mercredi 25 janvier 2023

Pourquoi je ne ferai probablement pas de résumé de Space Ranger

Space Ranger fut aussi créé par Edmond Hamilton comme Chris KL-99 (en s'inspirant trèèès directement de Lucky Starr d'Asimov, qui était lui-même une parodie du Lone Ranger, un cowboy à travers notre système solaire) mais il ne resta pas durablement et comme les scénarios ne sont pas signés, on ignore quelles histoires seraient vraiment de lui. 

Une différence entre Lucky Starr et Ricky Starr est que le premier avait reçu un masque d'anciens Martiens qui pouvait le faire passer inaperçu alors que la visière de Ricky Starr ne semblait servir à rien d'intéressant. Un détail bizarre est que sa petite amie et secrétaire (au XXIIe siècle) a le même nom et prénom que la petite amie du Dr Midnite (en 1942...). 

La plupart des histoires furent écrites par Gardner Fox puis par Bob Haney (qui est quand même un des pires scénaristes de DC des années 60) ou par Arnold Drake, qui est certes meilleur mais qui a déclaré à quel point il haïssait ce personnage quand DC lui demandait d'écrire la suite de ses aventures. 

Drake raconte dans cette interview de 1999 que les scénaristes de DC se disputaient pour ne pas être forcés de faire Space Ranger. 

Arnold Drake : Space Ranger was funny: none of the writers liked the character. So you did Space Ranger as a kind of punishment. 

Sequential Tart: What didn't they like about it? 

Arnold Drake: Cornball. Space Ranger had an alien pet which we thought was very cornball, too. So I had a little song I made up. Whenever it was my turn to do Space Ranger, I'd sit down at the typewriter and I would sing, " Spaaaace Ranger, I hate you. Spaaace Ranger, you're miiiine."

Cela ne me donne pas tellement envie, quel que soit mon kitsch ou mon goût pour les histoires où le système solaire est habitable, de me plonger dans les 42 numéros de Tales of the Unexpected (même si la partie anthologie de nouvelles sans personnages récurrents a parfois des histoires vraiment charmantes). 

mardi 24 janvier 2023

Chris KL-99

J'ai déjà parlé plusieurs fois de ma tendresse pour Edmond Hamilton (1904-1977), un auteur des pulps qui fut un des fondateurs du Space Opera (avec son Crashing Suns, dès 1928). Après avoir créé le super-héros de sf Captain Future en 1940, (en cours de traduction française par Pierre-Paul Durastanti aux éditions du Bélial), Edmond Hamilton passa aux comic books où il devint un des principaux scénaristes de Superman et de la Légion des super-héros des années 1950 au début des années 1960. 



En septembre 1950, Hamilton crée pour DC Comics un personnage dans le premier numéro du nouveau magazine d'anthologie Strange Adventures, Chris KL-99. Il n'écrira que 8 épisodes (dans les numéros 1, 2, 3, 5, 7, 9, 11 et enfin le n°15 en décembre 1951) et le personnage tombera à peu près dans les limbes de l'oubli à part une brève apparition 35 ans après aux côtés de Superman dans DC Comics Presents 78 (février 1985) ou un retcon/reboot discutable de son passé dans Secret Origins 43 (1989). Par rapport à d'autres personnages récurrents comme Adam Strange (l'imitation de John Carter par Gardner Fox), Captain Comet (le superhéros mutant de John Broome) ou Space Ranger (un autre super-héros du futur de Hamilton inspiré du Lucky Starr d'Isaac Asimov), Chris KL-99 resta donc très peu populaire alors que je le trouve sur certains points plus original. 

Chris KL-99 est souvent présenté comme une nouvelle version de Captain Future (alias Curtis Newton, que Hamilton avait essayé de relancer dans une douzaine de numéros de Startling Stories après la Guerre). Comme ce dernier, Chris a trois partenaires pas totalement "humains" : Curtis Newton a Otho l'androïde (Mala dans l'anime), Grag le Robot et Simon Wright le Cerveau dans une Cuve, Chris KL-99 a deux extraterrestres humanoïdes, Jero le savant Vénusien (petit reptilien aquatique), Halk le gigantesque aventurier Martien rouge (qui a même droit à des origines dans le n°9 "The Exile of Space") et Loopy un "chien-caméléon" qui change de couleurs selon ses émotions (bleu pour peur, blanc pour fierté...). Ils partagent tous les trois un vaisseau décrit comme "minuscule" (tiny rocketship), le Pioneer (le vaisseau de Newton s'appelle le Comet). L'autre point commun avec Captain Future est que Newton cherchait à venger ses parents assassinés et que Chris enquête pour les retrouver dans les premiers épisodes (ce qu'il ne racontera que dans le n°7 sur ses origines). 

Les héros de comics de Hamilton tendent à être encore plus "sf molle" que ses romans de Space Opera habituels (ce qui n'est pas peu dire). Une autre différence est que Captain Future est plutôt un justicier du système solaire alors que Chris KL-99 n'est pas censé être un justicier mais un explorateur, un éclaireur obsédé uniquement par l'idée de répertorier de nouvelles planètes loin de notre système (voir les beaux textes d'Apollonios de Rhodes ou de Sénèque sur l'ouverture des horizons). Il lutte certes contre des dangers et des tyrans (pas tellement contre des envahisseurs extérieurs) mais sa motivation première reste la découverte, l'extension des cartes pour recouvrir le monde connu et réduire les zones obscures. 

Et là où Chris est encore assez moderne est dans une idée simple de "Prime Directive" de Star Trek avant la lettre : alors qu'il fut nommé en l'honneur de "Christophe Colomb", il en incarne l'idéal opposé de cet impérialiste esclavagiste comme il passe une partie de son temps à vouloir défendre les habitants indigènes de tout pillage ou déprédation. Il n'explore pas pour exploiter & exterminer mais pour préserver les mondes contre des colons moins respectueux que lui (même s'il faut reconnaître que l'interférence réapparaît quand il aide les populations contre leurs propres dirigeants). Ce n'est pas encore un thème aussi éculé qu'aujourd'hui et les autres séries de SF de cette époque avaient plus d'invasions d'extraterrestres au lieu de protection contre la colonisation. On sait que c'est la période où le genre dominant du Western va finir par se retourner contre son propre mythe de la Frontière (ce qui va finir par le faire disparaître de la représentation américaine la décennie suivante). 

Résumé des 8 épisodes

Strange Adventures #1 (septembre 1950): "The Menace of the Green Nebula!"
Dessins de Howard Sherman (1909-1993)
Chris KL-99 vit au XXIe siècle (Space Ranger sera reculé, lui, au XXIIe siècle) et est le premier Terrien né dans l'espace dans un vol entre la Terre et Mars. Il a été nommé Chris en hommage à Colomb et 99 comme un titre honorifique car il obtint un record 99% sur son score de cadet de l'Académie spatiale. Il cherche des planètes habitables et cartographie dans le système Alto une planète hyper-magnétique et un monde aquatique peuplé de phoques humanoïdes. Il fait d'ailleurs remarquer que la Terre aussi a été recouverte par les océans au XXe siècle. Cela me semble être une allusion à une autre histoire dans le même magazine, "The Second Deluge" de son collègue Gardner Fox où un savant a déclenché un déluge qui a recouvert la Terre en 1971 suite à une tentative de lutter contre la sécheresse (ou alors c'est un paradoxe temporel et Hamilton est en train de faire un cross-over avec la Cité des eaux mouvantes dans Valérian et Laureline...). Une des scènes récurrentes de la série est le fait que Chris aime disposer des modèles en 3D anti-gravité des systèmes solaires qu'il a explorés dans le Grand Cartulaire de The Hall of Worlds. Jan Varden, un autre explorateur, tend alors un piège à Chris. Il envoie une sonde téléguidée dans la Nébuleuse Verte avec un faux message d'appel à l'aide pour que Chris se sente obligé d'entrer dans cette zone dangereuse. Même Chris n'a pas osé y aller à cause des périls de la zone, des tourbillons et des formes de vie électriques (appelées des "Electrae" dans l'épisode de Strange Adventures n°9). Le Pioneer réussit à passer sans savoir qu'il ouvre ainsi la voie au vaisseau de Jan Varden, venu piller le radium du Monde de la Nébuleuse. Les habitants de ce monde se nourrissent de radium et Chris réussit à communiquer avec eux avec un traducteur télépathique. Il comprend alors la supercherie de Varden et le fait arrêter. Le monde des hommes de radium est déclaré hors-limites. 


Strange Adventures #2 (novembre 1950): "The World of Giant Robots!" 
Chris, Halk et Jero visitent un monde de plantes géantes et un monde désynchronisé où les habitants vivent au ralenti. Puis ils arrivent dans un monde où un savant nommé Karath a construit des Mechas géants pour réparer la planète qui menaçait d'être détruite par son activité volcanique (idée à laquelle n'avait pas pensé Jor-El pour Krypton !). La population a fui dans l'espace le temps que les Méchas re-"terraforment" leur planète, mais Zuur, un tyran, a pris le contrôle de ces Robots géants pour asservir sa population quand elle reviendra de son exil. Grâce à Loopy, Chris détourne l'attention des Robots et reprend le contrôle d'assez de machines pour vaincre les troupes de Zuur. La population revient et Zuur est arrêté. 

La manière dont les robots sont dessinés (avec à la place de la tête des sphères transparentes de pilotage qui font penser à des distributeurs de bonbons) rappellent la forme des robots hostiles de Computo dans l'histoire que Hamilton fera plus tard pour la Légion des superhéros (Adventure Comics 340, janvier 1966). 

Strange Adventures #3 (décembre 1950): "The Metal World!"
Le trio d'explorateurs survolent un monde avec des forêts de cristal et un monde creux habité sous une apparence désertique. Mais ils sont rappelés et trouvent un monde "nomade" (Gypsy World) dont les habitants pillent les métaux à travers l'espace connu. Leur monde a en effet perdu tout son métal face à une forme de vie metallivore qui a détruit toute leur civilisation (je crois me souvenir qu'il y avait aussi des metallivores dans un épisode de Captain Flam). Chris les aide à capturer une planète inhabitée riche en métal mais qui était trop proche d'un soleil rouge. Le monde nomade repart en emportant la planète de métal avec eux et en rendant les ressources qu'ils avaient volées. 

Un des défauts de cette série est la réticence de Hamilton à donner des noms propres. Il cite cependant un monde dans cet épisode Quorat le Monde du Brouillard sans visibilité. 

Strange Adventures #5 (février 1951): "The World Inside the Atom!" 
Le Bureau de la Science a capté un message d'appel à l'aide venu de la planète "Ruun". Chris découvre que Ruun est un monde dans un atome (la nouvelle "The Girl in the Golden Atom" de Ray Cummings date de 1919 mais Cummings l'avait déjà adaptée pour Timely dans Captain America) et il miniaturise son équipe pour y aller. A l'intérieur de ce micro-monde, Chris utilise la différence d'échelle pour se dissimuler et il libère le savant qui a créé un nouveau soleil nucléaire artificiel pour remplacer l'étoile mourante. Le savant a été remplacé par son frère jumeau qui veut utiliser ce soleil artificiel pour prendre le pouvoir (oui, Hamilton réutilise encore un scénario ruritanien qu'il reprend aussi dans The Star Kings). Chris réussit à rallumer le soleil et sauver Ruun. Il découvre que le temps relatif de Ruun ne s'écoule pas au même rythme que dans notre "macro-vers" (et cela est déjà évoqué dans le roman de Cummings aussi). Au lieu de mettre une maquette ou une simulation de ce monde dans le Musée de ses trophées, il y met l'atome lui-même. 

