mardi 22 décembre 2020
Star Trek Discovery, Saison 3
dimanche 20 décembre 2020
Terres d'Arran
Par Radio Rôliste, j'apprends qu'il y a un nouveau jeu de rôle Les Elfes dans l'univers des Terres d'Arran et je vois que je dois être un peu décalé car je n'en avais pas du tout entendu parler cette année, je n'avais même pas vu passer la précommande. J'avais un peu mentionné ces bandes dessinées à l'univers partagé dirigé par Jean-Luc Istin. Il y a eu 30 albums Elfes et au total 62 volumes de la série Terres d'Arran (Nains, Orcs, Mages), ce qui dépasse donc les chronologies complexes de Donjon Potron Minet, Zénith et Crépuscule, Arran est assez générique, très D&D, mais j'aime bien certains des dessinateurs. Peut-être que Les Maîtres Inquisiteurs sera le suivant ?
To Briskly Go
Netflix offre une option d'accroître la vitesse du film et je me suis amusé à accélérer un épisode de Star Trek Discovery (à x1,25 voire x1,5 !). A ma grande surprise, cela améliorait pas mal la série, et notamment les dialogues - alors que les mouvements corporels devenaient un peu trop slapstick.
Quand je regarde un Star Trek, j'ai souvent l'impression d'une nouvelle qui aurait mieux tenu sur 30 minutes et qui est un peu artificiellement allongée sur 50. En revanche, le personnage de Sylvia Tilly (jouée par Mary Wiseman) est la seule qui supporte mal l'accélération comme elle parle très vite. Certaines interjections courtes ou irritées deviennent aussi plus bizarres. Mais dans les scènes dramatiques, un Vulcain comme Spock (et même Michael Burnham) parle de manière tout à fait normale, ce qui me fait penser que son jeu est un peu trop saccadé.
J'en suis toujours à la saison 2 de l'an dernier mais je suis étonné par l'obsession sur le thème paranoïaque du traître malgré lui dans cette série. Dans la saison 1, on avait un Humain modifié pour abriter une partie de la psychologie d'un Klingon. Dans la saison 2 (qui est en gros Terminator dans l'espace), on a une Humaine possédée par un Virus dans son augmentation cybernétique et un autre contrôlé par des nanomachines. Entre le succès de Galactica (où il fallait chercher qui était un Cylon) ou tous les jeux du genre Among Us, je me demande si cette nouvelle obsession de la trahison, de l'infiltration par la Cinquième Colonne traduit une nouvelle paranoïa de la société sur les agents étrangers. Au lieu du simple complotisme (qui cherche un groupe avec une intention), le film de zombie montre l'irresponsable qui ne s'inquiète pas assez de la morsure qui va en faire malgré lui un agent ennemi.
Moi-même, j'y succombe puisque je fais partie de ceux qui croient plutôt au premier degré que Trump doit être quelque sorte de candidat mandchou pour Poutine. Si jamais ce n'était qu'une hantise néo-maccarthyste inversée de ma part, je regretterais sans doute d'avoir participé à cette névrose collective.
samedi 12 décembre 2020
Le Capitaine (1965-2020)
Via Imaginos et Psychée, Jérôme Bianquis, un des principaux dirigeants du GroG, est décédé à 55 ans, d'une crise cardiaque. Il était enseignant de sciences économiques et sociales en lycée et j'avais eu l'occasion de discuter avec lui pendant les 40 ans du jeu de rôle où il m'avait expliqué comment il utilisait Prezi Present dans ses cours et conférences. Il consacrait énormément de temps au jeu de rôle, entre le fichage des jeux sur le GroG et en visitant de très nombreuses conventions. Il manquera à notre loisir.
lundi 30 novembre 2020
Bipartisme
X of Swords
X of Swords est un cross-overs de tous les nombreux titres X-Men (X-Men, X-Factor, X-Force, New Mutants, Hellions, Marauders, Excalibur, Cable, Wolverine) chez Marvel, en 22 parties, comme les XXII arcanes du Tarot.
Je trouve (comme je l'ai déjà dit l'an dernier) que les X-Men traversent en ce moment un nouvel Âge d'or dans la qualité des scénarios de Jonathan Hickman. et c'est la première fois après un an de sorties qu'il réintroduit une histoire commune entre les 9 titres.
Le propre des comics comme genre de feuilletons à écriture collective est que les auteurs ne sont pas toujours tellement coordonnés, ce qui peut conduire à des contradictions ou bien au contraire à des redondances.
Or, les X-Men semblaient bien avoir accumulé depuis des années des clichés indépendants sur des épées magiques de fantasy (l'épée de Captain Britain dans Excalibur, l'épée de Magik dans New Mutants, la dague mentale de Betsy Braddock/Psylocke...) et l'idée de départ est de tisser toute l'histoire sur ce thème des épées magiques et d'en rajouter tellement que même un roman chinois de wuxia trouverait cela trop encombré de lames. On commence en se demandant pourquoi tous ces mutants collectionneraient des épées et ensuite, on peut croire à un projet cohérent et naturel, comme si tout cela avait été prévu depuis toujours.
Apocalypse est un mutant né il y a des milliers d'années et il est également lié à diverses histoires mystiques comme il a appris à la fois la magie et une science supérieure. On apprend que Krakoa, l'île vivante devenue un des personnages principaux, s'est séparée d'une partie d'elle-même ("Arakko") dans une autre dimension magique et que ce sont les Cavaliers (originels) d'Apocalypse, ses enfants nés en Egypte ancienne, qui y règnent.
Ils menacent d'envahir Avalon, l'Autre Monde féérique, et Opal Saturnyne (personnage récurrent d'Excalibur avec un air de Veronica Lake) décide d'organiser un grand duel de champions entre les mutants de Krakoa et les armées des Cavaliers d'Apocalypse.
C'est un prétexte pour un autre lieu commun de fantasy que j'aime toujours même s'il est éculé, une énumération d'oracles ambigus (par des Lames de tarot) qui ne trouveront leurs sens que rétrospectivement, au fil des 22 épisodes. Parfois, l'association entre toutes ces épées devient un simple jeu de mots à exploiter (lorsqu'ils ajoutent aussi l'organisation S.W.O.R.D. en plus de toutes les épées littérales).
Chacun des 10 champions sera doté d'une épée particulière et tout le début du crossover porte sur la quête prévisible pour que les champions obtiennent leur arme, l'étape inévitable du périple du Héros où il doit se préparer.
Une exception plus divertissante que ces quêtes, est Les Hellions, la plus immorale des équipes, où Mr Sinister prétend voler les épées des concurrents (mais a en fait un plan pour voler les gènes des mutants exilés dans cette autre dimension).
L'épisode où Wolverine meurt aussitôt pour aller chercher son katana de tamahagane en Enfer est un des plus décalé dans ce début absurde où la mort n'est plus vue que comme un tracas temporaire d'un voyage. Les résurrections sont devenues tellement fréquentes qu'on est plus près du Monde du Fleuve de P. José Farmer (où un des personnages se suicidait régulièrement pour se téléporter en un nouveau corps) que d'un comic de superhéros habituel. Depuis le Phénix, c'est devenu aussi un des centres de l'histoire des X-Men : comment faire de longues histoires pendant des décennies en sachant que les morts ne sont que des intermittences. Le suspense est d'ailleurs déplacé ici quand on dit que bien entendu tout le monde peut ressusciter mais que la seule question est plutôt "Dans quel état ?".
Le long combat lui-même des divers "compétitions" (qui ne sont en fait pas qu'à l'épée) est finalement plus surprenant qu'on pourrait le craindre même si cela peut donner à l'inverse une impression d'arbitraire un peu chaotique. Même si on s'attend à ce que certaines résolutions prennent le contre-pied de nos attentes, le scénario réussit à étonner - au prix de tout souci de "vraisemblance".
