[JDR] En relisant... Casus Belli (vol. 1) n°23

Sur le forum CasusNO, Voficerator a fait une rétrospective des vieux Casus Belli (vol. 1) du n°39 (1987) à 45 (mais cela continue au fur et à mesure des parutions du Casus Belli actuel). Ce qui me donne envie de me replonger à nouveau dans le Casus Belli de l'époque Excelsior (ce que je n'avais plus fait depuis 8 ans ! - on verra si je fais la suite en 2031). 

Casus Belli (vol. 1) n°23, décembre 1984, 55 pages, 15 Fr.

Bernard Verlhac, alias "Tignous" (1957-2015 - les deux noms distincts apparaissent dans l'Ours de ce numéro !), assassiné par des terroristes dans les locaux de Charlie Hebdo dans les circonstances épouvantables que tout le monde connaît, avait donc 27 ans quand il réalisa cette couverture de Casus Belli. Les bonnes couvertures racontent des histoires et celle-ci est particulièrement dense. On y voit un jeune adolescent avec un fusil qui a l'air de vivre au XVIIe ou XVIIIe siècle (je laisse les spécialistes d'armes à feu en discuter). Il est tiré sur un chemin par un petit gnome devant une sorcière en sabots qui porte un vieux bicorne, un hibou sur les épaules et une sorte de jeune fée peu vêtue à ses côtés. Cette sorcière fait aussi penser à celle qu'il avait dessinée dans le scénario Le Trèfle Noir pour Légendes celtiques et l'ambiance fait un peu conte breton. On ne saura probablement jamais s'il y a une référence plus précise mais cela donne envie de jouer dans ce genre de campagne féérique. 

La page Nouveautés cite de nombreux clubs : la Guilde des Saigneurs (Amiens), le Fer de Lance (Paris et Boulogne-Billancourt), le K.R.A.C. (Kriegspiel Rhône Alpes Club de Lyon, qui existe toujours !), les Seigneurs de l'Astrolabe (Fac de Jussieu), la Confrérie des Sorciers Maudits (Gironde), Démons à la Carte (Haute Savoie), les Compagnons de l'Anneau (fans de Tolkien), Archimède (Nice). 

Il y a  quelques petites erreurs dans la section jeu de rôle. Elle parle d'un jeu "Globo" pour jouer des Toons chez SJG, mais ils voulaient dire que SJG fait aussi en plus de Toon le jeu de société humoristique Globbo!  On annonce Iron Wind et Sinking Plain en disant que c'est pour Middle Earth (c'est pour Shadow World de ICE mais le second ne restera pas "canonique"). Ils citent aussi un jeu de rôle "Star Race" (c'est Star Ace) et un "Ring War Companion" (sic, c'est chez Chaosium pour Ringworld).

En Têtes d'affiche, il y a une critique très positive de Toon par Martin Latallo (qui dit certes qu'on ne peut pas y jouer très longtemps) et une autre d'Empire galactique par Ch. Montel (avec un erratum du jeu). 

Dans la section wargame, P. Giacomini fait une longue analyse (6 pages) du supplément Siege pour Cry Havoc. En jeu de plateau (ce n'est pas exactement un wargame), Spies (SPI, 1981, réédition TSR 1984) a l'air assez intéressant et simule des luttes entres les puissances dans la période des années 30 à la Seconde Guerre mondiale. 

Dans la section Ludotique, le Dr Frank Stora parle de Return of Heracles de Stuart Smith comme d'un quasi-jeu de rôle. Vous pouvez y jouer là si vous voulez vérifier à quoi ressemblaient les capacités du jeu il y a 40 ans. F. Stora dit que le jeu a "un prix très raisonnable" à 450 FF (soit 150 euros de 2023). 

Début de la section JdR : 23 sur 55. 

Les métiers des citadins : Cyril Rayer (qui participa ensuite encore un peu à Laelith) fait un tableau de rencontre en ville médiéval-fantastique (avec certains métiers un peu modernes, certes, comme "taxidermiste") et c'est le genre d'outil intéressant qu'on adore dans les magazines de jeu de rôle. Je pense que les longues tables de Thieves'World le font encore mieux sans doute mais c'est quand même utile et cela reste même mon meilleur souvenir de ce numéro 23 dans le potentiel des rencontres renouvelées. Olivier Tubach propose aussi l'adaptation en programme informatique pour en faire un générateur aléatoire (avec un petit erratum dans le numéro suivant p. 8). 

Devine qui vient dîner ce soir

L'hippoxyle est un cheval de bois géant (4 mètres, Loyal Mauvais, HD 8) qui peut contrôler la végétation. 
L'araignée de nuit par M. Latallo est une araignée géante qui peut empoisonner mais aussi contrôler d'autres araignées. 

Le télégastre de Denis Gerfaud illustré par Tignous est un poisson géant qui peut téléporter son estomac dans une salle d'un donjon avant de le retéléporter dans son corps en pleine mer. L'idée est amusante mais sans doute impossible à appliquer sans cruauté extrême pour des PJ. 