Strange Adventures #7 (avril 1951): "The Lost Earthmen!"
Dessins Carmine Infantino
L'épisode sur les origines de Chris KL-99 change de ton et devient soudain bien plus sombre. Chris semblait auparavant seulement enthousiaste et presque naïf dans son désir de collectionner les mondes à explorer alors qu'il est décrit maintenant comme un homme obsédé, isolé, habité par ce désir infini d'exploration. Même son équipage se pose des questions sur sa recherche insatiable de nouveaux mondes à cartographier. En fait, le vrai but de Chris n'était pas que la découverte mais retrouver ses parents disparus, explorateurs comme lui. Jon ST-94 et son épouse étaient partis il y a 20 ans dans leur vaisseau, The Starfarer. Chris retrouve enfin leur trace dans un monde où un phénomène nommé le "courant d'éther" a créé un cimetière d'épaves (j'ignore pourquoi Hamilton feint encore de croire à l'éther un demi-siècle après Michelson-Morley et Einstein mais je soupçonne une nostalgie pour ce terme poétique). Ses parents sont morts mais Chris sauve les autres survivants de l'équipage face aux astéroïdes (qui détruisent la sépulture de ses parents et la change en une nouvelle étoile, un "bûcher funéraire"). Revenu sur Terre, il veut abandonner l'exploration jusqu'à ce qu'il trouve un message de ses parents défunts lui demandant de continuer sa quête, "tant que l'humanité n'aura pas trouvé tous les secrets de l'univers". 



Strange Adventures #9 (juin 1951): "The Exile of Space"
Dessins Murphy Anderson
Alors que le Pioneer suit une comète dans l'espace pour répondre à un appel à l'aide et suivre les traces de cristal énergétique, Halk le Martien raconte ses origines. Il avait tenté d'augmenter la puissance d'un cristal d'énergie qui alimentait le pompage des canaux martiens. Son expérience échoua et sans cette source, la planète se dessécha. Halk partit alors en exil pour expier sa faute. 
L'équipage arrive dans une planète lointaine où un tyran utilise un réseau de satellites cristaux d'énergie pour dominer la planète (on reconnaît le même thème que dans l'épisode du n°2 et du n°5, un tyran fondant ses pouvoirs sur un avantage technologique). Chris aide les indigènes à se révolter en détruisant certains des cristaux. Halk peut enfin rapporter un cristal pour réparer sa faute sur Mars mais il décide de continuer à voyager avec Chris même si son exil a pris fin. 



 
Strange Adventures #11 (août 1951): "The Missing Moon!"
Chris découvre que la Terre avait jadis deux lunes et que l'une d'elles fut perdue dans l'espace par le recul d'une arme qui avait détruit leurs rivaux sur l'autre Lune. Il retrouve la lune errante et la sauve de la percussion avec un astre, en réutilisant les mêmes armes qui avaient envoyé le satellite dans le vide. 

Ce genre d'histoire de grandes catastrophes cosmogoniques semblait plus occuper la sf des années 30 mais le livre de Velikovsky, Worlds in Collision, venait à peine de sortir en 1950. Hamilton aimait utiliser des données astronomiques assez périmées : il y a encore une planète Vulcain dans Captain Future alors que cette planète fictive avait été réfutée depuis le début du siècle. Voir aussi ces étapes dans l'histoire du Space Opera

Strange Adventures #15 (décembre 1951): "The Rival Columbus of Space!"
Dessin Carmine Infantino
Shan Kar arrive de la planète Zor et devient un rival de Chris pour explorer une nébuleuse obscure. Chris n'a révélé à personne qu'il y est déjà allé. La planète contient des joyaux mais aussi un effet qui rend gigantesques ceux qui y atterrissent. Shan Kar devient un géant qui ne peut plus entrer dans son vaisseau et est bloqué dans la planète. Chris doit y sauver Shan Kar en utilisant un scaphandre qui lui permet de garder sa taille et de guérir son rival. (Dans Star Kings, l'ennemi cynique de l'Empire Galactique s'appelle Shor Kan). 