22 épisodes, c'est long et sans doute un peu trop étalé. Mais en dehors des quêtes pour obtenir les épées au début, il n'y a pas trop de temps mort dans ces quasiment 500 pages. Il y a même quelques épisodes étrangement méditatifs ou bavards comme le festin avant la compétition. On ne remarque pas tellement de différences majeures de dialoguistes entre les différents auteurs. A part l'humour noir accru dans Hellions, on pourrait avoir une impression d'un auteur uniforme (ce qui pourrait certes être vu comme une perte de richesse dans un cross-over).
Quand je lis les X-Men, je ne comprends sans Wikipedia qu'un petit tiers des références tout au plus. Les centaines de titres différents depuis soixante ans ont de nombreuses périodes que je n'ai pas du tout lues (en gros les années 1990 et ensuite une bonne partie des années 2010). Je ne rattraperai jamais ce "retard" (comme il y a des décennies entières où je n'apprécie pas assez les scénarios ou les dessins) et comme Hickman travaille comme un encyclopédiste, il y a de quoi se perdre dans les douzaines de personnages. Cela fait bien sûr partie du charme des superhéros américains que ce labyrinthe qui fait allusion à des centaines d'intrigues entremêlées.
Je ne connaissais pas très bien Apocalypse mais je crains qu'il ne soit souvent celui qui gâche des aspects de ce récit. S'il est si brillant que le répètent les scénaristes et s'il disposait de tant de ressources, on a du mal à comprendre pourquoi il échoue tellement depuis des milliers d'années et n'a jamais réussi à conquérir la Terre. Ce type de personnage immortel se ridiculise donc un peu trop vite. Comme le dit le philosophe Thibaut "Mr Phi" Giraud, des scénaristes mortels ont du mal à faire dialoguer des personnages géniaux et immortels qui auraient eu littéralement des siècles entiers pour mûrir plus que nous ("comme si des enfants qui n'avaient été élevés qu'avec d'autres enfants sans rencontrer d'adultes essayaient d'écrire une histoire sur un sexagénaire fictif"). Apocalypse a acquis ici une sorte de placidité un peu dépressive ou mélancolique qui ne me semble plus coïncider avec les premières apparitions plus simplistes du personnage. C'est un défaut de toute la nouvelle série Excalibur en général depuis sa relance que le fait qu'Apocalypse soit toujours en train d'agir sans qu'on comprenne bien pourquoi il agit.
Mais le centre du cross-over est plus le mythe d'Excalibur que les autres X-Men. Hickman et Tini Howard (la scénariste actuelle d'Excalibur) ont réussi à revivifier ce vieux titre en revenant aux origines d'Alan Moore et Alan Davis et à retirer pas mal de scories qui s'étaient déposées depuis. Cette histoire a toujours été à la marge de l'univers X-Men avec ses propres thèmes arthuriens ou son Multivers britannocentré (ce qui fit sans doute un des meilleurs runs de Chris Claremont vers le crépuscule de sa carrière). La convergence avec toutes ces séries à la fois apporte quelque chose en plus à la nouvelle Excalibur. L'approfondissement typiquement hickmanien des divers pays de l'Autre Monde va suffire à engendrer pas mal d'histoires dans le futur. Le Corps des Captains Britain interdimensionnels va être restauré mais ce n'est qu'un éternel retour des concepts des comics (de même que le Corps des Green Lanterns est éliminé périodiquement avant de toujours faire son retour).
Si vous voulez d'autres avis, Comics Roundup a une synthèse sur le 22e épisode.
dimanche 29 novembre 2020
Corps, sépulcres blanchis & signes
Le nouveau programme du baccalauréat propose en spécialité Humanités, Lettres & Philosophie un thème sur les limites de l'humain et la post-humanité. Le ministère a proposé un corpus bibliographique sur ce thème, dont Le cimetière marin de Paul Valéry.
Or, je ne vois guère de rapport avec la post-humanité ou la technique. Il y a toujours plusieurs niveaux, certes, chez Valéry, mais en gros, cela semble être un assez standard contexte du symbolisme de Nietzsche ou d'Oscar Wilde (Ne te soucie pas de l'au-delà, d'une immortalité imaginaire ou du temps qui passe et apprends à vivre ici-bas dans ce corps). Le fameux vent qui se lève s'oppose aux eaux mortes qui reflètent des cieux sans Dieu(x).
Certes, il y a bien l'exergue du poème, l'extrait de Pindare, Pythiques III, qui dit "Cesse, ma chère âme de te soucier de vie immortelle // mais épuise toute machination (ou ruse) possible", sers-toi de tous les outils pratiquables, et il dit ensuite qu'il souhaiterait que son art soit comme un philtre ou un remède tiré ("épuisé") de la Fontaine d'Aréthuse pour soulager les douleurs semblables aux flèches et au poison de l'hydre qui torture le Héros avant son apothéose, thèmes qu'on retrouvera dans le poème de Valéry et dans La jeune Parque).
Le sens chez Pindare paraît un mélange de piété olympienne contre la démesure (ne te prends pas pour un dieu) et d'un reste d'effroi prométhéen sur la puissance de l'art (sans doute comme dans le choeur d'Antigone de Sophocle dont Heidegger nous a tant rebattu les oreilles sur l'Homme terrible ; vers 335sqq τοῦτο καὶ πολιοῦ πέραν πόντου χειμερίῳ νότῳ...).
Les derniers vers du poème de Valéry ("Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies // Ce toit tranquille où picoraient des focs !") font d'ailleurs plus penser à une sorte d'inversion du choeur semi-triomphant, semi-effrayé de Sophocle sur l'exploration des mers où l'Homme formidable a dompté les flots par ses voiles.
Le choeur cite d'ailleurs aussi une autre idée proche de celle de Pindare sur la puissance de l'art médical contre la mort et la panacée de Chiron : Ἅιδα μόνον φεῦξιν οὐκ ἐπάξεται· // νόσων δ᾽ ἀμηχάνων φυγὰς ξυμπέφρασται. "Il n'y a que le seul Hadès auquel il [L'Homme] ne puisse échapper // mais il a trouvé des moyens d'échapper aux maladies qui résistaient à toute machination").
Mais je continue à être perplexe. Pourquoi le Ministère a-t-il mis Le cimetière marin de Valéry si ce n'est que l'exergue de Pindare (+ Sophocle) qui est pertinente ? Ou alors est-ce parce que Valéry parle de ce corps-ci (et non d'un corps glorieux amélioré ?). Mais Valéry oppose ce corps au fantasme dualiste et pas au fantasme technique d'un cyborg. La méditation sur la technique paraît peu présente par rapport au thème plus abstrait sur le temps et le sens de la vie dans la finitude.
En passant, Pindare est décidément bien au coeur de ce programme qui commence par "Devenir soi-même" comme dans le célèbre passage de la seconde Ode Pythique (II, 131, vers 72, "Deviens semblable à ce que tu as appris à être").
jeudi 19 novembre 2020
La Chevauchée fantastique (Fantasy Riders)
Les Elfes du Crépuscule : gardiens des dernières forêts, ils sont liés aux élans, aux sangliers et aux licornes. Leurs dirigeants sont les "Hauts-Elfes". Leurs Druides chevauchent de grands renards blancs et leurs spadassins des condors.
Les Elfes Obscurs : leurs prêtresses de leurs anciens dieux des abysses, les Théocrates, commandent des Pythons bleus géants et leurs aristocrates chevauchent des veuves noires géantes.
Les "Farfadets" des Montagnes ; je propose de traduire plutôt "Gobelins" (Trasgos) mais la VF a choisi "Farfadets" parce qu'ils sont décrits comme plus espiègles que malveillants (mais le texte dit qu'ils commencent aussi à s'allier aux Orcs plus clairement maléfiques). Ce sont de petits humanoïdes verts, ennemis des Nains à qui ils volent des machines et des Halflings. Ce sont eux qui vendent du métal pour les Néo-Barbares qui ne savent pas forger. Ils ont des artificiers spécialisés en explosifs. Ils chevauchent des loups, des chauve-souris (comme le Green Goblin), des araignées géantes et des belettes géantes.
Les Gnomes sont des petits êtres qui allient dans leur "naturomancie" la technologie des nains et l'amour des forêts des Elfes ou des Halflings. Ils sont liés aux Blaireaux géants, à des "Dodos" (des Aepyornis plutôt ?) et à des créatures magiques zoophytes créés par naturomancie. Ils sont aussi des Illusionnistes et leur capitale s'appelle le Palais des Miroirs.