M. Latallo donne ensuite sa version de la classe de personnage du Barbare pour AD&D. Comme je l'ai dit dans les commentaires sur les classes dans Info-Jeux, c'est une traduction légèrement adaptée de la classe du Barbare de White Dwarf n°4, 1977 p. 17 & WD 12 par Brian Asbury (avec, je crois, une influence de la version officielle de Gary Gygax dans Dragon 63, juillet 1982 p. 8-10). Je n'ai pas le courage d'aller jusqu'à comparer avec la version finale dans Unearthed Arcana. La version Latallo précise bien que le Barbare doit être chaotique (celui de Gygax peut être Neutre), qu'il est un sous-classe du guerrier (un peu Ranger-Voleur) mais il est bien plus limité en objets magiques : celui d'Asbury pouvait avoir tous les objets du guerrier, celui de Casus n'a droit qu'à une potion, alors que la version de Gygax va jusqu'à refuser tous les objets magiques. Celui d'Asbury n'avait qu'1d6 comme HD (car on était encore dans OD&D !), celui de Latallo 1d10 et celui de Gygax 1d12. La Fureur du Barbare de Casus est bien plus proche d'un Berserker et il faut même tester s'il arrive à en sortir ou s'il risque d'attaquer ses propres camarades (ce qui ferait du Barbare une classe encore plus détestée que le snobisme du Paladin, non ?). Plus il est blessé, plus il a de chances d'entrer en Fureur (mais il n'a le droit de ne tenter qu'une seule fois). Il a en gros Niveau x 10% de chance de se contrôler. Celui de CB a Détecter la Magie comme celui de Gygax. 

Le jeu en encart Colorado Smith et le Sacré Temple de Sylvie Rodriguez ressemble à un petit scénario de jeu de rôle tactique. C'est elle qui deviendra pendant quelques temps une rédactrice en chef d'Info-Jeux quelques années après. 

Denis Gerfaud fait une recension de deux pages sur Chill en précisant bien que c'est plus un jeu d'action que Call of Cthulhu. Latallo fera un scénario aussi pour Chill dans le n°28 et Gerfaud dans le n°39 (une maison hantée qu'évoque Vociferator). 

Puis Gerfaud écrit une petite aventure en solo "gothique"-horreur à la Dracula, La nuit de Wormezaa (1e partie, p. 39-41), avec des règles proches des Fighting Fantasy / LDVELH. Vous devez sauver votre frère qui travaillait comme secrétaire pour le Comte Wormezza et dans cet épisode, on suit une caravane de tziganes vers le domaine du Comte. Ce fut en trois parties dans les numéros 23-25. 

Question de calibre est un ensemble de règles optionnelles modifiées pour Call of Cthulhu par Latallo, avec même un système nouveau de création des compétences du PJ. 

Ici commencent les deux scénarios de ce numéro. 

Bon baisers de l'enfer (p. 45-50)  est une aventure pour James Bond 007 par Michel Serrat (qui fut ensuite un des traducteurs du jeu en français en 1988 pour Jeux Descartes). Je n'ai pas bien compris le scénario. C'est peut-être dans l'esprit des films de James Bond mais je trouve parfois cela un peu trop cartoony, plus Avengers (au sens Mr Steed, Chapeau Melon & Botte de Cuir) que crédible. Le vilain garde dans sa réserve de Tasmanie des espèces en voie de disparition et fait un chantage international en menaçant de détruire les dernières exemplaires. Dans notre contexte où les gouvernements ne font rien contre des catastrophes touchant les humains, on peut douter que ce chantage aurait le moindre succès. 

L'initié du 5e cercle (p. 51-54)  par Marc Laperlier est une mini-campagne AD&D dont le principal intérêt est de décrire l'île de Rope dans le monde des Îles d'Arglenn et des Îles Flottantes éditées par la NEF (Nouvelle Edition Fantastique, avec Sylvie Rodriguez, qui éditera par la suite la première édition de Rêve de Dragon de Denis Gerfaud et Tignous en 1985-1987). C'est ce module de Casus Belli qui est la vraie description synthétique de ce cadre car les scénarios publiés ne l'avaient jamais décrit avec autant de détails.

Rope est une île qui semble être un mélange d'Islande et d'Irlande : à l'ouest, le Comté de Skara, la Principauté de Lemach', au centre le Royaume de Lore (suzerain de l'île), avec le Comté de Roskenn, le Duché de Nordhal, le Duché de Smier et le Comté de Nesbeorg. L'Île adore le polythéisme nordique sauf le Smier qui est christianisé et le Nordhal qui a un culte plus ésotérique des rêves et des druides. Contrairement à ce que j'avais écrit dans une note précédente, l'Oujasnie n'est pas du tout slave mais plutôt picte, avec une population plus archaïque (les Steppes d'Oujasnie ont eu droit à un supplément aussi mais je ne l'ai pas lu). 

La mini-campagne consiste à trouver un remède pour sauver le Comte Ulfried de Nesbeorg d'une malédiction, ce qui va les forcer à faire le tour de l'île.