Ces deux derniers épisodes ne sont pas très réussis, ce qui laisse penser que Hamilton commençait à se désintéresser de son personnage. Cela explique peut-être pourquoi la série fut si courte. Je pense que le Strange Adventures n°7 sur les origines de Chris reste l'un des meilleurs tant il présente bien l'opposition entre lui et les héros traditionnels. 

Goodbye, Columbus

La version de Chris KL-99 dans Secret Origins 43 (1989), écrit par Joey Cavalieri est en rupture nette avec les origines qu'on trouvait dans Strange Adventures n°7. Cette fois, son vrai nom est plus simplement "Chris "Columbus" Ambler". Le nom "KL" n'a plus rien à voir avec "Columbus" et vient d'un peuple extraterrestre, les 98 K'Ls, qui a envoyé ses connaissances dans le cerveau de Chris quand il était encore enfant, ce qui fait de lui le "99e K'L", occupé par les données de ces Aliens en lui. Les K'Ls l'avaient choisi parce qu'il était plus ouvert et réceptif à la nouveauté de leurs messages. 




C'est plus intriguant sans doute et ce changement sur son baptême rend Chris bien plus inhumain, comme un Superman inversé adopté par les dieux étrangers. Peut-être que les scénaristes modernes trouvent ces noms alphanumériques à la Zamyatine trop datés ou ridicules (de même que Kal-El devait s'appeler "Kal-L" à l'origine). 

Chris est toujours le premier Terrien né dans l'espace (comme Virginia Dare fut la première Britannique née en Amérique) et il fit l'objet d'une propagande à ce sujet depuis sa naissance avant d'être enlevé et éduqué par le peuple télépathique des K'L's. 

Mais cette version de KL très xénophile qui prend parti pour ses mentors extraterrestres contre les Humains qui ont voulu les éliminer, et même contre ses parents génétiques doit en fait plus tenir de Valentine Michael Smith dans Stranger in a Strange Land (1961) de Robert Heinlein, plus que de l'explorateur originel d'Edmond Hamilton. Le Chris originel pouvait défendre les droits des Aliens mais cette seconde version semble devenu aussi misanthrope que Gulliver quand il revient de chez les Houyhnhnm. L'explorateur est devenu étranger à son monde de naissance. 

jeudi 5 janvier 2023

Naturalisme et Narration en cartographie imaginaire

 Cette vidéo sur les cartes imaginaires en jeu de rôle m'a fait comprendre quelque chose qui doit paraître assez évident aux illustrateurs : que le naturalisme d'une carte peut être un obstacle car cela ne fait pas assez saillir des lignes de force pour le récit. Il faut une illustration qui suggère des choix, qui donne immédiatement une ambiance et des informations qui échappent à l'échelle de la représentation. On doit plus chercher des récits possibles et des énigmes que la simple vraisemblance. 

La vidéo cite notamment cette très belle carte du Nord, la Carta Marina de l'Archevêque Olaus Magnus vers 1540, saturée de créatures étranges qui semblent enfuies d'une Tentation de Saint Antoine ou d'un enfer de Bosch. Les capitales n'y sont pas des points mais des trônes avec le portrait du roi et son blason qui feraient des centaines de kilomètres si on était à l'échelle.  

mardi 3 janvier 2023

ChatGPT scénariste de jeu de rôle

J'ai demandé à Chat GPT-3 (Generative Pre-trained Transformer, la nouvelle "IA" de conversation qui peut être parfois si bluffante) d'écrire une aventure se passant dans les Terres du Milieu et voilà ce qu'a été l'échange : 

Sure! Here is a short adventure set in Middle-Earth:

It is a dark and stormy night in the land of Middle-Earth. The wind howls through the trees and lightning illuminates the sky. You are a brave adventurer, traveling through the forest on your way to the kingdom of Rohan.