Les Hoplites sont un mélange de Spartiates et de haute technologie comme dans Ulysse 31, avec des amazones chasseresses (les Artémisiennes). Ils chevauchent des aurochs, ou des cerfs blancs pour les Artémisiennes, et suivent l'Oracle qui les a sauvés du Cataclysme et est lié aux Caladres guérisseurs. Les Oracles utilisent dans leur Basilique Sacrée des Sphères magiques de clairvoyance.
Les Nécromanciens de l'Antivie sont des sorcières démonologues, des chevaliers spectres et des seigneurs vampires, parfois en rivalité les uns contre les autres. Ils chevauchent des dracoliches, des stirges, des loups ou des chevaux de cauchemar.
Les Néo-Barbares sont des Berserks primitifs et liés à des lions géants, des léopards, des smilodons, des mastodontes et des sauriens. Leur magie est le Chamanisme où ils sont possédés par des esprits.
Les Orcs de l'Abîme sont encore plus sauvages que les Néo-Barbares. Ils chevauchent des hyènes, des lézards et des ours. Leur "Dames des Bêtes" peuvent contrôler les Ours.
Les Seigneurs de l'Océan comprennent des tritons à la peau bleue, des sirènes, des "octocéphales" (hommes-pieuvres sorciers) et des anures (amphibiens). Ils sont liés à diverses créatures marines, dauphins, serpents de mer, tortues, lions de mer. Ils sont alliés aux Elfes du crépuscule et luttent contre les Titans des Mers.
dimanche 15 novembre 2020
Coriolis (3) Le système de Kua
(Résumé du chapitre 12 de Coriolis)
Kua est à la fois le nom de l'étoile et le nom de la planète la plus importante du système, Kua III.
Les Portails de voyage interstellaire se situent tout près de l'étoile (ce qui est un peu le contraire d'autres jeux où les vaisseaux doivent faire le saut loin d'une forte gravité). Les Portails ne sont pas des constructions solides comme dans le cycle des Heechees de Pohl ou dans Babylon 5 mais des singularités ou des trous de ver (mais on a bâti des stations près de ces points de saut). Les vaisseaux doivent toujours mettre leur équipage en stase pendant un saut car le voyage serait trop traumatisant psychologiquement pour un équipage éveillé.
Kua I (Lubau) est une planète désertique et brulante avec des clans nomades (les Xinghur, génétiquement modifiés pour résister au climat) qui exploitent les hydrocarbures et la petite Kua II (Jina) a quelques barbares qui ont été adaptés à l'atmosphère acide et des comptoirs de mineurs.
Kua III (juste "Kua") est à 5 UA du soleil. C'est une planète de jungles avec peu de variations saisonnières. On y trouve deux peuples semi-intelligents : les Ekilibri, de petits lémuriens intelligents mais pré-technologiques, et les Nekatras, des prédateurs bipèdes aux dents aigus qui sont utilisés comme animaux de combat par les Humains. Parmi les Premiers-Arrivés, les nomades Sogoi vivent dans les jungles équatoriales et des marchands venus du système Algol ont une colonie, Sheva, autour du Monolithe, une construction de 4 kilomètres de haut qui était déjà là avant l'arrivée des Humains. Lorsque le vaisseau Zénith arriva dans le système il y a une centaine d'années, une mutinerie divisa les Zénithiens en deux camps : les familles des officiers, les Quassars, s'installèrent sur Kua, près de cette ruine du Monolithe, ont soumis les "indigènes" et créèrent l'Hégémonie, avec un système aristocratique, alors que les Mutins gardèrent le vaisseau Zénith en orbite de Kua, rebaptisé Station Coriolis (qui a aujourd'hui environ 500 000 habitants).
Les Princes de l'Hégémonie ont construit leurs palais au sommet du Monolithe, dans la Cité Céleste, au-dessus de l'astroport et des aéroports. La Police secrète de l'Hégémonie a ses repaires dans le secteur interdit du Monolithe en dessous. Le Conglomérat est un vaste ensemble urbain à la base du Monolithe, avec les quartiers des immigrés algoliens.
Au-delà de Kua se trouvent la ceinture d'astéroïdes et la géante gazeuse Xene (d'où sont sortis les Emissaires et qui est étudiée par des stations scientifiques de la Fondation).
La planète glacée Surha (Gravité : 2) est connue pour ses chaîne de montagnes titanesques (restes de l'ancienne lune de Surha qui s'y est écrasée) et son pèlerinage pour le site d'un ancien philosophe premier-venu mais on n'a jamais pu retrouver le refuge d'où il avait envoyé ses messages.
Aux frontières du système, les Premiers-Venus avaient construit de petites stations et il y a encore une Armada fantôme de vaisseaux abandonnés qui semblent y attendre les ordres de leurs anciens chefs premiers-venus. Kua est le centre du système des Portails avec pas moins de 4 autres systèmes reliés (alors que les autres systèmes ont d'habitude plutôt des connexions avec deux systèmes).
Ces 4 systèmes les plus proches sont Altaï, Caph, Hamura, Aïwaz.
Altaï ouvre les Portes vers le Quadrant du Pilier (qui serait un chemin plus long pour aller vers Mira, mais les Portails y sont trop instables) mais aussi vers Algol. C'est un ancien site de la société des Premiers-Venus mais il est quand même dangereux à cause de ses Corsaires.
(En passant, la vraie Algol est à environ 90 années-lumières de Sol alors que Rigel, qui est aussi nommée dans le secteur de Dabaran, serait au contraire à 860 années-lumières, il ne faut donc pas chercher de vraies références astronomiques dans le Troisième Horizon).
Caph et Hamura sont tous les deux des voies d'accès vers le "Cercle de Dabaran", un des centres culturels de la société des Premiers-Venus. Dabaran est à 3 "sauts" de Hamura (mais les Portails y sont moins stables) et à 6 sauts depuis Caph.
Aïwaz ouvre la voie vers la route de Sadaal (où on trouve des ruines énigmatiques des Constructeurs des Portails) et vers Zalos, la planète de l'Ordre des Parias, qui adorent l'Icône unique du Martyr. Zalos n'a pas complètement fermé l'accès (depuis l'arrivée des Emissaires, qu'ils accusent d'hérésie) mais ils limitent énormément la file d'attente des vaisseaux vers Mira, la Planète des Pèlerins et centre de toute la religion des Icônes des Premiers-Venus.
mardi 10 novembre 2020
Coriolis (2)
Sur ses 385 pages en VO, Coriolis a 7 chapitres (175 pages) de règles et ensuite plus de 200 pages de description de l'univers (dont 50 rien que pour la station Coriolis et son système Kua).
On va créer un personnage pour tester un peu le système. Ce système de Mutant Year Zero partage un peu trop avec les jeux Old School l'idée que le personnage débutant doit être incompétent ou doit échouer souvent. On doit obtenir des 6 sur les d6 et on en jette autant que la caractéristique plus la compétence, ce qui fait que quelqu'un d'un peu moyen avec 3 dans la caractéristique et 2 en compétence en lançant 5 dés a 60% de chance d'obtenir au moins *un* 6 (un seul 6 ne donne qu'une réussite "partielle"). Comme on le voit sur cette page, les probabilités d'une réussite majeure sont assez ridicules, en-deçà de 1% si on a moins que 7d. Si le personnage prie à une Icône, ce score de 60% qui augmente à 80% avec un nouveau jet. Kobayashi disait que ses PJ priaient à chaque action pour obtenir un bonus raisonnable et que donc la prière avait perdu sa fonction d'une solution de dernière chance. Cela était bien adapté pour le jeu post-apo MY0 mais il faudrait peut-être changer le seuil de réussite pour des aventuriers de Space Opera.
