.G. Wells (c'est un peu plus complexe comme Wells est aussi l'un des créateurs du cliché du Savant Fou, avec le Docteur Moreau). Mais dès avant l'effondrement de la Grande Guerre ou l'expérience totalitaire, le célèbre E.M. Forster écrit la première grande dystopie technophobe, la nouvelle "The Machine Stops" (1909). L'Humanité vit désormais dans des cellules isolées sous la Terre, depuis que la surface est devenue inhabitable. Les Humains, en contact virtuel, sont sous le contrôle de la Machine qui les nourrit mais les asservit au point qu'ils ont même oublié qu'ils l'ont créée et ont fini par l'adorer comme une divinité. Mais les Humains aliénés à la Machine ne la comprennent plus et n'arrivent donc plus à l'entretenir ou à la réparer. Elle commence à cesser de fonctionner et les Humains vont devoir réapprendre à se passer d'elle et à explorer le monde de la Surface. La SF réutilisera souvent ensuite ce thème post-apocalyptique et luddite de l'Ordinateur-Dieu en Moloch que ce soit l'épisode La Pomme (1967) de Star Trek ou Logan's Run (1967).

  • 1928 et la Fin des années Folles

    A l'après-guerre se multiplient des invasions terriennes de Mars au cinéma, dans des films comme Himmelskibet (1918) ou Aelita (1924).

    Au début de l'année 1926, Hugo Gernsback commence Amazing Stories, la première revue de fiction entièrement consacrée à la science-fiction (Weird Tales, créée 3 ans avant, était plutôt sur le fantastique). On peut voir les Couvertures d'Amazing Stories et les premiers numéros ne mentionnent presque que Jules Verne et H.G. Wells en couverture, avec quelques alibis scientifiques de vulgarisation et des docteurs en science ou en médecine. Mais la revue avait surtout un courrier des lecteurs qui forma le premier forum des Fans et ouvrit la voie de l'organisation de la Communauté. Le propre de la SF est cette émulation productive où les fans tentent de devenir auteurs. Ce n'est que 4 ans après, en 1930, que va naître la seconde grande revue de science-fiction et le concurrent le plus prestigieux de Amazing Stories, Astounding Stories (qui existe encore aujourd'hui sous le nom d'Analog).


    Les illustrations d'Amazing Stories ont beaucoup fait, avant les comic books, pour créer les clichés de la science-fiction. Ces Aliens en forme de puces géantes sont effrayants mais pourtant amicaux (vol. 1, n°7, octobre 1926) et ce planétoïde artificiel est déjà l'Etoile de la Mort (vol. 2, n°11, février 1928). J'ai moins de respect pour l'Hergé d'Objectif Lune en regardant l'illustration du scaphandre sur la couverture de mai 1929.

    Si on prend cette année 1928, juste avant la Grande Dépression, on trouve concentrée toute la naissance du Space Opera, avec Skylark et Buck Rogers.

    Le chimiste E.E. "Doc" Smith (1890 – 1965), publie Skylark en feuilleton à partir du numéro Vol. 3, n°5, août 1928 (mais Doc Smith l'avait écrite dès 1916-1920). Le héros Dick Seaton invente un moyen d'explorer l'espace (qui repose sur une formule secrète X qui a besoin de cuivre), mais le riche Marc DuQuesne tente de lui voler son invention. En poursuivant DuQuesne à bord de son vaisseau Skylark (l'Alouette), Seaton arrive sur une autre planète, Osnome dans le Système Vert, et l'équipage sera pris dans une guerre civile contre les Intelligences Désincarnées et les Mardonaliens. Seaton sauve ses alliés les Kondaliens et est nommé "Suzerain" d'Osnome. Doc Smith dit en passant que l'astronef peut aller plus vite que la lumière et que la théorie d'Einstein doit donc être fausse, un des premiers cas de vol FTL conscient. La contrainte narrative doit l'emporter sur la crédibilité scientifique.

    Dans le même numéro d'août 1928, Philip Francis Nowlan (1888-1940) publie Armageddon 2419 A.D. où son héros, Anthony "Buck" Rogers s'endort au XXe siècle (comme le héros de Wells) pour se réveiller au XXVe siècle, où le Terrien venu du passé délivrera la Terre d'invasions d'un peuple appelé les "Hans"... On le voit sur la couverture du numéro avec sa ceinture anti-gravité. Le feuilleton est surtout important parce que dès janvier 1929, il est adapté en comic-strip et qu'on considère Buck Rogers comme la première bd de science-fiction, 5 ans avant Flash Gordon (qui évoque d'ailleurs plus Dick Seaton de Skylark que Buck Rogers).

    Enfin, toujours le même mois d'août 1928, le prolifique auteur de pulps Edmon Hamilton (1904 – 1977) publie à 24 ans en feuilleton dans le magazine rival Weird Tales le début de son roman Crashing Suns, le comble du Space Opera épique puisque des civilisations peuvent y mouvoir des soleils entiers à travers l'Ether. La Patrouille Interstellaire, menée par Jan Tor, qui protège le Système solaire va devoir sauver notre Soleil contre une collision provoquée par des extra-terrestres. Ce genre influencera directement par la suite son ami, l'érudit Jack Williamson (1908-2006), qui publie sa première nouvelle dans Amazing Stories en 1928 et commencera son cycle de la Légion de l'Espace à partir de 1934). Flash Gordon reprendra aussi la même histoire avec la planète Mongo en mouvement à travers l'espace.

