mardi 5 septembre 2023

Le mal du pays

Alan Moore a déjà dit plusieurs fois qu'il juge la nostalgie dangereuse et aliénante, un plaisir infantilisant et avilissant frelaté par une commercialisation de ce conservatisme. Il accuse par exemple la "Britpop" des années 1990 de n'avoir été qu'une exploitation servile de cette nostalgie qui perdait toute la force originelle de ce qu'elle prétendait singer. Et il est indéniable que les marchés trouvent plus rentable de piller ainsi des émotions de ressentiment envers les accélérations des changements. Il croit que les cultures ont créé de la nouveauté par un mélange de marges expérimentales et de certaines créations populaires échappant aux élites alors que la nostalgie serait une production facile de nihilisme des élites pour museler la créativité. Ce qu'Alan Moore fustige comme "nostalgie" n'est pas une révision du passé (puisque c'est ce qu'il a souvent fait lui-même) mais au contraire une idolâtrie fétichiste du passé. Mais la frontière peut être floue entre les deux, s'il n'y a pas de reprise sans un peu de travail de révision. Il peut y avoir un risque de prétendre savoir délimiter MA bonne parodie et TON plagiat éhonté, MON hommage subversif et TA copie morte. La nostalgie peut recouvrir une crainte de l'avenir mais aussi un désir de réinventer un passé sans rester seulement dépendant de ce qu'on croit être une identité déjà toute faite. Le néo-essentialisme actuel voudrait figer à nouveau des identités et même quand ils prétendent déconstruire l'identité conventionnelle, cela peut être encore parfois au nom d'une autre identité originelle cachée. Au contraire, tout "retour" peut aussi voir les contingences dans ce qui n'avait pas été tenté dans les origines. 

Un des aspects quand on vieillit est de se demander quand on commence à être laissé de côté par l'accélération non seulement des techniques et des coutumes mais aussi de la langue. Je peux essayer d'apprendre la langue de ceux qui ne sont pas de mon âge mais c'est un dialecte différent, même s'il ne faut pas toujours se reposer sur la seule langue de son esprit du temps. 

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