En théorie, on ne doit pas vraiment créer son PJ seul car il faut penser au rôle qu'il ou elle jouerait dans l'équipage du vaisseau avec les autres. Il y a une douzaine de grands rôles généraux qui sont donnés. Certains sont classiques comme le Scientifique, le Soldat, l'Eclaireur, le Pilote, le Matelot, l'Agent, le Négociateur ou le "Data Spider" (journaliste ou informaticien) mais il y a aussi l'Artiste, le Prêcheur ou le Fugitif (si on veut jouer des pouvoirs psi, on est forcé de prendre ce rôle du Fugitif, comme River dans Firefly).
Kourosh Zadeh (non, je n'ai pas pris de nom dans la liste proposée, plus arabe, mais un nom persan) est un Zénithien éduqué sur Kua, dans les bas quartiers de Little Algol autour du Monolithe. Il est devenu un Prêcheur (Prophète d'un nouveau courant d'adoration mystique de La Danseuse, une des Icones, p. 43). Il est fasciné par les danseuses-derviches du Temple d'Ahlam (qui dans les règles, sont classées en "Agents" et non en Artiste) et a impressionné Taminasa-Buri la Grande Prêtresse (p. 21). Il est connu pour son regard pénétrant et magnétique. Il porte un collier de fleurs de lotus qui lui sert de talisman (+1 en Manipulation).
Il est de statut social "plébéien" (dans Coriolis, on choisit son origine sociale et cela donne un choix entre les basses classes avec de meilleures caractéristiques et les hautes classes avec de plus basses caractéristiques mais plus d'argent, de réputation et de compétences). Il a donc 500 birr de base.
Il a 15 points à répartir entre ses 4 caractéristiques, Force, Agilité, Astuce et Empathie mais ne peut dépasser 5. Cela donne :
Force 2
Agilité 3
Astuce 5
Empathie 5
Il a 5 points de vie et 10 points d'esprit. Sa réputation est de 3 parce qu'il est plébéien mais prophète.
Il a droit à seulement 8 points de compétence et choisit :
Dextérité 1, Manipulation 3, Observation 2, Culture 2.
Il prend comme Talent "Bénédiction" (cela donne un +3 à quelqu'un d'autre mais il n'y a droit qu'une seule fois par séance d'aventure).
Comme on le voit, c'est très rapide et le système a l'avantage d'avoir une liste de compétences très courte et très "larges". Mais l'exemple du Prêcheur que j'ai choisi ne montre pas assez de côté de science-fiction. C'est juste quelqu'un d'intelligent et charismatique et la personnalisation reste à définir par le joueur.
samedi 7 novembre 2020
Coriolis: The Third Horizon
Coriolis est un jeu de rôle suédois de space opera créé depuis déjà 12 ans mais qui vient d'avoir une nouvelle édition internationale (qui est d'ailleurs prévue pour bientôt en français chez AKA Games; avec un Kit d'introduction + un scénario déjà disponible). Pour aller très vite, ce serait un peu Firefly (ou disons, un petit Traveller avec un mini-secteur isolé comme dans Diaspora) si l'ambiance tenait plus des Mille et Une Nuits (ou disons, d'un Dune sans un vaste Imperium) que du Western. Des Djinns et des Pèlerins dans l'espaaace.
C'est aussi une adaptation du système de Mutant: Year Zero, un des meilleurs jeux post-apocalyptiques dans la création de détails de son atmosphère. Je ne parlerai pas de ce système ici (Kobayashi était un peu déçu de la relative incompétence des personnages) mais une des trouvailles que j'aime beaucoup dans l'immersion du jeu et du monde est le fait que par exemple quand on tire au hasard l'ajout d'un "contact", mécène ou allié pour le PJ, on n'obtient pas seulement une fonction générique mais un PNJ précis, nommé et détaillé. Cela intègre directement les PJ dans l'arrière-fond sans aucun travail nécessaire pour le MJ.
Nous vivons actuellement une invasion suédoise en jeu de rôle depuis Symbaroum, Gotterdämmerung (= Lex Occulta, XVIIIe fantastique) ou Forbidden Lands (fantasy survivaliste) et ils ont un talent étonnant pour mélanger un certain goût Old School pour un système élaboré mais avec des trouvailles plus narrativistes et un univers creusé fait pour s'immerger. C'est d'ailleurs drôle de penser à la "sensibilité au sentier" de chaque pays : les Suédois ont eu Drakar och Demoner ou Kult, Britanniques sont plus grim & gritty que les Américains à cause de Warhammer, les Français plus décalés à cause de l'humour d'In Nomine Satanis ou Rêve de Dragon.
Le Secteur du Troisième Horizon
Coriolis est centré sur un amas de 36 systèmes stellaires et il n'y avait pas à première vue de non-humains manifestes ou du moins "influents". Il y aurait des Grands Anciens disparus qui ont construit les Portails, quelques êtres très primitifs sur deux planètes (qui ont été jugés sans doute à tort seulement "semi-intelligents" pour mieux être asservis) et surtout on vient de rencontrer sur une Géante gazeuse des êtres mystérieux nommés les "Emissaires" , qui seraient liés à un concept religieux qu'on nommé les "Icones".
L'Humanité a pu arriver dans ce secteur d'abord grâce à des Portails mais elle ne les avait pas construits et elle ne sait pas les réparer alors qu'ils commencent à devenir instables (ce qui explique que le Troisième Horizon se soit retrouvé isolé dans une Longue Nuit - un peu comme le secteur des frontières dans Star*Drive qui vient à peine d'être redécouvert).
Le Vaisseau-colonie Zenith est arrivé dans ce secteur plusieurs siècles après que l'Humanité ait pu y arriver par les Portails, ce qui explique le décalage culturel le plus important entre les Anciens Colons (arrivés cinq siècles avant, par FTL) et les Nouveaux Colons (arrivés par vol d'un millier d'années avec cryogénie sur Zenith). Les "Nouveaux" Colons ou "Tard-Venus" (après certaines disputes entre eux) ont découvert que les Premiers Pèlerins avaient rompu le contact avec la Terre et avaient eu le temps d'avoir une dérive culturelle, les rendant parfois plus traditionnalistes et religieux qu'eux, qui sont plus fondés sur la recherche de profit capitaliste et la rationalité scientifique. Certains des Premiers Arrivés avaient aussi été plus modifiés génétiquement pour s'adapter à certaines planètes. C'est donc un monde très centré sur les Humains mais où les Humains sont "Les Autres". C'est assez peu manichéen et aucun des deux groupes n'est clairement soit "les indigènes obscurantistes rétrogrades" soit les "colons impérialistes et exploiteurs" et on peut concevoir des groupes mixtes et des influences mutuelles (il y a même une faction de Tard-Venus qui se ont formé une culture avec les Premiers-Venus, les Draconites, après avoir trouvé des technologies inconnues).
Les Zénithiens ont construit une station spatiale à partir des ruines de leur vaisseau-colonie, Coriolis, autour de la planète Kua, qui se trouve au carrefour central du secteur, relié à quatre systèmes, Aïwaz, Altaï, Caiph et Hamura. Cette mystérieuse planète Kua a aussi des traces d'une vie non-humaine consciente et d'étranges Monolithes remontant à Ceux qui ont construit les Portails.
Les Tard-Venus de Coriolis ont commencé à rouvrir le commerce interstellaire à travers les systèmes du Troisième Horizon alors que les Premiers Arrivés étaient tombés à des niveaux technologiques hétérogènes et avaient notamment développé un nouveau mysticisme pour des êtres étranges nommés les "Icônes".
Coriolis est devenu un lieu de négociations entre toutes les factions, Premiers-Venus comme Tard-Venus, que ce soit plusieurs groupes de corporations (dont la Ligue Libre, qui a donné son nom à l'éditeur suédois Fria Ligan), mercenaires et trafiquants indépendants ou les différentes sectes rivales qui adorent ou tirent des pouvoirs étranges des Icones ou de restes de technologies mystérieuses.
Les Neuf Icônes
Je parlais d'une influence des Mille et Une Nuit mais si le jeu utilise souvent des termes arabes, contrairement à Dune, ils ont reculé à faire des références directes à l'Islam et les Icones évoquent plus un polythéisme et il n'y a plus guère que le Pèlerinage qui rappelle un peu le Hadj. Le Mysticisme étrange de ces Icônes permet des thèmes de jeu qui ne se réduisent pas aux contrebandiers et aux explorateurs : un des concepts d'équipe est celui de Pèlerins religieux qui peuvent discuter d'interprétation théologique sur les Icônes (par exemple entre la nouvelle et plutôt conciliante Eglise des Icônes, qui a accepté les messages des Emissaires, et l'Ordre des Parias, qui les a refusés).
Les Parias (ou "Samaritains" dans leurs organisations caritatives sur Coriolis) correspondraient à peu près à une vision des Chiites en insistant sur la radicalité qu'on associe aux Assassins nizari ismaéliens (mais l'Eglise des Icônes fait plus penser aux Catholiques qu'aux Sunnites). Dévots militants, secte ascétique et apocalyptique (qui utilisent aussi des Drogues étranges) mais bons ingénieurs (pas de Jihad Butlérien), ce sont leurs flottes de vaisseaux qui ont chassé les Terriens lors des anciennes guerres d'indépendance (et exterminé les derniers loyalistes de la Terre) et ils viennent de déclencher une guerre religieuse en coupant leur planète, Zalos (entre Aïwaz et Mira), ce qui ferme la voie directe des Pèlerins vers les Temples des Icones de Mira (si on passe par Altaï, cela demande de traverser 5 systèmes en plus).
Les Neuf Icônes évoquent des dieux (les Sept dans Game of Thrones) mais aussi des signes astrologiques (le calendrier de la station Coriolis utilisent neuf "segments" dans le "cycle" artificiel et cela sert de calendrier de référence interstellaire) et des arcanes du tarot. Chaque Icone a des variations locales dans certains systèmes et des aspects qui peuvent être parfois plus ou moins "sombres" et potentiellement lovecraftiennes. On sait qu'ils existent mais il y a quand même plusieurs interprétations. Il y a le Messager (un Hermès psychopompe et héraut), Le/a Danseur.se (plus dionysiaque ou shivaïste), Le Joueur (Trickster), le Mousse (ou le Matelot, "The Deckhand"), le Marchand, la Juge (ou chez les Parias, Le Martyr), le Voyageur (qui selon certains aurait créé les Portails), Notre Dame des Larmes (la Mort) et enfin l'Ombre Sans Visage (le Mystère). A la création de personnage, on tire un lien avec une des Neuf Icones et cela montre leur importance dans ce cadre de campagne. On peut même obtenir le droit de relancer un dé en priant les Icones mais cela fournit à chaque fois un point de Ténèbres qui peut être utilisé par le MJ pour ajouter de la malchance par la suite.
En dehors de ce système de "prière" et de quelques créatures qu'on nomme les "Djinns", le surnaturel est relativement discret (et il y a toujours la possibilité qu'une explication relativement plus SF soit donnée par la suite ?). Des pouvoirs psi sont apparus mais les rares mutants en question semblent devenir fous en s'en servant et doivent se cacher. Il n'est pas du tout prévu de jouer des Jedis ou même des Bene Gesserit (même s'il y a une faction de courtisanes sacrées du Temple d'Ahlam - peut-être inspirées de la Guilde des Compagnes dans Firefly - qui ont des capacités de "suggestion").
Science & Fantasy
Je n'avais pas été entièrement convaincu par le néo-médiévalisme de Fading Suns (même si c'est un univers très riche) mais j'ai l'impression que j'aimerais plus jouer dans le Troisième Horizon. Les deux jeux partagent un rôle important de la religion et des systèmes reliés par des Portails qui limitent le voyage interstellaire mais je trouve que malgré tous les Icones ou les éventuels Grands Anciens qui se cachent, Coriolis m'évoque plus un univers de science-fiction et joue moins sur la corde désespérée et crépusculaire. Et bien que je préfère les jeux avec des Aliens, c'est toujours rafraichissant de creuser un jeu n'ayant que des Humains (ou quasiment). Mais comme dit Kobayashi, si on veut un jeu plus authentiquement SF et plus "post-humain", il y a Mindjammer ou Eclipse Phase.
J'aime plus la fantasy que la SF en général mais il y a toujours un problème dans le mélange entre les deux, notamment dans les univers où la "haute super-technologie indiscernable de la magie" se cherche plus dans des Ruines du passé que dans un laboratoire. Je n'ai rien contre le fait de chercher des reliques dans un jeu de rôle et j'adore le sublime des Big Dumb Objects comme dans Revelation Space (qui est cité comme une des influences majeures du jeu) mais je crois que l'esprit de la science-fiction repose davantage sur l'espérance et le risque de l'innovation que sur l'exploration des Ruines, qui implique nécessairement un aspect crépusculaire où tout a été déjà inventé dans un passé archaïque. La Ruine nous met dans un Eternel Retour et elle convient bien au côté psychanalytique de la fantasy où le sujet s'enfonce dans les abysses de l'inconscient et fait face à sa mortalité.
Le nouveau jeu de rôle français Oreste tient aussi son nom d'une station spatiale diplomatique comme Point Central de Valérian, Babylon 5, Star Trek Deep Space 9, la Lighthouse de Star*Drive ou Absalom dans Starfinder. Oreste me semble supposer plus des intrigues d'agents cyberpunks des différentes espèces et corporations pour explorer les secrets du jeu sur les Grands Anciens alors que Coriolis a plus de place pour l'exploration de tous ces 36 systèmes stellaires colonisés depuis plusieurs siècles par les Humains. Si on repense aux modèles des séries Babylon 5 et Star Trek, Oreste joue plus sur la pluralité des 6 espèces et Coriolis plus sur ce que serait une forme d'effroi religieux dans l'Espace (comme les Vorlons et les Ombres dans Babylon 5 ou les Orbes des Prophètes de Bajor dans DS9).
La quantité d'informations dans le livre de base est intimidante car les auteurs ont fait des efforts pour donner l'impression qu'il y a littéralement des douzaines de cultures différentes dans ce secteur du Troisième Horizon. Dès ce livre, on a l'impression que ces 36 systèmes sont déjà plus riches que les Marches de Traveller qui ont fait l'objet de suppléments depuis 40 ans.
Un aspect des jeux suédois particulièrement fascinants est leur suivi. Comme le jeu existait depuis au moins 12 ans en suédois, il y a déjà de nombreux suppléments traduits ou créés en anglais. C'est une des différences qui peut donner une longévité à un jeu de rôle dans un environnement où il y a saturation de jeux nouveaux.
mardi 3 novembre 2020
Sur l'Autonomie sans l'Abondance
J'avais envie d'écrire une recension plutôt positive de l'épais livre de Pierre Charbonnier, Abondance et Liberté, qui pose une question importante quand on veut lire certains libéraux comme Locke, le lien entre les conceptions de la liberté politique et des réalités occultées sur la possession des terres et les conceptions de la nature. En gros, Charbonnier dit que le productivisme a lié depuis trois cents ans l'idée d'expansion de notre liberté d'agir et la croissance de la production (liberté comme capacité d'atteindre l'autosuffisance) mais que cela conduit à une tension où on craint maintenant de perdre sa liberté en critiquant la croissance. Il propose de découpler l'autonomie-comme-extraction de la nature et une conception plus positive de l'autonomie. Charbonnier veut décarboner la philosophie de ses présupposés matériels impensés et pas seulement décarboner l'industrie (oui, je n'écris cela que pour caser ce jeu de mots vaseux).
En passant (et sans vouloir trop me concentrer sur la partie la moins "matérielle" ou la plus "abstraite" dans les grands récits d'histoire de la philosophie), il fait une remarque métaphysique contre une lecture arendtienne du concept de "production" et des conditions. Arendt, en bonne aristotélicienne, oppose sans cesse dans La condition de l'homme moderne la Praxis politique (qui crée la liberté entre les hommes) à la Poiesis technique (qui arrange le monde durable et habitable, l'oikia, alors que le Labeur, lui, consume et consomme l'hulè dans le cycle naturel). Charbonnier dit au contraire que le privilège de la Poiésis technique et artistique a consisté à nier le plus possible la dépendance vis-à-vis de la nature dès le cadre aristotélicien (la nature ne fournit que de la matière potentielle et c'est l'activité qui impose une forme).
