Comment ne plus confondre la province du Shānxī (山西, 1e ton, haut et long) et le Shǎnxī (陝西, 3e tonalité, ton qui descend et qui remonte) ?
Le Shānxī est plus au nord (nord-est) que le Shǎnxī.
Le Shānxī 山西 est retranscrit simplement Shanxi et signifie "Ouest des Montagnes" (en l'occurrence des Montagnes Tàiháng, 400 km qui séparent Shānxī et Héběi - "Nord du Fleuve [Jaune]" et Hénán - "Sud du Fleuve [Jaune]". De même, plus à l'est, le Shāndōng signifie "Est des Montagnes".
Le Shǎnxī 陝西 est retranscrit en français "Shaanxi" (ce qui pourrait se discuter comme l'autre son en première tonalité est long). Le nom signifie "Ouest de la Passe(ou du Plateau) de Shan", région en Hénán sur la rive sud du grand Huáng Hé (Fleuve Jaune). Ce caractère Shǎn 陝 peut aussi être lu comme "vallée".
On ne peut pas tellement les distinguer par la population ou la taille, relativement similaires. Le Shānxī a aujourd'hui une population de 35 millions d'habitants (17e province de la Chine en population sur 22) et une superficie de 156 000 km2 (taille du Bangladesh ou du Népal). Le Shǎnxī a une population de 40 millions d'habitants (15e population sur 22) et une superficie de 205 000 km2 (taille de la Biélorussie ou du Sénégal).
Historiquement, la différence est plus considérable.
Le Shānxī correspond à peu près à l'ancien état de Jìn. Au centre de l'actuel Shānxī , on trouve la cité de Tàiyuán (Grande Plaine), qui fut parfois utilisée comme une capitale impériale.
Le Shǎnxī a été plus central dans l'histoire de la Chine, comme un des Berceaux de cette civilisation puisque c'est là que se trouvait notamment la célèbre capitale impériale de Xī'ān "Paix de l'Ouest", aussi appelée Cháng'ān sur le Fleuve Wèi,un des affluents du grand Fleuve Jaune à partir de la Passe de Tóngguān au croisement de Shānxī, Shǎnxī et Hénán. Cette région de la capitale comprend aujourd'hui aussi pas très loin Xiányáng, l'antique capitale de la dynastie Qín - en revanche d'autres grandes capitales impériales comme Luòyáng ou Kāifēng se trouvent plus à l'est sur le Fleuve Jaune, dans la Province de Hénán.
La Légende de la Porte des Dragons
A l'origine, je cherchais à retenir la différence entre les deux Provinces parce que je ne voyais pas bien la région précise de cette légende. Il y a de très nombreux endroits appelés "Portes des Dragons (Lóng Mén) en chinois mais l'un des plus célèbres serait dans le Shānxī, mais juste à côté du Shǎnxī !
Près de l'actuelle ville de Héjīn (ce qui signifie "Gué" du Fleuve Jaune), juste au nord-ouest de la métropole de Yùnchéng se trouve les Gorges de Lóngmén 龍 門 et la passe de Yǔ ménkǒu 禹门口. On remarque qu'on n'est pas très loin non plus du carrefour des trois Provinces, juste avant que le Fleuve jaune rencontre la rivière Fen. On est à environ 200 km au nord-est de Xī'ān et aussi à 200 km au nord-ouest de Luòyáng.
C'est là que le Roi divin le Grand Yǔ (dieu des irrigations), qui avait taillé cette passe pour faire passer le Fleuve Jaune, offrit aux Poissons la possibilité de devenir un Dragon s'il remontait cette porte, ce qu'on appelle en chinois "gravir ou plutôt sauter la Porte du Dragon". Une Carpe (ou dans certaines versions un thon ou un poisson-chat) réussit et fut ainsi métamorphosée en un Lóng.
La légende daterait de la dynastie des Hans vers le IIe siècle. Une interprétation confucéenne sans surnaturel (les érudits chinois tentant toujours de détruire leur propre mythologie) prétend que c'est en réalité une allusion historique au ministre sage et intègre Lǐ Yīng (qui fut exécuté par l'Empereur Hàn Língdì en l'an 169 à cause des manoeuvres des Eunuques de la Cour). Ceux qui obtenaient une rencontre avec ce grand ministre étaient dits "avoir réussi à gravir la Porte des Dragons".
C'est donc devenu un proverbe chinois :
鲤 跃 龙 门
Lǐ yuè Lóng Mén
La Carpe Bondit au-dessus de la Porte au(x) Dragon(s)
Métaphoriquement, cela veut dire pouvoir avoir une ascension sociale en réussissant les Concours Impériaux : celui qui devient un Magistrat change de statut et rejoint les Dragons, comme le poisson transformé, celui qui échoue aux Concours ne reste qu'un poisson dans l'eau parmi d'autres. Le Dragon a donc bien aussi une métaphore de mobilité sociale et pas seulement de statut noble inné.
Voilà un petit documentaire de CCTV sur ces Gorges de la Porte aux Dragons où on peut voir les eaux calmes du Fleuve Jaune et les marches gravées sur ces falaises escarpées mais aucune trace de rapides ou de chutes d'eau. Je me demande si la Carpe est censée sauter au-dessus de chutes comme je l'imaginais ou plutôt au-dessus des Montagnes ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire