samedi 11 mai 2024

The Green Lantern (2019-2021)

Grant Morrison écrivit (avec l'excellent dessinateur britannique Liam Sharp) environ 25 épisodes de Green Lantern (repris en 4 TPB, Intergalactic Lawman, The Day the Stars Fell, The Green Lantern Season Two Volume 1 et Volume 2: Ultrawar) et je ne connais pas de meilleure analyse de son run que ce long fil sur twitter par le critique Darren Mooney que j'aurais du mal à résumer. 

J'avais bien remarqué que Grant Morrison commençait par une parodie de série policière et une reprise de nombreuses histoires oubliées de l'Âge d'argent mais je n'avais pas vu l'importance de la parodie politique où Morrison semble dire à la fois qu'il garde de l'affection pour les vieux comics de superhéros mais reconnaître de manière "méta-référentielle" le reproche d'Alan Moore selon lequel les comics de superhéros (et peut-être plus encore les comics DC) se sont enfermés dans une boucle toxique,  et réactionnaire dans sa "nostalgie". 


DC est tellement "méta-réferentiel" que tout son multivers ne semble plus parler que de lui-même et Morrison semble moins optimiste que dans son si obscur Final Crisis sur la possibilité de sortir de ce trou noir créatif où Green Lantern recycle et consomme à nouveau les mêmes histoires. 

Add. C'était un peu bref. 

Le run de Morrison part de Green Lantern en policier - mais comme Morrison se dit anarchiste, il veut changer ce "policier" de l'espace en une force du Libre arbitre contre l'Ordre oppressant (et parasitaire - Morrison est obsédé par le thème des vampires) des Contrôleurs. 

Tout le côté si décrié de Hal Jordan, son apitoiement sur lui-même, ses tergiversations où il n'arrive jamais à se stabiliser devient dès lors assez métaphorique comme Scott Free dans Mister Miracle. Hal ne peut pas se stabiliser, il n'a rien d'un Judge Dredd, il finit souvent en clochard nomade. Hal Jordan n'est pas seulement un Dirty Harry, le flic qui brise les codes formels au nom de sa conception individuelle du bien et qui finirait donc de l'anarchisme vers le fascisme. Hal devient une goutte de Chaos dans la fonction de l'Ordre.  Hal explique que sa fonction prévue par les Gardiens est de se rebeller contre leur autorité. Superman ou Wonder Woman sont fondamentalement bons, Batman est juste, Green Lantern, en tant qu'avatar de la Volonté, est l'aspect de liberté dans la Loi. 

Les Gardiens sont d'habitude trop souvent réduits à des figures d'autorité pleines d'hubris. Ils perdent ici un peu de leur volonté de puissance panoptique face aux Contrôleurs et à leurs "Etoiles Noires" (qui remplacent avantageusement Darkseid comme figure de l'annihilation de la liberté).

Morrison reprend un McGuffin omnipotent, la Machine à Miracle (créée à l'origine par les Contrôleurs dans la Légion des superhéros). La Machine à Miracle devrait être la négation de toute histoire comme elle ne se contente pas de quelques modifications, elle peut altérer toute la réalité, rebooter tout le Multivers. Hal Jordan devient une volonté libre qui veut s'affirmer face à cette Puissance absolue. Rarement Morrison sera autant revenu vers les thèmes métaphysiques aussi directs à la Jim Starlin. 

La "Lanterne d'Or" est un Don Quichotte cosmique de l'univers de Terre-11. C'est assez amusant de remplacer le "Merlin" Omniversel tyrannique (chez Alan Moore et Marvel dans Captain Britain) par un Don Quichotte fou qui se prend à tort pour un Arthur multiversel. Le thème du McGuffin ou du Saint Graal devient dès lors ridiculisé quand Hal Jordan dévoile que la Lanterne d'Or ne semble au début avoir aucun Graal. 

Le thème des Vampires est réactivé avec les Mangeurs de Soleil, dont on apprend qu'ils sont l'évolution ultime des Vampires cosmiques (mais je ne vois pas bien en quoi des parasites qui craignent la lumière peuvent devenir des parasites des soleils). On avait déjà dans Final Crisis comment les Monitors étaient devenus des parasites en consommant en fait les Terres qu'ils devaient "contempler" et la Dame Belzebuth de cette série est révélée comme la fille du Mandrakk de Final Crisis. Les Contrôleurs utilisent les Mangeurs de Soleil comme l'arme ultime et ils parasitent donc les vampires en les élevant comme leurs monstres. Les Contrôleurs sont une évolution de la Justice vers une forme de nihilisme (j'ai déjà fait remarquer les analogies entre le Nekron de Green Lantern et le personnage de Judge Dredd créés simultanément et avec le même dessinateur Brian Bolland). 

Il faut reconnaître une chose dans ce run, les Guerres cosmiques qui se succèdent (Guerre contre les Mangeurs de soleil, Guerre contre les Etoiles noires...) réussissent à maintenir quelque chose d'épique malgré le risque de la répétition. 

Add. 2 Hal le Womanizer


La série revisite de nombreuses ex-petites amies de GL et semble même s'en servir pour articuler les chapitres. Hal Jordan a changé tellement de relations amoureuses (un peu comme Peter Parker) que cela en devient une de ses caractéristiques, une marque ce son instabilité chaotique qui vient compenser la Loi en lui. 

Le tableau ci-dessus ordonne Sept amies selon un "spectre" des couleurs de la création. Depuis le choix de Geoff Johns de créer plusieurs couleurs de Lanterne en plus des saphir-violets ou des anneaux-jaunes, le spectre des couleurs visibles est censé représenter aussi une catégorisation des affects fondamentaux de l'univers. 

En commençant par le rouge, on a donc d'abord Olivia Reynolds (Green Lantern 71, 1969), qui eut le rapport le plus agressif et conflictuel avec Hal comme sa rivale commerciale avant qu'on découvre qu'elle abritait en elle une puissance psychique qui ne pouvait s'y trouver que tant qu'elle restait inconsciente (et Morrison a réutilisé les histoires où Hal était vendeur de jouets et s'opposait à Olivia). Joan Colby est la fille d'un patron d'hôtel dans l'Idaho dans Green Lantern n°50 (1967) qui semble fournir un très éphémère "rebound" après la séparation avec Carol Ferris. Jill est Jillian Pearlman, une femme pilote du passé de Hal (mais créée seulement en 2005 dans un des reboots de GL) qui serait donc le double de Hal dans son aspect aventureux. Carol Ferris est mise la plus au centre comme la femme la plus importante de la vie de Hal et membre du Corps. Eve Doremus fut créée dans Green Lantern n°58, 1968 et est réapparue au début du run de Morrison et elle était encore (comme Joan ou Carol) une fille d'un riche entrepreneur. Dorine Clay (Green Lantern n°36) était une extraterrestre qui résistait au contrôle mental des tyrans télépathes de sa planète et est donc associée à la force de la volonté mais aussi au voyage spatial (elle l'accompagne un peu dans GL 160-162). Et enfin, Kari Limbo (Green Lantern n°117, 1979) était une femme dotée de pouvoir pré-cognitif et l'ex-fiancée de Guy Gardner qui faillit même épouser Hal Jordan (dans Green Lantern n°122) avant que Hal ne retrouve la trace de Gardner qu'on croyait mort. 

Il en manque bien sûr plusieurs, comme Arisia (la Green Lantern de Graxos IV) que les scénaristes et lecteurs de GL préfèrent oublier depuis qu'une histoire a décidé qu'elle était mineure quand elle avait rencontré Hal. On pourrait même compter une brève histoire avec Power Girl au moment de Justice League International (Justice League of Europe n°50, 1993) et Zero Hour n°2 (1996) même si elle a dû être annulée (et même l'enfant de Power Girl fut ensuite retconné comme une parthénogenèse issue du matériel génétique d'un démon du Chaos - c'était l'époque où la Kryptonienne de Terre 2 était censée être un avatar d'un Seigneur atlante de la Loi et où le scénariste Gerard Jones imita une des pires histoires de Marvel concernant Ms Marvel). Dans la série de Morrison, Hal a une brève aventure avec Olaqua une infirmière extraterrestre assez peu humanoïde sur l'hôpital de Sector General/Hippocrates et même avec une Vampire destructrice. On ne peut pas reprocher à Hal Jordan du spécisme, dans ses attirances sexuelles, ce qui est peut-être normal pour un Green Lantern. 

Add. 3 La fantasy

Athmoora est une planète du secteur 2814 (étoile 61 Cygni à 11,4 années-lumière de Sol), bloquée à une étape médiévale (Green Lantern n°16, 1962). Je crois que c'est surtout l'occasion pour Morrison de permettre à l'incroyable Liam Sharp de développer son propre style personnel, qui tient plus ici d'une fantasy britannique dans le style de Simon Bisley. 

Morrison fait l'effort de créer toute une carte développée de ce monde médiéval d'Athmoora. 



2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est le même problème chez Marvel!

Phersv a dit…

Oui, c'est assez similaire mais je crois que le problème est légèrement moins grave chez Marvel : les X-Men de Hickman se sont pas mal renouvelés en 2019. Marvel ne fait pas un reboot tous les 5 ans même s'ils en ont fait certains très inutiles récemment, l'annulation du mariage de de Spider-Man en 2007 ou l'univers post-Secret Wars en 2016). Je n'ai pas l'impression que les lecteurs Marvel ont autant l'impression que ceux de DC d'un retour perpétuel vain aux succès de l'âge d'argent mais sans l'innocence de l'âge d'argent.

J'adorais Crisis on Infinite Earths mais c'est devenu un problème que ces cross-overs qui redéfinissent leur multivers tout le temps. Ils ont rendu illisibles certains personnages à force de trop les retconner : Hawkman, Wonder Girl ou mes favoris, la Légion des super-héros.

Dans les années 1980, la Légion était l'un des comics les plus vendus, ils pouvaient presque rivaliser avec les X-Men. Maintenant, c'est devenu une niche obscure à force de l'avoir rebooté déjà 4 fois sans le rendre plus accessible pour autant !