Mais cette recension par le philosophe Aurélien Berlan accuse le livre d'être trop peu "décroissant" alors que Berlan défend des formes d'autoconstitution de sujets plus radicaux. Comme Baptiste Morizot, il accuse le livre d'être plus socialiste "renouvelable" (donc capitaliste greenwashant) qu'écologiste politique, et il dit donc en sous-entendu que ce ne serait que du crypto-néo-libéralisme. Je ne sais pas si je convaincu par tout le zadisme de Berlan (éloge d'un ascétisme extramondain de frugalité et sobriété) mais son argument contre les ambiguïtés du concept d'autonomie me paraît être un problème ouvert dans le livre. Il l'accuse aussi d'avoir refoulé des auteurs peu "académiques" mais les exemples qu'il cite (Castoriadis) ne me semblent pas si marginaux que cela.
Add. (7/11)
P. Charbonnier vient de répondre à la recension d'Aurélien Berlan.
Re : Maisons du Landsraad
(en ajout de cette liste des Maisons nobles de l'univers de Dune)
Je vois qu'en plus du vieux jeu Dune d'Avalo Hill qui est réédité, il y a un nouveau jeu plus moderne avec deckbuilding et placement d'ouvriers, Dune: Imperium.
Dans le vieux Dune, c'était plus adapté à un format comme Diplomacy (mais avec asymétrie entre les camps) et on joue soit les Harkonnens, les Atréides, les Fremens, la Guilde, l'Empereur, les Bene Gesserit (ou les Tleilaxu dans des extensions). Dans Dune: Imperium, on joue moins de factions, entre 1 et 4 Maisons mais on peut s'allier avec les autres groupes. Les 4 Maisons sont les Atréides, les Harkonnens, les Richese (rivaux d'Ix / Vernius) et une Maison que je ne connaissais pas, qui vient des épilogues ou paralipomènes de K. Anderson et l'héritier Herbert, la Maison Thorvald.
lundi 26 octobre 2020
Len Lakofka (1944-2020)
Via Imaginos, Lenard Lakofka fut l'un des premiers joueurs de D&D (et son personnage, le magicien Leomund, a laissé son nom à des sortilèges) et un des premiers co-auteurs à pouvoir développer sa part du monde de Greyhawk, les îles de Lendore, le dieu du Temps et de l'Ennui. J'avais décrit un peu de sa campagne (1e partie).
jeudi 22 octobre 2020
Nul n'est prophète dans sa propre tête
Elias donnait une formulation intéressante des religions "positives" instituées par Joseph Joubert en parodiant l'argument d'impossibilité d'un langage logiquement privé : tout fidèle reçoit nécessairement sa foi de l'extérieur (par des critères susceptibles d'être rendus publics) et même tout prophète ne peut fonder sa prophétie que sur la foi de ses croyants. Comme disait Putnam dans son célèbre article sur l'externalisme (ou "socialisme") sémantique : "Cut the pie any way you like, meaning just ain't in the head".
Joubert a des arguments assez ironiques et provocateurs sur la religion, affichant plus encore que Montaigne une forme de scepticisme compatible avec un fidéisme, un pragmatisme feignant le pari pascalien fait pour vexer à la fois le dévot et le libre-penseur.
S'il n'est pas nécessaire de croire tout ce que les religions enseignent, il serait beau, du moins, de faire tout ce qu'elles prescrivent. Toutes les religions sont bonnes ; la meilleure pour chaque homme est celle qu'il a. — Il faut chercher par tous les moyens possibles à se la persuader, et à s'en convaincre ; cela importe à nous, à nos familles, à nos voisins, et au genre humain. I1 est nécessaire d'y croire; il ne l'est pas qu'elle soit vraie. — Toute religion est toujours d'une vérité suffisante pour faire mieux que si on ne l'avait pas. — Ce n'est pas la vérité de ce qui est l'objet de la foi, mais la nécessité de croire qu'il faut démontrer... Dieu ne nous doit point la vérité, qui est son partage; il ne nous doit que la persuasion, qui nous suffit. — Il suffit que la religion soit la religion, il n'est pas nécessaire qu'elle soit vérité. Il y a des choses qui ne sont bonnes que lorsqu'elles sont vraies. Il y en a d'autres qui, pour être bonnes, n'ont besoin que d'être pensées. — Qu'importe la vérité historique, où est la vérité morale ! — La vérité ? oui, la vérité qui sert à être bon, mais non pas la vérité qui ne sert à être savant. — Je crois (philosophiquement parlant, c'est- à-dire abstraction faite de toute autorité, et en préférant l'expérience qu'on a à celle qu'on n'a pas) que la religion est encore plus nécessaire à cette vie qu'à l'autre." (cité par Paul Masson, La religion de Jean-Jacques Rousseau, 1928, p. 302)
Lien social
L'argument de Joubert sur la définition constitutive de la religion inverse par avance un argument favori de l'athée Richard Dawkins.
Dawkins dit souvent que la "preuve" triviale de la fausseté des religions instituées est qu'une forte majorité des croyants (non-convertis) n'ont fait que reprendre la religion du groupe où ils étaient socialisés (il répète souvent aux fondamentalistes "Vous auriez adoré Thor il y a quelques siècles" et cela sonne comme une sorte de réduction à l'absurde dans sa bouche). Une religion "révélée" est un fait empirique et contingent qui prétend ne pas l'être (et qui peut confondre dans son écriture des traits contingents de telle époque avec une caractéristique éternelle et nécessaire de toute humanité comme telle religion qui professe que ses Saintes écritures seraient incréées ou co-éternelles à Dieu, tout en ne faisant référence qu'à des préjugés, un style, des coutumes ou des anecdotes singulières de l'époque de sa "récitation" par l'Ange Messager).
Mais Joubert transforme ce fait de contingence en la nécessité de cette facticité (comme dirait Quentin Meillassoux). On pourrait y voir (en exagérant sans doute) un argument transcendantal, c'est-à-dire remontant à une condition de possibilité de ce fait, l'origine de la religion comme nécessité d'une intersubjectivité constitutive. Et, comme dit Elias, cela implique l'impossibilité d'une religion logiquement privée en notre époque libérale de "privatisation" (ou communautarisation) du fait religieux. Cette intersubjectivité inévitable du fait religieux rappelle le théologico-politique contre la neutralisation du champ politique (et l'extension de la sphère économique).
Le mystère du dogme ne peut être fondé sur la raison ou même sur une intuition subjective d'un individu élu parce qu'il présuppose aussi une doxa d'une communauté qui donnerait son sens à ce secret "à ne pas communiquer". Pour utiliser le plus de jargon grec possible : pas de gnose du myste pneumatique sans la doxa des profanes hyliques et sans leurs rites.
Mysticisme & monadologie
Le mysticisme peut chercher à contrer cela dans une relation de couple-solipsiste du Je et du Tu.
Même en dehors du Mysticisme individuel, on peut retrouver cela dans des églises. Certains Quakers, radicalisant l'idée protestante de l'examen de conscience subjective, iront jusqu'à refuser une liste de dogmes ou la moindre facticité empirique pour que chaque sujet ne soit directement confronté qu'à l'Esprit saint, à l'expérience de "sa" révélation (d'où l'expérience de ce mystère faisant trembler des Quakers) et non aux pierres apostoliques comme ruines de l'assemblée des fidèles (c'est le courant qu'on appelle aux USA "unitarisme universaliste"). Cela donne donc une forme de religion avec un contenu dogmatique très réduit à ce refus de le refermer (ce qui pourrait contredire la définition durkheimienne d'une religion comme une communauté séparant des croyances obligatoires).
Thérèse d'Avila a une relation complexe avec ce couple-solipsiste du Moi et du Tu. Si le Moi n'est rien, il s'agit de s'anéantir en Dieu, de ne se connaître que comme kénose de l'être plein, Moi comme Non-Dieu dans la solitude, mais aussi de prendre conscience de l'Amour divin (qui dépasse l'être et est donc inconnaissable en tant que tel, même notre propre Amour envers Dieu) à partir de l'amour envers son Prochain, envers la Créature, qui demeure donc essentiel comme degré pour accéder au Créateur.