As you make your way through the forest, you hear a faint cry for help. It sounds like it's coming from a clearing up ahead. As you approach, you see a group of orcs surrounding a lone figure. The figure is a hobbit, and he is clearly in trouble.

Without hesitation, you draw your sword and charge towards the orcs. The hobbit sees you coming and uses the opportunity to escape. You fight bravely, but there are too many orcs. Just when it seems like all is lost, the sound of horns fills the air. The orcs turn and flee, and you see a group of riders charging towards you.

The riders are the Rohirrim, a noble people who are sworn to protect the kingdom of Rohan. They thank you for your bravery and invite you to come back to their kingdom with them. You happily accept and join them on their journey.

As you ride through the green fields of Rohan, you feel a sense of pride and accomplishment. You have completed your adventure and helped protect the kingdom from the forces of evil.


Ok, ce n'est pas encore terrible (c'est même invendable comme c'est médiocre) mais je suis impressionné de la vitesse (deux secondes) avec laquelle il a interprété correctement la demande (si ce n'est qu'aventure semble pris plus comme une nouvelle qu'un scénario de jeu de rôle). Rien qu'avec les mots "aventure de jeu de rôle" et "Terre du Milieu", le modèle a identifié les clichés les plus immédiats. 

Je décide donc de prendre ma retraite et d'externaliser désormais tous mes posts à cette AI (mais il n'est pas certain qu'on verra la différence). 

dimanche 1 janvier 2023

Gilgamesh & Dumuzi

 (Ce ne sont que quelques notes de brouillon en attente sur lesquelles je devrais revenir dans les oppositions structurales entre les deux dieux-héros)

On avait commencé l'année 2016 par un chant de Gilgamesh en sumérien. 

Points communs

Dumuzid et Gilgamesh ont des points communs. Les deux sont liés à la cité d'Unug (Uruk), les deux sont décrits comme des princes-bergers de la ville, les deux sont des mortels ambigus

Dumuzi (le Fils) existe en plusieurs versions, dont des Rois humains avant Gilgamesh : le Dumuzi d'avant le déluge et celui post-diluvien. Il est fils de la déesse du bétail Ninsun (Sirtur) dans certaines versions tout comme Gilgamesh, mais Gilgamesh a un père roi, Lugabanda, alors que Dumuzi a parfois aussi un père dieu, Enki (Ea), dieu de l'eau. 

Oppositions 1 : la relation avec Innana

Innana, la Déesse du Ciel, est amoureuse de Dumuzi et il accepte de l'épouser. (Même si dans certaines versions, il peut refuser ou au contraire vouloir la forcer) Elle compare Dumuzi à un taureau qui doit la labourer

Innana est amoureuse de Gilgamesh mais celui-ci refuse. Elle envoie un taureau céleste pour le tuer

Dans une version, Dumuzi le Berger est le rival d'Enkimdu l'Agriculteur pour la main d'Innana. Alors qu'on pourrait croire que c'est l'Agriculteur sédentaire qui serait lié à la Ville (comme Caïn contre Abel le Pasteur Nomade), c'est Dumuzi qui l'emporte et devient Roi-Berger. Enkimdu accepte de se réconcilier avec le Berger. 

Gilgamesh devient l'ami d'Enkidu l'Homme-Bête (qui est ici plus l'inverse du Berger au sens où il est Bête) et il devient même un amant en partageant le vin avec lui, ce qui met Innana en rivale d'Enkidu. Innana tuera son rival. [Dans mes lectures, je n'ai trouvé aucune mise en comparaison entre Enkimdu le pacifique, créateur d'irrigations et de canaux, et EnKiDu l'Homme-Bête, dont le nom signifie peut-être "création d'Enki".]