    Par coïncidence, André Maurois a aussi publié en 1928 une sorte de Space Opera dans une nouvelle, "La Guerre contre la Lune". Les héros veulent faire croire à un danger d'invasion sélenite pour mieux unifier et pacifier l'Humanité, mais ils découvrent que les Sélénites existent réellement.

  • Les Cycles et les Histoires du Futur


    Un Vélantien, un Rigellien et un "Tellurien" dans la Patrouille galactique

    Les auteurs de science-fiction des années 20 ne semblaient pas vraiment chercher la cohérence. Pr exemple, à partir de 1934, E.E. "Doc" Smith commence une autre série dans Amazing Stories, les Lensmen (où la Patrouille Galactique de plusieurs espèces non-humaines alliées lutte contre les ignobles Eddoriens), et il ne cherche pas à la réconcilier avec sa série précédente Skylark. Par la suite, la série des Lensmen constituera toute l'histoire d'une civilisation galactique.

    Mais à partir de juillet 1931 dans Amazing Stories, Neil Jones (1909 - 1988) imagine un autre cycle où, dans un très lointain futur, le dernier humain, le Professeur Jameson, est retrouvé cryogénisé par une race de cyborgs extra-terrestres, les Zoromes. Ils sauvent son cerveau et le transfèrent dans un corps mécanique, comme le leur. Désormais, le Professeur Jameson le Dernier Humain, va aider ses amis aliens les Zoromes dans toute une série d'aventures à travers les planètes (réunis ensuite dans plusieurs romans). Il est devenu potentiellement immortel dans cette enveloppe mécanique (ce n'est pas encore un téléchargement d'esprit mais simplement une transplantation cérébrale). La profanation du Dr Frankenstein est devenue une promesse d'éternité où l'homme dépasse l'opposition de la nature et de la technique.

    Edmond Hamilton l'imitera ensuite avec le Cerveau du Professeur Simon Wright dans sa série Captain Future, qui commence en 1940.


    Comme le héros de Neil Jones à l'enveloppe électronique traverse les siècles, encore plus que Buck Rogers, et pas seulement l'espace, ce serait une des premières séries à proposer en arrière-fond toute une chronologie pseudo-historique, ce qu'on appelle une Histoire Future.

    Ce terme d'Histoire de l'Avenir va devenir associé aux textes de Robert Heinlein (qui peuvent souvent se relier dans un univers cohérent) mais le concept se retrouve chez de nombreux autres auteurs de l'Âge d'Or.

    Michel Butor écrit dans "La crise de croissance de la Science-Fiction" (repris dans Repertoire, 1960) que "l'erreur" des auteurs de SF fut de ne pas avoir fait plus d'effort pour tenter de concilier depuis le départ leurs diverses Histoires futures et leurs univers si divergents. On sait bien qu'en réalité ce souci mythologique aurait été plutôt stérilisant, mais ce réflexe de continuité est assez typique de la volonté d'organisation fictive chez certains de ces auteurs : chacun veut donner une impression de totalité qui embrasserait l'univers mais chacun multiplie ensuite des univers incompatibles.

  • samedi 2 juillet 2011

    Psittacisme



    Je ne sais pas si cela remontera le moral sur les candidats du PS, mais cette vidéo du nouveau dirigeant du Parti travailliste Ed Miliband depuis septembre dernier montre quelqu'un de très mauvais au minimum sur la forme. Ed Miliband était soutenu par les syndicats et les ailes moins blairistes. [Son frère blairiste David Miliband attend maintenant de se poser comme plus critique pour profiter de son discrédit.]

    Sans doute à cause de sondages, Ed critique la grève des enseignants britanniques parce que les négociations ont encore lieu (alors que les grèves sont justement une réaction au fait que les décisions du gouvernement ont été annoncées avant la fin des négociations) et il le fait par une phrase sans originalité qu'il répète mot pour mot à chaque question. 6 fois de suite :

    The strikes are wrong while negotiations are still going on. But the government has acted in a reckless and provocative manner. Parents and the public have been let down. It's better after today's disruption for both sides to get round the negotiating table, put aside their rhetoric and stop this kind of thing happening again. The strikes are wrong while negotiations are still going on. But the government has acted in a reckless and provocative manner. Parents and the public have been let down. It's better after today's disruption for both sides to get round the negotiating table, put aside their rhetoric and stop this kind of thing happening again. The strikes are wrong while negotiations are still going on. But the government has acted in a reckless and provocative manner. Parents and the public have been let down. It's better after today's disruption for both sides to get round the negotiating table, put aside their rhetoric and stop this kind of thing happening again.



    Ce n'est pas qu'un manque de préparation (malgré la paresse légendaire de Miliband) mais un effet pervers du "message" pour télévision. Milliband veut à tout prix que cette petite phrase soit conservée et citée telle quelle par le journal de la BBC et il la ressasse donc comme un robot. Comme dit Kevin Drum, on a l'impression que si le journaliste lui demandait ce qu'il avait mangé au déjeuner, il répondrait qu'il est contre les grèves pendant les négociations mais que les deux parties ont des tort.