Cependant, le thème principal demeure celui de la méditation esseulée. Thérèse d'Avila écrit dans son Libro de la vida, 1588, XIII, 9 « [L'âme] ne doit prendre soin que d'elle-même, et rien ne lui peut être plus utile que de se considérer seule dans le monde avec Dieu seul» (sólo tener cuidado de sí sola, y hacer cuenta que no hay en la tierra sino Dios y ella).
Leibniz aime citer ce passage comme un analogue de sa propre monadologie ou de l'entr'expression sans fenêtre, par harmonie préétablie (Cf. lettre à A. Morell, 10 décembre 1696 : «Quant à Sainte Thérèse, vous avez raison d'en estimer les ouvrages. J'y trouvai un jour cette belle pensée que l'Âme doit concevoir les choses comme s'il n'y avait que Dieu et elle au monde. Ce qui donne même une réflexion considérable en philosophie, que j'ai employé utilement dans une de mes hypothèses.», Textes inédits, édités par Grua, p. 103).
La monadologie leibnizienne est une tension qu'on peut toujours formuler comme contradictoire en apparence. Tout est simple mais tout est relié. Tout est relation mais tout est intériorité repliée sur soi. Tout est immanent mais ces intériorités sont connectées par un seul être transcendant. Chaque être simple est individuel, isolé de fait comme une cellule abyssale mais nul être n'est une île isolable de tous les autres du point de vue surplombant tous ces replis infinis. Chaque sujet reflète tous les autres sujets à condition que cela ne repose que sur la coordination des relations en un seul sujet, l'entendement divin. Loin que ce soit la religion qui reflète autrui, c'est le lien avec autrui qui a pour fondement une simplicité absolue.
La relation sans la religion
La modernité recherche une monadologie sans Dieu (point commun entre le perspectivisme de Nietzsche, la construction phénoméniste de Russell ou la phénoménologie de Husserl) et Feuerbach revient (en un sens assez différent de Buber et Lévinas) vers cette idée que la religion serait fondée sur ce rapport du Je et du Tu dans son livre Philosophie de l'avenir (1843, §32 - dont j'ai parlé il y a 11 ans) puisque la religion consisterait à hypostasier le rapport au Tu au lieu de mettre au centre cette relation (et même comme fondamentalement un rapport physique et sensible et non pas seulement intellectuel : le Moi n'est qu'entendement, activité ou rapport théorique au monde, le Tu est amour, affection et rapport pratique et ce n'est que par l'affection dans la sensibilité que le moi se dépasse dans le dialogue). La vérité de la religion est l'éthique (Joubert le dit aussi, en insistant plus sur les œuvres que sur la foi plus haut) et ce serait un point commun de la pensée critique entre Kant et Feuerbach si Kant ne se méfiait pas tant des déterminismes de la sensibilité et si Feuerbach n'insistait pas tant à inverser l'idéalisme allemand vers l'épicurisme des Lumières.
Religion naturelle et religion sociale
Le déisme de la religion naturelle est la volonté de déprendre une partie du contenu de la croyance de cette relation intersubjective de la religion révélée "positive", en une pure relation avec le monde et non plus avec la société.
C'est la querelle théologique entre deux Îles Désertes, entre "La Vie de Vivant Fils de l'Eveillé" (Philosophus Autodidactus) d'Ibn Tufayl (Aboubacer) et sa réponse, Le Traité de Kāmil (Theologus Autodidactus) d'Ibn al-Nafis.
Le premier invente le thème de l'enfant abandonné sur une Île Déserte pour se demander ce que le sujet peut connaître de Dieu par le pur raisonnement ou l'expérience, par auto-constitution (la traduction de ce livre serait même connue des premiers empiristes britanniques). Le Philosophe a trouvé la vérité par lui-même et la religion révélée n'est citée que comme bonne pour les masses qui n'ont pas eu toute la rigueur pour s'en passer (et c'est une lecture commune de l'averroïsme comme tentative de concilier la philosophie païenne avec la Création monothéiste). Le héros se retirera même pour fuir les persécutions des dévots.
Le second insiste au contraire sur la part qui ne peut relever justement que de la nécessité de la rencontre avec autrui et de ce qu'on pourrait appeler une intuition par ouï-dire par le texte du Livre révélé qui ne pourrait pas être complètement engendré par la connaissance naturelle : privilège de la connaissance du Premier Genre, des idées inadéquates ou de l'imagination sur celles des autres Genres des philosophes. Ce livre utilise aussi une asymétrie dans le temps : le savant peut induire à partir du passé observé mais il faudrait une donation exceptionnelle pour avoir l'intuition de ce qui échapperait à l'induction (ici, d'ailleurs, la Fin du Monde plus encore que l'idée de Création). Le ton apocalyptique de la Révélation ne serait donc pas qu'une caractéristique optionnelle de telle religion messianique mais l'élément essentiel qui ne peut pas reposer sur la connaissance naturelle (alors que notre propre ton "apocalyptique" est bien plus désespérant en ne se fondant que sur une froide induction et en ne laissant donc aucune place à ce qui pourrait prévenir la catastrophe annoncée).
La foi voit dans la religion naturelle un fragment minimal insuffisant, un fantôme abstrait alors que la raison ne voit dans la religion révélée qu'un ajout accidentel et populaire, une idole pour ceux qui n'arriveraient pas à s'élever à cette illumination purement intellectuelle.
Ces deux enfants des Îles désertes ont une caractéristique qui est de se former peu à peu comme adulte sans vivre l'expérience réelle de l'enfance désarmée. De ce point de vue, on pourrait presque opposer ces enfants sauvages à l'expérience de pensée de Donald Davidson (dans "Knowing One's Mind", 1987, repris dans Subjective, Intersubjective, Objective, 2001) dite de "l'Homme du Marais" (Swampman). Pour Davidson, une difficulté du matérialisme est que si un hasard miraculeux créait un double indiscernable physiquement de vous mais sans aucun passé, on ne pourrait pas dire qu'il pourrait penser quoi que ce soit du tout au début et en tout cas pas la même chose que vous (car ses connexions neuronales n'auraient aucun lien causal avec la moindre expérience ou fait social). Ces enfants, au contraire, auraient plutôt l'intelligence innocente d'Adam créé adulte (comme dit Hume) et ils arriveraient à penser mieux que nous en ayant mieux fondé leurs connexions à l'expérience sans aucun fait social, alors que notre intelligence aurait été déformée par toutes les idoles de la caverne inculquées depuis l'enfance.
Le fait de la pluralité
Le modus ponens de Dawkins plus haut peut aussi être un modus tollens. Pour Dawkins, si Dieu existait, la pluralité des religions et leur évolution historique au gré des modes serait à expliquer puisque si on imaginait qu'une religion soit vraie, il faudrait expliquer pourquoi elle serait si minoritaire. La probabilité que je sois né comme par hasard dans la vraie religion serait trop faible pour que je puisse la prendre au sérieux.
Thomas More se demandait dans l'Utopie si le fait que les religions soient plurielles et que Dieu n'ait pas voulu l'abolir ne devait pas être admis par chaque croyant comme un signe de Dieu qu'il voulait ce pluralisme. (Et là encore, Joubert a pu s'approcher de la même idée)
L'argument ne se sert pas seulement ici du libre arbitre des créatures (Dieu n'interviendrait pas pour nous laisser notre liberté, il laisserait faire notre ignorance pour ne pas nous contraindre) mais bien d'une intention active du créateur qui voudrait en quelque sorte "ressentir" son unicité diffractée par la sensibilité individuelle de ses créatures. La vérité de l'Un désirerait se ressaisir dans le multiple. La pluralité des consciences, et non pas seulement l'Espace absolu de Newton serait le sensorium Dei. Ce scandale de la pluralité, cette chute dans la diversité des hérésies serait alors une part de l'itinéraire de la conscience divine pour se connaître et sortir de son unité absolue, ce qui commence à sonner très hégélien sans qu'on sache vraiment vers quelle finalité devrait aller cette pluralité irréductible.