Oppositions : la mort

Innana, La Reine du Ciel, fille de Nanna (Sin) et Ningal (Nikkal), part en quête pour envahir les enfers et prendre la souveraineté de sa soeur Ereshkigal, la Reine des enfers mais elle reste capturée sous la terre dans les ténèbres, où elle perd son corps. Enki, dieu des eaux de vie, et parfois père de Dumuzi, fait revivre Innana, à condition d'offrir quelqu'un. Elle veut sacrifier Dumuzi et Dumuzi est transformé en Serpent (par Utu/Shamash, frère d'Innana) pour tenter de lui échapper mais la soeur de Dumuzi, Geshtinanna, déesse du vin, obtient de le remplacer une partie de l'année. Dumuzi devient le Dieu qui Meurt et qui Renaît chaque année. Gilgamesh dit refuser d'épouser Innana parce qu'il ne veut pas finir tué comme Dumuzi. Innana envahit les enfers comme Pirithoos veut enlever Perséphone mais elle perd son mari au lieu de chercher un mari. 

A cause d'Innana qui a tué Enkidu, Gilgamesh craint de mourir et part en quête de l'immortalité au-delà des eaux de mort. Il réussit et ramène l'herbe d'immortalité de son aïeul du déluge, mais c'est un Serpent qui lui vole l'ambroisie et qui pourra changer de corps. Gilgamesh reste un Roi mortel mais c'est le corps de sa cité qui restera (oui, il y a déjà deux corps du roi entre le roi-berger et le leviathan, la mégamachine qu'il a fait construire). 

Dans les premières reconstructions des tablettes du mythe, on croyait qu'Innana descendait pour ressusciter Dumuzi (un Orphée inversé) alors qu'elle sacrifie Dumuzi comme Admète est prêt à sacrifier Alceste et c'est la soeur de Dumuzi (la Vigne, qui en fermentant donne le liquide qu'on croit plus ou moins liée à des formes d'ambroisie) qui se sacrifie, non pas sa femme. 

Dumuzi est l'acceptation de la fonction sacrée du mariage avec la Déesse du Ciel et du Désir mais il doit accepter aussi la mort. Elle a deux fils, Lulal et Shara, liés à d'autres cités. Gilgamesh veut être le berger sans accepter la hiérogamie mais il reste infécond, ne se réalisant que dans la pierre de la ville. 

Récit de rêve : La baignoire du refoulement

(Rêve fait la nuit du 30 au 31 décembre)
Dans ce rêve, je n'aime pas tellement ma personnalité, assez désagréable et sarcastique. 

Une personne qui ressemble à la chanteuse A. Asknes me fait visiter son appartement mais nous n'avons que des rapports froids et distants. L'appartement n'a aucune porte intérieure. C'est un espace avec d'un côté un salon-salle de bain sans aucune séparation (une "salle de bain à l'américaine"...) et de l'autre deux couloirs de buanderie autour d'un mur central orthogonal à la première pièce. La baignoire est particulièrement étrange, avec deux bains reliés par deux rampes qui descendent vers les étages inférieurs comme une rampe de bobsleigh ou bien comme un tapis roulant de valises dans un aéroport mais inversé en inclinaison vers le bas. Comme dans tant de rêves, cette architecture absurde ne semble presque pas m'étonner. 

Elle a l'air très préoccupée de moisissures brunes sur les murs mais je fais remarquer avec peu d'empathie qu'il y en a tellement que cela ressemble presque à des veinures sur du marbre. 

Elle me dit qu'elle va utiliser une mousse anti-moisissures conseillée par une de ses collègues et je tente de l'en dissuader. Elle met la mousse qui commence à se multiplier le long de l'appartement en un éclair et finit par descendre le long de la rampe de la salle de bain vers les étages du bas, à la vitesse d'un cheval au galop, comme une réaction chimique explosive. 

