lundi 25 février 2019

Deux Mondes partagés de Jean-Luc Istin


La bande-dessinée des Maîtres Inquisiteurs (11 volumes parus depuis 2015) est une série avec un "univers partagé" chez Soleil. Le scénariste principal ou directeur de la collection derrière le travail éditorial est Jean-Luc Istin mais les auteurs et dessinateurs sont en "rotation". Il a écrit directement les volumes 3 (avec Augustin Popescu), 6 (avec Stefano Martino) et 9 (avec Vladimir Krstić dit "Laci") mais en variant donc à chaque fois les artistes. Il y a eu trois autres scénaristes, Olivier Peru, Nicolas Jarry et Cordurié (Sylvain Cordurié fut aussi avant de devenir scénariste un illustrateur chez Oriflam, notamment sur la série Hawkmoon) et un quatrième, Jean-Charles Gaudin, récemment. 

Jean-Luc Istin avait déjà utilisé un principe similaire d'univers partagé avec auteurs en rotation pour une autre gamme d'heroic fantasy (22 volumes parus depuis 2013), les séries Elfes et Nains (plus Orcs), si ce n'est que les 5 duos d'auteurs sont plus rigides dans ces "séries-concepts".  Jean-Luc Istin ne scénarise que les volumes sur les Elfes bleus de la Mer, les 1, 6, 11, 16, 21, mais toujours avec le même artiste, l'espagnol Kyko Duarte. Les Elfes et Nains aussi ont une intrigue continue mais on peut presque au début suivre les BD des auteurs séparément alors que ce serait moins facile pour la série des Maîtres Inquisiteurs puisque les épisodes sont groupés en 6 épisodes avec un "finale" (qu'ils appellent un "épilogue") de chaque saison qui regroupe les personnages introduits dans les précédents. 

Les "Maîtres Inquisiteurs" sont une série parodiant les romans policiers. Ce sont des Mages "Juges" et chaque Maître a un pouvoir magique unique et individuel (se multiplier, téléportation, etc.) en plus de quelques capacités mentales générales comme une certaine dose de télépathie (pour pouvoir communiquer avec les dirigeants de leur Ordre avec un peu de méditation). Cela donne donc clairement (un peu comme dans le manga Fairy Tail) un aspect superhéros, et plus précisément un côté X-Men avec l'Académie qui forme ces Maîtres Inquisiteurs. 

Chaque Maître porte aussi une épée magique (l'épée de justice) qui peut servir de détecteur de vérité (elle ne coupe sa cible que si elle est innocente de ce dont le Maître l'accuse, mais encore faut-il que la cible accepte de passer cette ordalie). 

Quand la Guerre entre les Nations dévasta tout le continent, les Magiciens en eurent assez d'alimenter le conflit et prirent le pouvoir pour contraindre à la paix, en imposant un pouvoir bicéphale, un couple d'un Empereur et d'une Impératrice qu'ils avaient formés eux-mêmes pour devenir les deux monarques parfaits des deux moitiés.

Le traité de paix avec les Elfes décidait que les Maîtres seraient toujours accompagnés d'un Eclaireur elfe qui lui servirait à la fois de "Limier" pour l'enquête et de garde du corps (les Elfes sont d'une grande agilité et ont des capacités de perception extraordinaires mais sans les capacités magiques des Maîtres). Le cliché des séries américaines du Buddy Cop Movie (film de flics copains) est renforcé par la dualité Humains-Elfes (déjà utilisée d'ailleurs dans la série des Elfes bleus mais de manière inversée car c'était l'Elfe la magicienne et l'Humain l'éclaireur) et le duo peut aller de la simple collaboration, à l'amitié ou à la relation amoureuse.

(Istin réutilise très souvent le thème du couple Humain-Elfe et il a une autre série non-partagée, uchronie de fantasy historique, Le Sang du Dragon (12 volumes depuis 2005), où le héros Hannibal Meriadec est un pirate breton de 1707 qui lutte contre les pouvoirs terrestres de Louis XIV ou des autres Puissances avec l'aide d'Elween, une magicienne elfe immortelle d'une île féerique près du Mont Saint-Michel. )

Les Maîtres Inquisiteurs sont considérés comme une "Police fédérale" qui l'emporterait sur la juridiction des différents royaumes des deux Empires mais les Maisons locales se méfient de ce pouvoir "judiciaire" et magique central. 

Sans gâcher l'intrigue continue, un des secrets qui est révélé progressivement dans la première "Saison" est que la Magie en ce monde est lié au désordre. La Magie était donc bien plus forte pendant la Guerre du Chaos et elle est en déclin à chaque fois que les Maîtres Inquisiteurs réussissent à pacifier le continent. Le paradoxe est donc qu'ils affaiblissent leurs propres pouvoirs quand ils "réussissent", ce qui rend leur cause d'autant plus noble mais assez contradictoire. 

L'univers de la série Elfes est assez classiquement donjonnesque (sans doute inspiré aussi par DragonLance, et l'invasion actuelle de Morts-Vivants fait très Game of Thrones) mais la série des Maîtres Inquisiteurs me paraît plus originale même s'il n'est pas facile d'écrire des histoires policières avec de la magie qui risque toujours d'ajouter un peu d'arbitraire. 

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