(On remarque un rapprochement possible avec la décevante "ontologie fondamentale" d'un certain Nazi que je n'ose citer pour qui la différence entre l'être et l'étant qui ne cesse d'être répétée n'est finalement plus guère que l'histoire des différentes manières dont l'être "se révèle en se voilant" sous l'étant : tout ce qu'on peut dire de l'être ne serait que l'histoire de son oubli.)
La patrie terrestre et le législateur exilé
Le proverbe cité par Jésus ("Nul n'est prophète dans sa patrie", Luc 4:24 : Matthieu 13:57; Marc 6:4 ; Jean 4:44) ) semblait seulement signifier que les Nazaréens ne le prenaient pas au sérieux car il n'était qu'un mortel fils du charpentier parce qu'il leur est trop familier (ses compatriotes s'étonnent et disent "Mais c'est le fils de Joseph", il est mortel car il est né quelque part de quelqu'un alors que l'incarnation consistera à refuser que son origine de descendant de David ait quoi que ce soit à voir avec son père "adoptif"). Par la suite, la phrase prendra aussi un sens plus "paulinien" où il aurait en fait prédit ironiquement qu'il devra universaliser la Bonne nouvelle non seulement au-delà des Nazaréens mais au-delà de la seule communauté juive.
Mais on pourrait aussi y donner un sens plus proche de Joubert : nul n'est prophète chez soi car il faut une extériorité, une fondation externe pour qu'une autorité puisse devenir du Sacré et il faut un Messager venu du dehors, comme Jonas à Ninive (ou Moïse, si on suit Freud, ou Paul Muad'dib chez les Fremen). Les mortels n'extériorisent le divin que s'ils n'ont pas l'occasion de voir de trop près la contingence de sa naissance, de sa famille mortelle. On dit qu'en Corée du Nord, la doctrine Juche enseigne très sérieusement dans son culte de la personnalité une sorte d'Incarnation divine pour fonder la Nécrocratie où le second leader éternel Kim Jong-il n'a pas pu avoir de naissance humaine et où il faut donc gommer toute véracité historique sur sa naissance en URSS.
Quand on n'appartient pas à telle religion instituée, on est toujours choqué que les fidèles de cette religion acceptent si facilement ces traits contingents tribalistes de tel "clan" qui deviennent ensuite plus métaphoriques quand la religion s'étend sans perdre pour autant une part de provincialisme exotique.
Espèces ET & D&D dans l'espace
TSR a tenté dans son histoire plusieurs jeux de SF. Le premier fut Star Frontiers (1982) qui avaient les espèces principales suivantes :
(1) Dralasites : amibes gris et sans forme, maladroits mais résistants
(2) Vrusks : arthropoïdes (leur torse ressemblerait à celui d'une grande fourmi mais posé sur 8 pattes) rationnels et ploutocrates. Il est rafraichissant d'avoir un jeu de sf où des insectoïdes ne sont pas qu'une race de "Bugs" envahisseurs.
(3) Yaziriens : mammifères ressemblant à des primates minces ou plutôt à de grands écureuils volants nocturnes, très agiles. Ils doivent porter des lunettes en permanence face aux lumières vives. Une de leurs coutumes est de se choisir individuellement un ennemi qu'ils se consacreront à combattre pendant toute leur vie.
Avec les Humains, la Fédération des Planètes Unies luttait contre les Sathars qui ressemblaient à des Vers intelligents.
16 ans plus tard, TSR essaya un second jeu de sf générique, Alternity (1998). Le premier univers de space opera (baptisé Star*Drive) était assez humanocentrique mais avait quand même aussi des espèces intelligentes :
(1) Fraals : les Petits Gris de l'Ufologie, nomades spatiaux et télépathes, plus avancés et plus intelligents que les Humains, physiquement fragiles.
(2) Mechalus (aussi appelés Aleerins) : espèce de cyborgs.
(3) Sesheyan : ressemblant à de grands chiroptères ou des gargouilles, moins avancés technologiquement, ils peuvent voler.
(4) T'sa : petits reptiliens technophiles, agiles.
(5) Werens : grands hommes-bêtes comme le Sasquatch et avec de grands crocs (qui jouent donc le même rôle de Wookie que les Yaziriens).
Par la suite, TSR/Wizards of the Coast a édité d20 Future (2004) qui adaptait les règles de D&D3 (d20 Modern) pour la sf et incorporait toutes les 8 espèces de Star Frontiers & Star*Drive. Ils proposaient plusieurs cadres dont Star*Drive ou bien "Star Law" où on jouait une police de l'espace pour Les Frontières Unies.
Depuis 2017, Paizo a créé un jeu de "Space Fantasy" qui est littéralement leur version de D&D3 dans l'espace, Starfinder.
On est dans le futur de leur univers de Pathfinder, dans le même système solaire qui a été colonisé et terraformé par de Grands Anciens si bien que quasiment *toutes* les planètes sont habitables (il y a même des colonies d'adorateurs du soleil à la surface de l'astre). Les Dieux de Pathfinder existent toujours (même si certains ont changé, notamment un Dieu-IA, Triune, qui a une importance singulière puisque c'est lui qui a créé le seul moyen d'aller plus vite que la lumière et l'exploration interstellaire vient à peine de commencer) et la Magie est toujours là (mais sous une forme un peu plus faible que dans la fantasy standard comme les sortilèges sont limités au Niveau 6). Golarion, la planète de Pathfinder, a mystérieusement disparu et il y a eu un événement cosmique mystérieux, une anomalie temporelle ("The Gap", la Lacune) qui a effacé les souvenirs de ce qui s'est passé. Dans des systèmes proches se trouve un Empire agressif qui est dirigé par des Humains (oui, cela a donc l'originalité de faire d'un groupe humain l'espèce hostile du jeu, même s'il y a aussi de nombreux Humains dans le système de Golarion).
Si Starfinder est du Pathfinder dans l'espace, ils ont en revanche décidé de réduire la place des espèces habituelles de la fantasy (Nains, Elfes, etc.) qui n'existent plus que sous forme de quelques enclaves. En plus des Humains et des Androïdes, les espèces ET jouables par défaut dans le système sont cinq :
(1) Les Kasathas : Des êtres gris au grand crâne oblongue et à quatre bras. Ils ont immigré d'un autre système (d'une planète désertique) et vivent dans un Vaisseau-Monde entre la 4e planète et la ceinture d'astéroïdes. Traditionnalistes, mystiques et martiaux. Un mélange des Martiens Verts de Barsoom et de Fremen ou de Klingons.
(2) Les Lashuntas : Humanoïdes avec de grandes antennes (qui leur donnent un pouvoir télépathiques). Ils ont un dimorphisme entre deux sous-espèces, soit combattifs mais impulsifs, soit intellectuels mais plus fragiles. Ils viennent de Castrovel, la 2e planète du système (l'équivalent de la Venus des Pulps, pleine de jungles, d'Elfes et de Fourmis intelligentes).
(3) Les Shirrens : Insectoïdes /humanoïdes qui ont rompu avec un Essaim collectiviste et qui sont devenus par réaction individualistes et plutôt pacifistes. Ils se sont répandus dans tout le système, notamment Verces (la 4e planète) et forment parmi les fondateurs influents du "Pacte", la Confédération qui unifie presque tout le système.
(4) Les Vesks : Sauriens massifs et martiaux. Ils viennent du système voisin, le "Veskarium", où ils ont conquis tous les autres mondes. Mais après des années de guerre contre le Pacte, ils viennent de signer un traité contre un ennemi commun (hé, oui, encore des Insectoïdes, baille...). Encore des Klingons, en somme.
(5) Les Ysokis : de petits hommes-rats de la 3e planète du système.
Certaines de ces espèces peuvent aussi évoquer celles du jeu de rôle français Oreste (les Solariens pourraient un peu être des Fraals avec un peu de Lashuntas, les Déchus ressembleraient plus aux Aleerins / Mechalus, les Khrones évoqueraient légèrement les Kasathas ou les Vesks... ).