Cela emporte le pommeau de douche vers le bas en devenant un torrent d'eau. Je prends conscience que l'eau va faire des dégâts et je commence à saisir le pommeau mais en le rattrapant de la rampe, il se met à déclencher une sorte de ressac, un nouveau torrent qui remonte la rampe et envahit tout l'appartement.

Le niveau des eaux monte autour de nous et on voit tous les objets et meubles de l'appartement emportés dans une sorte de circuit, descendant la rampe vers le bas et remontant ensuite par l'autre rampe en un tourbillon très rapide, et le personnage qui me représente a l'air plus amusé qu'effrayé ou surpris. 

Les voeux de Nietzsche

SANCTUS JANUARIUS
Toi qui d’une lance de flamme
De mon âme as brisé la glace,
Et qui la chasses maintenant vers la mer écumante,
De ses plus hauts espoirs :
Toujours plus clair et mieux portant,
Libre dans une aimante contrainte :
Ainsi elle célèbre tes miracles,
Toi le plus beau mois de janvier.

Gênes, janvier 1882.


Gai Savoir, IV, aphorisme 276
Zum neuen Jahr. — (...) Ich will immer mehr lernen, das Notwendige an den Dingen als das Schöne sehen: — so werde ich Einer von Denen sein, welche die Dinge schön machen. Amor fati: das sei von nun an meine Liebe! Ich will keinen Krieg gegen das Hässliche führen. Ich will nicht anklagen, ich will nicht einmal die Ankläger anklagen. Wegsehen sei meine einzige Verneinung! Und, Alles in Allem und Großen: ich will irgendwann einmal nur noch ein Ja-sagender sein!

Janus, dieu de l'Éternel Retour, arrête Bellone, déesse de la Guerre
Statue de Johann Wilhelm Beyer, 1780


Je veux toujours apprendre davantage à voir la Nécessité des choses comme le Beau, et ainsi devenir un de ceux qui rendent les choses belles. Amour du Destin : que ce soit désormais mon amour ! Je ne veux pas mener de guerre contre le laid. Je n'accuserai pas, je n'accuserai pas même les accusateurs. Qu'écarter mon regard soit ma seule négation. Et qu'en tout et pour tout et en grand : je veux ne plus être un jour qu'un Affirmateur

***

Nietzsche écrit que l'hiver a été très doux à Gênes, ville de "pillards de l'orient" (aphorisme 291). Il écrit à Paul Rée qu'il se baigne là où son oncle maternel Theobald Oehler s'était noyé après avoir eu une attaque en juin de l'année précédente, à 52 ans. Nietzsche a été à Gênes plusieurs fois depuis 1880, notamment l'hiver et il va à Sils-Maria l'été. Je pense que ce "Sanctus Januarius" à Genova a plus à voir avec Janus qu'avec San Gennaro de Naples. Janus est un dieu des seuils et des commencements ("Matutine Pater" dit Horace, Satires, II, 6). Il doit relancer l'année en plein hiver et doit donc être une Aurore face à la glace et je vois peu de lien avec le Saint Janvier catholique et son culte du Sang qui redevient liquide (adoré près de l'équinoxe d'automne). 

On ouvrait grandes les portes de Janus en temps de guerre alors qu'on faisait l'inverse pour les autres demeures des dieux parce que les Portes de Janus auraient fait partir un torrent d'eau bouillante contre les Sabins aux origines de Rome. Même si Janus doit arrêter la Guerre, le conflit et le ressentiment, l'éloge de l'Affirmation n'échappe pas à une dialectique, où il se moque aussi des "ânes" bénis-oui-oui. Le problème est de savoir ce qu'il peut conserver d'un Amor Fati dénué de toute téléologie.